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B) Résultats obtenus en RMN

V) Identification du composé D

Le composé D est le moins abondant de la fraction CZNCA-X, puisque seulement 0.3 mg ont été récupérés à l’issue de la CLHP préparative effectuée au cours du développement de la méthode de fractionnement. Toutefois, la répétition du protocole de fractionnement a permis d’en obtenir 1.2 mg.

A) Résultats obtenus en FT/MS

1) Détermination de la formule brute

Les résultats de FT/MS présentés ici ont été enregistrés à partir de l’injection de 10 µL d’une solution acétonitrile/eau (15 % v/v) de concentration environ 10 mg/L en composé D.

Le chromatogramme des ions totaux obtenu pour le composé D présente un seul pic (au temps de rétention de 3.0 min environ), ce qui confirme la pureté de la molécule.

Un signal est observé dans les deux polarités d’ionisation.

Il est toutefois plus intense en mode négatif et présente un ion majoritaire, comme le montre le spectre de masse présenté à la figure 47. Ce mode d’ionisation sera utilisé pour la détermination de la formule brute.

Comme pour le quercotriterpénoside I, le signal majoritaire en mode négatif est situé à m/z 817 Th, aux côtés de deux adduits de rapport m/z 853 et 931 Th.

Ces ions sont similaires à ceux observés pour la molécule C : l’ion de rapport m/z 817 Th est la molécule déprotonée [M-H]- (l’encadré de la figure 47 confirme qu’il s’agit d’une espèce monochargée), tandis que les ions à m/z 853 et 931 correspondent respectivement aux adduits chlorure et trifluoroacétate. En mode positif, l’ion quasi-moléculaire et son adduit sodium

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sont détectés aux rapports m/z 819 et 841. La molécule D a donc pour masse unitaire 818 g/mol.

L’étude de la masse mesurée confirme la formule brute C43H61O15 (soit une masse monoisotopique de 818.40887 g/mol, l’ion quasi moléculaire étant mesuré avec un écart de 0.61 ppm à la valeur théorique et un rapport isotopique cohérent).

La molécule D est donc un isomère du quercotriterpénoside I.

Figure 47 - Spectre de masse du composé D en mode négatif

L’encadré correspond au détail de ce spectre autour de l’ion de rapport m/z 817.

2) Etude de la fragmentation

L’application d’une énergie HCD de 80 eV permet d’enregistrer, en mode négatif, des fragments similaires à ceux observés pour le QTT I, notamment les ions de rapport m/z 169, 503 (très peu intense) et 655 Th (figure 48). Vraisemblablement, ces espèces correspondent respectivement à un gallate, à l’espèce générée par la perte d’un galloyle et d’un hexose, et à l’espèce obtenue après perte d’un hexose. Comme pour le quercotriterpénoside I, on observe également deux ions de rapport m/z 611 Th ([M-Glu-CO2]-) et m/z 593 Th ([M-Glu-CO2-H2O]-). Le processus de fragmentation est donc largement similaire.

200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 m/z 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 817.40210 C43H61O15 0.61411 ppm 853.37792 C43H62O15Cl -0.40811 ppm 817.5 818.5 m/z 819.5 820.5 0 50 100 817.40210 818.40507 819.40822

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Figure 48 - Détail du spectre de fragmentation en mode négatif du composé D par application d’une énergie HCD de 80 eV.

Ces résultats montrent que la molécule D contient également un groupement gallate et un hexose.

B) Résultats obtenus en RMN

Environ 1.2 mg du composé D ont été dissous dans du méthanol deutéré, placés dans un tube de 3 mm et analysés à l’aide du spectromètre Bruker 600.

L’allure générale du spectre 1H de la molécule D est proche de celle du QTT I.

L’étude structurale de la molécule C a été présentée en détail dans le paragraphe IV de ce chapitre. L’attribution des divers signaux de la molécule D et l’identification de sa formule semi-développée ont été effectuées en suivant le même raisonnement. Par conséquent, ce dernier ne sera pas développé pour la molécule D, et nous présenterons uniquement les points-clés de la résolution de la structure de cette dernière.

150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800 850 m/z 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 817.40228 C43H61O15 0.84228 ppm 655.34857 C37H51O10 -0.30389 ppm 169.01274 C7H5O5 -8.90738 ppm 611.35895 C36H51O8 0.00985 ppm

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Les différents signaux caractéristiques d’une génine de type polyhydroxyoléanane sont observables :

- 6 méthyles angulaires à δ 0.79 (H26), 0.96 (H30), 0.97 (H29), 1.06 (H23), 1.15 (H25) et 1.33 ppm (H27), portés respectivement par des carbones à δ 16.5, 23.8, 27.2, 21.8, 15.7 et 23.8 ppm

- Une double liaison C=C entre les carbones hybridés sp² à δ 123 (C12) et 143.2 ppm (C13)

- Une fonction carboxyle (C28) à δ 177.5 ppm

- 4 signaux correspondant à des protons portés par des carbones hydroxylés à δ 3.94 (H2), 4.7 (H3), 3.30 (H19) et 3.85/3.90 ppm (H24, géminés).

- Un proton (H18) à δ 3.08 ppm, caractéristique de la configuration cis de la jonction entre les cycles D et E.

Ces éléments, confirmés par l’étude des corrélations HMBC, démontrent que la molécule D a la même génine que le QTT I : l’arjungénine.

Par ailleurs, on observe des signaux 1H à δ 7.13 ppm (H2’’/ H6’’), ainsi que 13 C à δ 120.3 (C1’’) , 108.3 (C2’’/C6’’), 144.9 (C3’’/C5’’), 138.2 (C4’’) et 167.1 ppm (C7’’). Ces signaux sont quasi identiques à ceux observés pour le QTT I : ils sont caractéristiques du groupement galloyle.

Les signaux 1H enregistrés à δ 5.39 (H1’), 3.32 (H2’), 3.35 (H3’), 3.37 (H4’), 3.41 (H5’) et 3.69 / 3.83 ppm (H6’ géminés) sont caractéristiques d’un groupement hexose. La comparaison avec les données du QTT I, les constantes de couplage élevées et l’étude des corrélations ROESY montrent qu’il s’agit d’un β-glucopyranosyle.

Ainsi, la molécule D possède la même génine et les mêmes groupements fonctionnels que le quercotriterpénoside I. Ces molécules sont-elles des régioisomères ou des diastéréomères ?

La comparaison des spectres 1H du QTT I et de la molécule D montre que les déplacements chimiques sont quasi identiques pour les signaux des cycles C, D et E. Il en est de même pour les signaux 13C.

En revanche, plusieurs déplacements chimiques des atomes des cycles A et B sont modifiés. Un fort déblindage est observé en particulier pour le H3 (de 3.45 à 4.7 ppm), et dans une moindre mesure pour le H2 (de 3.76 à 3.94 ppm).

En outre, on remarque que dans la molécule corrèlent en ROESY avec H3

est donc modifiée par rapport au (H24) sont blindés d’environ 0.2

Ces éléments suggèrent une modification de la position du galloyle sur l’aglycone.

L’étude des corrélations HMBC permet alors de déterminer la position exacte des groupements glucopyranosyle et galloyle sur la génin

Figure 49 - Détail du spectre HMBC. Les corrélations présentées permettent de déterminer la position du galloyle (en rouge) et du glucopyranosyle (en vert) sur la génine de la molécule

Une corrélation est nettement visible entre le p carboxylique de la génine. Dans la molécule

le carbone 28 de l’aglycone, comme c’est le cas pour le similarité des déplacements chimiques enr

molécules.

Par ailleurs, le spectre HMBC montre clairement que le proton H3 de l’aglycone corrèle avec le carbone C7’’, ce qui montre que l’hydroxyle porté par le carbone C3 est estérifié par le groupement gal

modifiée par rapport au QTT I

chimiques des protons H2, H3, H23 et H24 décrites précédemment. Ces deux molécules sont donc des régioisomères.

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En outre, on remarque que dans la molécule D, les protons du méthyle angulaire à

corrèlent en ROESY avec H3 : il s’agit des H23. La stéréochimie du carbone stéréogène C4 est donc modifiée par rapport au QTT I. Les protons de l’alcool primaire de la molécule

0.2–0.3 ppm par rapport à ceux du QTT I.

Ces éléments suggèrent une modification de la position du galloyle sur l’aglycone.

L’étude des corrélations HMBC permet alors de déterminer la position exacte des groupements glucopyranosyle et galloyle sur la génine (figure 49).

étail du spectre HMBC. Les corrélations présentées permettent de déterminer la position du galloyle (en rouge) et du glucopyranosyle (en vert) sur la génine de la molécule

Une corrélation est nettement visible entre le proton anomère (H1’) et le carbone carboxylique de la génine. Dans la molécule D, le β-glucopyranosyle est donc positionné sur le carbone 28 de l’aglycone, comme c’est le cas pour le QTT I. Cela est cohérent avec la similarité des déplacements chimiques enregistrés pour les cycles C, D et E de ces deux

Par ailleurs, le spectre HMBC montre clairement que le proton H3 de l’aglycone corrèle avec le carbone C7’’, ce qui montre que l’hydroxyle porté par le carbone C3 est estérifié par le groupement galloyle. La position de ce groupement dans la molécule

QTT I, ce que confirment les modifications des déplacements chimiques des protons H2, H3, H23 et H24 décrites précédemment. Ces deux molécules sont , les protons du méthyle angulaire à δ 1.06 ppm : il s’agit des H23. La stéréochimie du carbone stéréogène C4 . Les protons de l’alcool primaire de la molécule D

Ces éléments suggèrent une modification de la position du galloyle sur l’aglycone.

L’étude des corrélations HMBC permet alors de déterminer la position exacte des

étail du spectre HMBC. Les corrélations présentées permettent de déterminer la position du galloyle (en rouge) et du glucopyranosyle (en vert) sur la génine de la molécule D.

roton anomère (H1’) et le carbone glucopyranosyle est donc positionné sur . Cela est cohérent avec la egistrés pour les cycles C, D et E de ces deux

Par ailleurs, le spectre HMBC montre clairement que le proton H3 de l’aglycone corrèle avec le carbone C7’’, ce qui montre que l’hydroxyle porté par le carbone C3 est loyle. La position de ce groupement dans la molécule D est , ce que confirment les modifications des déplacements chimiques des protons H2, H3, H23 et H24 décrites précédemment. Ces deux molécules sont

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Les données RMN complètes de la molécule D sont présentées en annexe.

En raison de la faible quantité purifiée, les données complémentaires en polarimétrie et spectrophotométrie UV n’ont pas été enregistrées

C) Discussion

La structure du composé D peut être déterminée en suivant un raisonnement identique à celui décrit en détail pour le QTT I. Néanmoins, l’identification préalable de ce dernier et la similarité suggérée par la FT/MS permettent d’interpréter les données RMN du D par comparaison aux résultats enregistrés précédemment.

Le composé D est donc un isomère du quercotriterpénoside I. Ces deux molécules diffèrent par la position du groupement galloyle, ainsi que par la configuration relative du carbone 4 de la génine.

La molécule D est par conséquent le 2α,19α,24-trihydroxy-3β-galloylolean-12-ène-28-oate de β-glucopyranosyle (figure 50).

Comme pour le QTT I, la molécule D est un nouveau composé ; sa structure chimique n’a jamais été décrite dans la littérature. Nous la nommerons ainsi quercotriterpénoside II (QTT II).

Toutefois, les quantités de QTT II observées dans la fraction CZNCA-X sont nettement inférieures à celles du QTT I.

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Conclusion

Ce chapitre est consacré à la caractérisation moléculaire des quatre composés principaux de la fraction CZNCA-X.

L’utilisation conjointe de deux techniques analytiques puissantes, la spectrométrie de masse à transformée de Fourier et la résonance magnétique nucléaire, a permis d’identifier les structures des composés A, B, C et D.

Pour chacune de ces molécules, les écarts entre les masses exactes théoriques et mesurées sont très faibles (< 1 ppm). Cela confirme les performances de l’Exactive en termes de précision de mesure de masse et valide son utilisation pour la détermination de formules brutes.

Parmi les quatre composés, deux sont déjà décrits dans la littérature.

Le lyonirésinol (A) est un lignane, dont la présence a été rapportée dans le bois de Quercus

petraea et Quercus robur, mais également dans les eaux-de-vie et les vins. Il participerait à

l’amertume des eaux-de-vie. En revanche, son impact organoleptique potentiel dans les vins n’a jamais été décrit.

Le dérivé 6’-O-gallate de l’acide (3S,4S)-4-β-D-glucopyranosyloxy-3-méthyloctanoïque (B) est un précurseur de la cis-β-methyl-γ-octalactone (whisky lactone) présent dans le bois de

Quercus petraea et responsable de l’arôme de noix de coco conféré par l’élevage en barrique.

Aucune donnée n’a été à ce jour publiée à propos d’éventuelles propriétés gustatives de ce composé.

Les deux autres composés de la fraction CZNCA-X sont des nouvelles molécules ; leur présence n’a jamais été décrite, ni dans le bois de chêne, ni dans aucune autre espèce naturelle.

Il s’agit de deux triterpénoïdes galloylés et glycosylés, dérivés de l’acide oléanolique. Nous les avons nommés quercotriterpénoside I (composé C) et quercotriterpénoside II (composé D). Ces deux molécules sont des isomères, leurs formules semi-développées différant par la position du groupement galloyle sur la génine et la configuration relative d’un centre stéréogène.

Quelques triterpènes ont certes déjà été identifiés dans le bois de chêne, mais à notre connaissance, aucun composé galloylé appartenant à cette famille n’avait été isolé dans des espèces du genre Quercus.

Compte tenu de la structure de ces molécules, l’existence d’autres isomères des QTT I et II dans le bois de chêne est envisageable.

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Chapitre 7 - Intérêt de l’utilisation de la LC-FT/MS en vue de

l’identification de nouveaux triterpénoïdes dans les extraits de bois de

chêne

Introduction

L’étude structurale des quatre principaux composés de la fraction sapide CZNCA-X a permis d’identifier deux nouvelles molécules : les quercotriterpénosides I et II.

Ces triterpènes galloylés et glycosylés sont des isomères, de formule brute C43H62O15.

Leur génine possède quatre fonctions alcools, qui constituent autant de sites potentiels d’estérification pour le groupement galloyle. L’existence dans le bois de chêne de plusieurs isomères aux QTT I et II est dès lors envisageable.

En outre, il est fréquent d’observer, parmi les triterpénoïdes, des molécules contenant plusieurs sucres fixés sur la génine ; elles sont appelées saponines. L’existence dans le chêne de squelettes similaires à ceux des QTT, mais sur lesquels deux sucres (ou davantage) sont greffés, est également possible. Toutefois, aucun composé de ce type n’a été identifié dans le bois de Quercus petraea.

Or, les triterpènoïdes, et notamment ceux dérivant de l’oléanane, possèdent des propriétés intéressantes, tant sur le plan biologique (chapitre 6, paragraphe IV.D) que sur le plan gustatif (chapitre 1 paragraphe I.A).

Par conséquent, il nous a semblé intéressant d’étudier la présence éventuelle d’isomères et de dérivés glycosylés des quercotriterpénosides I et II pour pouvoir caractériser leur goût par la suite.

A cette fin, la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse à transformée de Fourier est une technique particulièrement pertinente.

Elle permet d’une part de rechercher, dans l’échantillon initial, la présence des composés étudiés, mais également de guider les étapes de purification, par ciblage d’un ou plusieurs ions caractéristiques.

Le repérage et la purification des triterpénoïdes constituent l’enjeu majeur de ce chapitre. La caractérisation structurale, consécutive à la purification, repose sur les techniques décrites dans le chapitre 6.

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I) Etude de la présence en LC-FT/MS d’isomères et de dérivés des