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L’industrie des pêches conserve une très grande importance dans l’économie de la côte de l’Atlantique, même si elle n’est plus aussi dominante qu’elle l’a déjà été.(35)Les prises de mollusques et de crustacés arrivent au premier rang par la valeur des débarque-ments,(4)et l’aquaculture gagne rapidement en importance. On estime à 43 000 le nombre de pêcheurs dans la région de l’Atlantique, et la plupart sont très dépendants de l’industrie des pêches.(35) Comme sur la côte du Pacifique, les pêches seront affectées principalement par les variations de la température des océans, la modification des courants, du régime des vents et des conditions atmosphériques, et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes.(36)Les espèces les plus préoccupantes sont la morue, le crabe des neiges et le saumon. On s’inquiète également des impacts du changement climatique sur différentes variétés de plancton.(2)

D’après les tendances à long terme, le climat contribue à déterminer quelles espèces de poisson se prêtent à la récolte.(37)Depuis récemment, les pêcheurs délaissent le poisson de fond au profit des mollusques et des crustacés. Ce changement est attribué principalement aux pratiques de pêche, mais on pense que le climat a également joué un rôle. Par exemple, on croit que la réduction des taux de croissance et de la productivité qui a découlé de l’abaissement des températures de l’eau à des niveaux inférieurs à la normale, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, a contribué au déclin des stocks de poisson de fond.(38, 39)

Il est important de souligner la complexité des relations entre la température de l’eau et des facteurs tels que le taux de croissance et la productivité, les conditions thermiques optimales variant d’une espèce à l’autre. Par exemple, les chercheurs ont démontré que le crabe des neiges est particulièrement sensible aux changements environnementaux et que les

reproduction et leur distribution (voirl’encadré 1).

On observe également que la survie des œufs, le taux d’éclosion et la taille de la ponte de la plie rouge augmentent dans les eaux plus froides, ce qui fait dire à des chercheurs que, dans certaines régions, les récentes hausses de la température de l’eau ont contribué à la diminution observée de l’abondance du poisson.(40)

Le réchauffement de l’eau, l’élévation du niveau de la mer et les variations de la salinité sont tous des facteurs susceptibles d’influer sur les pathogènes marins(42)et de modifier la distribution et l’impor-tance de certaines maladies marines. Cette affirmation s’appuie sur des phénomènes déjà observés, par exemple l’extension vers le nord de l’aire de pro-pagation de la maladie de l’huître le long de la côte américaine au milieu des années 1980, par suite d’une tendance au réchauffement hivernal.(42)Par contre, des recherches ont démontré que certaines maladies du saumon diminuent ou même disparais-sent avec le réchauffement.(42)

Un autre problème qui se pose dans la région de l’Atlantique est le risque d’une augmentation des proliférations d’algues.(43)Des chercheurs estiment en effet que le réchauffement climatique pourrait stimuler la croissance et étendre l’aire de dispersion des organismes responsables des proliférations d’algues toxiques, comme les eaux rouges (voir l’encadré 2). Ces efflorescences menacent les popula-tions de mollusques et de crustacés par leurs effets mortels et leurs impacts chroniques. Les exploitations aquacoles, en raison de leur caractère sédentaire, sont particulièrement sensibles aux proliférations d’algues toxiques. Les palourdes sont généralement plus touchées que les homards, les crevettes et les péton-cles. Une exposition aux toxines risque d’affecter l’habitat du poisson, son comportement, sa vulnéra-bilité à la maladie, sa capacité de se nourrir et sa reproduction.(44)Une fois infectés, les mollusques peuvent constituer un danger pour la santé humaine et causer éventuellement une intoxication paralysante.

Les effets du changement climatique sur le saumon de l’Atlantique sont semblables à ceux dont nous avons parlé dans le cas du saumon du Pacifique.

Durant son séjour en eau douce, le saumon de l’Atlantique est sensible aux variations de la tempéra-ture de l’eau comme aux variations des débits (voir l’encadré 3). On sait que les changements de tempéra-ture modifient considérablement les récoltes durables et les pratiques de pêche. Par exemple, les chercheurs

ENCADRÉ 1 : Température de l’eau et crabe des neiges de l’Atlantique(41) Le crabe des neiges, un élément important des pêches dans l’Atlantique, est sensible au réchauffement climatique, surtout dans l’est de la Plate-forme Scotian et sur les Grands Bancs de Terre-Neuve. Les chercheurs ont observé une corrélation étroite entre la température de l’eau, d’une part, et la reproduction et la répartition de cette espèce, d’autre part, bien qu’elle dépende du stade de développement du crabe. Voici ce qu’ils ont constaté principalement :

• Les femelles incubent leurs œufs pendant un an dans les eaux dont la température est supérieure à 1 °C, et pendant deux ans dans les eaux plus froides. On en déduit que les femelles vivant dans des eaux chaudes pourraient produire deux fois plus d’œufs que celles qui vivent dans des eaux froides pendant toute leur période de fécondité.

• Le taux de survivance et le taux de croissance à long terme des juvéniles ont des valeurs optimales dans les eaux à température intermédiaire (de 0 à +1,5 °C).

• La distribution spatiale du crabe adolescent et adulte est influencée par la température de l’eau.

Les eaux plus froides sont occupées par des spéci-mens jeunes et de petite taille, tandis que les eaux chaudes sont habitées par des individus plus âgés et plus gros. Cependant, on ne trouve aucun crabe dans des eaux de plus de 8 °C.

Photo : Gracieuseté de D. Gilbert.

Le crabe des neiges de l’Atlantique

qui étudient l’influence des températures de l’eau sur la pêche récréative du saumon dans les cours d’eau de Terre-Neuve ont constaté qu’entre 1975 et 1999, environ 28 p. 100 des rivières ont dû être fermées temporairement chaque année à cause d’une tem-pérature de l’eau trop chaude ou d’un niveau d’eau trop bas.(45)Certaines années, plus de 70 p. 100 des cours d’eau ont subi le même sort. Ces fermetures de cours d’eau ont fait perdre entre 35 et 65 p. 100 des jours de pêche potentiels dans certaines régions, la période de 1995 à 1999 ayant été la pire à cet égard. Les chercheurs ont conclu que le changement climatique pourrait augmenter la fréquence des fermetures et réduire l’importance économique de la pêche récréative à Terre-Neuve.(45)

Il est largement reconnu qu’une variation de l’intensité et de la fréquence des événements extrêmes pourrait avoir un impact sur les pêches marines, mais les études à ce sujet sont relativement peu nombreuses. Dans une étude récente où l’on a examiné les effets des épisodes de sécheresse et d’inondation dans le réseau de la rivière Sainte-Marguerite, dans l’est du Québec, les chercheurs ont conclu que ces événements ont une incidence sur la taille moyenne du saumon à la fin de l’été, en causant une mortalité sélective chez les alevins.(47) Durant les sécheresses, les taux de mortalité étaient plus élevés chez les petits spécimens, alors que durant les inondations, ils l’étaient davantage chez les gros alevins. D’autres études, cependant, suggèrent que le saumon est plutôt résistant aux inondations.(48)Les auteurs d’une étude sur les cours d’eau du Nouveau-Brunswick ont observé que les inondations ne réduisaient pas sensiblement les valeurs moyennes des taux d’alimentation et des taux de croissance à long terme, en dépit des réductions ponctuelles des taux de croissance du saumon juvénile causées par tel ou tel épisode d’inondation.(48)

On considère généralement que l’aquaculture est rela-tivement facile à adapter au changement climatique, même qu’on la voit comme un outil d’adaptation possible pour aider le secteur des pêches à composer avec le changement climatique. À l’échelle planétaire, la production aquacole augmente de façon soutenue depuis 1990, et on s’attend à ce qu’elle dépasse les captures en 2030.(8)L’industrie de l’aquaculture s’inquiète néanmoins de l’effet qu’une augmentation de la fréquence ou de l’intensité des événements extrêmes et les variations du régime des vents ENCADRÉ 2 : Augmentation des proliférations

d’algues toxiques(43)

Les efflorescences algales nuisibles (EAN) sont fréquentes dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, dans l’est du Canada. On craint qu’elles n’augmentent en fréquence et en intensité sous l’effet du changement climatique.

Afin de déterminer le rôle du climat dans les proliférations d’algues, Weise et al.(43)ont analysé des données hydrologiques, biologiques et

météorologiques recueillies sur une dizaine d’années.

Ils ont constaté que les pluies, le ruissellement local et le régime des vents ont une grande influence sur le développement des efflorescences algales. Celui-ci est favorisé par un fort ruissellement provenant des tributaires locaux, combiné à de longues périodes de vents faibles. Les proliférations d’algues plus in-tenses sont associées à des événements climatiques extrêmes, comme des épisodes de pluies abondantes.

Si de telles conditions devaient se produire plus fréquemment, nous verrions probablement se multiplier les cas de proliférations d’algues toxiques dans l’est du Canada.

Image : Gracieuseté de Pêches et Océans Canada et de L. Bérara.

Image par microsonde électronique d’Alexandrium tamarense, algue dont la prolifération donne lieu à des fleurs d’eau toxiques.

pourraient avoir sur le lessivage de déchets et de nutrients entre les installations aquacoles et les océans.(37)De plus, une élévation des températures de l’eau pourrait accroître le risque de maladies et nuire à la qualité de l’eau en modifiant les concentrations de bactéries, les concentrations d’oxygène dissous et les proliférations d’algues.(8)Le changement climatique pourrait également avoir une influence sur les types de cultures, puisque l’eau pourrait devenir trop chaude pour une espèce donnée mais convenir mieux à une autre.

Les impacts du changement climatique sur les terres humides côtières pourraient également se répercuter sur les pêches dans l’Atlantique, étant donné que les marais salants sont une importante source de matières organiques pour les pêches côtières et fournissent aux poissons un habitat essentiel. Les chercheurs estiment qu’une augmentation de la vitesse d’élévation du niveau de la mer par suite du changement climatique pourrait menacer un grand nombre de ces marais (voirla référence 49; voir aussile chapitre intitulé « Les zones côtières »), avec les conséquences que cela aurait pour la productivité du poisson.