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3.   Caractérisations nanométriques des phases formées par broyage

3.3.   Discussion sur la nature des phases formées 115

3.3.1. Après un broyage d'YFe3 et Fe2O3 de 288 h

Toutes les techniques utilisées montrent que les réactifs de départ YFe3 et Fe2O3 ont disparu

et que de nouveaux produits, des nano-cristallites de Fe-α et une phase riche en Y et O, ont été formés après 288 h de broyage. Les cristallites de Fe contiennent une quantité importante d'Y et d'O. Fu et al. [75] ont montré, à partir de calculs ab-initio, que l'oxygène dans le fer a une forte affinité pour les lacunes. Par conséquent, l'énergie de formation des paires O - lacunes devient très faible si les lacunes préexistent. De plus, dans l'environnement d'une paire O - lacune, certains sites du réseau sont favorables aux atomes d'yttrium d'un point de vue énergétique. Or au cours du broyage, de nombreuses lacunes sont créées. C'est pourquoi les solubilités d'Y et d'O, qui sont très faibles dans du fer sans défaut cristallin, peuvent fortement être augmentés par le broyage, ce qui justifie l'existence de cette solution de fer sursaturée en Y et O.

Une composition chimique inattendue a été mesurée pour la phase YO. En effet, elle contient une importante quantité de fer (~ 10 % at.) et la même concentration en Y et O (~ 45 % at. chacun). Sa structure cristallographique n'a pas pu être déterminée par DRX. L'étude de la cinétique de la réaction chimique (voir l'annexe 1) a montré que lorsque l'on broie YFe3 et

Fe2O3, la réaction chimique exothermique 2YFe3 + Fe2O3 Æ 8Fe + Y2O3 se propage

rapidement après environ 7 h de broyage pour former un système composé de fer cubique centré et d'Y2O3 cubique de type bixbyite. Durant la suite du broyage, la phase Y2O3 a donc

3. Caractérisations nanométriques des phases formées par broyage d'YFe3 et Fe2O3

Colin et al. ont montré que la réduction des oxydes pouvait être favorisée par certains outils de broyage, en acier ou en WC [139]. Ils ont également mis en évidence une transformation de phase cubique Æ monoclinique puis une amorphisation de la phase cubique Y2O3 par

broyage avec des outils en acier. Autrement dit, une évolution de la structure permet d'accommoder la sous stœchiométrie en O de l'oxyde.

Par ailleurs, une comparaison peut être faite avec l'étude de Kimura et al. [140] qui consiste à broyer un alliage FeCr avec 15 % mass. d'Y2O3. En effet, après 7 h de broyage, le

nanocomposite étudié est très similaire, excepté l'absence de Cr. Des caractérisations par MET et DRX sur le matériau broyé plus de 100 h par Kimura et al. montrent que le système est composé de nano-cristallites de phase FeCr-α entourées par une phase amorphe enrichie en Y et O. Cette microstructure est donc très proche de celle observée par SAT pour le nanocomposite Fe-Y2O3 après broyage. Enfin, ce système peut être comparé à celui étudié par

Bentley et al. [141]. En effet, Ni2Y et NiO ont été co-broyés dans le but d'induire la réaction

chimique 2 Ni2Y + 3 NiO Æ 7 Ni + Y2O3. Les caractérisations du matériau après broyage

réalisées par microscopie électronique en transmission en champ clair et en énergie filtrée mettent en évidence des nano-cristallites de Ni entourées par une phase d'yttrium et d'oxygène amorphe. Bien que dans cette étude Fe ait été remplacé par Ni, les conditions de synthèse et les microstructures observées sont similaires.

Etant donné la composition chimique de la phase YO, très éloignée de la stœchiométrie de la phase cubique Y2O3, le spectre de DRX du nanocomposite broyé, sur lequel ni les pics

caractéristiques d'Y2O3 cubique ni ceux d'Y2O3 monoclinique n'apparaissent, et par

comparaison avec Begin-Colin et al. [139], Kimura et al. [140] et Bentley et al. [141], la phase YO est très probablement amorphe.

3.3.2. Après un recuit à 800°C pendant 1 minute

Le nanocomposite à l'issue du broyage est dans un état métastable. Il évolue donc très rapidement vers un état d'équilibre au cours du recuit à 800°C. Tout d'abord, après seulement 1 minute de recuit, la plupart des atomes d'yttrium et d'oxygène piégés dans les nanocristallites de la phase Fe-α en ont été rejetés. Cependant, les concentrations en Y et O dans le fer (respectivement 0.11 et 1.32 % at. d'après la SAT) restent supérieures aux limites de solubilité à 800°C (0.029 et 0.06 % at. respectivement pour Y et O, voir 3.2.3.2). Par conséquent, le recuit a été trop bref pour permettre au système d'atteindre l'équilibre thermodynamique. Ensuite, les nanocristallites de fer ont grossi jusqu'à former une phase continue. Enfin, la phase YO a été remplacée par un autre oxyde d'yttrium, de composition chimique et de structure différente. La phase Y2O3 a été très clairement identifiée par DRX

tandis que la SAT a mesuré comme composition Y2O2.7. En fait, il n'y a pas de contradiction

3.3. Discussion sur la nature des phases formées

groupe de symétrie Ia3 [136]. Sa maille contient 32 cations Y3+ et 48 anions O2- (voir Fig.

3.10). Pour se représenter la structure, on peut considérer que les ions Y3+ sont au centre d'un

cube dont six sommets sur huit sont occupés par des ions O2-, laissant deux sommets vides,

que l'on appelle des lacunes structurelles en oxygène. A cause de cette spécificité, il a été montré qu'en cas de sous stœchiométrie en oxygène, la structure peut accommoder une concentration importante de lacunes en oxygène. Des calculs thermodynamiques ont montré que la neutralité électrique et la stabilité de la structure cristallographique d'Y2O3-δ pouvaient

être maintenues jusqu'à δ=1 [142]. De plus, par spectroscopie de perte d'énergie d'électrons sur des oxydes d'yttrium, des lacunes en O jusqu'à 7%, soit une composition Y2O2.78 ont été

mesurées. Dans notre cas, la phase YO est sous stœchiométrique en O car plus d'O que d'Y a été piégé dans la phase Fe-α. Après recuit, la phase YO est donc un oxyde d'yttrium thermodynamiquement stable, sous stœchiométrique en O et avec une structure cristalline de type bixbyite.

Fig. 3.10 : Structure cristallographique d'Y2O3 cubique, de type bixbyite. Les cations Y3+ sont en noir et

les anions O2- en rouge. A gauche est représentée la maille d'Y

2O3. A droite est représentée une portion de

la maille : un ion Y3+ est au centre d'un cube dont six sommets sur huit sont occupés par des ions O2-. Pour

équilibrer la structure, les ions O2- se déplacent légèrement par rapport aux sommets (représentés par des

cercles en pointillés).