• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LE CANCER DU SEIN

3. Traitement par chimiothérapie néoadjuvante

3.5. Importance du phénotype tumoral

clinique complète (RCC), autorisant une conservation mammaire dans 60 à 80 % des cas. Le taux de réponse complète histologique est de l’ordre de 10 à 15% [38, 57, 62].

Neuf essais randomisés, ayant comparé une chimiothérapie néo-adjuvante suivie d’un traitement locorégional (chirurgie et/ou radiothérapie) à un traitement locorégional suivi d’une chimiothérapie adjuvante, sont recensés dans une méta-analyse publiée en 2005 par Mauri et al. [63]. Cette dernière regroupe les données de 3946 patientes. Les objectifs principaux sont la comparaison des taux de survie globale, de survie sans récidive locorégionale ou à distance. Les objectifs secondaires sont les taux de réponse clinique complète, de réponse histologique complète et de chirurgie conservatrice. Aucun bénéfice significatif en terme de survie globale n’est mis en évidence: le bénéfice initialement observé après un suivi de 5 ans dans les essais de Scholl et al. [64] et Mauriac et al. [65] disparait après réactualisation des résultats et un suivi plus long de 10 ans [66]. Cinq essais randomisés sur les neuf de cette méta-analyse ont confirmé une augmentation significative de la conservation mammaire dans le bras neoadjuvant avec un taux variant de 22 à 89% suivant les études. Mais il a également été montré que ce bras neoadjuvant est associé à une augmentation statistiquement significative des récidives locorégionales (RR=1.22, 95%, CI =1.04 à 1.43).

Le NSABPB-18 (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project Operations and Biostatistical Centers) a réalisé une vaste étude prospective incluant 1523 patientes afin de comparer l’administration en neoadjuvant ou en adjuvant d’un schéma de chimiothérapie avec 4 cycles de doxorubicine et cyclophosphamides [67]. Le taux de réponse clinique complète était de 36% et le taux de réponse histologique complète (pCR) de 13%. L’ajout des taxanes au schéma précédemment cité, en neoadjuvant, permet d’augmenter significativement le taux de RCC à 60% et le taux de pCR à 26% (p<0.001) [51, 68]. Il est également mis en évidence une augmentation significative du taux de récidives locorégionales chez les patientes traitées par chirurgie conservatrice après chimiothérapie néoadjuvante alors qu’initialement une mastectomie était indiquée. La pCR est associée à une amélioration de la survie globale et sans récidive.

3.5. Importance du phénotype tumoral

La probabilité d’obtenir une réponse histologique complète à l’issue du traitement neoadjuvant est fortement influencée par le phénotype tumoral. Tumeurs luminales, HER2

34 positives ou triple négatives sont 3 situations pour lesquelles la probabilité de pCR et sa signification pronostique sont différentes (figure 7).

3.5.1. Le phénotype HER2 positif

En combinaison avec la chimiothérapie, le trastuzumab prolonge significativement la survie des patientes porteuses d’un cancer sur-exprimant HER2, métastatique ou non [69, 70]. En situation néo-adjuvante, les études retrouvent un taux important de réponse histologique complète, allant de 12 à 54% selon la chimiothérapie associée au trastuzumab. Dans l’étude de Coudert et al, 33 patientes opérables d’emblée et sur-exprimant HER2 ont reçu 6 cures de chimiothérapie néo-adjuvante associant du docetaxel (100mg/m2 toutes les 3 semaines) au trastuzumab hebdomadaire pendant 18 semaines [71]. Une réponse histologique complète a été obtenue chez 54% des patientes. Dans l’étude NOAH (Neoadjuvant Herceptin) de Gianni et al., conduite de 2007 à 2010 sur 228 patientes avec une tumeur HER2+, le taux de pCR était très nettement amélioré par l’ajout de trastuzumab à une chimiothérapie néo-adjuvante associant doxorubicine et docetaxel [72]. Le taux de pCR était de 43% dans le bras avec Trastuzumab contre 23% dans le bras sans trastuzumab (p=0.002). De même la survie sans progression était améliorée (Hasard ratio = 0.59, IC 95%= [0.38 – 0.90], p= 0.013). Cette étude soulevait cependant la problématique de la toxicité cardiaque de l’association trastuzumab-anthracyclines.

Plusieurs études récentes, dont celle de Baselga et al., ont montré que le trastuzumab pouvait être remplacé par du lapatinib, une autre thérapie anti-HER2 inhibant la tyrosine kinase, avec des résultats comparables en terme de pCR (29% dans le groupe de patientes traitées par trastuzumab, versus 24% dans le groupe traité par lapatinib) [73]. L’association de trastuzumab et de lapatinib induit une augmentation très significative du taux de pCR à 51%.

Cependant, lorsqu’elle est combinée à une chimiothérapie néoadjuvante classique, cette double association trastuzumab-lapatinib semble moins efficace en termes d’augmentation de la pCR [74]. L’impact sur la survie n’a pas encore été évalué.

L’association du pertuzumab, un anticorps monoclonal bloquant la dimérisation de HER2, avec du trastuzumab semble également très prometteuse pour augmenter le taux de pCR, avec une incidence de dysfonction ventriculaire gauche symptomatique qui reste faible [75].

35 En somme, si la surexpression de HER2 par la tumeur mammaire est un facteur pronostique péjoratif, la prise en charge a été profondément modifiée par l’arrivée du trastuzumab. Ce dernier, associé aux chimiothérapies néo-adjuvantes habituelles, a permis d’obtenir une augmentation très significative du taux de réponse complète histologique et de la survie.

3.5.2. Le phénotype triple négatif

Il est caractérisé par une grande agressivité clinique, avec un pronostic inférieur à celui des cancers HER2 positifs non traités par trastuzumab [23]. Cependant, en situation néo-adjuvante, plusieurs auteurs ont montré que ce phénotype est prédictif d'une bonne réponse histologique tumorale avec un taux élevé de pCR: cette constatation a été décrite comme "le paradoxe triple négatif." [59, 61, 76, 77]. Le pronostic des patientes qui obtiennent une pCR est excellent, avec moins de 10 % de récidives à 5 ans, équivalent à celui des patientes également en réponse complète mais présentant un autre sous-type tumoral. A l’inverse, les patients avec une tumeur triple négative qui n’obtiennent pas de pCR à l’issue du traitement neoadjuvant ont un pronostic beaucoup plus sombre [59, 61, 76, 77].

Dans une méta-analyse récente, parmi 911 patientes avec une tumeur triple négative, traitées par une chimiothérapie néoadjuvante (taxanes et anthracyclines), un taux de pCR de 36% était observé (ypT0ypN0). Les patientes sans pCR avaient un risque 6 fois plus élevé de récidive (95 % CI : 3.92-9.25) et une mortalité 12 fois plus élevée (95 % CI : 5.82-26.49) [59]. Ces résultats soulignent l’importance de maximiser le taux de pCR pour les patientes avec une tumeur triple négative. L’ajout de bevacizumab ou de carboplatine au schéma classique de chimiothérapie (paclitaxel, doxorubicine et cyclophosphamides) permet d’augmenter très significativement le taux de réponse histologique complète de la tumeur primitive [78]. Cependant, une méta-analyse récente a montré que l’ajout de bevacizumab, en situation néo-adjuvante comme en situation métastatique, ne semble au final pas améliorer la survie globale des patients [79].

3.5.3. Le phénotype luminal

L’intérêt de la chimiothérapie néo-adjuvante pour les patientes dont le phénotype tumoral est de type luminal/HER2 négatif est controversé.

Bien qu’il s’agisse d’un phénotype de relativement bon pronostic, l’obtention d’une pCR en fin de traitement est en effet plus rare, traduisant sa moindre chimiosensibilité [19, 20]. De plus, dans la méta-analyse de Von-Minckwitz et al, publiée en 2012 et ayant inclus

36 6377 patientes, la valeur pronostique de la pCR n’a pas été mise en évidence pour les tumeurs luminales A [59]. Néanmoins, une proportion significative de ces patientes va présenter une réponse tumorale suffisante pour envisager un geste chirurgical conservateur du sein [80]. Il semble donc que l’objectif premier de la CNA dans ce sous-groupe soit plus l’obtention d’une réponse tumorale suffisante pour proposer une chirurgie conservatrice, que l’obtention d’une pCR.

Comme décrit précédemment, les tumeurs luminales A et B se distinguent par leur caractéristiques prolifératives. Les tumeurs luminales B, plus agressives, présentent une chimiosensibilité et une fréquence de réponse histologique complète supérieure aux tumeurs luminales A [8, 9]. Une étude de Cheang et al. a suggéré d’utiliser un seuil d’expression tumoral de Ki-67 à 13.25% pour distinguer ces 2 types de tumeurs luminales [22].

Cependant, Lips et al ont montré qu’aucun des biomarqueurs actuels ne permet de prédire de manière suffisamment fiable l’absence de réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante des tumeurs luminales, y compris l’expression de Ki-67 [80]. Il est donc très difficile de prévoir initialement quelles patientes avec un phénotype tumoral luminal vont tirer bénéfice de la CNA.

Figure 7 : taux de pCR (ypT0/is ypN0) en fonction du phénotype tumoral. Résultats de la méta-analyse de Von Minckwitz et al. de 2012 [59].