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Chapitre 1: Contexte, Problématique et Approche

3 Précision de la problématique

3.2 Identification de l’équipe de négociation

Comme souligné auparavant, il n’existe pas dans la littérature de travaux qui se sont intéressés à l’identification des équipes de négociation. Néanmoins, certains travaux ont mis l’accent sur l’identification des équipes de conception collaborative. En assimilant le processus de gestion de conflit à un sous-processus de conception (c’est-à-dire un processus ayant comme objectif de résoudre un problème lié à l’artefact à concevoir) et du fait que la gestion de conflit est un processus collaboratif (Girard et al. 2003), nous nous appuyons sur ces travaux pour étudier l’équipe de négociation et définir les rôles qui peuvent être assignés aux acteurs membres de cette équipe.

3.2.1 État de l’art sur les équipes de collaboration

Lu (Lu et al. 2002) considère que l’activité de conception collaborative est un processus sociotechnique et préconise que tout processus collaboratif se compose nécessairement de ressources. Ces ressources sont décrites comme étant un « atome » qui évolue durant le cycle de vie du processus de conception. Selon l’auteur, le concept ressource dans un environnement de conception collaborative est considéré comme un concept fondamental et peut être le plus important. Dans une étude menée auprès de 205 entreprises, Hong (Hong et

conception et décrit l’influence du changement de rôle d’une ressource, qui évolue selon l’avancement du processus de conception, sur les performances du processus de conception. Une équipe de travail tend vers un processus de conception globalement optimisé selon des indicateurs de performance multiples tels que le coût, la durée, la qualité et les livrables. Ceci est favorisé par une meilleure compréhension commune du produit à concevoir et de son processus de conception. En effet, une compréhension partagée, entre les différents membres d’une équipe de travail, de « quoi concevoir » et de « comment le concevoir » est un facteur important pour construire une équipe de travail efficace. Les membres de l’équipe identifient les objectifs du projet et communiquent l’étendue des connaissances partagées concernant les besoins du client, les sous-traitants ou autres.

Afin de construire un groupe de travail efficace, Minel (Minel 2003) propose que l’équipe ne doit pas dépasser dix acteurs, les acteurs sont libres au moment de la création de l’équipe d’intégrer et de servir ou non l’intérêt du groupe. Plus encore, Smith (Smith 2004) propose que l’équipe doit satisfaire les caractéristiques suivantes :

• elle doit être composée d’au plus dix acteurs,

• ses membres choisissent de servir l’intérêt du groupe de travail,

• ses membres doivent travailler ensemble tout au long de la tâche qui leur est assignée,

• pour tout problème, ses membres doivent se référer au chef de projet,

• elle doit être multidisciplinaire.

Les travaux cités ci-dessus se sont intéressés d’un coté aux facteurs qui influencent la formation d’une équipe de travail efficace ; et d’un autre coté, comment supporter la collaboration au sein d’une équipe de travail afin qu’elle soit la plus performante, en proposant des méthodes et outils d’aide à la collaboration. Cependant, ces travaux ne proposent pas de structurer l’équipe en affectant des rôles à chacun des acteurs membres. Ce concept de rôle est décrit par Lander et Lesser (Lander et Lesser 1993) comme étant primordial pour bien mener une phase de collaboration ou de négociation.

Toutefois, nous notons les propositions de (Rouibah et Caskey 2003a) (Yang et al. 2004) pour catégoriser les acteurs dans le cadre de leurs travaux pour la gestion de modification en conception de produit manufacturier. Le processus de gestion de modification est également considéré comme étant un sous-processus collaboratif (Dureigne 2004).

Les travaux de Rouibah et Caskey (Rouibah et Caskey 2003a) et de Yang (Yang et al. 2004) soulignent l’importance d’identifier différentes catégories d’acteurs à inviter pour gérer une

demande de modification. Cependant, aucun mécanisme d’identification n’est proposé. Ces derniers proposent une classification en cinq catégories du groupe de travail pour la gestion des modifications. Ensuite, le chef de projet assigne un acteur à chaque rôle durant le processus de gestion de modification. Les cinq catégories sont :

• Coordinateur d’une donnée: c’est la ressource qui est responsable de l’élaboration et l’évolution d’une certaine donnée.

• Collaborateurs : ce sont les ressources qui ont été impliquées directement dans l’élaboration d’une donnée. Par exemple, différents ingénieurs de différentes entreprises travaillant sur une donnée commune en ayant des points de vue différents.

• Consultants: ce sont toutes les ressources qui doivent être consultées, sans intervenir, pour l’élaboration d’une donnée. Par exemple, un responsable de production doit être consulté afin de vérifier s’il est possible d’effectuer une certaine opération d’usinage en interne ou s’il doit sous-traiter cette tâche.

• Abonnés: ce sont toutes les ressources qui sont intéressées par l’évolution d’une certaine donnée sans pour autant être assignées à son élaboration, vérification ou approbation.

• Approbateur: c’est la ressource responsable de l’approbation et de la validation d’une donnée.

En s’inspirant de ces travaux, nous présentons dans ce qui suit une définition de l’équipe de négociation dédiée à la gestion de conflit (§3.2.2) et nous proposons ensuite une structuration de l’équipe de négociation en proposant des rôles qui seront assignés aux différents membres (§3.2.3).

3.2.2 Équipe de négociation pour la gestion de conflits

Le processus de gestion de conflits est un processus collaboratif qui nécessite l’intervention de plusieurs acteurs afin de résoudre un conflit. Une fois le conflit détecté, il est nécessaire d’identifier les bons acteurs à inviter pour le résoudre. Cette phase est considérée comme un pré-requis afin de bien mener la négociation et la résolution du conflit. En effet, identifier les bons acteurs concernés par le conflit permet de :

• disposer des connaissances et des compétences nécessaires pour résoudre le conflit,

• minimiser la durée du processus de gestion de conflits, c’est-à-dire atteindre le plus rapidement possible un consensus afin de résoudre le conflit,

• anticiper l’apparition de nouveaux conflits, en prenant en compte les différentes contraintes de conception.

Généralement, la formation d’une équipe en charge d’un processus d’ingénierie collaboratif se fait avant le lancement d’un projet. Les ressources sont affectées au projet lors de la phase d’organisation du processus pour la planification des activités. L’identification des acteurs se base essentiellement sur les notions de « rôle », « compétence » et « disponibilité ». En effet, l’acteur est choisi en fonction de ses compétences et de ses disponibilités en vue d’assurer un rôle lors de l’exécution d’une activité de conception. Cependant, la résolution de conflit ne peut être planifiée en avance. L’apparition du conflit est aléatoire et il est donc nécessaire de disposer des acteurs à même pour sa résolution. Ces derniers, que nous désignons par

négociateurs dans ce travail de thèse, doivent répondre à certains critères pour pouvoir résoudre le conflit. Les négociateurs doivent avoir les compétences nécessaires pour résoudre le conflit et être disponibles pour participer à la négociation et la génération d’une solution convenable. Ceci permettra d’éviter l’apparition de nouveaux conflits, en prenant en compte dès le début les contraintes des différents négociateurs. Pour ce faire, les négociateurs correspondent aux acteurs :

• qui ont participé directement ou indirectement à la réalisation de la donnée source de conflit (la partie du processus de conception qui a aboutit à cette donnée). En effet, une donnée qui est une source de conflit résulte d’une ou plusieurs activités de conception précédant l’activité où le conflit s’est déclenché. Les acteurs responsables de l’exécution de cet ensemble d’activités doivent donc être invités à la négociation pour résoudre le conflit. Seuls ces derniers détiennent les raisons de la création d’une donnée et de la manière avec laquelle elle a été créée. Ainsi, la responsabilité de modifier une des données utilisées durant le processus de réalisation de la donnée source de conflit revient à ces derniers.

• qui entreprennent des activités directement dépendantes de la donnée source de conflit. En effet, au cas où les négociateurs sont amenés à modifier la donnée source de conflit, les acteurs utilisant cette donnée devront être avisés pour pouvoir propager les modifications nécessaires.

Nous notons que la composition de l’équipe de négociation est dynamique. Durant l’évolution de la négociation, il est possible que de nouveaux acteurs de conception intègrent l’équipe de

négociation et que d’autres se rétractent en fonction du problème rencontré. Ceci permettra de faire face aux différents problèmes que peuvent apparaître durant la phase de négociation.

3.2.3 Rôle des membres de l’équipe de négociation

Pour mener à bien un processus de négociation, il est nécessaire de définir des rôles différents pour chacun des membres de l’équipe de négociation. Notre objectif ici n’est pas de hiérarchiser le processus de négociation, mais de faciliter la coordination de ce processus afin d’atteindre au plus vite un consensus. Selon la phase à laquelle ils participent durant la négociation, les négociateurs peuvent jouer différents rôles. Nous identifions trois phases dans la négociation : l’initiation, la conversation et la décision finale.

La phase d’initiation : Cette phase est la première phase de résolution de conflit et est

menée par l’initiateur qui correspond la plupart du temps à l’acteur qui a détecté le conflit et lancé le processus de gestion de conflits. Cet initiateur lance la négociation en menant une action de vulgarisation où il explique le problème qu’il rencontre avec les choix actuels sur le produit. Ensuite, il justifie ou argumente sa motivation pour modifier la solution actuelle en précisant l’impact des choix actuels sur le produit.

La phase de conversation : durant cette phase, une conversation entre les membres de

l’équipe de négociation se déroule, au cours de laquelle des propositions de modifications sont échangées. Les négociateurs collaborent soit en proposant des alternatives de solutions qui répondent au conflit détecté, soit en appuyant une alternative proposée par un autre négociateur. Nous attribuons le rôle de collaborateur aux acteurs qui participent à cette conversation. Cependant, certains acteurs peuvent rencontrer des problèmes avec les alternatives de solutions proposées par les collaborateurs, et émettre des contre-propositions. Ces acteurs sont identifiés dans le processus de négociation comme étant des

référents. Ces derniers ne sont pas tenus de joindre des solutions aux contre-propositions.

La phase de décision finale : cette phase aboutit à une solution au conflit détecté par

l’initiateur. Suite à la phase de conversation, soit un consensus est atteint par l’ensemble des membres de l’équipe de négociation, soit une solution est votée. Cette action est menée par les approbateurs. Les approbateurs sont tous les négociateurs qui ont participé à la proposition des alternatives de solutions pour résoudre le conflit.

Aux différents rôles identifiés ci-dessus, nous rajoutons un dernier rôle qui s’avère nécessaire pour bien mener un processus de négociation : le responsable du processus de gestion de

conflits. Selon (Zigurs 2003 ; Carte et al. 2006), il est important d’avoir un responsable pour permettre à l’équipe de négociation d’avancer et de progresser. Ce rôle doit être affecté à un membre de l’équipe de négociation, c’est-à-dire un négociateur qui participe à la résolution de conflits. Il s’agit de superviser les différentes phases du processus de gestion de conflits. Par ailleurs, le responsable du processus de gestion de conflits peut clôturer la négociation en imposant une solution en consultant des experts externes qui n’ont pas participé à la résolution du conflit.

Nous notons qu’un même négociateur peut jouer différent rôles selon l’évolution de la négociation. Un initiateur peut avoir le rôle d’un collaborateur (lorsqu’il propose une solution au problème traité) ou d’un référent (lorsqu’il refuse une solution proposée par un autre membre de l’équipe de négociation).