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3.   Caractérisations nanométriques des phases formées par broyage

3.1.   Identification des phases formées 102

3.1.2. Diffraction des rayons X ... 102 3.1.3. Spectrométrie Mössbauer... 103 3.2. Description des phases à l'échelle nanométrique par sonde atomique tomographique... 105

3.2.1. Analyse du spectre de masse et composition moyenne ... 105 3.2.2. Artefacts de reconstruction à l'interface ... 108 3.2.3. Dimension, composition et proportion des phases... 109

3.2.3.1. Morphologie et dimension des phases ... 109 3.2.3.2. Composition et fraction volumique... 112 3.3. Discussion sur la nature des phases formées ... 115

3.3.1. Après un broyage d'YFe3 et Fe2O3 de 288 h ... 115 3.3.2. Après un recuit à 800°C pendant 1 minute ... 116 3.4. Conclusion... 117 3.5. Références bibliographiques du chapitre 3... 118

La caractérisation des oxydes dans les aciers ODS est problématique. En effet, il s'agit d'objets nanométriques très peu concentrés donc difficilement détectables. De plus, ils sont constitués d'au moins trois éléments (Ti, Y et O) voire plus quand les éléments de la matrice s'incorporent aux oxydes. De très nombreuses phases peuvent donc être formées : des phases prévues par les diagrammes de phase comme Y2Ti2O7 ou Y2TiO5, des phases d'équilibre

inconnues composées de plus de trois éléments ou encore des phases métastables. De plus, les oxydes peuvent présenter des nanostructures complexes telles que les structures cœur-coquille [72-74].

C'est pourquoi nous avons d'abord étudié un nanocomposite Fe-38%atY2O3, très concentré en

Y2O3 par rapport à un acier ODS (Y2O3 < 1 % at.) et contenant uniquement trois éléments. Il

est obtenu par broyage d'YFe3 et de Fe2O3, introduits dans les proportions 2 : 1. La réaction

chimique 2 YFe3 + Fe2O3 Æ 8 Fe + Y2O3 a lieu au cours du broyage, formant ainsi le

nanocomposite Fe-38%atY2O3. Il s’agit d’un broyage réactif dont les étapes sont présentées

dans l’ANNEXE 1. Etant donné la très forte concentration en Y et O, il est peu probable que le mécanisme de formation des oxydes soit comparable à celui en jeu dans les aciers ODS. Ce matériau ne présente pas non plus a priori d'intérêt du point de vue de ses propriétés mécaniques. En revanche, les oxydes formés in fine vont être plus facilement observables et

Introduction du chapitre 3

pourraient correspondre aux formes les plus simples rencontrées dans les aciers ODS. Les objectifs sont donc d'une part de mettre en place des outils de caractérisation à l'échelle nanométrique et d'autre part de décrire précisément les oxydes formés.

Pour cela, on effectue un broyage d'YFe3 et Fe2O3 long (288 h) et avec une intensité forte (I =

2000 m.s-2, outils de broyage en carbure de tungstène) pour garantir l'atteinte de l'état

stationnaire de broyage puis on réalise un recuit à 800°C pendant 1 minute. Ensuite, on caractérise le nanocomposite dans deux états : après broyage et après recuit. On utilise d’abord la microsonde électronique, la diffraction des rayons X et la spectrométrie Mössbauer car ce sont des techniques simples à mettre en œuvre et qui permettent une identification préliminaire de la nature chimique des phases. Ensuite, on utilise la sonde atomique tomographique pour caractériser les tailles des phases en présence et préciser leur composition.

3. Caractérisations nanométriques des phases formées par broyage d'YFe3 et Fe2O3

3.1. Identification des phases formées

3.1.1. Microsonde électronique

Les observations par microsonde électronique montrent une répartition homogène de Fe, Y et O à l'échelle micrométrique après broyage. Cela signifie que : les réactifs YFe3 et Fe2O3 ont

disparu (ou ont une taille inférieure au micron) ; aucune phase micrométrique n'a été formée ; tous les grains de poudre sont équivalents. En résumé, le broyage a mélangé efficacement les poudres co-broyées. Les poudres recuites sont également chimiquement homogènes.

Les compositions moyennes du nanocomposite après broyage (noté NC-B) et après recuit (noté NC-R) sont données dans le Tableau 3.1. La détection de l'oxygène est moins précise car c'est un élément léger et la préparation des échantillons atténue son signal. Si on prend en compte les incertitudes, le nanocomposite a la composition nominale visée après broyage et après recuit, avec peut-être une légère oxydation au cours du recuit.

Fe Y O O/Y

Nominale théorique 61.5 15.4 23.1 1.5

NC-B 62.0 ± 0.3 15.8 ± 0.1 22.2 ± 0.4 1.41 ± 0.04 NC-R 60.0 ± 0.6 16.1 ± 0.2 23.9 ± 0.5 1.48 ± 0.05

Tableau 3.1 : Compositions nominale et moyennes (% at.) du nanocomposite Fe-Y2O3 après broyage (NC-

B) et après recuit (NC-R) mesurées par microsonde électronique. La composition nominale est calculée pour une proportion théorique 2 : 1 des réactifs YFe3 et Fe2O3. Les compositions moyennes ont été

calculées à partir de 170 points de mesure et les incertitudes correspondent à l'écart-type 2σ de ces mesures.

3.1.2. Diffraction des rayons X

Le spectre DRX du nanocomposite après broyage (voir Fig. 3.1) montre que les réactifs YFe3

et Fe2O3 ont disparu après 288 heures de broyage et qu'une phase de fer cubique centrée s'est

formée. La taille des cristallites de cette phase est de 10 nm et son paramètre de maille est de 0.2865 ± 0.0001 nm, ce qui est égal au paramètre de maille du fer α pur (a = 0.28663 nm) aux erreurs d'expérience près. Une deuxième phase diffracte dans le domaine angulaire de la phase Y2O3 monoclinique mais le pic est trop large pour que son origine puisse être identifiée.

A ce point, nous supposerons qu'il s'agit d'une phase riche en Y et O de structure inconnue et que l'on nommera YO.

Il n'y a pas d'évolution du paramètre de maille de la phase Fe avec le recuit (0.2866 ± 0.0001 nm), contrairement aux tailles de cristallite, qui ont augmenté jusqu'à environ 20 nm. Par ailleurs, une nouvelle phase s'est formée : il s'agit d'Y2O3 cubique de type bixbyite et de

3.1. Identification des phases formées

diagramme Y-O. Le paramètre de maille mesuré vaut 1.0588 ± 0.0008 nm, soit légèrement plus petit que celui de la phase Y2O3 cubique stoechiométrique (1.06037 nm). La taille de

cristallite a été estimée à 10-15 nm.

Fig. 3.1 : Spectres de DRX du nanocomposite Fe-Y2O3 (a) après broyage et (b) après recuit. Le

nanocomposite après broyage est composé d'une phase fer-α. Le pic large autour de 35° est attribué à une phase YO, de structure inconnue. Après recuit, le nanocomposite contient toujours la phase fer-α ainsi

qu'une nouvelle phase, Y2O3 cubique de type bixbyite. Les pics principaux sont indexés.

3.1.3. Spectrométrie Mössbauer

Le spectre Mössbauer du nanocomposite après broyage est composé d'un sextet magnétique qui est ajusté par trois contributions (voir Fig. 3.2). Les paramètres hyperfins de la première (voir Tableau 3.2) correspondent au Fe-α, en accord avec les résultats de DRX. Cependant le déplacement quadripolaire est significativement non nul, ce qui veut dire que la distribution des charges électriques présente un faible écart à la symétrie sphérique d'une phase cubique centrée. Etant donné qu'il s'agit d'un matériau nanostructuré, cet effet peut provenir des nombreux atomes de fer dont l'environnement est affecté par les joints de grains. La deuxième contribution, de faible intensité, permet d'ajuster l'élargissement de la partie intérieure des lignes de Fe-α. Les paramètres hyperfins correspondent à des atomes de Fe dans une zone de Fe- α et ayant également des atomes non magnétiques dans leur environnement. Cette contribution a donc été attribuée aux atomes de Fe à l'interface entre les nanocristallites de Fe- α et une phase non magnétique, soit la phase YO. Enfin, la troisième contribution est paramagnétique et rend compte de l'absorption supplémentaire (par rapport au Fe-α) au centre du spectre. Il s'agit d'atomes dans un environnement non magnétique, soit dans notre cas d'atomes de Fe présents dans la phase YO. En faisant l'hypothèse que les facteurs Lamb- Mössbauer de chaque contribution sont identiques, on calcule, à partir des intensités relatives

3. Caractérisations nanométriques des phases formées par broyage d'YFe3 et Fe2O3

de Mössbauer, la répartition du Fe. La majorité du Fe (93%) est donc dans la phase Fe-α, le restant étant soit aux interfaces Fe-α/YO (5%) soit dans la phase YO (2%).

Le spectre du nanocomposite après recuit est ajusté avec seulement deux des trois contributions précédentes, soit celle de Fe-α et celle de Fe dans une phase non magnétique, qui est maintenant la phase Y2O3. Ce résultat est cohérent avec le grossissement des

cristallites de Fe-α mis en évidence par DRX. En effet, ce grossissement diminue la fraction de fer situé aux interfaces au point de la rendre inobservable sur les spectres Mössbauer. Par ailleurs, il reste encore du fer dans la phase Y2O3.

Fig. 3.2 : Spectres Mössbauer du nanocomposite Fe-Y2O3 (a) après broyage et (b) après recuit (en noir).

Sont également représentés les contributions utilisées pour ajuster les spectres (en rouge). Elles sont attribuées à des atomes de Fe (1) dans la phase Fe-α, (2) aux interfaces entre les phases Fe-α et YO et (3)

dans la phase YO.

Tableau 3.2 : Paramètres hyperfins des contributions utilisées pour ajuster le spectre Mössbauer du nanocomposite Fe-Y2O3 après broyage et après recuit. Le déplacement isomérique, la séparation

quadripolaire, le déplacement quadripolaire, l'induction magnétique hyperfine et la largeur des raies à mi-hauteur sont notés respectivement δ, Δ, ε, B et d. Les erreurs sur les paramètres hyperfins sont

estimées à partir de l'erreur statistique 2σ donnée par le logiciel d'ajustement.

Nom Contribution δ (mm.s-1) 2ε, Δ (mm.s-1) B (T) d (mm.s-1) % (1) Fe-α 0.00 ± 0.01 - 0.05 ± 0.02 32.9 ± 0.2 0.36 93 ± 2 (2) Fe aux interfaces - 0.03 ± 0.07 - 0.16 ± 0.14 29.0 ± 0.5 - 5 ± 2 NC-B (3) Fe dans YO 0.01 ± 0.22 0.60 (fixé) - - 2 ± 2 (1) Fe-α 0.00 ± 0.01 - 0.04 ± 0.02 33.1 ± 0.1 - 96 ± 2 (2) Fe aux interfaces - - - NC-R (3) Fe dans Y2O3 0.08 ± 0.14 0.60 (fixé) - - 4 ± 2

3.1. Identification des phases formées

On a donc identifié les phases présentes dans le matériau nanocomposite Fe-Y2O3 :

- après broyage, une phase Fe de structure cubique centrée et une phase riche en Y et O, qui contient une faible quantité de fer et dont la structure n'a pas été identifiée,

- après recuit, la même phase Fe dont la taille des cristallites a augmenté et une nouvelle phase d'Y2O3 cubique de type bixbyite qui contient aussi du fer en faible quantité.

Les structures et compositions chimiques des phases, en particulier des oxydes, semblent donc complexes et doivent être caractérisées plus précisément à l'échelle nanométrique.

3.2. Description des phases à l'échelle nanométrique par sonde atomique