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Comme nous avons pu le voir, du fait de ses projections vers les structures limbiques et émotionnelles et de son implication dans la régulation des processus motivationnels et décisionnels, le système DAergique mésocorticolimbique a rapidement été placé au premier rang des suspects sous-tendant l’apparition des troubles neuropsychiatriques. Yves Agid fut l’un des premiers à impliquer la dégénérescence de ce système dans les troubles comportementaux parkinsoniens (Agid et al., 1984). Pour lui, une dénervation DAergique du système limbique serait probablement à l’origine des troubles comportementaux observés dans la MP, et notamment de l’apathie et de la dépression (Agid et al., 1984).

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Cette hypothèse impliquant la DA limbique dans l’apparition des troubles psycho-comportementaux de la MP fut notamment étayée par l’étude anatomo-histopathologique de Torack et Morris (1988), qui révéla une forte association entre la perte de neurones DAergiques de l’ATV et la présence d’un état dépressif chez des sujets parkinsoniens (voir également la revue de Blonder & Slevin, 2011). Il est intéressant de noter que des observations similaires ont pu être faites entre la présence de dépression dans la MP et la perte de neurones dans le noyau dorsal du raphé (Paulus & Jellinger, 1991) ou dans le locus coeruleus (Chan-Palay & Asan, 1989). De plus, il semblerait que les patients parkinsoniens soient moins sensibles aux effets psychostimulants du méthylphénidate, allant dans le sens d’un dysfonctionnement des circuits DAergiques mésocorticolimbiques (Cantello et al., 1989; Persico & Catalano, 1998). L’étude de Cantello en 1989, est à ce titre des plus intéressantes, car l’atténuation de l’effet psychotrope du méthylphénidate est retrouvée spécifiquement chez des patients parkinsoniens présentant des symptômes dépressifs majeurs.

Les études d’imagerie TEP ont permis d’aller plus en avant dans la compréhension des systèmes neurobiologiques impliqués dans l’expression de ces troubles neuropsychiatriques chez les patients parkinsoniens. L’étude de Rémy et coll. (2005) a notamment comparé la fixation du radiotraceur [11C] RTI-32, un marqueur in vivo des transporteurs de la DA et de la NA, chez des patients parkinsoniens dépressifs et non-dépressifs. Cette étude révèle une diminution de la fixation du traceur chez les patients déprimés dans le locus coeruleus, le thalamus médian, l’amygdale droite et le striatum ventral gauche (Remy et al., 2005) (Fig. 55). Ces observations impliquent ainsi le système noradrénergique mais également le système DAergique dans la survenue de la dépression chez ces patients parkinsoniens. Cette étude révèle également que la fixation de [11C] RTI-32 dans le striatum ventral est négativement corrélée à la sévérité des symptômes apathiques chez les patients parkinsoniens dépressifs étudiés (Fig. 56), impliquant ainsi plus spécifiquement le système mésocorticolimbique dans la survenue de ce trouble. Enfin, la sévérité de l’anxiété est négativement corrélée avec la fixation du radiotraceur dans le locus coeruleus, le thalamus médian, l’amygdale et à nouveau le striatum ventral gauche (Fig. 57). L’ensemble de cette étude suggère qu’une dénervation des systèmes noradrénergiques et DAergiques limbiques serait impliquée dans la survenue des troubles neuropsychiatriques de la MP. Une autre étude publiée la même année (Weintraub et al., 2005b) a mis en évidence une corrélation négative entre la sévérité des troubles anxieux et dépressifs chez des malades parkinsoniens et la fixation de 99m Tc-TRODAT-1, un radiotraceur sélectif du DAT, au niveau du putamen antérieur gauche, suggérant donc un lien entre une dénervation DAergique de la partie limbique du putamen et les symptômes dépressifs (Draganski et al., 2008).

Une étude plus récente de Thobois et coll. (2010) a plus particulièrement porté sur le système DAergique, par l’étude de la fixation du [11C]-Raclopride, ligand spécifique des RD2

Figure 56. Modification de la liaison du

radioligand [11C]RTI-32 chez des patients

parkinsoniens apathiques. La fixation du

ligand dans le striatum ventral est négativement corrélée avec la sévérité de l’apathie (P < 0,05) Adapté de Remy et al. 2005

.

Figure 55. Régions où la liaison du radioligand [11C] RTI-32 est significativement diminuée (p<0,01) chez des patients parkinsoniens dépressifs par rapport à des patients parkinsoniens non-déprimés. A, le locus coeruleus; B, le

thalamus médian; C, l’amygdale droite; D, le striatum ventral gauche. Adapté de Remy et al. 2005.

A C

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et RD3. Cette étude compare des patients parkinsoniens souffrant d’un syndrome d’apathie post-opératoire associé à des symptômes dépressifs et à un niveau d’anxiété important avec des patients parkinsoniens ne présentant pas ces troubles psycho-comportementaux. Elle montre que chez les patients apathiques la fixation du traceur est augmentée dans le cortex orbitofrontal, cingulaire et préfrontal dorsolatéral, dans l’amygdale droite et le thalamus gauche, ainsi que dans le striatum ventral et dorsal, ce qui suggère soit une augmentation du nombre de RD2/RD3 dans ces régions cérébrales, soit une diminution de la quantité du ligand endogène, la DA (Thobois et al., 2010). Ces travaux ont également montré que l’administration de méthylphénidate (qui conduit à une augmentation de la concentration de DA extracellulaire), déplace moins la fixation du traceur chez les patients apathiques dans plusieurs zones préfrontales, ce qui suggère que les modifications observées en imagerie seraient bien le reflet d’un hypofonctionnement du système DAergique. Ainsi, ces travaux apportent un argument supplémentaire en faveur de la diminution d’innervation DAergique dans les territoires mésocorticolimbiques, qui sous-tendrait le syndrome de sevrage DAergique post-opératoire avec la survenue des troubles neuropsychiatriques, et notamment de l’apathie. Ainsi, contrairement aux traitements pharmacologiques, la SHF-NST ne permettrait pas de compenser la dénervation DAergique mésocorticolimbique. Une atteinte différentielle du système DAergique, variable selon les individus, pourrait conduire ou non à la survenue d’une apathie, d’une dépression et d’une anxiété (Thobois et al., 2010).

Au vu du rôle du système DAergique mésocorticolimbique dans les processus motivationnels et la régulation de l’humeur, notamment par les connexions entre l’ATV et le NAcc, il semble tout à fait cohérent d’émettre l’hypothèse qu’une altération de ce système, même si elle n’est que partielle (Kish et al., 1988; Damier et al., 1999b), puisse rendre compte des troubles neuropsychiatriques observés dans la MP.