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Chapitre 3 : Effet des espèces arborées sur la régulation naturelle de la mineuse de l’épi

3.2 Matériels et Méthodes

3.4.1 Impact négatif de la diversité des espèces arborées sur la régulation naturelle . 117

Notre étude a démontré une relation négative de la diversité des arbres sur le parasitisme des œufs de la mineuse de l’épi de mil par les ennemis naturels. En effet, d’après nos résultats la

Estimate Std.Error t- value p-value

Intercept 0,018470 0,006060 3,048 0,00346 **

118 diversité des espèces arborées semblerait influer négativement (p-value = 0.09) sur la régulation naturelle des populations d’Heliocheilus albipunctella. Ce résultat doit être cependant relativisé, car la corrélation entre la diversité végétale (SIDI) et le parasitisme des œufs est peu significative avec une p_value de 0,09. Dans cette zone d’étude, la richesse spécifique varie entre 5 et 15 espèces par placette. En effet, le recensement floristique dans les placettes a permis de dénombrer 28 espèces dont 57% de Faidherbia albida (Tableau 9). Ces valeurs relativement faibles de richesse spécifique et des indices de diversité (Shannon et Simpson) confirment l’état de dégradation de la végétation déjà observé. Ces résultats montrent finalement qu’il n’y a pas une très grande diversité d’espèces arborées dans la zone d’étude. Des résultats similaires ont été obtenus par Sperber et al. (2004) qui ont montré que le nombre de parasitoïdes diminuait avec la richesse des espèces d’arbres durant la saison hivernale. Selon ces auteurs, la diminution du nombre de famille de parasitoïdes avec la richesse des espèces d’arbres peut être due à l’appauvrissement local des ressources, occasionnant la migration des parasitoïdes vers les forêts voisines. Cette hypothèse est confirmée par d’autres auteurs (Ricklefs & Schluter 1994; Chesson 2000) qui pensent que ces auxiliaires immigrent vers des forets voisines à la recherche de ressources rares. Par ailleurs, la diminution des parasitoïdes avec la diversité des espèces d’arbres en hiver pourrait s’expliquer par la baisse des températures et l’absence de précipitations pendant cette période (Rosand et al. 1987). Par contre, de nombreuses études réalisées dans des communautés d’espèces arborées ont présenté les effets positifs de la diversité végétale sur le maintien et la conservation des ennemis naturels et, sur la régulation naturelle des ravageurs de culture (Russell 1989; Tilman & Pacala 1993; Siemann et al. 1999; Sperber et al. 2004; Guyot et al. 2016). Il faut cependant noter, qu’aucune de ces études n’a été effectuée en Afrique et qu’elles ont souvent été menées dans des contextes paysagers différents de notre zone d’étude. Les insectes ravageurs sont en général moins abondants lorsque la diversité végétale est grande, ce qui n’est pas le cas pour les auxiliaires (Guyot et al. 2016). Par exemple, une étude réalisée dans les forêts du sud de la Toscane (Italie) démontre que la diversité des arbres peut contribuer à réduire les attaques des arbres par les ravageurs exotiques (Guyot et al. 2015).

Altieri et al. (1986) ont montré que la diversité des habitats naturels au sein des agrosystèmes est souvent favorable à la persistance des prédateurs. Pour Tilman and Pacala (1993), la richesse des espèces arborée entraine en général une hétérogénéité de la ressource. De ce point de vu, Haddad et al. (2009) pensent qu’il est donc essentiel d’avoir une diversité des végétaux en bordure des champs cultivés pour obtenir des auxiliaires en diversité et en quantité suffisante,

119 afin d’assurer le contrôle des populations de nuisibles. Russell (1989) a également mis l’accent sur le fait que les communautés végétales diversifiées peuvent fournir des ressources alimentaires complémentaires aux ennemis naturels. Cela a été observé par Sperber et al. (2004) dans une expérimentation menée dans les plantations de cacao au Brésil. Ces auteurs ont en effet démontré que le nombre de famille de parasitoïdes augmentait avec la richesse et la densité des espèces arborées au printemps et en été.

3.4.2 Impact positif d’espèces arborées spécifiques sur la régulation naturelle

Comme dit précédemment, la diversité des espèces arborées dans et autour des champs ne sembleraient pas influencer le niveau de la régulation naturelle de la mineuse du mil. En revanche, la présence d’espèces arborées spécifiques semble jouer un rôle important sur les trois variables de régulation naturelle retenue pour l’étude statistique. Pour le BSI, qui est une variable intégrant l’action des prédateurs et des parasitoïdes, c’est la présence du Faidherbia

albida qui semblerait être la plus influente. Concernant le taux de parasitisme des œufs, il serait

dépendant de la présence de l’espèce Anogeissus leiocarpus. Enfin, pour l’incidence de la présence des prédateurs d’œufs, c’est Azadirachta indica plus communément connu sous le nom de neem qui serait influant.

L’effet positif et significatif de Faidherbia albida sur le BSI est un résultat cohérent. En effet,

Faidherbia albida est le seul arbre du Sahel à perdre ses feuilles en saison des pluies et à

reverdir pendant la saison sèche, ceci est dû à sa phénologie inversée (Roupsard 1997). Sa stratégie face à la sécheresse apparaît très originale : il débourre en fin de saison des pluies, fructifie et croît en cours de saison sèche, puis perd ses feuilles au début de la nouvelle saison des pluies. La première floraison se produit dans la septième année et les floraisons suivantes se produisent 1-2 mois après le début de la saison sèche pour un maximum de 5 mois (Source : World Agroforestery Centre). De ce fait, Faidherbia albida est une espèce importante au Sahel pour les insectes (ravageurs et ennemis naturels), car ses fleurs fournissent du pollen aux abeilles et autres parasitoïdes à la fin de la saison des pluies, quand la plupart des autres plantes locales n'en ont pas. Il devient donc la principale source de pollen et de nectar durant la saison sèche qui dure au Sénégal 8 à 9 mois (source : World Agroforestery Centre). C’est ainsi que ces systèmes agroforestiers dominés par Faidherbia albida permettraient aux ennemis naturels de la mineuse du mil de proliférer. Ainsi, ils participent à la régulation écologique des populations de ces bio-agresseurs en offrant à leurs ennemis naturels le « gîte et le couvert » (hôtes ou proies alternatifs, nourriture, refuges), en particulier pendant la saison sèche. Ces

120 systèmes agroforestiers joueraient ainsi un rôle de régulation écologique des insectes ravageurs (Brévault et al. 2015).

Concernant l’effet de l’espèce Anogeissus leiocarpus sur le taux de parasitisme des œufs, c’est un résultat fortement intéressant qu’il faudrait approfondir. Des suivis au champ ont montré que les parasitoïdes du genre Trichogrammatoidea armigera peuvent parasiter les œufs de la mineuse du mil dans la zone de Bambey (Bhatnagar 1986 (Bal 1993; Sow et al. 2018). Toutefois, ne connaissant pas la plante hôte de ce parasitoïde, et au vu des résultats de notre étude, il serait intéressant de voir si Anogeissus leiocarpus ne serait pas la plante hôte de

Trichogrammatoidea armigera. Si ce résultat s’avérait positif, la plantation et la protection de

cet arbre serait alors fortement recommandée dans le cadre d’un plan de lutte biologique par conservation.

Par ailleurs, nos résultats montrent que la présence de l’espèce Azadirachta indica serait favorable à la pression des prédateurs arthropodes des œufs de la mineuse du mil. Dans ce cas également, il serait intéressant d’essayer de mettre en lien la présence de ces arbres et les espèces prédatrices des œufs du ravageur Heliocheilus albipuctella répertoriées par (Sow et al. 2018) et Sarr (1997) qui pourraient trouver refuge ou hiverner dans cet arbre (Azadirachta

indica). Parmi ces espèces prédatrices, nous pouvons noter les coccinelles (Coccinellida), les

hyménoptères (Sphecidae et Reduviidae) (Sarr (1997). (Bal 1993; Sow et al. 2018) ont identifié les espèces suivantes : Platymetopus vestitus, Stenocallida fasciata, Forficula senegalensis,

Stenocallida fasciata, Campylomma sp.2, Campylomma sp1.

Contrairement à nos attentes et à certains exemples tirés de la littérature (Ribas et al. 2003; Sperber et al. 2004), il est aussi intéressant de noter que la diversité des espèces arborées n’est ressortie dans aucune des analyses statistiques. Excepté pour le BSI, ou la diversité des arbres est ressortie, une des explications seraient de dire que les ennemis naturels de la mineuse du mil ne sont pas des insectes généralistes et auraient donc comme plante hôte une espèce végétale spécifique.

La mise en évidence du rôle des espèces clés (Faidherbia albida, Anogeissus leiocarpus et

Azadirachta indica) impliquées dans la dissémination des espèces parasitoïdes et prédatrices de

la mineuse du mil sera nécessaire pour consolider les résultats de cette étude.

En plus de la mesure de ce contrôle biologique réalisée par des arthropodes, il a aussi été observé la présence d’oiseaux et de chauve-souris qui exercent aussi une prédation importante, même si celle-ci est difficile à estimer. Les espèces de chauves-souris insectivores agissent

121 fortement sur la régulation des populations d’arthropodes, majoritairement des lépidoptères, coléoptères, homoptères, hémiptères et diptères (Agosta 2002). L’ensemble des fonctions écologiques remplies par les chauves-souris au sein des écosystèmes ont récemment été identifiées en tant que services écosystémiques (Kunz et al. 2011). En effet, ces fonctions écologiques ont un impact économique prépondérant, principalement dans le domaine de l’agriculture. De nombreuses espèces d’arthropodes considérées comme nuisibles pour l’agriculture ou vectrices de maladies transmissibles aux hommes et aux autres animaux sont consommées par les chauves-souris (Boyles et al. 2011). Ces prédateurs (oiseaux et sauves-souris) empêchent, entre autres, la prolifération des populations de la mineuse de l’épi de mil dans les champs de mil.