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Identification de facteurs de restriction

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2.2. Analyses génomiques de S. lugdunensis

2.2.4. Identification de facteurs de restriction

Il a été identifié chez les staphylocoques des systèmes pour contrôler la stabilité du génome bactérien. Chez S. aureus et S. epidermidis ont été identifiés quatre types de Systèmes de Restriction-Modification (SRM) qui les protègent des transferts horizontaux et notamment vis-à-vis de l’intégration d’ADN phagique137.

Les SRM sont constitués de protéines aux activités opposées, une endonucléase de restriction, tandis que l’activité de méthylation est attribuée à une méthyltransférase, reconnaissant une séquence spécifique (Figure 31)138. Les endonucléases de restriction reconnaissent et clivent les ADN exogènes du fait de l’absence de méthylation des séquences cibles spécifiques. A l’inverse, les méthyltransférases jouent un rôle protecteur de l’ADN génomique en méthylant des cytosines ou des adénines de séquences spécifiques. Les SRM sont largement répandus parmi les procaryotes et plusieurs espèces ou souches possèdent leur propre combinaison de type de SRM. Chacun des types de SRM est composé d’enzymes spécifiques reconnaissant des séquences cibles différentes et des sites de clivage variables138.

Chez S. aureus, le SRM de type I, SauI, est aussi composé des gènes hsdR (impliqué dans la restriction de l’ADN), hsdM (impliqué dans la méthylation de l’ADN) et hsdS (impliqué dans la reconnaissance des séquences cibles) qui codent deux complexes protéiques M2S et R2M2S. Le complexe M2S catalyse le transfert d’un groupement méthyle d’une S-adénylméthionine à une adénine d’une séquence cible. Cette méthylation protège cette séquence ADN de la restriction139. Le complexe R2M2S, quant à lui, est une endonucléase de restriction qui reconnait les adénines non méthylées d’une séquence cible et les clive, empêchant l’intégration d’ADN exogène.

Au sein du génome complet de la souche N920143 a été identifié un SRM de type I, appelé SluI, composé des gènes hsdR, hsdM et hsdS. Ce SRM rend difficile la transformation des souches de S. lugdunensis par de l’ADN exogène137,140.

De façon intéressante, Heilbronner et al.140 ont montré qu’une souche de S. lugdunensis était plus aisément transformable par un plasmide cloné chez des souches d’Escherichia coli exprimant les gènes hsdM et hsdS de S. lugdunensis.

Figure 32 : Organisation générale du locus Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeat (CRISPR) associé aux protéines Cas (CRISPR/Cas)143. Les cadres blancs en amont du locus CRISPR correspondent aux gènes cas. La séquence en aval des gènes cas correspond à la séquence leader (L) dont la taille varie selon les loci entre 20 et 534 pb. Les losanges noirs représentent les repeats qui sont des séquences conservées au sein d’un même locus. Les rectangles de couleurs représentent les spacers de 30 pb environ.

Gènes cas CRISPR

L’analyse comparative des 15 génomes complets de S. lugdunensis réalisée par Argemi et al.141 a montré que le SRM de type I n’était présent que chez six souches. Chez ces dernières, les trois gènes codant le SRM étaient très conservés avec une homologie de 100%. Le gène codant la méthyltransférase présentait selon les souches, une homologie nucléotidique de 90 à 98% avec celui de la méthyltransférase Sau18 de la souche C18 de S. aureus. Par ailleurs, il a été identifié pour les sept autres souches, un SRM de type II dont le gène codant la méthyltransférase présentait une homologie variable selon les souches avec les méthyltransférases ShaJ de S. haemolyticus (82%), de S. epidermidis (66%) et Enterococcus faecium (60%)141.

Chez S. aureus, les SRM, et notamment celui de type I, sont un des mécanismes majeurs pour prévenir des échanges d’ADN étranger. Chez cette espèce, le transfert de plasmide et d’ADN phagique est strictement contrôlé par le SRM de type I entre les souches de différentes lignées. Ainsi, la présence de différents types de SRM chez S. lugdunensis pourrait constituer une première barrière contre les transferts horizontaux.

2.2.4.2. Système Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeat Heilbronner et al.73 ont identifié dans le génome de la souche N920143 un locus Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeat (CRISPR) associé aux protéines Cas (CRISPR/Cas) de 12,5 kb.

Le système de CRISPR/Cas est connu chez S. aureus et S. epidermidis pour protéger la cellule bactérienne face à l’invasion d’ADN exogène, comme celui des phages ou des plasmides142. Le locus CRISPR/Cas est composé des gènes cas suivis d’une région leader riche en adénine et thymine située en amont du locus CRISPR (Figure 32)143. Ce dernier comprend des séquences répétées appelées repeats de 27 à 50 pb, très conservées au sein d’un même CRISPR. Entre les repeats sont présents des protospacers, séquences d’environ 30 pb provenant d’EGM. Il existe plusieurs classes, types et sous-types de système CRISPR/Cas en fonction de l’organisation génétique du locus et de la présence des gènes cas pour le clivage de l’ADN exogène143,144.

Figure 33 : Description des étapes d’adaptation, d’expression et d’interférence du Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeat (CRISPR)

associé aux protéines Cas (CRISPR/Cas)145.

Le fonctionnement du système CRISPR se décompose en trois étapes143,145 (Figure 33) : - La phase d’adaptation qui consiste en la détection et l’intégration d’un fragment d’acide

nucléique étranger d’environ 30 pb. La sélection de cette séquence est rendue possible par une protéine Cas, capable de reconnaitre un motif de quelques nucléotides appelé protospacer adjacent motif (PAM). Le fragment d’ADN étranger est ensuite reconnu par un dimère de protéines Cas1 et Cas2, conservées entre tous les types CRISPR/Cas. Une fois liée au protospacer, ces protéines vont permettre l’intégration de cette séquence dans le locus CRISPR/Cas entre des repeats.

- Lors d’une seconde introduction d’un ADN exogène, la cellule bactérienne se protège par l’expression des ARN du CRISPR (crRNA). Les crRNA sont de courtes séquences d’ARN qui contiennent un protospacer unique permettant de s’hybrider de façon spécifique et complémentaire avec l’ADN étranger. Cette synthèse des crRNA varie en fonction des différentes classes et types de CRISPR/Cas.

- La phase d’interférence avec la séquence cible consiste en la formation d’un duplex entre le crRNA et l’ADN exogène permettant le ciblage par le complexe Cas comprenant des nucléases pour cliver de façon spécifiques les séquences homologues.

Les systèmes CRISPR/Cas ont été classés en trois types principaux et 12 sous-types en fonction de leur contenu génétique et de leur différences structurelles et fonctionnelles146. La caractéristique fondamentale de cette classification repose sur le contenu du locus en gènes cas qui sont très divers génétiquement et en termes de fonction. Les gènes cas1 et cas2 sont universels à tous les types. A l’inverse, les gènes cas6 et cas10 ne sont retrouvés que dans les types I et III alors que le gène cas9 ne sera présents que dans le type II145.

L’analyse comparative des 15 génomes complets de S. lugdunensis a montré que le système CRISPR/Cas était présent chez six souches. Parmi ces six souches, cinq présentaient un système CRIPR/Cas de type IIIA et une souche présentait un système de type IIC. Toutefois, chez cette dernière, le gène cas9 présentait plusieurs codons stop qui rendaient probablement le système CRISPR inopérant. Au sein du locus CRISPR des cinq souches, 19 protospacers distincts ont été identifiés. Pour sept d’entre eux, une homologie a été identifiée par Blast avec des séquences provenant d’EGM de différentes espèces

bactériennes tels que des plasmides de Lactobacillus salivarius, de Clostridium botulinum et des phages de Streptococccus sp, de Campylobacter sp et de Staphylococcus sp141.

Ainsi, le système CRISPR/Cas consiste en une autre barrière potentielle contre les transferts d’ADN horizontaux chez certaines souches de S. lugdunensis.

2.2.4.3. Système de toxine/antitoxine

L’analyse génomique comparative de 15 génomes de S. lugdunensis a permis d’identifier un système toxine/antitoxine (T/AT) MazEF très conservé chez toutes les souches de S. lugdunensis141. Ce système a été identifé dans le génome de plusieurs espèces à Gram positif, mais parmi les SCN, il n’a été mis en évidence que chez S. equorum147. Il a été montré que la protéine MazF, la toxine, est une RNAse qui dégrade les transcrits présentant une séquence UACAU dont l’activité peut être inhibée par l’antitoxine MazE148. Dans la littérature, les systèmes T/AT sont décrits comme impliqués dans de multiples processus comme la réponse au stress, la mort cellulaire, la persistance, la formation de biofilm mais aussi dans la défense contre les phages149,150. Ainsi, ce système T/AT pourrait être chez S. lugdunensis un système de protection putatif contre les EGM. Il est néanmoins nécessaire de vérifier la fonction de ces protéines et si elles sont opérantes par la construction de mutants de délétion.

En plus de tous ces facteurs de restriction, les staphylocoques présentent une paroi épaisse qui constitue une barrière physique à l’entrée d’ADN exogène, tel que des plasmides. C’est pourquoi, il est parfois nécessaire de recourir à la méthode des protoplastes pour transformer S. lugdunensis et construire des mutants72.

Ainsi, cette paroi épaisse et ces facteurs de restriction rendent en pratique difficile et même parfois impossible la transformation de certaines souches cliniques de S. lugdunensis140.

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