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ii. Influence de la cohorte sur la fidélité à la marque

Dans le document Effets masqués en analyse prédictive (Page 157-162)

B. Double positionnement

C.2. ii. Influence de la cohorte sur la fidélité à la marque

Parallèlement à ce qui a été présenté pour l’âge, nous allons ici recenser les principales causes pouvant expliquer l’influence de la cohorte sur la fidélité à la marque. Les trois principales causes que nous avons pu repérer sont les suivantes :

- le conservatisme, - la nostalgie, - la self-consistency.

Elles nous permettront d’établir dans la prochaine sous-section une hypothèse sur l’influence globale de la cohorte sur la fidélité à la marque.

Conservatisme

Une résistance en termes d’attitudes et de comportements peut être davantage révélatrice de la cohorte que de l’âge. En effet, il serait hasardeux de penser que les personnes aujourd’hui âgées ont un comportement plus conservateur à cause de leur âge, car elles peuvent être bien moins conservatrices que ce à quoi les prédisposait leur conditionnement générationnel. Par exemple, Danigelis et Cutler (2007) étudient les stéréotypes attribués aux personnes âgées concernant l’intolérance et le conservatisme en modérant le lien entre l’âge et ces attitudes par les effets de cohortes. Ils montrent que l’évolution au sein des cohortes peut aller vers une plus grande tolérance et un moindre conservatisme au cours du vieillissement, mais que cette évolution est masquée par le fait que leur point de départ est très différent. Ainsi les différences qui subsistent avec les générations suivantes, et donc avec les personnes plus jeunes au moment de l’observation, demeurent importantes.

Transposé au marketing, ce conservatisme relatif des cohortes permet d’anticiper une certaine constance des comportements de consommation au sein d’une même cohorte. Ainsi certaines attitudes comme le patriotisme économique peuvent avoir un grand impact sur le mode de consommation, particulièrement pour le choix de marques pour un bien durable, tel qu’un véhicule automobile.

Nostalgie

Holbrook et Schindler (1991,p.330) définissent la nostalgie comme “une préférence … envers des objets (personnes, lieux ou choses) qui étaient plus communs (populaires, très répandus, à la mode) quand on était plus jeune (la jeunesse, l’adolescence, l’enfance, ou même avant la naissance).” Les psychologues expliquent qu’une personne traverse une période critique durant le “début de sa vie” en termes de développement psychologique (Bornstein, 1989, cité dans Schindler et Holbrook, 2003, p277). Ce concept a d’abord été appliqué dans le cadre de la théorie de la gestalt qui considère que l’empreinte appliquée au début du développement animal conditionne le comportement (Lorenz, 1951; cité dans Holbrook et Schindler 1989

p.550 et dans Holbrook et Schindler 1991, p.331) et a été mise en évidence dans de nombreuses études dont la plus citée reste sans doute celle de Schuman et Scott (1989).

En marketing, Divard et Robert-Demontrond (1997) font une revue étendue de la littérature sur la nostalgie. Ils font référence à Baker et Kennedy (1994) qui proposent de distinguer trois types de nostalgie : la nostalgie réelle, la nostalgie simulée et la nostalgie collective. La nostalgie réelle correspond à des remémorations d’évènements précis vécus par l’individu (par exemple : la photo de la classe de lycée). La nostalgie simulée se réfère à des expériences indirectes et transmises par les médias ou par des proches, pouvant avoir eu lieu avant même la naissance de l’individu (exemple de la nostalgie des jeunes d’aujourd’hui pour les événements de Woodstock). La nostalgie collective est celle qu’« il est possible d’éprouver pour des dimensions représentatives ou symboliques d’une culture, une génération ou une nation ». Baker et Kennedy (1994) précise que l’émotion est dans ce cas ressentie de manière relativement homogène par des individus ayant le même champ d’expériences ou le même arrière-fond culturel. Il s’agit donc bien ici d’un effet qui s’exprime davantage à travers la cohorte qu’à travers l’âge, car ce groupe n’est pas défini par la suite, au cours du temps, par son âge, mais par l’âge commun qu’avaient les individus à l’époque de cette expérience commune, c’est-à-dire la cohorte.

Les travaux les plus populaires sur ce thème en matière de comportement du consommateur sont ceux d’Holbrook et Schindler (1994, p.414). De la même manière, ils expliquent que les “consommateurs se forgent leurs goûts durant des périodes sensibles” spécialement dans “l’adolescence tardive ou la prime jeunesse” (Holbrook et Schindler 1989, p.119)21 et suggèrent que les consommateurs conservent cette empreinte de préférences tout au long de leur vie. Holbrook (1989,1994) démontre ainsi que les individus conservent dans le temps leurs préférences pour les consommations culturelles qu’ils ont connues durant leur jeunesse22.

Dans une autre catégorie de produits, Rentz, Reynolds et Stout (1983,1991) montrent que l’analyse des cohortes peut sensiblement modifier l’évaluation des consommations de boissons par âge. Une analyse en coupe semble indiquer que les consommateurs consomment

21 Période aussi décrite sous la forme “late teens and early twenties” (Schnindler et Holbrook, 1993, p.551), 22 Il est intéressant de remarquer que ces préférences de consommation pourraient potentiellement s’étendre au support de consommation lui-même. Cf. Annexe 1.

de moins en moins avec l’âge. En réalité, une analyse longitudinale montre qu’au sein de chaque cohorte, le niveau de consommation est constant suivant l’âge (on ne consomme pas moins avec le temps), mais que le niveau de consommation de chaque cohorte augmente par rapport aux précédentes.

Malgré le peu d’analyses marketing sur le thème des cohortes, on observe à travers ces deux séries d’études des phénomènes cohérents en termes de formations des goûts (culturels ou gustatifs). Les consommations auxquelles a été exposé l’individu à une certaine période sont des repères conditionnant ces consommations futures, tels des marqueurs sociaux.

Dans les paragraphes suivants, nous montrons que le consommateur ne fait pas que subir ces influences. En effet, il a aussi tendance à les cultiver activement pour se renforcer une identité (par rapport à son histoire et à son passé) : il s’agit du concept de self-consistency.

Self-consistency

Sur le plan psychologique, Rosenberg (1979) expose l’effet du besoin de self-consistency par laquelle les individus ont tendance à conserver les points de vue et attitudes développés dans leur jeunesse dans un effort pour conserver la conception qu’ils ont d’eux-mêmes et qu’ils renvoient aux autres. Ce besoin mène à une certaine constance face aux évolutions sociales, parfois malgré le jugement que les autres peuvent porter sur eux (Swann, Griffin et Gaines, 1987). Du point de vue de la consommation, ce besoin de self-consistency s’exprime aussi d’après Belk (1990) à travers certains objets dont le rôle est en partie d’assurer une certaine stabilité dans nos vies et d’enraciner une partie de notre identité dans le passé (notion d’extended self). Au-delà de l’empreinte de la nostalgie, des liens avec le passé sont donc activement maintenus par la consommation et l’usage de certains objets pour consolider la construction personnelle.

Dans la perspective de Belk, nous proposons que ces objets constituent autant des « vecteurs » vers un ensemble de souvenirs et d’émotions passées que de simples « marqueurs » du passé. Ce point de vue permet d’enrichir notre explication du lien existant entre consommations actuelles et expériences passées en détaillant la dynamique.

Pour résumer, la figure C.2.1. ci-après illustre le rôle des choix de consommation comme aller-retour entre le présent et une période de référence à travers les phénomènes de nostalgie (comme marqueur identitaire, influence depuis le passé vers le présent) et de self-consistency (comme vecteur identitaire, consolidation depuis le présent vers le passé). Comme à chaque cohorte correspond une période de référence différente, les constantes liées à cet aller-retour varient d’une cohorte à l’autre, et les caractérisent donc différemment.

Figure C.2.1. Nostalgie et self-consistency appliquées à deux cohortes différentes

Ces deux concepts, associés au conservatisme, confèrent aux cohortes des éléments communs qui leur sont propres et qui vont dans le sens d’une certaine constance de leurs comportements en fonction des expériences vécues durant leurs périodes de référence respectives.

Temps Self-consistency (Vecteur) Autre période de référence Nostalgie (Marqueur) Période de référence Autre cohorte Présent Temps Temps

Dans le document Effets masqués en analyse prédictive (Page 157-162)