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Les distinctions sexuelles concernant l’accès à l’imamat, au rabbinat et à la prêtrise, interrogées par les évolutions égalitaristes contemporaines

Du latin relegere (« recueillir », « rassembler ») et religare, (« re-lier à », « attacher à »)1, la religion est définie, selon Émile DURKHEIM, comme « un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. (…) l’idée de religion est inséparable de l’idée d’Église, il fait pressentir que la religion doit être une chose éminemment collective »2. La définition apportée par Vincente FORTIER met également en avant ce caractère collectif de la religion: « adhérer à une religion, c’est entrer dans la communauté où est transmise la tradition de son fondateur. Dans les trois moments du religieux – le symbolique, la croyance, la communauté – il ne faut pas s’arrêter au deuxième stade et oublier la dimension communautaire. Croire, c’est croire ensemble. Or toute communauté religieuse a une vie publique, visible avec ses rites, son culte, ses temples, ses ministres, son organisation, son engagement social. La religion n’est plus alors et seulement affaire personnelle, elle est aussi manifestation des convictions, propagation de la foi, obéissance aux rites et prescriptions »3. Aussi, au sein de ces communautés religieuses, les « ministres du culte » assurent « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques »4.

Dans le judaïsme, ce « personnel cultuel » est constitué, à « la période du Second Temple », des prêtres - kohanim (chargés des « sacrifices au Temple ») et des lévites (« choristes », « musiciens », « gardiens des portes »)5. Puis à partir de la destruction du Temple, « une autorité juridico-religieuse exercée par un corps de rabbins (…) se

1 Jean-François COLLANGE, « Qu’est-ce qu’une religion? Le religieux entre identité et altérité »,

Études théologiques et religieuses, tome 73, 1998/4, p. 562.

2 Émile DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie,

CNRS éditions, Paris, 2007, p. 95-96.

3

Vincente FORTIER, « Le juge, gardien du pluralisme confessionnel », RRJ, 2006-3, p. 28.

4

Conseil d’État, Avis d’assemblée, 24 octobre 1997, Association locale pour le culte des Témoins de

Jéhovah de Riom, n° 187122.

5 Article « Prêtres », Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf/Robert Laffont, Paris, 1996, p.

substitue au pouvoir sacerdotal (…) déchu: il assure l’encadrement et la prise en charge normative, idéologique, intellectuelle »1. Actuellement, en France, les rabbins exercent leur fonction dans le cadre d’ « une organisation centralisée et pyramidale » mise en place sous Napoléon2: le Consistoire central « gère diverses instances comme le séminaire israélite ou le tribunal rabbinique »3; les consistoires locaux règlent « les affaires des congrégations dans chaque département français »4; le Grand rabbin de France « exerce un pouvoir moral » et représente « la communauté devant les autorités »5; les grands rabbins régionaux sont « le relais du grand rabbin de France auprès des rabbins de communautés » et ont « un pouvoir moral »6; et les rabbins des communautés « dirige[nt] les offices religieux », enseignent et sont « impliqué[s] dans tous les aspects sociaux et religieux de la communauté »7.

Dans l’Église catholique romaine, « les fonctions ecclésiastiques » sont exercées par « une hiérarchie à trois degrés » qui se met en place dès les premiers siècles du christianisme8: « Dans la primitive Église, les ‘épiscopes’ sont les ‘anciens’ (presbutéroi) à qui les apôtres confient la ‘surveillance’ des communautés chrétiennes; il semble qu’au début, cette charge ait été exercée collégialement par les ‘presbytres’ : ‘Soyez attentifs à vous-mêmes, recommande saint Paul aux anciens

1 Régine AZRIA, « Vers de nouveaux paradigmes de l’autorité dans le judaïsme? », in Martine

COHEN, Jean JONCHERAY et Pierre-Jean LUIZARD (dir.), Les transformations de l’autorité

religieuse, l’Harmattan, Paris, 2004, p. 271-272.

2 Base de données Eurel, « Minorités religieuses: France », http://www.eurel.info (consulté le

15/05/2011).

3 Base de données Eurel, « Minorités religieuses: France », http://www.eurel.info (consulté le

15/05/2011).

Selon l’article 1er de ses Statuts, le Consistoire central a notamment « pour objet de sauvegarder l’indépendance et la dignité des ministres du culte, d’assurer la permanence de la fonction de Grand Rabbin de France, de favoriser le recrutement des Ministres du culte en assurant le fonctionnement du Séminaire Israélite de France et de contribuer, éventuellement, à leur traitement, de maintenir et développer l’enseignement religieux, de veiller, par des règlements généraux applicables à tous les organismes adhérents, au maintien de l’union, de la discipline, du bon ordre dans l’exercice du culte ».

4 Article « Consistoire », Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf/Robert Laffont, Paris, 1996,

p. 249.

5 Bernard PAPERON, « Le rabbin », Revue de droit canonique, 47/2, Strasbourg, 1997, p. 292.

Selon le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, le grand rabbinat est la « forme centralisée d’autorité religieuse, expérimentée dès le Moyen Âge, souvent dotée de fonctions tant représentatives que judiciaires. En Europe médiévale, un ‘chef des juifs’ (…) était parfois à peine plus qu’un collecteur d’impôt et un agent de la Couronne; dans d’autres cas, il pouvait être le chef d’un tribunal rabbinique (…), ou quelque Juif éminent reconnu comme ‘rabbin de la Couronne’ par le gouvernement, ou les deux à la fois ». Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf/Robert Laffont, Paris, 1996, p. 851-852.

6

Bernard PAPERON, « Le rabbin », Revue de droit canonique, 47/2, Strasbourg, 1997, p. 292-293.

7 Bernard PAPERON, « Le rabbin », Revue de droit canonique, 47/2, Strasbourg, 1997, p. 293-294. 8 Alexandre FAIVRE, Naissance d’une hiérarchie : Les premières étapes du cursus clérical,

d’Éphèse, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens (épiskopous) pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre Fils’ (Ac 20, 28). Assez vite, un ‘épiscope’ unique se voit attribuer la responsabilité de toute une église (1 Tm 3, 1-7 ; Tt 1,7-9), secondé par les presbytres (Tt 1, 5 ; 1 Tm 5, 17) et assisté par les diacres (1 Tm 3, 8-13). »1. Actuellement, le Pontife romain exerce « le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel »2 « sur l’Église toute entière »3, assisté des Évêques et « aidé en outre des Pères Cardinaux ainsi que par d’autres personnes et par diverses institutions selon les besoins du moment »4. Au niveau des Églises particulières, les Évêques ont « la charge d’un diocèse »5 dans lequel ils exercent « le pouvoir ordinaire, propre et immédiat requis pour l’exercice de [leur] charge pastorale »6 c’est-à-dire « la charge de sanctifier, celles d’enseigner et de gouverner »7, et ce, avec le concours notamment du synode diocésain, de la curie diocésaine, de vicaires généraux et du conseil presbytéral8. Les curés ont pour leur part « la charge pastorale » des paroisses, sous l’autorité des évêques diocésains9.

Dans l’islam sunnite, « il n’existe pas de hiérarchie unique et pyramidale »10. Comme l’explique Louis GARDET, « profondément égalitaire (…), la communauté musulmane ne reconnaît à aucun de ses membres un pouvoir spirituel vrai sur aucun autre. C’est en tant que chef temporel, ou plutôt c’est en raison de la fusion du

1 Article « Les ‘ministres ordonnés’: évêque, prêtre, diacre », d’après Dom Robert Le Gall,

Dictionnaire de Liturgie, 16 juin 2011, Portail de la Liturgie Catholique,

http://www.liturgiecatholique.fr (consulté le 19/01/2012).

2 Canon 331 du Code de droit canonique de 1983. 3 Canon 333 § 1 du Code de droit canonique de 1983. 4

Canon 334 du Code de droit canonique de 1983.

Voir également Patrick VALDRINI, Jean-Paul DURAND, Olivier ÉCHAPPÉ, Jacques VERNAY,

Droit canonique, 2ème édition, Dalloz, Paris, 1999, p. 123-141.

5 Canon 376 du Code de droit canonique de 1983. 6

Canon 381 § 1 du Code de droit canonique de 1983.

7

Canon 375 § 2 du Code de droit canonique de 1983.

8 Canons 460, 469, 475§1 et 495§1 du Code de droit canonique de 1983. Voir Patrick VALDRINI,

Jean-Paul DURAND, Olivier ÉCHAPPÉ, Jacques VERNAY, Droit canonique, 2ème édition, Dalloz, Paris, 1999, p. 150-168.

9 Canon 515 § 1 du Code de droit canonique de 1983.

Voir également Patrick VALDRINI, Jean-Paul DURAND, Olivier ÉCHAPPÉ, Jacques VERNAY,

Droit canonique, 2ème édition, Dalloz, Paris, 1999, p. 168-176.

10 Alain BOYER, « La place et l’organisation du culte musulman en France », Études, 2001/12, Tome

395, p. 624.

Concernant l’islam chiite, François PIERRELAT explique que l’ « on a pu dire du chiisme que, sans être une église, il comporte un clergé. (…) à la suite d’une évolution historique, propre aux trois derniers siècles, les hommes de religion du chiisme se sont constitués en hiérarchie. L’autorité dont ils sont investis dépend bien sûr de la qualité morale de leur vie, mais surtout du degré d’avancement de leurs recherches. Il s’agirait donc en quelque sorte d’une hiérarchie de type universitaire au sommet de laquelle se situerait (…) les incontestables savants ». François PIERRELAT, « La spécificité chiite »,

spirituel et du temporel que le Calife est chargé à la fois de ‘défendre la religion et gouverner le monde’. Quant aux ‘savants’ (…), c’est au nom même de la communauté qu’ils formulent leurs décisions, non point spécifiquement religieuses, mais tout aussi bien sociales, juridiques, religieuses ou politiques. Il s’agit sans plus de l’exercice d’un droit qui appartient, ou mieux de l’accomplissement d’un devoir qui incombe à tout musulman qui y est apte: juger de la conformité ou de la non- conformité de tel ou tel acte avec les lois révélées promulguées par le Coran »1. Au niveau cultuel, des imams sont chargés des « aspects techniques, pratiques relatifs à l’accomplissement du culte » (« prédication du Vendredi » et « direction des prières quotidiennes »)2. En France, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), « instance représentative du culte musulman »3 créée en 2003, « a pour objet (…): de défendre la dignité et les intérêts du culte musulman en France; de favoriser et d’organiser le partage d’informations et de services entre les lieux de culte; d’encourager le dialogue entre les religions ; d’assurer la représentation des lieux de culte musulmans auprès des pouvoirs publics »4.

Concernant ces trois religions, les « ministres » chargés du culte au niveau des communautés locales sont donc les rabbins, les imams et les prêtres catholiques. Ces fonctions cultuelles ne sont pas accessibles aux femmes selon les doctrines des religions juive orthodoxe, musulmane et catholique romaine (Section I). Cependant, les évolutions des sociétés modernes en faveur de l’égalité des droits et des fonctions entre les hommes et les femmes éprouvent actuellement l’exclusion des femmes de ces responsabilités religieuses (Section II).

Section I. Des autorités religieuses exclusivement masculines dans les

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