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Travaux antérieurs

« Les changements climatiques mondiaux auront très probablement des effets positifs et négatifs sur l’agriculture canadienne.(9)

Dans leur exposé de l’état de la recherche présenté dans le cadre de l’Étude pancanadienne, Brklacich et al.(9) affirment que le changement climatique aura de nom-breuses répercussions sur l’agriculture au Canada. La plupart des régions du pays connaîtront des tempéra-tures plus chaudes, une prolongation des saisons sans gel et une augmentation de l’évapotranspiration. Les effets réels de ces changements sur les exploitations agricoles dépendront toutefois de facteurs tels que les variations dans les précipitations, les conditions du sol et l’utilisation des terres. Dans l’ensemble, les régions agricoles septentrionales devraient bénéficier de saisons sans gel plus longues et plus chaudes. De nouvelles possibilités de culture apparaîtront dans certaines régions nordiques (p. ex., la région de la rivière de la Paix en Alberta et en Colombie-Britannique, et certaines parties du nord de l’Ontario et du Québec), bien que pendant les prochaines décennies, ces avantages se limiteront aux régions situées au sud du 60eparallèle.

La pauvreté du sol constituera le facteur limitatif le plus important de l’expansion des cultures vers le nord.

Dans le sud de l’Ontario et du Québec, les conditions plus chaudes favoriseront la croissance de cultures spécialisées comme celle de la pomme.

Dans bien des cas, les effets positifs et négatifs du changement climatique tendraient à s’équilibrer. Par exemple, les effets positifs des températures plus chaudes et de l’accroissement de la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère sur la croissance des cultures devraient largement compenser les effets négatifs du stress hydrique et de l’accélération de la maturation des cultures. Il faut tenir compte du fort coefficient d’incertitude de ces prévisions et du fait qu’elles omettent les changements qui découleront de l’éventuelle prolifération des ravageurs et des éléments pathogènes – par exemple, les hivers plus chauds pour-raient augmenter les infestations de sauterelles dans les Prairies – et qu’elles ne tiennent pas compte des impacts possibles de la fragmentation des terres agricoles.

Au moment de l’Étude pancanadienne, l’adaptation agricole au changement climatique était considérée comme un champ d’étude relativement neuf. Dans la recherche sur l’adaptation, on s’était efforcé de

déterminer les mesures d’adaptation possibles et d’étudier leur faisabilité. Les études, essentiellement techniques, ne prenaient pas en compte les paramètres économiques ni la capacité des producteurs à appliquer une stratégie d’adaptation. Pour combler cette lacune, Brklacich et al.(9)ont recommandé qu’on fasse parti-ciper davantage la collectivité agricole à la recherche sur l’adaptation.

Impacts sur l’agriculture

« Le changement climatique aura, sur l’agriculture, des effets qui causeront des dommages et engen-dreront des gains qui s’étendront des plantes et des animaux, pris individuellement, aux réseaux commerciaux mondiaux. »(10)

bénéfices, on convertira au moins 50 p. 100 des terres agricoles actuellement ensemencées en petites céréales et en maïs-fourrage ensilé à la culture du maïs-grain et du soja.

Comme c’est le cas dans d’autres secteurs, la résolu-tion des données que fournit le MCG aux fins de modélisation des effets sur l’agriculture soulève des questions (p. ex., référence 12). Dans de nom-breuses études, on a interpolé des données du MCG pour obtenir les prévisions régionales du changement climatique, ce qui soulève des questions quant à la validité des méthodes d’interpolation et à l’exactitude des résultats, en particulier en ce qui concerne les régions à microclimat (p. ex., la péninsule de Niagara, la vallée de l’Annapolis). Cependant, en ce qui a trait à la méthodologie, une étude statistique récente révèle que les différentes méthodes d’interpolation

utilisées n’influencent pas outre mesure les résultats des études.(14)Cette conclusion renforce la confiance globale que l’on peut avoir dans les projections des modèles.

L’augmentation du stress hydrique et de la sécheresse fait craindre le pire pour les cultures à travers le pays, qu’elles soient irriguées ou non. Si l’eau vient à manquer, la production déclinera et des récoltes entières risquent d’être perdues. Le changement climatique modifiera probablement les profils hygrométriques, mais l’amplitude et la direction de ces changements sont très incertaines. De plus, les saisons de croissance prolongées et les températures plus chaudes augmenteront probablement les besoins en eau, tout comme les variations de la fréquence des sécheresses. Dans les encadrés 1 et 2, on décrit les résultats d’études récentes dans lesquelles on a FIGURE 1 : Effets potentiels du changement climatique sur la production agricole au Canada

IMPACTS POSITIFS IMPACTS NÉGATIFS

L’impact net sur les cultures canadiennes est incertain et dépend en grande partie des

mesures d’adaptation qui seront prises.

Augmentation de la productivité en raison des températures plus chaudes

Augmentation des infestations d’insectes

Possibilité d’introduire de nouvelles cultures

Dommages aux cultures causés par la chaleur extrême

Problèmes de planification découlant du manque de

fiabilité des prévisions

Accroissement de la croissance des mauvaises herbes et des flambées de

cas de maladies

Baisse d’efficacité des herbicides et des pesticides

Augmentation du stress hydrique et des sécheresses Accélération des taux

de maturation Augmentation de la productivité découlant de

l’augmentation de CO2 atmosphérique Prolongation des saisons

de croissance

Augmentation de l’érosion

Diminution du stress hydrique

CHANGEMENTS PROJETÉS

• Températures plus chaudes

• Conditions plus sèches ou plus humides

• Augmentation de la fréquence des phénomènes climatiques extrêmes

• Nouvelles politiques de séquestra-tion du carbone

• Conditions du marché changeantes

examiné l’influence du changement climatique sur les conditions d’humidité dans les Prairies et la vallée de l’Okanagan, deux régions agricoles parmi les plus sèches du Canada.

Si de nombreuses questions concernant la nature des futurs changements climatiques à l’échelle régionale et locale demeurent sans réponse, il ne fait aucun doute que le niveau de CO2dans l’atmosphère continuera d’augmenter pendant plusieurs décennies.

On sait qu’en général, l’augmentation de la concen-tration en CO2dans l’atmosphère entraîne une augmentation de la production agricole. Cela s’ex-plique par le fait que la hausse des concentrations de

ENCADRÉ 2 : Alimentation et besoins en eau dans l’Okanagan(17)

La viabilité agricole du sud de la vallée de

l’Okanagan dépend largement de la présence d’eau d’irrigation. Les chercheurs prévoient que, d’ici la fin du siècle, la demande en eau des cultures et les besoins d’irrigation augmenteront de plus de 35 p. 100 par rapport aux valeurs historiques. Le lac et le chenal principal devraient contenir assez d’eau pour répondre à cette augmentation de la demande, mais les exploitations agricoles qui dépendent des af-fluents risquent de connaître des pénuries d’eau.

Pour régler le déséquilibre entre l’eau disponible et la demande d’eau, Neilsen et al.(17)préconisent l’intensification des mesures de conservation de l’eau, telles que la micro-irrigation et l’application de paillis sur les sols. Ils suggèrent également l’application de nouvelles techniques, comme la régulation de l’irrigation déficitaire et le séchage partiel de la rhizosphère, qui engendreraient d’importantes économies d’eau.

Photo : Gracieuseté de Ken Hall.

ENCADRÉ 1 : Les Prairies s’assécheront-elles?(15, 16)

Le changement climatique entraînera-t-il un manque d’humidité et une augmentation de la sécheresse? La question est cruciale pour les provinces des Prairies, où le manque d’humidité constitue déjà une source de préoccupation importante et où les sécheresses chroniques ont occasionné des pertes substantielles à la collectivité agricole. La réponse à cette question demeure malheureusement assez vague.

En se servant du modèle de circulation générale (MCGA1) du Centre canadien de la modélisation et de l’analyse climatique, Nyirfa et Harron(16)ont trouvé que les contraintes imposées par l’humidité seront beaucoup plus importantes dans la plupart des régions agricoles des Prairies d’ici 2040 à 2069.

Les précipitations devraient augmenter, mais elles ne compenseront pas les pertes d’humidité accrues découlant de températures plus chaudes et de l’augmentation des taux d’évapotranspiration. Les chercheurs en concluent que les récoltes de petites céréales semées au printemps seront menacées, à moins que l’on n’adopte des mesures d’adaptation telles que le changement de cultures et le déplace-ment des pâturages.

Par contre, en utilisant une série de scénarios de changement climatique, McGinn et al.(15)ont trouvé que les niveaux d’humidité de la couche supérieure du sol – de 120 cm – seront égaux ou supérieurs à ceux d’aujourd’hui. Leurs modèles montrent aussi que les dates d’ensemencement du blé au printemps seront avancées de 18 à 26 jours et que la saison de croissance sera plus courte. Les récoltes se feront donc plus tôt, ce qui permettra d’éviter les conditions arides de la fin de l’été. Mais ces avantages ne seront pas répartis uniformément à travers les Prairies; certaines régions suscitent des inquiétudes, comme le sud-est de la Saskatchewan et le sud du Manitoba, où les précipitations estivales devraient diminuer.

Photo : Gracieuseté d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

CO2a tendance à améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau par les plantes et les taux de photosynthèse.

Mais cette relation n’est pas simple. Par exemple, il faut s’attendre à ce que certains types de plantes, tels que les légumineuses, profitent plus que d’autres de cette situation, et il est probable que la valeur nutri-tive de certaines cultures diminue. En outre, plusieurs facteurs, dont les conditions d’humidité et la présence d’éléments nutritifs, peuvent restreindre ou annuler les avantages de la fertilisation par le CO2. Dans certaines études d’impact, on a tenté d’incorporer les effets du CO2dans la modélisation, mais de nombreux chercheurs estiment qu’il plane encore trop d’incertitudes sur cette question pour qu’on puisse intégrer efficacement les effets de l’augmenta-tion de la concentral’augmenta-tion de CO2dans l’atmosphère.(12) Un autre facteur qui complique la projection des tendances de la production agricole est l’interaction du changement climatique et de l’augmentation des concentrations de CO2avec d’autres facteurs de stress environnemental, tels que l’ozone et le rayonnement UV-B. Par exemple, les températures plus chaudes tendent à augmenter les concentrations d’ozone au niveau du sol, situation qui a un effet négatif sur la production agricole. Des études montrent que cet effet négatif peut annuler tous les gains de productivité découlant de l’augmentation des niveaux de CO2dans l’atmosphère.(18)

Des changements dans les conditions hivernales auraient également un effet appréciable sur la productivité et la croissance des cultures. Les modèles climatiques prévoient que le futur réchauffement culminera en hiver. Des mois d’hiver plus chauds réduiront substantiellement le risque de dommages aux arbres fruitiers et aux rhizomes dans certaines régions, comme le sud de la vallée de l’Okanagan.(17) Mais les hivers plus chauds amèneront également leur lot de problèmes pour l’agriculture, en particulier en ce qui a trait aux ravageurs, puisque le froid extrême de l’hiver joue souvent un rôle important dans la régulation de leurs populations. Les hivers plus chauds risqueront aussi d’altérer la capacité de récupération des cultures (voirl’encadré 3).

De nombreuses cultures sont plus sensibles aux variations de la fréquence des températures extrêmes qu’aux changements des conditions moyennes. Par exemple, on a trouvé qu’une période de chaleur extrême coïncidant avec le stade critique de développement d’une culture produit des effets négatifs, comme la diminution de la production annuelle dans le cas des cultures semencières (p. ex., référence 20), ou cause des dommages aux arbres fruitiers tels que les pommiers.(17)Les cultures

qui demandent plusieurs années pour s’établir (p. ex., les arbres fruitiers) sont particulièrement sensibles aux phénomènes extrêmes. Mais jusqu’à présent, la plupart des études ont été axées sur les variations des conditions moyennes, et on commence seulement à étudier des scénarios d’événements climatiques extrêmes. De nombreux experts sont persuadés qu’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes engendrerait le plus grand défi que le changement climatique imposerait à l’industrie agricole.

Un autre facteur – les variations du régime des vents – n’est habituellement pas intégré dans la modélisation des effets du changement climatique, pour la principale raison que les projections éoliennes des MCG sont très incertaines(21)et que les phénomènes éoliens en général sont mal connus.

Le vent n’en demeure pas moins un paramètre important de la production agricole, car il a une grande influence sur l’évapotranspiration et l’érosion, en particulier dans les Prairies. L’absence de projec-tion de la dynamique des vents dans les évaluaprojec-tions des effets du changement climatique ne fait que rendre ces dernières plus incertaines.

ENCADRÉ 3 : Les hivers plus chauds profiteraient-ils aux cultures?(19)

Les hivers rudes limitent la distribution géographique des cultures vivaces, mais des hivers plus chauds ne seraient pas nécessairement bénéfiques. En fait, les dommages causés par l’hiver aux plantes fourragères vivaces risqueraient d’augmenter dans l’est du Canada, en raison de leur moindre endurance au froid acquise pendant l’automne, des périodes de dégel plus fréquentes en hiver et de la diminution de l’épaisseur de la couche de neige protectrice. Par exemple, d’ici 2040 à 2069, malgré une augmenta-tion de 5 °C des températures minimales annuelles, le nombre de jours froids (température inférieure à -15 °C) sans une couverture protectrice de neige (couche de moins de 0,1 mètre d’épaisseur) pourrait augmenter de plus de deux semaines.

Par contre, les arbres fruitiers seraient moins exposés aux dommages dus à l’hiver, en raison des tempéra-tures hivernales plus douces, qui diminueraient l’agression par le froid; de plus, une diminution des gelées tardives du printemps abaisserait le risque de dommages aux bourgeons dans de nombreuses régions. Cependant, de plus fréquentes périodes de dégel, en hiver, auraient pour effet d’abaisser la résistance au froid des arbres et d’augmenter leur sensibilité aux températures froides de la fin de l’hiver.

On observe depuis peu un autre phénomène qui joue un rôle important dans la production agricole : le réchauffement est devenu asymétrique, c’est-à-dire que les minima nocturnes augmentent plus rapide-ment que les maxima diurnes. Et les modèles climatiques laissent prévoir que cette tendance se maintiendra. Ce type de réchauffement asymétrique tend à réduire la perte d’eau des cultures par évapo-transpiration et à améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau.(22)Dans ces conditions, les répercussions du changement climatique sur la productivité agricole pourraient être moins marquées que les effets prévus dans un scénario où les réchauffements diurne et nocturne s’équivalent.(23)