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Identification des distinctions sexuelles en matière de fonctions cultuelles à une discrimination telle que définie en droit positif

Section I. Correspondance de l’exclusion des femmes de certaines fonctions cultuelles avec une discrimination

A) Identification des distinctions sexuelles en matière de fonctions cultuelles à une discrimination telle que définie en droit positif

Comme l’explique Sophie LATRAVERSE, « La discrimination est le terme choisi par les Conventions internationales sur les droits de l’homme pour désigner la différenciation (distinction, exclusion, restriction, référence, différence de traitement) faite sur la base d’un critère prohibé par le droit et arbitraire, qui a pour effet ou pour but de porter atteinte, détruire, altérer, compromettre le principe d’égalité. »2.

Aussi, selon la Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession du 25 juin 1958, « le terme discrimination comprend: toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession » (article 1, 1.a). La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 définit, pour sa part, précisément la « discrimination à l’égard des femmes » comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de

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Timo MAKKONEN, « Les principales causes, formes et conséquences des discriminations », in

Pour une société plus juste. Le droit international, communautaire et français en matière de discriminations, Bureau Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour les Pays

Baltes et Nordiques à Helsinki, International Organization for Migration, Helsinki, 2004, p. 15.

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Sophie LATRAVERSE, « Le droit français en matière de discriminations », in Pour une société

plus juste. Le droit international, communautaire et français en matière de discriminations, Bureau

Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour les Pays Baltes et Nordiques à Helsinki, International Organization for Migration, Helsinki, 2004, p. 106.

compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine » (article 1er). En droit européen, l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 énonce que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe (…) »; et en droit français, selon le Code pénal « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison (…) de leur sexe (…) » (article 225-1).

Ainsi, le « sexe » fait partie des « critère[s] de distinction considéré[s] comme illégitime[s] » en droit1. En effet, comme le souligne Timo MAKKONEN, « La discrimination se fonde sur toutes les caractéristiques attribuables à l’être humain. Selon les époques et les lieux, les motifs diffèrent et font l’objet tour à tour d’une attention particulière du droit et des sciences politiques. Les expériences varient selon les groupes et les pays. Initialement, le genre sexuel et l’origine ethnique ont été reconnus par de nombreuses juridictions. D’autres motifs, tels que le handicap ou la préférence sexuelle, l’ont été plus tardivement. En droit international, la Charte des Nations unies forme une des bases de cet ordre juridique international. Elle déclare : ‘L’un des objectifs des Nations unies est de réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordres économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion’. »2.

1

Rapport du Haut Conseil à l’Intégration, Lutte contre les discriminations : faire respecter le

principe d’égalité, Rapport au Premier ministre, La Documentation française, 1998, p. 9; voir

également Danièle LOCHAK, « La notion de discrimination », CONFLUENCES Méditerranée, n°48, Hiver 2003-2004, p. 13-23.

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Timo MAKKONEN, « Les principales causes, formes et conséquences des discriminations », in

Pour une société plus juste. Le droit international, communautaire et français en matière de discriminations, Bureau Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour les Pays

La discrimination est liée à « un désavantage »1, à une inégalité2: la discrimination renvoie à une « distinction, exclusion ou préférence (…) qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement » (article 1er de la Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession du 25 juin 1958). Selon la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés » (article 1).

Concernant plus particulièrement les discriminations sexuelles, celles-ci sont associées à des inégalités entre les hommes et les femmes: « Les femmes se voient souvent refuser l’égalité de jouissance de leurs droits fondamentaux, en particulier en raison du statut inférieur qui leur est réservé par la tradition et la coutume ou suite à une discrimination ouverte ou déguisée. Bien des femmes subissent plusieurs formes de discrimination car à la discrimination fondée sur le sexe s’ajoute celle fondée sur d’autres facteurs liés à leur situation particulière tels que la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou encore l’âge, l’origine ethnique, le handicap, le

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Article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

2 Patrick SIMON, « Introduction au dossier: ‘la construction des discriminations’ », Sociétés

contemporaines (2004), n° 53, p. 5-7. Voir également Danièle LOCHAK, « La notion de

statut matrimonial, ou le statut de réfugié ou de migrant, ce qui les pénalise plus encore. »1.

Cela est favorisé par les distinctions reposant sur les différences entre les sexes. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels explique ainsi que « la discrimination fondée sur le sexe peut être liée à un traitement différent des femmes motivé par leurs caractéristiques biologiques (…) ou à des conceptions stéréotypées qui conduisent par exemple à orienter les femmes vers les emplois de bas niveau en présumant qu’elles sont moins disposées à consacrer autant de temps que les hommes à leur travail. (…) Les différences entre les deux sexes affectent le droit égal des hommes et des femmes à jouir de leurs droits. Elles renvoient à des attentes et des présupposés culturels quant au comportement, aux attitudes, aux traits de caractère et aux aptitudes physiques et intellectuelles des hommes et des femmes, en fonction uniquement de leur identité d’hommes ou de femmes. Les présupposés et attentes sexospécifiques désavantagent en général les femmes pour ce qui est de l’exercice concret de leurs droits, tels que la liberté d’agir et d’être reconnues en tant qu’adultes autonomes, jouissant de leur pleine capacité, de participer pleinement au développement économique, social et politique et de prendre des décisions concernant leurs situation et conditions de vie. Les présupposés quant au rôle économique, social et culturel que tel ou tel sexe est appelé à jouer empêchent le partage, dans tous les domaines, des responsabilités entre les hommes et les femmes, indispensable à l’égalité »2. C’est pourquoi en droit, le sexisme, qui « est fondé sur des préjugés liés à l’appartenance sexuelle et aux rôles sociaux dévolus aux hommes et aux femmes » et qui « résulte de la subordination sociale et juridique des femmes dans une culture dominée par les hommes »3, est considéré comme une « cause » de discrimination à l’égard des femmes4.

1 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n°16 Droit égal de

l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (art. 3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 2005, point 5.

2 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n°16 Droit égal de

l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (art. 3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 2005, points 11 et 14.

3 Timo MAKKONEN, « Les principales causes, formes et conséquences des discriminations », in

Pour une société plus juste. Le droit international, communautaire et français en matière de discriminations, Bureau Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour les Pays

Baltes et Nordiques à Helsinki, International Organization for Migration, Helsinki, 2004, p. 21.

4 Timo MAKKONEN, « Les principales causes, formes et conséquences des discriminations », in

Les caractéristiques d’une discrimination sexuelle se retrouvent concernant l’exclusion des femmes de certaines fonctions cultuelles. Cette exclusion est liée à une distinction des rôles entre les sexes selon laquelle seuls les hommes ont vocation à accéder aux fonctions de prêtre catholique, de rabbin et d’imam, les femmes étant destinées à d’autres rôles en raison de leurs dispositions propres. Or, comme le souligne Danièle LOCHAK, « la discrimination, au sens fort, c’est l’exclusion: l’exclusion de certaines personnes en tant qu’elles appartiennent à un groupe défini par des caractéristiques intrinsèques, ‘naturelles’, sur lesquelles les intéressés n’ont pas prise, telles que (…) le sexe »1.

Le rapport annuel de la Cour de cassation de 2008 met également en évidence ce rapport entre la discrimination et les critères d’ordre physiologique: « l’interdiction des discriminations (…) est liée à une certaine conception de l’homme. Les premiers critères visés sont l’origine, le sexe, les moeurs, l’orientation sexuelle, l’âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou la non- appartenance à une ethnie, à une nation ou à une race. Ils renvoient à une conception unitaire du genre humain, à une fraternité non pas de l’affect, mais du vivant. Ils interdisent qu’une personne soit défavorisée en raison de ses caractéristiques propres, de ce contre quoi, en tant qu’être vivant, elle ne peut rien, ou, pour la suite du texte, de ce qui, en tant qu’être agissant et pensant, appartient à sa liberté la plus irréductible. La prohibition des discriminations est une prohibition des com- portements attentatoires à l’homme essentiel. »2.

Plus précisément, la distinction sexuelle relative aux fonctions d’imam, de rabbin et de prêtre correspond à une discrimination directe, laquelle est définie comme « une différence de traitement » qui « repose directement et explicitement sur des distinctions fondées exclusivement sur le sexe et les caractéristiques propres aux

discriminations, Bureau Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour les Pays

Baltes et Nordiques à Helsinki, International Organization for Migration, Helsinki, 2004, p. 18.

1

Danièle LOCHAK, « Réflexions sur la notion de discrimination », Droit social, n° 11, novembre 1987, p. 790.

2 Rapport annuel de la Cour de cassation de 2008, Troisième partie, Étude, « Les discriminations

hommes ou aux femmes, qui ne peuvent être justifiées objectivement »1. Ainsi que le précise Denis MARTIN, « le constat que la discrimination est fondée directement sur le sexe semble (…) facile: dès lors qu’une condition s’applique exclusivement à l’un des deux sexes, elle doit être considérée comme directement discriminatoire »2. Or, seuls les hommes peuvent être imams, rabbins ou prêtres catholiques: selon le canon 1024 du code de droit canonique, « seul un homme baptisé reçoit validement l’ordination sacrée ». De même, le « Statut de l’imam » précise que « pour être apte à remplir cette fonction, l’Imam doit : être (…) de sexe masculin »3.

L’aspect discriminatoire de l’exclusion des femmes de l’exercice de ces responsabilités religieuses tient également aux inégalités entre les hommes et les femmes que cette exclusion génère (B).

B) L’inégalité entre les sexes générée par l’exclusion des femmes de fonctions

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