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Chapitre 3: Usage du réseau de dépendances des données

3 Le réseau de dépendances de données support à la gestion des impacts

3.2 Impact sur la coordination du processus de conception

3.2.1 Coordination du processus de conception : Etat de l’art

Il nous apparaît important, avant d’aborder les travaux qui se sont intéressés à la coordination du processus de conception, de définir ce qu’est coordination en conception.

La coordination est définie dans le Petit Robert comme « des règles et des procédures qui assurent le fonctionnement d’un groupe (gestion de flux de tâches) ». La coordination est également définie comme : « l’agencement des parties d’un tout selon un plan logique, pour une finalité déterminée » (David 2004) (Rose 2004). Plus encore, Jeantet (Jeantet et al. 1996) définit la coordination comme étant l’organisation de la « concourrance » des actions pour assurer non seulement la cohérence, mais l’optimisation globale de leurs résultats. Cette organisation est souvent guidée par le flux de données échangées entre les différentes activités du processus de conception. C’est en se basant sur ce constat que différents travaux de recherche proposent de coordonner le processus de conception. Toutes les démarches proposées dans ces travaux œuvrent pour l’amélioration de la performance du processus de conception ; en proposant une organisation des échanges des informations entre activités qui réduise les coûts et les délais et augmente la qualité. Dans ce qui suit nous présentons certaines de ces démarches de coordination.

Les travaux les plus prometteurs, et qui ont fortement influencé les travaux émergents sur la modélisation du processus de conception concourant guidé par l’échange de données, sont ceux de Krishnan (Krishnan et al. 1997) qui ont proposé un modèle déterministe pour le recouvrement des activités séquentielles afin de réduire la durée de développement. Ce modèle permet de déterminer quand et comment deux activités peuvent se chevaucher (c’est-à-dire la période de concourrance pendant laquelle les activités s’échangent les informations) en se basant sur les concepts : probabilité d’évolution et degré de sensibilité. L’évolution est définie comme étant la vitesse à laquelle l’intervalle de valeurs converge vers une solution finale de l’activité amont. La sensibilité est définie comme étant la durée d’itération de l’activité avale pour incorporer les changements de la solution fournie par l’activité amont. Les auteurs proposent d’étudier les possibilités de recouvrement entre deux activités selon les quatre cas extrêmes identifiés pour la coordination du processus de conception ; pour l’évolution : rapide et lente et pour la sensibilité : forte et faible.

À l’aide d’un programme mathématique, Krishnan étudie l’impact des propriétés « évolution » et « sensibilité » sur le temps global de développement. Par exemple, plus l’activité aval est sensible aux changements des informations fournies par l’activité amont,

plus le temps nécessaire aux retraitements de l’activité aval ainsi que le temps de réalisation du processus sont importants. En fonction des résultats obtenus grâce au programme mathématique, une stratégie de recouvrement (date d’échange des informations) des activités amont et aval est proposée aux acteurs, permettant de réaliser le minimum d’itérations et donc le minimum de temps de réalisation des activités.

Les travaux de Krishnan (Krishnan et al. 1997) ont été complétés par ceux de Loch et Terwiesch (Loch et Terwiesch 1998) en proposant un modèle analytique pour la gestion des modifications en conception. Cependant, les auteurs conceptualisent autrement les informations préliminaires, elles sont précises dés le départ et sont modifiées au cours de l’évolution de la conception. Ces modifications sont intégrées par l’activité aval, durant la durée de recouvrement entre les activités, par le biais des demandes de modifications. Ces modifications engendrent des risques élevés d’itération de l’activité aval, plus particulièrement dans le cas où les conditions d’incertitude (définies par l’évolution et la sensibilité) sont élevées. Pour cela, Loch et Terwiesch favorisent les interactions entre les acteurs durant la durée de recouvrement des deux activités. Ces interactions sont un facteur de réduction des effets des itérations en aval, mais en même temps peuvent être coûteux en temps et en argent. La stratégie de recouvrement proposée consiste à propager les modifications sur les informations en amont, le plus rapidement et le plus tôt possible, vers l’activité aval. Plus tard les changements surviennent dans le processus, plus difficile est leur traitement et moindre est la contribution de l’interaction entre les acteurs à la réduction des itérations.

Dans les travaux de Yassine (Yassine et al. 1999a ; Yassine et al. 1999b), un modèle probabiliste de décision a été également proposé pour traiter les changements durant le processus de conception. Les auteurs proposent trois différentes stratégies pour coordonner les activités de conception : séquentielle, recouvrement partiel et parallèle. Ces stratégies se basent sur le type de dépendances entre les activités à coordonner (indépendance, dépendance et interdépendance) et qui sont définies en fonction des concepts évolution et sensibilité proposés dans (Krishnan et al. 1997). Dans le cas où deux activités sont indépendantes, c’est-à-dire il n’y a pas d’échange d’information entre elles, la stratégie appliquée est la parallèlisation. Le transfert séquentiel des informations est appliqué pour les activités dépendantes, c’est-à-dire l’échange d’information entre les deux activités se fait dans un seul sens (de l’activité amont vers l’activité aval). La stratégie de recouvrement partiel est déployée dans le cas d’activités interdépendantes (c’est-à-dire l’échange d’informations entre

les activités se fait dans les deux sens, de l’activité amont vers l’activité aval et vice versa). L’échange d’information dans ce cas doit, toutefois, minimiser le risque d’itération de l’activité aval quand un changement survient durant l’activité amont.

En plus de la réduction du temps de développement, Yassine s’est intéressé à l’optimisation des efforts déployés durant la réalisation des activités de conception. Afin de minimiser ces efforts, Yassine propose de décomposer l’information échangée entre les activités en informations plus élémentaires. Cette décomposition permet d’identifier avec plus de précision les informations critiques, c'est-à-dire celles qui ont une évolution ou une sensibilité importante. La combinaison d’une décomposition des informations avec une stratégie de coordination est étudiée est modélisé de façon probabiliste. À travers cette étude Yassine conclue que pour réduire les retards, tout en gardant un effort de coordination acceptable, il est essentiel de combiner une stratégie de coordination avec une décomposition des informations échangées.

Enfin, Bhuiyan (Bhuiyan et al. 2004) propose un modèle stochastique permettant d’atteindre les performances de délai et d’effort optimales du processus de conception. Elle met l’accent sur la nécessité de la collaboration entre les différents participants. Pour ce faire, Bhuiyan a étudié les liens entre les itérations en conception et les performances du processus. Deux types d’itérations sont distingués : les itérations de conception (design version) qui correspondent aux remises en cause des informations déjà communiquées à une activité aval et aux modifications effectuées par l’activité amont, et les itérations de type « churn » qui correspondent aux itérations effectuées au sein d’une même activité par des changements incrémentaux informels.

En utilisant un modèle stochastique, Bhuiyan examine sous différentes conditions d’incertitude (définies par l’évolution et la sensibilité) l’influence du taux de recouvrement et du taux d’interaction multifonctionnelle sur les performances du processus de conception. Le taux d’interaction fonctionnelle entre deux activités dépendantes correspond à la durée nécessaire à la coopération entre les responsables de chacune des deux activités afin de produire une donnée. Ce taux est exprimé en fonction de la durée de l’une des deux activités. Les liens entre les taux de recouvrement et d’interaction multifonctionnelle sont examinés à travers les risques d’itérations de conception et celles de type « churn ». Les résultats de cette étude montrent qu’avec ou sans recouvrement, l’augmentation des interactions multifonctionnelles peut impliquer soit un temps de développement important (avec des

recouvrement des activités sans interactions multifonctionnelles est déconseillée pour n’importe quelle condition d’incertitude. En outre, l’augmentation du recouvrement entre les activités avec des interactions multifonctionnelles est appropriée pour le cas d’une faible évolution et d’une faible sensibilité ; et est déconseillée pour de fortes conditions d’incertitude.

En résumé, afin d’assurer une coordination optimale du processus de conception, l’ensemble des propositions présentées ci-dessus s’accorde sur l’importance de maîtriser l’échange des informations entre les activités pour réduire les risques d’itérations dues aux conditions d’incertitude (évolution et sensibilité dans le cas de ces travaux), mais aussi dues aux interdépendances entre les activités tel que vue par Yassine (Yassine et al. 1999a).

Des stratégies de coordination par recouvrement des activités sont proposées dans ces travaux. Elles se basent sur l’organisation de la diffusion des informations entre les activités, en estimant la durée de recouvrement ou les dates de diffusion. Nous notons par ailleurs que l’ensemble des travaux passés en revue souligne l’importance des interactions entre les acteurs afin de traiter le cas d’interdépendance entre activités. Dans la littérature cette interaction est désignée par « interaction multifonctionnelle » (Bhuiyan et al. 2004) ou « coopération » (Grebici 2007). Ces interactions permettent de diminuer le risque des itérations de conception qui se manifestent sous forme d’itération formelle et d’itération informelle. Les itérations formelles correspondent aux demandes de modification suite à une activité décisionnelle. Selon Grebici (Grebici 2007), ces itérations correspondent aux remises en cause d’une donnée produit déjà diffusée dans un espace planifié : espace projet ou espace public54. Les itérations informelles correspondent aux intégrations incrémentales des modifications au cours de l’exécution d’une action de conception. Elles sont souvent désignées par « design churn » (Yassine et Braha 2003) (Bhuiyan et al. 2004) (Grebici 2007). Dans la section suivante, nous présentons des stratégies pour la coordination des actions de conception à ré-exécuter, identifiées suite à la propagation des modifications imposées par la solution au conflit. Ces stratégies présentent des modes de diffusion des données entre les activités en prenant en compte les conditions d’incertitude (complétude, variabilité et sensibilité). Elles permettent de diminuer les risques d’itérations afin de respecter les contraintes du processus de conception global.