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II.1. Définition :

Le terme du monopole est définit comme étant un privilège exclusif de droit ou de fait que possède un individu, une entreprise ou un organisme, de fabriquer, vendre ou exploiter certains biens ou services. [23]

C’est la particularité du médicament qui constitue la justification essentielle, donc la raison d’être du monopole pharmaceutique. Ce dernier, a pour fondement la compétence du pharmacien formé pendant des années à la connaissance du médicament, sanctionné par un diplôme. Et sa justification réside dans les garanties d’ordre scientifique, technique et moral qu’offre celui-ci pour assumer la responsabilité de ses actes vis-à-vis du malade, de la vie de la personne et de l’animal au regard du danger que peut faire encourir le médicament. [24]

La définition du monopole pharmaceutique qui est restée pendant longtemps liée à celle du médicament a acquis aujourd’hui une portée beaucoup

plus large, et englobe d’autres matières dont la vente est réservée aux pharmaciens (articles 30 et 112 de la loi 17-04).

II.2. Aperçu historique :

La législation du monopole au Maroc a suivi chronologiquement une progression constante. Dans le Dahir du 12 Avril 1916, considéré comme la première charte fondamentale de la pharmacie au Maroc, elle n’a prévu que la vente du médicament. Le Dahir du 03 Mars 1928 a inclus sa fabrication et sa répartition. Le monopole a englobé, en vertu du Dahir du 17 Juillet 1938, les activités des trois secteurs de la profession à savoir la fabrication, la grossisterie et l’officine ou vente au détail du médicament. Le Dahir du 19 Février 1960 a réalisé la synthèse des textes officiels précités. Enfin le nouveau code du médicament et de la pharmacie a élargi ce monopole en tenant compte des innovations introduites dans l’exercice de la profession. [24,25]

II.3. L’étendu du monopole pharmaceutique :

L’étendu du monopole se définit à la fois par les produits et objets inclus dans ce monopole et par les opérations (fabrication, vente en gros, distribution et vente au détail, détention, dispensation..) réservées aux pharmaciens sur ces produits et objets. [12]

II.3.1. Les opérations réservées aux pharmaciens : comparaison entre le Dahir de 1960 et le nouveau code :

Nous comparons dans le tableau suivant les articles relatifs à ces opérations dans le Dahir abrogé du 19 Février 1960 et dans le Dahir du 22 Novembre 2006.

Tableau II : Opérations réservées aux pharmaciens : comparaison entre le Dahir de 1960 et le nouveau code : Le Dahir du 19 Février 1960. [26] le Dahir du 22 Novembre 2006. [16] La fabrication

10ème alinéa article 9

« la fabrication, la composition ou la préparation des produits pharmaceutiques, le conditionnement en vue de la vente au poids médicinal d’un produit quelconque dont la vente est réservée aux pharmaciens, ne peuvent

s’effectuer que sous la surveillance directe des pharmaciens » Article 117 : « le pharmacien responsable est le principal responsable des opérations suivantes constituant des actes pharmaceutiques : - l'achat et le contrôle de matières premières; - le développement galénique; - la fabrication et toute opération de conditionnement des médicaments;

- le contrôle à tous les stades de la production; - le contrôle des produits finis;

- le magasinage, la vente et la distribution;

- l'importation et le contrôle des produits pharmaceutiques importés;

- la libération des produits finis. - Tout acte

pharmaceutique doit être effectué sous la

Le contrôle de la fabrication

11ème alinéa, article 9 :

« pour assurer le contrôle direct de la fabrication, du conditionnement et de la répartition des médicaments, les établissements sont tenus de faire appel au concours d’un nombre de pharmaciens

proportionné à l’importance de l’établissement et à la nature de son activité »

La détention et la distribution des médicaments

7ème alinéa, article 6 :

« nul s’il n’est pharmacien autorisé ne pourra détenir pour la vente ou la distribution au détail, vendre ou distribuer pour l’usage de la médecine humaine ou vétérinaire aucune drogue, substance, composition ou préparation auxquelles sont attribuées des propriétés médicinales, curatives ou préventives, tout fait de cette nature étant considéré et sanctionné comme un exercice illégale de la profession pharmaceutique » surveillance effective d'un pharmacien. Article 121 : On entend

par pharmacien assistant d'un établissement pharmaceutique la

personne qui, autorisée à exercer la pharmacie, assiste le pharmacien responsable ou le pharmacien délégué dudit établissement. Cette assistance consiste en particulier dans la supervision des tâches suivantes : - achat et contrôle de matières premières ou de produits finis ; - fabrication et conditionnement de médicaments ; - contrôle de qualité ; - stockage, vente et distribution des médicaments. Vente au détail à l’officine article 10 :

« Nul ne peut offrir, mettre en vente ou vendre au public, en

dehors d’une officine,

des médicaments ou produits présentés comme jouissant des propriétés curatives ou

article 30 : voir tableau

III.

article 112 :

« Nul ne peut offrir, mettre en vente ou vendre au public, en

dehors d’une officine,

des médicaments ou

préventives et, notamment sur la voie publique, sur les marchés, à domicile ou dans les magasins , non affectés à la profession pharmaceutique »

pharmaceutiques non médicamenteux,

notamment sur la voie publique, sur les marchés, à domicile ou dans les magasins, non affectés à la profession pharmaceutique »

La nouvelle loi détermine avec plus de précision que le Dahir de 1960 les actes pharmaceutiques attribués au pharmacien responsable, délégué, ou assistant dans les établissements pharmaceutiques industriels ou grossistes répartiteurs.

La vente au public, des médicaments ou produits pharmaceutiques non

médicamenteux est un monopole du pharmacien d’officine, comme l’affirme l’article 112 du nouveau code et l’article 10 du Dahir 1960 ci-dessus. Mais le législateur ajoute à la fin de ces articles que cet opération est interdite aux magasins non affectés à la profession pharmaceutique, en fait même si un établissement est affecté à cette profession (industriel, grossiste-répartiteur….) on ne peut y vendre ces produits au public ! Malheureusement, cette pratique a toujours lieu au niveau des établissements industriels qui vendent directement au patient certains médicaments dits à usage hospitalier.

II.3.2. Les produits et objets inclus dans le monopole pharmaceutique :

Le tableau suivant résume la comparaison entre le Dahir de 1960 et le nouveau code sur les produits et objets relevant du monopole pharmaceutique :

Tableau III : Produits et objets inclus dans le monopole pharmaceutique : [27]

Le Dahir du 19 Février 1960 [26]

Le Dahir du 22 Novembre 2006 [16]

Article 13, 2ème, 3ème, 4ème alinéa :

« ils (les pharmaciens) pourront

détenir et vendre toutes drogues, tous produits chimiques ou préparations pharmaceutiques autres que ceux qui figurent au codex français à condition qu’ils soient étiquetés et vendus conformément à leur composition.

Ils ne pourront faire dans leur officine aucun autre commerce que celui des médicaments, des objets se rattachant à l’art de guérir ou à l’hygiène, des produits diététiques, des produits hygiéniques et des produits chimiques.

La vente des médicaments secrets est interdite. »

Article 30 :

« sont réservées exclusivement aux pharmaciens d’officine :

-la préparation des médicaments visés aux 1, 2, et 3 de l’article 2. -la détention des produits ci-après en vue de leur dispensation au public :

*les médicaments ainsi que les objets de pansements, produits et articles définis à l’article 4.

*les laits ainsi que les aliments lactés diététiques pour nourrissons et les aliments de régime destinés aux enfants de 1er âge.

A titre accessoire, les

pharmaciens d’officine peuvent détenir et vendre :

-toute drogue, tous produits chimiques ou préparations pharmaceutiques, autres que ceux qui figurent à la ou (les) pharmacopée en vigueur à condition qu’ils soient étiquetés et vendus conformément à leur composition.

-les produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact.

-les réactifs conditionnés en vue de la vente au public.

-les laits ainsi que les aliments lactés diététiques pour nourrissons

et les aliments de régime destinés aux enfants de 2ème âge.

-les huiles essentielles.

-les sucettes, les tétines et les biberons.

D’après cette comparaison nous observons que les deux textes donnent au pharmacien d’officine le droit de détenir et vendre toute drogue, tous produits chimiques ou préparations pharmaceutiques, autres que ceux qui figurent à la ou (les) pharmacopée(s) en vigueur à condition qu’ils soient étiquetés et vendus conformément à leur composition.

Le nouveau code remplace le codex français par la pharmacopée en vigueur, en attendant la publication d’une pharmacopée nationale.

Les produits relevant du monopole pharmaceutique sont mieux précisés par ce nouveau code que le Dahir de 1960.

Les préparation visés aux 1, 2, et 3 de l’article 2 sont : - La préparation magistrale.

- La préparation officinale.

- Le médicament spécialisé de l’officine.

Les produits et articles définis à l’article 4 sont les produits pharmaceutiques non médicamenteux qui sont :

- Les objets de pansements, produits et articles à usage médical figurant à la

pharmacopée.

- Les objets de pansement, produits et articles à usage médical, présentés sous

une forme stérile conformément aux conditions de stérilité décrites dans la pharmacopée.

Pourquoi cette appellation de produits pharmaceutiques non médicamenteux ?

Pourquoi le législateur n’a pas utilisé le terme de dispositif médical qui figure dans la circulaire n° 7 de 19 février 1997 ?

Ces produits, et par souci de qualité et de préservation de la santé publique, sont soumis comme les médicaments auxquels s’applique la procédure d’autorisation de mise sur le marché ; à un système d’enregistrement préalable à leur mise sur le marché (articles 52, 53, 54 de la loi 17-04).

L’article 13 du Dahir de 1960 incluait les produits hygiéniques dans le monopole pharmaceutique, cependant l’article 30 de la nouvelle loi 17-04 ne spécifie pas ces produits.

L’article 2 du code définit 19 produits et indique qu’ils sont considérés comme des médicaments. Étant considérés ainsi, ils relèvent donc du monopole pharmaceutique. Ceci représente un élargissement et une précision de ce monopole.

Si vraiment la nouvelle loi 17-04 vient pour élargir et préserver le monopole pharmaceutique ; en pratique, ce monopole n’est-il pas quotidiennement battu en brèche sous le regard des autorités comme le cas du fameux souk de médicament à Oujda : souk el fellah ?

II.3.3. Dérogations au monopole pharmaceutique :

On entend par dérogation, au sens strict du terme, dispense ou exonération.

Nous comparons dans le tableau suivant les dérogations au monopole

pharmaceutiques dans le Dahir de 1960 et le nouveau code. [29] :

Tableau IV : Dérogations au monopole pharmaceutique :

Dahir de 1960 Dahir de 2006

a. Article 5, alinéa 4 du dahir de 1960 :

Concession aux médecins établis dans des localités où il n’y a pas de pharmacies à vendre des médicaments prescrits par leurs soins à la condition spécifique de l’autorisation du secrétaire général du gouvernement et de l’absence d’une officine à moins de 25 km.

b. Article 6 du dahir de 1960 :

dérogations particulières aux établissements publics et à l’institut Pasteur.

c. Article 6 du dahir de 1960 :

dérogation aux risques endémiques (Fléaux, catastrophes naturelles…)

d. Article 16 du dahir de 1960 :

dérogation aux prisons et aux organismes privés

Article 27 :

Dérogation accordée à l’institut Pasteur pour effectuer des opérations de fabrication, d’importation et de commercialisation des médicaments d’origine biologique ainsi que les médicaments immunologiques définis au 7ème alinéa de l’article 2.

Article 28 :

Dérogation accordée au centre national de l’énergie et des techniques nucléaires, pour effectuer des opérations de fabrication, d’importation et de commercialisation des médicaments radio pharmaceutiques définis au 9ème alinéa de l’article 2.

Le nouveau code du médicament et de la pharmacie a réduit les dérogations au monopole pharmaceutique par rapport au Dahir de 1960. Il a abrogé par son dernier article, le décret royal n°074-66 du 16 septembre 1966, relatif à l’article 5, alinéa 4 du Dahir 1960, fixant les conditions de ventes des médicaments par les médecins.

 Cas des produits médicamenteux à usage vétérinaire:

L’article 6 du Dahir de 1960 stipulait que tout vétérinaire diplômé pourra, sans tenir officine ouverte, délivrer des produits médicamenteux pour l’usage vétérinaire, si la localité où il opère est dépourvue de pharmacie.

La promulgation de la loi n°21-80 en 26 décembre 1980, relative à l’exercice, à titre privée, de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie

vétérinaires, a permis le cumul des actes pharmaceutiques et vétérinaires

(fabrication, prescription, dispensation et administration) par le vétérinaire. Cette dérogation au monopole pharmaceutique s’est transformée en un monopole partagé entre les pharmaciens et les vétérinaires. [30]

L’article 158 de la nouvelle loi n° 17-04 adopte les dispositions de la loi

21-80.

II.3.4. Le monopole pharmaceutique en France et en Europe :

L’article L4211-1 du code français de la santé publique, réserve aux pharmaciens la vente au détail et la préparation : [20,21]

- Des médicaments destinés à l’usage de la médecine humaine ;

- Des objets de pansement et de tout articles présentés comme conforme à la pharmacopée ;

- Des produits insecticides et acaricides destinés à être appliquées sur l’homme ;

- Des produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact ;

- La préparation des générateurs, trousses ou précurseur relatifs aux médicaments radio pharmaceutiques ;

- Des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations ;

- Des huiles essentielles dont la liste est fixée par décret ainsi que de leurs dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires ;

- Des aliments lactés diététiques pour nourrissons et des aliments de régime destinés aux enfants du premier âge (moins de quatre mois), dont les caractéristiques sont fixés par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé ;

- Des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public.

Certains professionnels ont le droit de vendre des produits faisant partie intégrante du monopole pharmaceutique comme :

- Les médicaments vétérinaires qui peuvent être préparés, détenus et

délivrés par les vétérinaires;

- Les produits d’entretien pour lentilles de contact par les opticiens-

lunetiers ;

- Les appareils et objets susceptibles d’être utilisés à des fins abortives qui

- Les seringues et aiguilles destinées aux injections parentérales qui

peuvent être vendues par les établissements se consacrant exclusivement au commerce du matériel médico-chirurgical et dentaire, et distribuées à titre gratuit par certaines associations ou personnes menant une action de prévention du sida ou de réduction des risques chez les usagers de drogues.

Toutefois, la dérogation la plus notable concerne les médecins propharmaciens. Il s’agit de praticiens établis dans une agglomération dépourvue d’officine et qui ont pu obtenir du préfet l’autorisation de détenir à leur cabinet, un dépôt de médicaments. Ces médecins ne peuvent délivrer des médicaments qu’aux personnes auxquelles ils donnent leurs soins et dans la limite de leurs prescriptions.

En Europe, le monopole pharmaceutique n’est pas une règle. En fait, dans la communauté économique européenne, deux conceptions du monopole pharmaceutique coexistent. En Belgique, en Espagne, en Grèce, en Italie, et au Portugal, le pharmacien d’officine se voit reconnaître un monopole, en principe complet, de dispensation du médicament. En revanche, dans d’autres pays, la dispensation de certains médicaments est possible dans d’autres structures que l’officine. [31]

En Allemagne, certains médicaments (plantes médicinales, antiseptiques, laxatifs…) peuvent être vendus chez des droguistes, dans des grandes surfaces ou dans des magasins spécialisées.

Au Royaume-uni, l’officine pharmaceutique a le monopole de la vente des médicaments sur ordonnances. Mais certains médicaments spécialement

conditionnés, comme l’aspirine peuvent être vendus hors de l’officine : dans les stations services, les grandes surfaces, voire dans des distributeurs automatiques. Au Pays-Bas, également, ce monopole ne concerne que les médicaments vendus sur ordonnance. La vente des autres médicaments peut être assurée par des droguistes. Dans la liste des médicaments qui sont ainsi librement vendus on trouve, des antigrippaux, de l’aspirine ou des antiémétiques. [32, 33]

Récemment, le monopole pharmaceutique en France est attaqué par la commission européenne. En effet les autorités françaises ont reçu le 21 Mars 2007 une "lettre de mise en demeure" enjoignant à la France de revenir sur sa législation qui oblige le propriétaire d’une officine à être pharmacien et qui ne permette pas que les officines soient détenues par des groupes de grande distribution. [34,35]

La législation marocaine protège le monopole pharmaceutique plus que les législations européennes, mais la répression des atteintes à ce monopole reste défaillante.

Chapitre : 3

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