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F IGURE 8 L E MODÈLE COGNITIVO COMPORTEMENTAL DE LA RECHUTE (M ARLATT ET G ORDON , 1985; DANS M ARLATT ET D ONOVAN , 2008)

Malgré l’implantation de programmes tenant compte des éléments mentionnés plus haut, un phénomène important persiste : l’abandon du traitement. En effet, il s’agit d’un problème majeur puisque les écrits scientifiques démontrent que les individus qui ne complètent pas le traitement présentent un taux de récidive plus élevé que ceux qui le complètent ou qui n’en commencent pas (Wormith et Olver, 2002; Hiller, Knight, Devereux et Hathcoat, 1996; Knight et Hiller, 1997). De plus, il semble que les individus qui participent à des programmes de plus longue durée présentent une réduction significative dans la consommation de drogues et d’alcool (Hiller, Knight et Simpson, 1999). Bien que plusieurs raisons d’abandon soient mentionnées par les principaux concernés, il semble que le manque de motivation et de volonté soit la principale cause notée. D’ailleurs, une étude effectuée par Cousineau, Lemire, Vacheret et Dubois (2002) démontre que la réinsertion sociale des interviewés a été possible grâce à une motivation profonde et à des changements considérables dans leurs perceptions de la vie, de leur délit et de leur incarcération. Il semble donc important de souligner que, selon la littérature scientifique, la motivation intrinsèque est primordiale pour la préparation au changement comme pour la mise en œuvre et le maintien des comportements souhaités.

La réinsertion sociale et la réintégration sociale

Pour la clientèle toxicomane judiciarisée, le processus de changement est de longue haleine en ce sens où il est attendu certes qu’elle modifie ses comportements problématiques, mais surtout qu’elle aboutisse à se réintégrer socialement.

Boivin et Tondreau (2000) font la distinction entre les concepts de réinsertion sociale et de réintégration sociale. « Pour une personne toxicomane, entreprendre une démarche de réinsertion signifie généralement faire un premier pas vers l’acquisition d’une place reconnue dans la société » (2000; p. 352). Il s’agit là d’un important enjeu puisque, pendant une certaine période, elle s’est réfugiée dans la consommation de stupéfiants pour des raisons et des besoins qui lui sont propres et elle s’est distancée du monde. Ainsi, elle doit renouer avec elle, ses proches et la société. Il est donc inévitable que cette démarche fasse resurgir plusieurs émotions qui ont longtemps été camouflées par la toxicomanie. « En somme, la réinsertion sociale consiste à mettre en place les conditions favorables à l’établissement d’un dialogue entre le toxicomane et ses proches ainsi que d’un réseau social dans sa communauté d’appartenance » (2000; p. 353). Pour les intervenants, il incombe d’aider le toxicomane- contrevenant à développer son autonomie et de nouvelles habiletés personnelles, professionnelles et sociales lui permettant d’adopter un mode de vie prosocial et d’accomplir, par ricochet, ses objectifs de vie.

« L‟acquisition d‟habiletés sociales et de compétences personnelles spécifiques ainsi que le développement d‟attitudes favorables à la vie en société peuvent être superficiels si la personne en réinsertion est confinée dans des rôles sociaux peu valorisés; son expérience risque alors d‟être peu diversifiée, dans le cadre de relations et d‟activités limitées et fournissant peu de possibilités d‟assumer des responsabilités » (Boivin et Tondreau, 2000; p. 353).

La réintégration sociale s’inscrit alors dans un contexte où la personne prend une place véritable dans la société et où elle a un rôle qui lui permet de participer à la vie sociale ainsi qu’à la prise de décision. Elle se sent alors comme une citoyenne à part entière. « C’est l’étape ultime de la démarche de la réhabilitation (ou de rétablissement) de la personne toxicomane, étape qui

permet à la personne de traduire l’autonomie qu’elle a acquise aux phases précédentes en une réelle participation sociale. Il s’agit d’un cheminement propre à chacun » (Boivin et De Montigny, 2002; p. 12).

Pour le toxicomane purgeant une peine fédérale, la quête de l’intégration sociale peut être jumelée à de nombreux obstacles, par exemple le retour en incarcération. En effet, l’évaluation du risque peut être revue à la hausse lorsqu’il y a rechute. Bien que l’incarcération soit l’ultime mesure envisagée par le SCC – puisqu’il s’agit d’une privation de la liberté – il appert que, dans certains cas, elle soit nécessaire. Alors que le processus de réintégration sociale se fait de façon continue – en établissement et en communauté –, quelle est la compréhension du toxicomane-contrevenant face à cette réalité? Comment jauge-t-il les difficultés liées au retour en société? S’agit-il d’un retour en arrière? Quelles sont ses perceptions face à ce processus ayant pour objectif une réintégration sociale? Selon lui, est-ce que le SCC favorise la réinsertion sociale? De telles questions seront survolées avec la clientèle ciblée par le présent rapport.

P R O B L É M A T I Q U E D U P R É S E N T R A P P O R T

À la lumière de ces informations, il est certain que la relation drogue-délinquance est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Certes, divers modèles ont été élaborés afin d’expliquer ce lien sous différents angles, mais il semble que chacun ait ses limites. En effet, plusieurs aspects semblent être négligés, entre autres les caractéristiques propres à la personne et le contexte.

Jainchill, Hawke et Messina (2005) ont démontré qu’il est primordial de bien saisir les liens unissant les deux problématiques de délinquance et de toxicomanie afin de bâtir des programmes ou des thérapies qui agiront sur celles-ci et qui auront une portée thérapeutique significative. Également, puisqu’il a été démontré par divers écrits scientifiques qu’il est préférable de personnaliser les interventions, le présent rapport s’oriente vers la compréhension et l’analyse des liens unissant les concepts de drogue et de délinquance du point de vue des acteurs.

Trois objectifs ont donc été approfondis afin d’explorer en profondeur l’univers de la toxicomanie et de la délinquance avec les yeux des principaux acteurs.

Le premier objectif consiste d’abord et avant tout à connaître le contexte d’initiation à une consommation de stupéfiants et celui d’une consommation régulière. Il s’agira d’analyser, entre autres, la motivation qui a amené un individu à débuter et à poursuivre une consommation régulière de stupéfiants. L’analyse de l’univers de la drogue permettra ainsi de mieux comprendre dans quel contexte une consommation débute et évolue.

Le deuxième objectif vise à connaître et à analyser les perceptions des contrevenants-toxicomanes quant à la relation drogue-délinquance, et ce, avant, pendant et après l’incarcération. Étant donné que les interviewés sont des libérés conditionnels, il faut être conscient que la majorité des informations recueillies risque probablement de traiter davantage de la période suivant l’incarcération. Ce deuxième objectif s’attardera certes aux raisons d’initiation, mais cette fois à l’égard des deux phénomènes, soit la toxicomanie et la

délinquance. Il s’agira, autant que possible, d’analyser l’évolution de la pensée des individus tout au long du cheminement ainsi que les changements associés s’il y a lieu.

Le dernier objectif fait référence à la notion de préparation au changement, qu’il soit volontaire ou imposé par l’incarcération. Les récits des interviewés permettront de connaître et d’analyser le processus que parcourt un contrevenant-toxicomane pour apporter des changements dans différentes sphères de sa vie tout en jetant un regard sur le modèle transthéorique du changement de Prochaska et DiClemente (1972).

Considérant que le présent travail sera élaboré en collaboration avec des contrevenants-toxicomanes en libération conditionnelle, un intérêt sera porté aux répercussions de la participation à des programmes correctionnels ainsi qu’aux répercussions de la libération. Aussi, l’auteure abordera les divers enjeux du retour en société de la clientèle ciblée.

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HAPITRE

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ESCRIPTION ET JUSTIFICATION DES ACTIVITÉS RÉALISÉES