• Aucun résultat trouvé

Oncosexologie : un enjeu majeur de santé publique

2.4 Impact du cancer et des traitements sur la sexua- sexua-litésexua-lité

2.4.3 Phase de traitement spécifique : Impact des traitements du cancer sur la sexualité

2.4.3.3 Impact de la chimiothérapie

La chimiothérapie perturbe profondément l’équilibre psychologique et le bien-être géné-ral des patients qui en bénéficient. Les symptômes les plus fréquents liés à la chimiothérapie sont les nausées, les vomissements, la diarrhée, la constipation, l’inflammation muqueuse (mucite), les changements de poids et l’altération du goût et de l’odorat. La chimiothérapie affecte donc à la fois l’intégrité physique et psychique, avec la perte du désir sexuel comme première conséquence fréquemment rapportée sur la sexualité. Dans cette configuration, l’impact négatif de la chimiothérapie sur la sexualité se traduit par le déclin de ses trois socles fondamentaux que sont les facteurs physiques, physiologiques (fonction sexuelle et fertilité) et psychorelationnels.

Aspects physiques

La chimiothérapie induit de nombreux effets secondaires physiques qui peuvent forte-ment affecter la fonction sexuelle et le bien-être. Parmi ces effets secondaires, on peut citer les nausées et les vomissements, aigus, retardés ou anticipés3 [Wilmoth et al. 2004].

Les autres effets secondaires courants de la chimiothérapie sont la diarrhée et la consti-pation. La diarrhée semble être causée par des modifications de la surface épithéliale né-cessaire à la digestion et l’absorption. La constipation induite par la chimiothérapie semble résulter de la diminution de l’activité intestinale associée à une consistance plus dense des selles. Des symptômes intestinaux, dont la chronicité peut inhiber le lâcher-prise né-cessaire à la sexualité, peuvent entraîner une perte progressive du désir sexuel [Massie, Popkin 1998]. La perte de cheveux (alopécie) est un autre effet secondaire fréquent de la

3. Les vomissements aigus peuvent survenir après 12 à 24 heures post-traitement. Les vomissements retardés surviennent plus de 24 heures après le traitement et peuvent persister jusqu’à 1 semaine. Les vomissements anticipés se produisent avant l’administration de la chimiothérapie.

chimiothérapie. Les cheveux faisant partie intégrante de l’identité et de l’image corporelle, surtout chez les femmes, il semble raisonnable de penser que la perte des cheveux pourrait avoir des répercussions négatives sur divers aspects de la qualité de vie, y compris sexuels.

L’aphte (mucite orale) est un autre symptôme fréquemment rencontré après chimiothéra-pie. Pouvant être très douloureux, cette mucite orale va fortement diminuer la capacité de parler (moins de communication), d’embrasser, et le sexe oral. La chimiothérapie, avec ses agents neurotoxiques tels que les taxanes, les composés du platine et les vinca-alcaloïdes, peut induire une neuropathie périphérique, avec des conséquences limitantes : engourdis-sements symétriques pénibles, sensations de douleur et de brûlure, et picotements dans les membres distaux. Ces neuropathies périphériques peuvent perturber non seulement les fonctions quotidiennes courantes, mais aussi limiter la relation intime lorsque les zones érogènes sont affectées ou que les mains sont impliquées, empêchant toute caresse ou de massage.

De nombreux patients recevant une chimiothérapie adjuvante ont une tendance à prendre poids progressivement, entre 2,5 et 6 kg en moyenne, voire dans certains cas jusqu’à plus de 10 kg [Ganz et al. 2004]. La prise de poids affecte non seulement la qualité de vie sexuelle en impactant notamment l’identité, l’image corporelle et la capacité physique d’avoir un rapport sexuel, mais affecte également l’état général produisant des risques pour la santé, notamment de cardiopathies, de diabète et de récidive maligne [Ganz et al. 2004]. Cette prise de poids s’expliquerait par des modifications physiologiques et métaboliques induites par la chimiothérapie. Ces changements joueraient également un rôle dans la fatigue (as-thénie) qui survient pendant le traitement.

De nombreux patients traités par chimiothérapie, pour un cancer autre que celui du système nerveux central (SNC), souffrent d’un déclin cognitif induit par la chimiothéra-pie. Ce phénomène, appelé «Chemobrain », s’accompagne de l’altération de la mémoire, de la concentration, de la fonction exécutive et de la rapidité de traitement de l’informa-tion [Moore 2014]. Il est particulièrement décrit chez les patientes atteintes d’un cancer du sein [Selamat et al. 2014]. C’est un autre phénomène dont l’ensemble des symptômes augmentent la fatigue et perturbent la sexualité, notamment sur le plan relationnel.

Impact sur la fonction sexuelle et la fertilité

La chimiothérapie, du fait des agents cytotoxiques qui la composent, a un impact très important sur la fonction sexuelle féminine. Elle peut induire une diminution de la lu-brification vaginale, une perte de la capacité à avoir un orgasme et une dyspareunie. De nombreuses chimiothérapies adjuvantes ont un effet direct sur la sexualité en raison de la perturbation de la production des hormones sexuelles [Greimel et al. 2003].

Dès la fin des années 90, une étude de Massieet al.avait mis en évidence des problèmes

psychologiques et sexuels chez les femmes après un cancer du sein traité par chirurgie et chimiothérapie associée. Les auteurs, après avoir discuté de la relation entre sexualité et qualité de vie, avaient conclu que l’approche multidisciplinaire pour la prise en charge des patientes après traitements pour un cancer du sein était un défi important pour les médecins [Massie, Popkin 1998].

La chimiothérapie peut induire une ménopause prématurée. L’arrêt de la production d’œstrogène par les ovaires entraîne une série de conséquences psychophysiques, telles que l’atrophie vaginale, la perte d’élasticité tissulaire, la diminution de la lubrification vaginale et l’augmentation de la fréquence des infections urinaires pouvant avoir un impact négatif sur la sexualité [Schover 2008; Plotti et al. 2011].

Chez les hommes, la chimiothérapie n’a généralement pas d’effet direct sur l’érection ou l’éjaculation. Dans le cas d’hémopathies traitées par fortes doses, la chimiothérapie peut altérer la production des hormones sexuelles, entraînant une diminution du désir sexuel, voire parfois, provoquer une infertilité permanente.

L’efficacité de la chimiothérapie réside dans le fait qu’elle agit sur les cellules à division rapide. Si les cellules cancéreuses ont pour propriété de se diviser rapidement, c’est aussi surtout le cas des cellules germinales. La chimiothérapie peut par conséquent endommager les chromosomes des ovocytes et des spermatozoïdes.

Les chimiothérapies sont également indirectement toxiques pour les partenaires. Selon la chimiothérapie, il faut entre 2 et 7 jours avant que les agents aient complètement disparu du sperme, du liquide vaginal, de la salive et des excréments. Les procédures de sécurité doivent donc être discutées avec le couple et observées.

Aspects psycho-relationnels

Les facteurs «psycho-relationnels» impactant la sexualité sont : les fausses croyances sur le cancer et ses traitements, les difficultés psychologiques (culpabilité, dépression), [Ganz et al. 2003] les réactions négatives quant aux modifications de l’image corporelle, et l’angoisse de performance et le stress lié à l’anticipation négative dans les relations interpersonnelles.

Les fausses croyances sur le cancer sont communs et apparaissent généralement peu après le diagnostic du cancer et après les traitements.

Certains patients attribueront leur cancer à leur mode de vie passé (activité sexuelle trop ou pas assez fréquente, type d’activité sexuelle, relation extra-conjugale, maladie sexuel-lement transmissible, avortement, etc.). D’autres patients, en particulier ceux qui ont un cancer pelvien, croient qu’une activité sexuelle sexuelle peut favoriser la récidive du cancer.

Ces fausses croyances sont une source de stress intra-psychique et relationnel. D’un point de vue intra-psychique, la personne est plus sujette au développement d’une maladie psychologique, telle que la dépression. D’un point de vue relationnel, des idées fausses sur le cancer, associées à la dépression, peuvent entraîner des problèmes d’intimité au sein du couple.

Les conséquences intra-psychiques et/ou relationnels, peuvent se traduire, en termes de troubles sexuels, par une perte de désir, une hypo-lubrification vaginale, des douleurs pendant les rapports sexuels ou une dysfonction érectile essentiellement psychogène.

Une autre source très importante d’impact de la sexualité au plan psycho-relationnels est la modification de l’image corporelle induite par la chimiothérapie. En effet, la perte des cheveux et des poils (y compris pubiens), la perte ou la prise de poids peuvent donner le sentiment d’être moins séduisant(e) ou attirant(e), et moins homme ou femme. Une étude partant sur la sexualité des femmes traitées pour un cancer du sein a mis en évidence un bien-être psychosexuel significativement diminué chez les femmes traitées par chirurgie, puis chimiothérapie, par rapport aux femmes traitées uniquement par chirurgie [Kissane et al. 2004].

Par ailleurs, l’impossibilité de concevoir un enfant, surtout pendant la phase de traite-ment, peut produire, chez les patients en âge de procréer, une profonde blessure en termes d’estime de soi et, surtout, d’identité sexuelle.

Chapitre 3

Documents relatifs