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1.   Bibliographie sur les aciers ODS 17

1.2.   Les aciers ODS 26

1.2.2.   Caractérisation de la dispersion d’oxydes 34

1.2.2.2.   Caractérisation des nano-oxydes 37

La sonde atomique tomographique est la technique la plus à même de déterminer la composition des nano-oxydes et encore plus celles des amas. Cependant, les premières analyses d’aciers ODS par SAT ont donné des compositions très variables selon le matériau mais aussi selon l’étude (voir Tableau 1.6). En effet, le rapport Ti/Y dans l’ODS 12 YWT varie de 2.2 à 5.2. Les différences peuvent être attribuées au procédé de synthèse, à la composition globale, à des hétérogénéités dans le matériau mais aussi à la technique d’analyse et aux méthodes utilisées pour définir les amas et pour mesurer les concentrations locales. Il existe également des différences de concentration en Fe très marquées. Par exemple, dans l’ODS 12 YWT, elle varie de 4.1 à 78.15 % at. Ceci peut être dû à des artefacts de reconstruction à l’interface de la SAT qui enrichissent artificiellement l’amas en atomes de la matrice (voir chapitre 2). Cet effet est difficile à quantifier et donc à corriger. Il faut également remarquer que l’incertitude sur les compositions, qui correspond à l’écart-type 2σ, est très élevée. En effet, les amas étant petits, les compositions sont calculées à partir d’un petit nombre d’atomes et ont donc une représentativité statistique faible.

Composition des amas (% at.) Nom Fe Cr W Ti Y O Ti/Y (Ti+ Y)/O MA 957 [37] 10.1 ± 1.7 1.7 - ± 5.3 32.9 ± 7.3 15.4 ± 6.9 39.9 2.1 1.2 12 YWT [5] ± 0.63 78.15 ± 0.52 13.66 ± 0.13 0.78 ± 0.26 3.03 ± 0.14 0.86 ± 0.25 2.89 3.5 1.3 57.63 ± 0.7 10.9 ± 0.15 0.46 ± 0.72 12.6 ± 0.44 4.31 ± 0.75 14.1 2.9 1.2

Æ Composition moyenne de l’ensemble des amas

40.07 ± 4.3 7.0 ± 0.21 0.21 ± 8.7 19.9 ± 7.8 9.22 ± 10.6 23.6 2.2 1.2 12 YWT

[6]

Æ Moyenne des compositions de chaque amas

12 YWT [71] 4.1 ± 4.1 0.8 ± 0.8 0.13 ± 0.13 42.1 ± 5.6 8.1 ± 5.2 44.4 ± 8.2 5.2 1.1 14 YWT [41] 5.5 ± 4.6 1.2 ± 1.1 0 42.2 ± 5.6 7.5 ± 4.3 43.5 ± 5.3 5.6 1.1

Tableau 1.6 : Composition des amas dans différents aciers ODS mesurés par SAT. Les données ont été traitées selon la méthode de séparation maximale. La composition est variable d’un matériau à l’autre

1. Bibliographie sur les aciers ODS

C’est pourquoi le traitement des données a été approfondi récemment. Ainsi, pour l’analyse par SAT de l’ODS Eurofer, Williams et al. ont systématisé la définition des paramètres (tels que la distance de séparation maximale) dont dépendent les méthodes de détection des amas [72]. De plus, ayant remarqué une évaporation irrégulière de l’O, cet effet a été corrigé. Enfin, il a été considéré que la totalité du fer présent dans les amas était dû à un artefact de reconstruction. Une répartition hétérogène des oxydes a été observée. Certaines zones ne contiennent pas d’oxydes. Il existe des oxydes de 5 à 10 nm alignés le long des joints de grains ou d’autres particularités de la microstructure. Enfin, certains grains contiennent une distribution uniforme de nano-oxydes d’environ 2 nm de diamètre. La composition des oxydes de 5 à 10 nm varie significativement d’un oxyde à l’autre. Elle est probablement influencée par la taille de l’oxyde et par la proximité des joints de grains. De plus une structure cœur-coquille est observée avec un cœur enrichi en Y, Mn et Si et une coquille enrichie en Cr et V principalement, ainsi qu’en Ta, W, C et N. Les oxydes de 2 nm présentent également des signes d’une structure cœur-coquille. Les compositions après le traitement complet des données sont données dans le Tableau 1.7.

Fe Cr Ta Mn V Si Y O Oxydes de 5 à 10 nm 0 19.05 ± 0.53 2.50 ± 0.42 2.47 ± 0.42 10.11 ± 0.43 2.86 ± 0.25 16.19 ± 0.52 41.56 ± 0.58 Oxydes de ~ 2 nm 0 12.25 ± 1.69 1.06 ± 0.14 0.26 ± 0.08 11.93 ± 2.76 0.77 ± 0.06 7.94 ± 2.22 62.68 ± 1.49

Tableau 1.7 : Composition (en %at.) des amas dans l’ODS Eurofer mesurée par SAT après soustraction du fer et correction de l’évaporation irrégulière de l’O. Les concentrations des éléments mineurs (C, P,

Co, N, W) ne sont pas indiquées [72].

La structure cœur-coquille dans l’ODS Eurofer a également été observée par MET-EDX pour des oxydes de 5 nm et plus par Klimenkov et al. (voir Fig. 1.9) [73]. Le cœur a la structure cristallographique de la phase Y2O3 cubique et sa composition chimique est Y1.8Mn0.2O3. La

coquille est composée de Cr, V et O. Etant donné que les éléments peu concentrés sont difficilement détectables par MET, ces résultats sont en bon accord avec ceux de Williams et

al. Les éléments minoritaires de l’alliage participent à la formation des nano-oxydes et sont

donc moins concentrés que visés dans la matrice. Par ailleurs, la coquille est entourée d’une zone appauvrie en chrome. Klimenkov et al. proposent donc que la coquille et la zone appauvrie pourraient s’être formées pendant les phases de refroidissement, pour lesquelles les coefficients de diffusion sont plus faibles et ne permettent pas de compenser les différences de concentrations. De plus, la coquille pourrait être à l’origine de la grande stabilité de ces oxydes qui sont sursaturés en oxygène par rapport à la phase stable car elle empêcherait la diffusion des atomes d’O.

1.2. Les aciers ODS

Marquis a mis en évidence cette structure cœur-coquille par SAT dans le MA 957, l’ODS Eurofer et un acier ODS modèle composé d’une matrice FeCr et d’Y2O3 [74]. Le MA 957 a

une coquille enrichie en Cr et le cœur en Y, Ti, Al et O. Pour l’ODS modèle, la coquille est riche en Cr et le cœur en Y et O. Enfin, l’ODS Eurofer présente une coquille composée de V, Cr et O tandis que le cœur contient principalement Y et O (voir Fig. 1.10). Cela confirme que les éléments minoritaires de l’alliage interviennent dans la formation des nano-oxydes. La composition des nano-oxydes dépend donc de la composition nominale de l’acier. Une tendance générale se dégage malgré tout : le cœur de l’oxyde contient Y et O (et éventuellement d’autres éléments) tandis que la coquille est constituée d’O et des autres éléments d’alliage. Marquis propose que la formation des nano-oxydes soit gouvernée par des contraintes thermodynamiques communes. En effet, l’oxyde d’yttrium est plus stable que les autres oxydes (Ti, V, Cr…). Mais il pourrait avoir une barrière de germination élevée et la coquille, en diminuant l’énergie d’interface, pourrait favoriser la germination. Contrairement à Klimenkov et al. qui suggèrent une formation de la coquille postérieure à la germination de l’oxyde, il est ici proposé que la coquille se forme dès le début de la germination. Les résultats expérimentaux actuels ne permettent pas de trancher.

Fig. 1.9 : Images MET d’oxydes dans l’acier ODS Eurofer. (a) Images en champ sombre et en grand angle. (b) à (f) Cartographies EDX des éléments Fe, Cr, Y, O et V. Les oxydes ont une structure cœur- coquille. Le cœur contient de l’Y et de l’O tandis que la coquille est composée de Cr, de V et d’O [73].

1. Bibliographie sur les aciers ODS

Fig. 1.10 : Reconstructions 3D (à gauche) et profils de concentration (à droite) par SAT d’oxydes dans (a) l’acier ODS MA 957, (b) un ODS modèle FeCr + Y2O3 et (c) l’ODS Eurofer. Dans les trois cas, l’oxyde

présente une structure cœur-coquille [74].

Fu et al. mettent en avant un autre mécanisme de germination des amas basé sur les lacunes [75]. D'après des calculs ab initio dans le fer, l'oxygène en position interstitielle a une très forte affinité pour les lacunes, à tel point que, lorsque les lacunes préexistent, l'énergie de formation d'une paire oxygène-lacune est quasiment nulle. De plus, il existe autour de cette paire oxygène-lacune des sites énergétiquement favorables aux atomes ayant une forte affinité pour O, tels que Ti ou Y. Lors du broyage, de nombreuses lacunes sont formées. Il y a donc formation de paires oxygène-lacune vers lesquels Ti et Y sont attirés, entraînant la germination d'amas enrichis en Ti, Y et O. La présence d'une coquille n'apparaît pas nécessaire.

Pour tester expérimentalement cette prédiction théorique, Xu et al. ont analysé par annihilation de positrons deux aciers ODS : (i) le 14 YWT préparé par broyage et contenant des amas nanométriques enrichies en Ti, Y et O et (i) un acier préparé par fonderie et ne contenant pas de tels amas [76]. Des amas de lacunes ont été détectés uniquement dans l'ODS 14 YWT. Cela confirme expérimentalement l'importance des lacunes dans la formation des amas.

1.2. Les aciers ODS

¾ Relation d'orientation des oxydes avec la matrice

Le type d’interaction entre les dislocations et les oxydes dépend de la relation cristallographique entre les oxydes et la matrice. Pour comprendre l’influence des oxydes sur les propriétés mécaniques, il est donc important de caractériser les interfaces matrice/oxyde. Klimiankou et al. ont observé par MET une relation d’orientation entre des oxydes d’Y2O3

cubique et la matrice dans un acier ODS ne contenant pas de titane [51]. Ramar et al. ont également observé par MET une semi-cohérence entre des oxydes Y2O3 cubique de 10 à 30

nm et la matrice dans l’acier ODS Eurofer [50]. Pour un acier ODS Eurofer dans lequel du titane a été ajouté, des oxydes plus petits, de 5 à 10 nm, sont présents et ne sont pas tous orientés de la même manière par rapport à la matrice. Mais il n’a pas été déterminé s’ils étaient semi-cohérents ou incohérents. Il existe donc très peu de résultats sur la relation oxydes/matrice en général et aucun sur la relation entre les amas, c’est-à-dire les plus petits oxydes, et la matrice.

¾ Les derniers développements des techniques de caractérisation

La microscopie électronique en transmission est limitée par sa limite de résolution, de 1 à quelques nanomètres selon les appareils, pour la détection des amas dans les ODS. Lozano- Perez et al. ont réussi à repousser ces limites et à observer une particule sub-nanométrique dans un acier ODS grâce à une instrumentation de pointe (MET FEG (Field Emission Gun), correcteurs d’aberrations sphériques, filtre gamma et détecteur EELS) et à une optimisation du traitement des données, en particulier de la soustraction du bruit de fond [77]. Ohnuma et

al. proposent d’analyser la composition des nano-oxydes en combinant la DNPA et le SAXS

[53]. La méthode, appelée variation du contraste de l’alliage ou ACV (Alloy Variation Contrast), exploite le fait que les éléments chimiques ont des longueurs de diffusion des neutrons et des rayons X différentes. En faisant le rapport des intensités diffusées en DNPA et en SAXS, on obtient une signature caractéristique de la composition de l’amas que l’on compare à des signatures calculées pour des phases connues. Il en est déduit que les nano- oxydes correspondent à la phase Y2Ti2O7 mais qui pourrait contenir jusqu'à 6 % at. de fer.

Enfin, Alinger et al. ont caractérisé un acier ODS par spectroscopie d’annihilation de positrons [78]. Les sites d’annihilation des positrons sont identifiés par comparaison avec des matériaux modèles ou des calculs de la signature de sites connus. Dans l’acier ODS étudié, les sites d’annihilation sont cohérents avec des nano-oxydes tels qu'Y2O3, TiO et des oxydes plus

complexes ou hors d’équilibre. Des expériences supplémentaires sont nécessaires pour mieux quantifier ces résultats.

L’utilisation de ces techniques de pointe devrait permettre de préciser la nature des nano- oxydes présents dans les aciers ODS. Toutefois ces techniques sont utilisées proches de leur

1. Bibliographie sur les aciers ODS

limite de détection et leurs résultats peuvent être difficiles à interpréter. Il est donc nécessaire de les utiliser de manière complémentaire et de les comparer.