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Le modèle psychopharmacologique ne se serait avéré pertinent, selon Barré, Richard et Senon (1997), que pour établir une relation entre l’alcool et la délinquance. Pour ces auteurs, l’effet des substances surconsommées par une personne impliquée dans un comportement violent est fonction de différents paramètres tels que le type et le nombre de substances, la quantité consommée,

le mode d’administration et la relation entretenue par le consommateur avec le produit. Les psychotropes ne possèderaient pas d’effets criminogènes.

Dans un même ordre d’idées, Brochu (1995b; 2006) est également d’avis que le modèle psychopharmacologique présente certaines limites. En effet, il faut d’abord tenir compte des attentes du consommateur puisque l’effet produit par la substance intoxicante peut être recherché dans un dessein instrumental : « D’autres individus, entraînés dans un engrenage déviant, utiliseront des drogues de manière à mieux s’intégrer dans leur nouveau milieu d’accueil : apaiser leur nervosité ou se donner le courage nécessaire à la réalisation d’un méfait déjà planifié » (Brochu, 2006; p. 128). Une autre critique souvent mentionnée dans la littérature scientifique porte sur les risques de déresponsabilisation qui se présentent lorsque l’intoxication est utilisée en tant que prétexte. L’objet externe, en l’occurrence la drogue, devient ainsi, à ses yeux, responsable des actes socialement réprouvés. Finalement, il ne peut être clairement établi que les effets directs de la consommation amènent le sujet à un passage à l’acte délinquant. À titre d’exemple, il ne peut être négligé que le sevrage entraîne des sentiments d’irritabilité ou de la confusion qui peuvent, dans un deuxième temps, amener le consommateur à s’impliquer criminellement ou à manifester des comportements violents, le tout, dans le but de les éviter.

Somme toute, il semble que la délinquance de nature violente qui découle uniquement de l’intoxication à une drogue illicite demeure un phénomène marginal. Lorsqu’elle se produit, elle serait associée à des antécédents personnels d’agressivité en l’absence d’intoxication ou à la présence d’une psychopathologie (Pernanen, Cousineau, Brochu et Sun, 2002).

LE MODÈLE ÉCONOMICO-COMPULSIF

Le modèle économico-compulsif stipule qu’en général, le consommateur de stupéfiants qui s’engage criminellement agit pour soutenir sa consommation (Goldstein, 1985). Autrement dit, ce modèle propose l’existence d’une relation causale entre l’implication dans une délinquance de nature lucrative, parfois

violente en raison du contexte, et une toxicomanie avec des substances qui induisent une dépendance intense et qui s’achètent à prix élevé.

Goldstein (1985) appuie ce modèle essentiellement sur l’observation des habitudes de consommation d’héroïne et de cocaïne, qui non seulement sont vendues à des prix exorbitants, mais créent aussi une forte dépendance. La consommation de ces drogues devient la principale motivation et le centre des préoccupations du consommateur qui, afin d’éviter les sevrages physiques et psychologiques engendrés par l’assuétude aux drogues, en abusera régulièrement.

Néanmoins, l’assuétude développée par le consommateur cause un fardeau économique impliquant la nécessité d’entrée d’argent afin de se procurer la drogue. Selon Fischer et al. (1999), les principaux revenus des consommateurs de substances onéreuses proviennent de l’assistance sociale, de la délinquance acquisitive et du marché de la drogue. Or, plus la dépendance prend de l’ampleur, plus les coûts deviennent importants et la perpétration de délits prend alors tout son sens. Pour les consommateurs n’ayant pas de source légale de revenus, l’agir criminel s’avère une option particulièrement attirante.

Une étude effectuée par Brochu en 1999 démontre que près de deux tiers des détenus sous juridiction fédérale et ayant fait usage de stupéfiants le jour du délit pour lequel ils ont été incarcérés ont commis leur crime afin de subvenir à leur consommation de drogues. L’étude a également permis de démontrer que près de 68 % des consommateurs de cocaïne ont admis avoir commis leur crime pour le même motif (Casavant et Collin, 2001).

En ce qui concerne le type de délits commis par les consommateurs, les écrits scientifiques semblent démontrer qu’il s’agit davantage d’une délinquance acquisitive que violente. Ainsi, les crimes les plus souvent commis par les consommateurs ayant développé une forte dépendance et n’ayant pas les moyens financiers de se procurer la drogue sont le trafic et le vol (Brochu, 1995b). D’ailleurs, Goldstein (1985) a remarqué que les consommateurs d’héroïne évitent de s’impliquer dans des délits violents lorsqu’ils ont une

solution de rechange non violente. Lorsque des crimes violents sont néanmoins perpétrés, le contexte aurait un rôle important à jouer.

« Si pour certains le trafic de drogues illicites est synonyme de façon de s’enrichir, pour d’autres il constitue davantage une spécialité criminelle leur permettant d’acquérir facilement les revenus nécessaires pour soutenir une consommation problématique » (Chartrand, 2000; p. 12). Selon Brochu (1995b), la revente de stupéfiants est l’un des crimes lucratifs les plus rémunérateurs et répandus. Chartrand (2000) soutient qu’en dépit du fait que « Les nombreux cas d’arrestations et de violence mettant en cause des trafiquants de drogue rendent ce milieu peu attrayant […] » (p. 8), il n’en demeure pas moins que plusieurs individus vont s’engager dans le trafic de stupéfiants, fortement motivés par l’appât du gain. Hunt (1990) souligne que la majorité des utilisateurs de substances psychoactives illicites ne s’adonnent pas à la revente de drogue, mais qu’en contrepartie, une très grande part de ceux qui en abusent, particulièrement de l’héroïne et de la cocaïne, y sont impliqués. Le revenu ainsi engendré varie, bien sûr, en fonction du type d’opération et de la sorte de drogue revendue. D’autres délits tels que vols simples, vols à l’étalage, vols par effraction et vols avec violence constituent des sources importantes de revenus pour les consommateurs.

Hormis la revente et le vol, les toxicomanes peuvent s’impliquer dans la prostitution. Selon une étude de Maher, Dixon, Hall et Lynskey (2002), 21 % des femmes dépendantes recevraient des revenus de la prostitution contre seulement 3 % des hommes. La prostitution des hommes est généralement homosexuelle et ne dure qu’un court laps de temps. Plusieurs toxicomanes pratiquant ce type d’activité disent avoir longtemps cherché à l’éviter. Cette aversion pour les activités sexuelles vénales crée un cercle vicieux puisqu’elle ferait en sorte que plusieurs individus consomment davantage de façon à pouvoir continuer à pratiquer de telles activités (Taylor, 1998).

Conclusion – modèle économico-compulsif

Bref, selon le modèle économico-compulsif (figure 3), l’implication criminelle des consommateurs est attribuable à leurs faibles moyens financiers ainsi qu’à une difficulté à bien gérer leur consommation, que ce soit en raison de l’utilisation d’une trop grande quantité de produits en une même occasion, de l’usage de multiples drogues ou de la dépendance.