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Bien que la contraction cardiaque soit indispensable à la formation des valves,
l’implication des forces hémodynamiques intervenant au niveau du cœur a longuement été
débattue dans le milieu scientifique. Ce débat est de nos jours bien avancé chez le poisson où de nombreuses études récentes ont permis de clarifier le rôle du flux dans le processus de formation cardiaque (Vermot, Forouhar et al. 2009; Peralta, Steed et al. 2013). C’est pourquoi, pendant plus de vingt ans, des études in vitro ont été menées afin de contrer l’idée reçue selon laquelle les cellules endocardiques ne serviraient que de revêtement cardiaque. En effet, des expériences mettant en culture des cellules épithéliales face à un flux ont démontré la capacité de ces dernières à sentir le flux et transmettre des stimuli mécaniques nécessaire à leur réarrangement morphologique et génique (Davis, Kavanaugh et al. 1995; Garcia‐Cardena, Comander et al. 2001). Ainsi, la mise en culture de cellules endothéliales humaines et animales sous un flux laminaire bien défini a démontré une incroyable capacité de ces dernières à réorganiser leur morphologie via la modification de leur cytosquelette d’actine, entrainant alors un allongement des cellules dans le sens du flux imposé (Topper and Gimbrone 1999). D’autres études, menées chez le poulet, ont été menées afin de déterminer le rôle des forces hémodynamiques sur la cardiogénèse (Icardo 1989; Icardo 1989). Lors de cette expérience, des coupes microscopiques effectuées suite à l’isolement et à la fixation de cœurs embryonnaires à trois ou cinq jours après fertilisation, ont permis l’observation en microscopie électronique des diverses régions cardiaques. Les zones cellulaires ayant subi un flux plus important (AVC, bordure atriale) suite à l’impact de la vélocité des cellules sanguines, présentent un alignement des cellules en fonction du sens du flux (Icardo 1989; Icardo 1989).
Introduction
Ces données montrent bien, de façon in vitro, l’impact des forces hémodynamiques, notamment du shear stress, correspondant aux forces de frictions générées entre le flux et les cellules endothéliales et comprenant les paramètres de viscosité et vélocité fluidique, sur la cardiogénèse. Afin d’étudier ces forces de façon in vivo sur le développement cardiaque du poisson zèbre, Hove et ses collaborateurs ont eu l’idée d’utiliser des billes en verre de 50µm permettant de bloquer le flux à l’entrée ou à la sortie (Figure 14 B‐C) du tube cardiaque, à 37hpf. Contrairement à des poissons contrôles, où le flux circule correctement dans le cœur (Figure 14 A), les poissons subissant un blocage au niveau du tractus afférent et donc une baisse de pression intracardiaque, et ceux subissant un blocage au niveau du tractus efférent, avec une augmentation de pression intracardiaque, sont incapables de former des chambres cardiaques ni des valves fonctionnelles. Il en va de même lors de l’utilisation du mutant silent heart (sih), poisson ne présentant aucune contraction cardiaque et une absence totale de flux (Bartman, Walsh et al. 2004).
Figure 14: Observation du blocage du flux sur la valvulogénèse. (A et D) Poissons présentant une circulation sanguine intracardiaque normale et des valves fonctionnelles à 4,5dpf. (B et E) Poissons présentant un blocage fluidique induit par la présence d’une bille (rond noir ou beige) au niveau du tractus afférent. Les valves ne sont pas formées. (C et F) Poissons présentant un blocage fluidique
au niveau du tractus efférent ainsi qu’une absence de valves fonctionnelles. (Image adaptée de Hove et al, 2003).
Introduction
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Ces données révèlent ainsi l’importance des forces hémodynamiques comme étant un facteur épi‐génétique essentiel à la cardiogénèse. Grâce à ces études et à l’arrivée des techniques de micro‐arrays, de nombreux gènes ont pu être identifiés de façon in vitro lors de la réponse au flux. Ainsi la majorité des gènes cités précédemment et jouant un rôle dans la cardiogénèse ont été démontrés comme étant capable de répondre au flux. En relation avec ces découvertes, la mise en évidence de la réponse au flux de notch1b (Walsh and Stainier 2001; Milan, Giokas et al. 2006), bmp4 (Chen, van Eeden et al. 1997), Rac1 (Liu, Collins et al. 2013) a pu être menée. La régulation de certains miRNAs, dont miR‐21, a récemment été démontrée par Banjo et ses collaborateurs (Banjo, Grajcarek et al. 2013). D’autres gènes, tels endothelin 1 (end1) connu chez l’homme (Sharefkin, Diamond et al. 1991) ou la souris (Harrison, Ziegler et al. 1998) ou encore Vcam‐1 (vascular cell adhesion protein 1) (Deverse, Sandhu et al. 2013) ont également montré une modification de leur expression génique en fonction du flux.
En effet, de nombreuses études mettant en lien la présence d’un flux laminaire et l’expression de gènes répondant à ce dernier ont été menées, mais peu d’entre elles ont mis en évidence la présence de gènes régulés par un flux turbulent après une exposition prolongée à ce dernier. L’expérience de Dekker et ses collaborateurs, en 2002, a permis de répondre à cette question. En exposant, pendant 7 jours, des cellules endothéliales humaines à un flux laminaire pulsatile unidirectionnel présentant une variation de shear stress de 8 à 32 dynes/cm2, plusieurs gènes dépendant du flux ont pu être mis en évidence. Parmi ces derniers, deux gènes sont fortement augmenté en présence de ce flux ; le facteur de transcription lung Krüppel‐like factor ou KLF2, et le cytochrome p450 1B1 (Dekker, van Soest et al. 2002).
Introduction
Contrairement au cytochrome p450 1B1, le gène KLF2 est exprimé dans les cellules endothéliales uniquement en présence d’un flux, ce qui en fait, en plus de son expression aortique humaine et son expression uniquement endothéliale, un très bon gène d’étude pour la valvulogénèse.