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B ILAN DE L ’ ETUDE DE CAS DE L ’ AMS VOLVO

1 C ONTEXTE DE L ’ ETUDE DE CAS

2.8 B ILAN DE L ’ ETUDE DE CAS DE L ’ AMS VOLVO

Nous avons ainsi mené une première étude initiale dans laquelle nous avons entrepris de découvrir des régularités dans l’enchainement des sujets et des fonctions de l’interaction. Ne

Chapitre 6 – Etude de cas AB Volvo

pouvant mettre à jour une organisation récurrente des interactions, nous avons proposé une analyse approfondie des sujets de l’interaction.

Notre premier résultat est un résultat méthodologique. Il s’agit de la grille d’analyse des interactions. En proposant un cadre d’analyse des interactions construit dans une démarche descriptive et cependant validé par la méthode des juges, nous proposons un outil destiné à aider les chercheurs dans des recherches futures. Cet outil a cependant été construit dans le contexte particulier d’une AMS et nécessite peut-être une adaptation dans un nouveau contexte. Il présente des faiblesses dont nous proposons de discuter dans le chapitre de synthèse de cette thèse (cf. Chap. 8).

Le second résultat se présente sous la forme d’un descriptif de plusieurs phénomènes identifiés dans l’AMS. Ces phénomènes dépendent du type d’analyse que nous avons mené. Nous avons mené des analyses quantitatives à propos des auteurs, des sujets et des fonctions de l’interaction. Nous avons ensuite mené une analyse séquentielle destinée à mettre à jour des enchaînements récurrents dans l’interaction. N’ayant pas trouvé de récurrences lors de cette dernière étape, nous avons alors mené une analyse approfondie de l’argumentation grâce notamment à la constitution de graphe Solution-Critère. Nous avons également pris le soin de coder les apartés qui constituent selon nous une dimension importante de l’activité. Ces espace-temps occupant une place toute particulière dans l’activité collective mais notre dispositif de capture n’a pas été élaboré avec l’objectif d’y avoir accès. Nous n’avons pas été en mesure de saisir le contenu des échanges dans ces apartés, et, a fortiori, de les analyser. Ils constituent, selon nous, une piste évidente pour poursuivre le travail d’analyse de l’activité que nous avons mené dans l’entreprise Volvo. Nous récapitulons à présent l’ensemble des résultats obtenus et en proposons une rapide analyse.

Résultats de l’analyse des auteurs, sujets et fonctions de l’interaction

L’analyse de la répartition des fonctions montrent que la fonction d’interaction la plus présente est l’explication. Conformément aux attentes et conformément aux dires des concepteurs, l’AMS que nous avons étudiée et qui arrive en fin de processus de conception, est plus véritablement un moment d’explication qu’un moment d’argumentation. En effet l’argumentation arrive seulement en seconde position. De ce point de vue là, l’activité déployée par l’ensemble du collectif est donc susceptible de satisfaire les attentes inhérentes à la tâche prescrite. En cela nous pouvons dire que l’AMS se déroule convenablement. Il apparait cependant que les concepteurs passent beaucoup de temps à s’organiser et à gérer la communication. En effet, l’analyse de la répartition des sujets montre que la solution est le sujet le plus traité, mais si on considère le temps consacré à discuter du produit (c'est-à-dire les solutions et les critères), on se rend compte qu’il occupe moins de la moitié de l’AMS. Les sujets relatifs à l’organisation et à la communication (tâche, communication, projet et outil) occupent plus de la moitié du temps de discussion. Ainsi, les acteurs éprouvent des difficultés pour communiquer. L’analyse des relations entre les fonctions de l’interaction et les auteurs de l’interaction montre que ce sont les acteurs

éloignés (Sylvain et Laura) qui sont le plus concernés par ces difficultés. Même si ce résultat est normal dans un contexte de travail à distance, une analyse approfondie des moyens de communication seraient intéressante à mener pour voir si leur évolution provoquerait un impact sur les performances de l’activité. Nous proposons des pistes d’outils dans le chapitre de synthèse (cf. Chap. 8, 1.2.3).

L’analyse de la répartition des auteurs de l’interaction montre que le rapport longueur-occurrence est équivalent pour l’ensemble des acteurs en dehors de Damien et Laura. Cela tend à montrer qu’à part Damien qui parle par plus longue séquence et Laura qui s’exprime de façon plus brève, tous les concepteurs produisent en moyenne des interactions de même longueur. Il semble ainsi qu’aucun concepteur ne monopolise la discussion et qu’au contraire chacun puisse s’exprimer. Ce résultat demeure hypothétique car les temps de parole ne sont pas pour autant équitables. Les quatre acteurs qui s’expriment le plus souvent et en proportions quasi identiques, sont les deux industriels de Blainville, le concepteur fonction et l’architecte. Les autres concepteurs s’exprimant relativement peu ou même pas du tout, la parole est donc bien répartie entre les deux sites distants. Si l’on considère que les assembleurs et les concepteurs se trouvent opposés dans l’argumentation (du fait que les assembleurs sont susceptibles de demander une modification de la solution proposée et donc un surcroît de travail au concepteur), il apparaît que les moyens d’argumenter sont équivalents pour chaque positionnement. Cette dernière hypothèse est valide si on admet que l’architecte défend la position du concepteur fonction. Si celui-ci est neutre et qu’on considère que l’opinion de chaque concepteur compte autant, il y a de grandes chances pour que le groupe industriel puisse imposer son point de vue plus facilement. Ainsi, le rôle décisif de l’architecte dans la prise de décision se trouve encore renforcé. De par son statut hiérarchique qui lui confère une certaine autorité et de par sa tâche qui lui impose de limiter le temps imparti pour traiter chaque point, celui-ci se retrouve dans une position de force encore confortée par le fait qu’il est un acteur décisif pour déterminer le poids de l’argumentaire des deux camps. Il endosse alors un véritable rôle de médiateur pouvant orienter le débat comme il le désire. Comme nous venons de le dire, le groupe des assembleurs s’exprime plus que le groupe fonction. Nous interprétons ce résultat comme un indicateur venant réconforter l’hypothèse que l’AMS est un moment d’évaluation d’un travail par des acteurs n’étant pas en charge de sa réalisation mais dont les besoins doivent être intégrés au moment de la définition du produit.

En étudiant les relations entre les fonctions et les sujets de l’interaction, nous avons également montré que chaque fonction avait un ou deux sujets largement favoris : l’explication porte presque exclusivement sur la solution et sur le projet, la proposition sur la solution, etc. Ces jonctions forment alors des motifs interactifs récurrents. Si l’on considère que « les activités émergent de la dynamique des interactions », nous pouvons prétendre que ces motifs très prononcés peuvent être perçu, à un niveau méta-analytique, comme des activités de conception. Nous identifions alors des activités d’explication de solution, d’explication projet, de proposition de solution, d’argumentation sur la solution, de gestion de communication et d’opinion sur la solution. Cette liste n’est pas exhaustive car certaines interactions n’y entrent pas, en particulier celles portant sur les outils et la tâche.

Chapitre 6 – Etude de cas AB Volvo

Suite à ces analyses, nous avons essayé d’identifier une logique dans l’organisation des interactions. Nous avons alors procédé à une analyse séquentielle. Dans un premier temps nous avons comparé les codages visuellement, puis nous avons utilisé le module de recherche de pattern du logiciel Actogram. Lors de cette analyse, nous avons pu constater que la situation est trop complexe et qu’elle comporte trop de bruit pour qu’une recherche de pattern puisse être automatisée.

L’activité d’argumentation en conception ne peut se comprendre en étudiant les fonctions et en résumant le sujet de la discussion technique au simple terme de solution. Les résultats obtenus par nos analyses quantitative et séquentielle nous ont, de plus, laissé penser que le critère devait être revalorisé dans l’analyse. Nous avons alors construit des graphes en conservant les solutions, les éléments de solution et les critères, qu’ils soient sujet de l’interaction ou bien mobilisés pour argumenter. Nous avons ensuite procédé à l’analyse de ces graphes. Cette nouvelle étude a alors permis d’identifier des structures récurrentes dans l’évaluation des solutions. Ces structures correspondent à celles identifiées dans les travaux de Prudhomme, Pourroy et Lund (2007). Nous avons ainsi montré que, dans l’AMS, le processus d’évaluation avait soit une structure « centrée solution », soit une structure « solutions comparées » ou soit une structure « centrée critère ». Dans la structure « centrée solution », l’argumentation s’organise en arborescence dans laquelle les solutions sont approfondies en sous-éléments qui sont ensuite évalués les uns après les autres. L’analyse de la dynamique des structures « solutions comparées » a montré que dans ce cas précis les solutions en questions étaient proposées tôt dans la discussion et discutées par la suite. Enfin, la structure « centrée critère » qui est beaucoup plus rare dans ce que nous avons observé, a montré que les critères d’évaluation de plusieurs solutions étaient exprimés après les solutions et servaient en quelque sorte à départager les solutions.

Cette étude nous a également permis de mettre à jour une fonction de « bascule » qu’occupent certains critères. En évaluant négativement une solution, ils deviennent source d’inspiration pour la proposition d’une nouvelle solution. Se trouvant entre deux solutions, ils détiennent bien un rôle de bascule d’une solution vers une autre. Ce mécanisme est capital pour comprendre comment s’organise l’argumentation en conception. Il représente un résultat important de notre recherche.

Nous avons de plus étudié la nature des critères mobilisés et effectué une classification qui interroge sur la place du critère d’analogie. C’est de loin le critère le plus fréquent dans l’AMS et le fait qu’un concepteur (Laura) se munisse de documents papier faisant justement référence à des solutions antérieures témoigne de son rôle dans l’argumentation. Cette classification nous a également permis d’identifier des sous-registres venant étoffer les registres de références de Blanco (1998). Il s’agit du registre de conformité, et du sous-registre d’expérience s’intégrant respectivement dans les sous-registres Stratégie et Technique. Nous reconnaissons cependant qu’en tant que registre fonctionnant dans plusieurs domaines, le sous-registre d’expérience occupe une place toute particulière dans cette classification.

Ainsi s’achève la première étude de cas que nous avons menée dans le groupe AB Volvo. Cette étude exploratoire de nature empirique a permis d’appréhender l’activité de conception collaborative avec une approche résolument naïve. Nous avons obtenu plusieurs résultats dont l’un nous questionne en particulier. Il s’agit de la place de l’analogie dans l’argumentation. Son rôle est capital dans l’entreprise Volvo, mais en est-il de même dans un contexte différent ? Quelle forme peut prendre cette analogie ? et représente-elle vraiment un support au développement d’un argumentaire efficace dans un contexte éloigné de celui de Volvo. Nous voyons que nous achevons cette étude de cas avec des hypothèses qui demandent à être éprouvées sur un nouveau terrain. L’étape exploratoire de la DRM est donc réalisée et, l’étude de cas Volvo ne pouvant être poursuivie car notre observateur sur place ayant terminé sa péridoe d’observation, nous proposons de changer de contexte pour étudier comment la mobilisation de solution antérieure en conception peut soutenir un argumentaire et quel est son rôle. Nous apprétant à changer d’entreprise pour la seconde étude de cas, nos hypothèses ne peuvent pas être testées telles quelles dans un nouveau contexte. Avant d’entreprendre une démarche prescriptive, nous devons réaliser une étude descriptive de l’activité de l’entreprise. Ainsi, comme nous l’avons expliqué dans le chapitre méthodologique, nous achevons l’étape descriptive de la DRM par une phase d’observation dans le nouveau contexte. Ce nouveau contexte est celui de la PME. L’entreprise en question s’appelle Global Process Industry. Nous présentons notre étude dans le chapitre suivant.

Chapitre 7

E

TUDE DE CAS

G

LOBAL

P

ROCESS

I

NDUSTRY

Dans ce chapitre, nous présentons la seconde étude de cas. Elle a été menée sur une période de plusieurs mois et a servi à tester les hypothèses que nous avions pu élaborer grâce à la première étude de cas. Dans un premier temps, nous expliquons comment nous avons établi les conditions d’une collaboration autour d’une problématique industrielle, correspondant aux attentes de l’entreprise d’accueil, et d’une problématique de recherche, correspondant, elle, à nos propres attentes. Puis, nous exposons les mesures mises en place pour décrire l’activité des concepteurs de GPI. Enfin, nous présentons l’analyse que nous avons faite de nos observations et expliquons comment nous avons élaboré un outil d’assistance de l’activité.

1 PROBLEMATIQUE INDUSTRIELLE ET PROBLEMATIQUE DE