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Adaptations et considérations institutionnelles

« La capacité d’adaptation à la variabilité du climat et au changement climatique dépend d’une foule de facteurs institutionnels, technologiques et culturels qui jouent à l’échelle internationale, nationale et locale, ainsi que des caractéristiques spécifiques des change-ments qui se produisent. »(5)

La gestion de la demande consiste à réduire les besoins par des mesures qui incitent à économiser l’eau et à l’utiliser avec plus d’efficacité. On la considère comme un moyen d’adaptation efficace et durable sur le plan environnemental et économique. C’est pourquoi les municipalités sont de plus en plus nombreuses à instituer des programmes de conservation et de tarifica-tion de l’eau. Dans le bassin de la rivière Grand, par exemple, les municipalités ont commencé à établir des programmes destinés à rendre plus efficaces l’utilisation, le stockage et la distribution de l’eau. Par ailleurs, de nombreuses administrations municipales sont impuis-santes à adopter des programmes de gestion de la demande, faute de moyens législatifs ou institutionnels.(41) ENCADRÉ 4 : Vulnérabilité de l’infrastructure actuelle(46)

La plupart des systèmes de drainage urbains sont conçus en fonction des données climatiques historiques et risquent de flancher advenant une variation des régimes de précipitations. On croit en effet que des précipitations plus intenses seraient difficilement évacuées par les canaux de drainage, les égouts et les buses actuellement en place et augmenteraient les coûts des infrastructures de drainage. Il est vrai que les changements (p. ex., augmenter le diamètre des conduites) seront coûteux, mais on pense que la facture globale sera inférieure au coût des pertes qui résul-teraient de l’absence de mesures d’adaptation. Par exemple, un sous-dimensionnement des canalisations entraînerait une augmentation des refoulements d’égout, des inondations de sous-sol et des problèmes de santé connexes.

Le fait que le public ne soit pas sensibilisé à la nécessité d’économiser cette ressource précieuse et d’éviter les gaspillages constitue un autre obstacle. L’encadré 5 décrit d’autres facteurs qui influent sur la capacité d’adaptation des collectivités.

Les programmes municipaux d’économie d’eau peuvent s’avérer extrêmement efficaces pour réduire la consom-mation d’eau et limiter les impacts du changement climatique sur les approvisionnements régionaux.(53) Soixante-trois des 65 municipalités recensées dans une étude avaient déjà lancé des programmes pour économiser l’eau.(54)Dans une autre étude réalisée en

Ontario, la plupart des propriétaires ruraux auxquels on a parlé pratiquaient la conservation de l’eau sous une forme ou sous une autre, par exemple en réduisant la durée des douches et en tâchant d’éliminer les gaspillages au foyer.(9)Parmi les facteurs qui incitent les gens à adopter des méthodes de conservation figurent la sensibilisation et la participation aux pro-grammes, le degré de scolarité et l’appréhension des pénuries d’eau. À l’île Pender Nord, en Colombie-Britannique, la collectivité a trouvé une solution très efficace aux problèmes de gestion de l’eau.(55)Dans l’île, la gestion de l’eau est la responsabilité de cinq représentants élus chargés de surveiller l’application de la loi sur l’utilisation de l’eau; celle-ci précise les volumes alloués par ménage et définit les utilisations acceptables et inacceptables des stocks d’eau de la collectivité. Les contrevenants reçoivent d’abord un avertissement et, en cas de récidive, s’exposent à se faire débrancher du réseau d’aqueduc municipal.

Pour être en mesure d’implanter des solutions d’adaptation efficaces, la collectivité doit être pourvue des pouvoirs institutionnels nécessaires. Au Canada, il est parfois difficile de mettre en place des mesures d’adaptation, simplement parce que les activités de gestion de l’eau sont administrées par plusieurs ordres de gouvernement. Même au sein d’une même administration publique, il n’est pas rare que plusieurs organismes interviennent dans la réglementation de l’eau.(46)Pour se doter d’une bonne capacité d’adaptation, il faut d’abord clarifier les rôles et les responsabilités de chaque organisme(52) et développer des mécanismes favorisant la collaboration inter-organisme (p. ex., l’Approche coopérative en matière d’eau souterraine au Canada). Il faut aussi que les organismes de gestion de l’eau aient la volonté d’aider les collectivités à mettre en œuvre des stratégies d’adaptation. La façon dont les collectivités perçoivent les différentes options d’adaptation est également importante (voirl’encadré 6).

Si les changements d’ordre institutionnel revêtent une grande importance pour l’adaptation et la gestion des ressources en eau, il faut reconnaître, par contre, que la législation peut également élever des obstacles. Par exemple, le Traité du Niagara pourrait empêcher les producteurs d’électricité de s’adapter à la réduction des débits, étant donné qu’il répartit les ressources en eau pour à la fois répondre aux besoins des centrales hydroélectriques et préserver le décor naturel des chutes.(43)Autre exemple : le Traité des eaux limitro-phes internationales de 1909, qui détermine la priorité ENCADRÉ 5 : Facteurs qui influent sur la capacité

d’adaptation des collectivités(52)

Les auteurs d’une étude du bassin versant de la partie supérieure de la rivière Credit, dans le sud de l’Ontario, ont reconnu un certain nombre de facteurs importants de la capacité d’adaptation d’une collectivité au changement climatique :

• la façon dont les problèmes sont perçus et appréciés par les intéressés;

• le niveau et la qualité de la communication et de la coordination entre les intéressés et les gestionnaires de l’eau;

• le degré de participation du public aux décisions concernant la gestion de l’eau et à la mise en œuvre des mesures d’adaptation;

• la qualité et l’accessibilité des ressources (p. ex., ressources financières suffisantes, personnel ayant reçu la formation adéquate et accès à des données de grande qualité);

• le profil socio-économique de la collectivité (des collectivités plus riches peuvent investir davantage dans l’adaptation).

Certains de ces facteurs mériteraient d’être accentués, notamment par des séances d’information publique et par un réseautage accru. D’autres, par contre, comme le profil socio-économique de la collectivité, peuvent constituer des obstacles importants à l’adaptation.

des intérêts dans les Grands Lacs (p. ex., satisfaire en premier lieu les besoins domestiques et sanitaires, ensuite ceux de la navigation, ensuite ceux de la production d’électricité et de l’irrigation) et qui ne reconnaît pas les besoins associés à l’environnement, aux activités récréotouristiques et aux propriétés riveraines.(43)En revanche, l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, signé en 1978, vise expressément à préserver l’intégrité physique, chimique et biologique du bassin des Grands Lacs.(14)

L’économie, les prix et les marchés sont des méca-nismes fondamentaux pour équilibrer l’offre et la demande. Il se pourrait que l’on ait davantage recours à des mécanismes de prix pour limiter la demande d’eau, comme c’est le cas dans le bassin de la rivière Grand depuis quelques années.(57)L’augmentation du prix de l’eau aurait pour effet de limiter la consom-mation, mais il reste encore un grand nombre de questions à résoudre – entre autres, il faut chercher à mieux comprendre les conséquences de la tarification de l’eau au regard des principes de la justice et de l’équité environnementales.(39)

On croit que la diminution des approvisionnements en eau accentuera la concurrence et les conflits entre les utilisateurs et, du même coup, rehaussera la valeur de cette ressource.(41)La résolution de ces problèmes pourra nous obliger parfois à modifier les politiques et les lois en vigueur. Actuellement, la plupart des lois qui régissent les ressources en eau ne tiennent pas compte du changement climatique et résisteront diffi-cilement aux changements projetés. Par exemple, il pourrait devenir nécessaire d’actualiser les ententes sur les eaux transfrontalières en prenant dûment en considération les variations potentielles des régimes d’écoulement et des débits.(58)Le mécanisme des transferts d’eau, qui prend de plus en plus d’impor-tance pour la gestion de l’eau dans certaines parties du monde, engendre souvent de nouveaux problèmes.

Ainsi, les transferts d’eau entre deux parties à une entente touchent parfois une tierce partie, comme un utilisateur en aval, qui n’a pourtant rien à voir avec l’entente. Il est donc nécessaire de mettre en place des politiques permettant de tenir compte de l’impact des transferts d’eau sur les tiers.

Dans le bassin des Grands Lacs, la plupart des scé-narios de changement climatique laissent prévoir des déséquilibres importants entre l’offre et la demande ainsi que des problèmes de répartition des ressources en eau.(59)Jusqu’à présent, les organismes impliqués dans les conflits d’utilisation de l’eau ont toujours manifesté un esprit de collaboration digne d’éloges, mais il n’existe pas d’approche entièrement uniforme des lois et des politiques en matière d’eau, et les impacts projetés du changement climatique pourraient bien compromettre le climat de bonne entente qui a prévalu jusqu’ici.(60)Il faudra également actualiser les lois internationales si l’on veut prévenir les conflits, car peu d’entre elles tiennent compte des impacts du changement climatique.

ENCADRÉ 6 : Perception des options d’adaptation(56)

Des groupes témoins de la vallée de l’Okanagan inter-rogés au sujet des options d’adaptation ont exprimé une nette préférence pour les changements aux infrastruc-tures (comme les barrages) et les mesures sociales (comme des permis d’utilisation de l’eau) pour régler le problème des pénuries d’eau. Ils préconisent tout particu-lièrement des mesures d’adaptation des infrastructures pour prévenir les impacts du changement climatique, comme la construction de barrages et la fabrication de neige. Les groupes témoins ont pu également cerner les implications des différentes solutions d’adaptation (p. ex., les coûts économiques et environnementaux élevés des barrages). Dans l’ensemble, les entrevues ont fait ressortir un vif intérêt des intervenants pour l’adaptation au changement climatique, ainsi que la nécessité de poursuivre le dialogue à ce sujet.

Photo : Gracieuseté de Wendy Avis.

Lacunes sur le plan des connaissances et besoins en matière de recherche

Malgré les progrès considérables accomplis depuis cinq ans, il reste encore beaucoup à faire sur le plan de la recherche dans le domaine de l’eau pour combler les besoins potentiels dont il est fait état dans l’Étude pancanadienne. Par exemple, il faut continuer à améliorer la compréhension et la modélisation des processus hydrologiques, de l’échelle locale à l’échelle planétaire, comme le rôle du phénomène ENSO (El Niño – Oscillation australe) dans la variabilité hydrologique. D’un point de vue régional, des études restent à faire dans les provinces de l’Atlantique, dans l’est de l’Arctique et dans la haute montagne, et des études sur les eaux souterraines s’imposent dans presque toutes les régions du pays, comme le signalait une étude de synthèse récente sur les Prairies.(20) Un des principaux objectifs de la recherche sur les