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Ajout de vanilline, de whisky-lactone et d’eugénol dans les vins élaborés dans des contenants différents. Effet

perception de la sucrosité

La nature du contenant d’élaboration influence la perception de la saveur sucrée des vins blancs et rouges. Afin d’étudier le rôle d’éventuelles interactions odeurs/goût dans ce phénomène, trois composés volatils clés de l’arôme boisé ont été dosés dans les modalités provenant des différents contenants. Ils ont ensuite été additionnés dans ces vins afin d’obtenir des concentrations identiques et ainsi de niveler l’impact aromatique du bois.

1) Matériels et méthodes

a) Dosage des composés volatils

La méthode utilisée, dite des « ajouts dosés », a été décrite par Chatonnet et al. (1992).

Une gamme étalon est réalisée par ajout des 3 molécules (vanilline, whisky-lactone – isomères cis et trans-, eugénol) à des concentrations connues. Le protocole décrit ci-dessous est appliqué à un vin blanc et un vin rouge non boisés.

100 mL de vins sont additionnés de 100 µL d’étalon interne (octan-3-ol à 100 mg/L dans l’éthanol absolu) et des composés aromatiques aux concentrations définies dans le tableau 11.

Tableau 11 - Concentrations en vanilline, whisky-lactone et eugénol des différents points de la gamme-étalon (Témoin, G1…G4).

Molécule G0 G1 G2 G3 G4

Vanilline 0 µg/L 50 µg/L 100 µg/L 200 µg/L 400 µg/L Whisky-lactone 0 µg/L 50 µg/L 100 µg/L 300 µg/L 600 µg/L Eugénol 0 µg/L 5 µg/L 10 µg/L 20 µg/L 50 µg/L

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On procède ensuite à trois extractions successives de chaque échantillon de la gamme par 10, 5 et 5 mL de dichlorométhane par agitation à 800 rpm pendant 10, 5 et 5 minutes. Les phases organiques, séparées par décantation statique, sont assemblées, séchées au sulfate de sodium et lentement concentrées à froid sous flux d’azote (100 mL/min) jusqu’à 500 µ L environ.

Les vins provenant des différents contenants sont également additionnés de 100 µ L d’étalon interne puis extraits de la même façon.

Les extraits sont alors analysés par un chromatographe en phase gazeuse (CPG) TRACE GC ULTRA couplé à un spectromètre de masse (SM) DSQ II, de la société Thermo Fisher Scientific, USA.

Chromatographie en phase gazeuse : l’injection (2 µl) est effectuée en mode split/splitless. Le temps d’ouverture de la vanne est de 0.8 minute et la pression en tête de colonne de 20 psi. La programmation du four est la suivante : isotherme initiale de 5 minutes à 45°C, puis 3°C/minute jusqu’à 230°C, isotherme finale de 20 minutes à 230°C.

On utilise une colonne BP20 polaire (50 m de longueur, 0.22 mm de diamètre interne, 0.25 µm d’épaisseur de film, SGE, France).

La programmation de l’injecteur est de 180°C à 230°C à la vitesse de 150°C/min avec une isotherme initiale de 0.1 minute et une isotherme finale de 30 minutes.

Le gaz utilisé est l’hélium.

Spectrométrie de masse : la température de la ligne de transfert est de 210°C. L’acquisition des spectres de masse est en mode impact électronique (mode SIM, énergie d’ionisation : 70 eV).

b) Analyse sensorielle

A la suite de leur dosage dans les vins issus des divers contenants, vanilline, whisky-lactone et eugénol sont additionnés dans les différentes modalités jusqu’à obtenir une concentration égale à celle de l’échantillon le plus intense.

Ainsi modifiés, tous les vins de la même expérience, contenant la même quantité de composés volatils, sont alors soumis à l’analyse sensorielle en utilisant exactement les mêmes conditions et les mêmes panels que ceux décrits dans ce chapitre, au paragraphe II.A.1.

2) Résultats

Cette étude porte sur la quantification de trois composés-clés responsables de l’arôme caractéristique conféré au vin par le bois de chêne.

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L’analyse par CPG/SM des composés volatils du bois dans les vins est effectuée en mode « Selected Ion Monitoring » (SIM). Les ions choisis pour la quantification sont présentés dans le tableau 12 ci-dessous.

Tableau 12 - Rapports m/z et temps de rétention des ions utilisés pour la quantification des composés volatils du bois.

Etalon interne Vanilline Whisky-lactone

(trans - cis) Eugénol

m/z (en Thomson) 83 151 99 164

Temps de rétention

(en min) 22.5 61.9 41.6 - 44 50.6

La validation de cette méthode a été décrite précédemment (Chatonnet et al., 1992). Les trois composés volatils sont ainsi quantifiés dans les différentes modalités décrites dans ce chapitre au paragraphe II.A.1 et présentées dans le tableau 13.

Tableau 13 - Concentrations en vanilline, whisky-lactone et eugénol observées dans les modalités provenant des différents contenants.

Vin Modalité [vanilline]

(en µg/L) [whisky-lactone] (en µ g/L) trans cis [eugénol] (en µg/L) Bordeaux blanc 2007 (série 1)

Modalité 1 (cuve inox) Traces Traces Traces Traces

Modalité 2 (cuve bois) 28.4 58.2 82.9 5.5

Modalité 3 (barr. 1 an) 120.5 122.8 210.3 15.2 Modalité 4 (barr. neuves) 148.7 143.6 268.6 20.1

Crozes-Hermitage rouge 2008 (série 2)

Modalité 1 (cuve bois) 91 Traces 84.2 7.8

Modalité 2 (barr.2 ans) 92.2 36.1 178.3 9

Modalité 3 (barr. 1 an) 214.3 116.9 226.2 22.4 Modalité 4 (barr. neuves) 348.5 181.3 463.1 24

Le but de cette expérimentation n’est pas d’étudier la libération des composés volatils par les différents contenants. Par conséquent, nous n’analyserons pas en détail les valeurs obtenues : de nombreux travaux préalables ont décrit les facteurs influençant la quantité des arômes du bois dans les vins (Boidron et al., 1988; Chatonnet et al., 1992). Ces valeurs permettent en revanche de déterminer précisément les ajouts à effectuer afin d’égaliser les teneurs des trois molécules volatiles dans les divers échantillons.

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Dans chaque série, la modalité présentant les concentrations les plus élevées en vanilline, en

trans et cis whisky-lactone et en eugénol correspond aux barriques neuves. Ainsi, ces

concentrations sont respectivement ajustées à 148.7, 143.6, 268.6 et 20.1 µg/L dans tous les vins blancs de la série 1 et à 348.5, 181.3, 463.1 et 24 µg/L dans les vins rouges de la série 2.

Les ajouts de composés volatils sont effectués à partir de solutions à 1 g/L dans l’éthanol absolu. Les volumes additionnés sont très faibles et n’engendrent pas de modifications de la composition des vins autres qu’aromatiques.

Le traitement statistique repose sur un test de Friedman, dont les résultats sont présentés dans le tableau 14.

Tableau 14 - Résultats du test de classement par rangs obtenus après ajout de vanilline, whisky-lactone et 2-furaneméthanethiol.

Vin

R

1

R

2

R

3

R

4

F Λ

à 5 %

Λ

à 1 % Résultat

Bordeaux blanc

2007 57 66 89 108 29.81 7.81 11.34 Significatif à 1 % Crozes-Hermitage

rouge 2008 54 69 74 83 9.47 7.81 11.34 Significatif à 5 %

Pour les vins blancs :

Les résultats montrent que le test est significatif à 1 %. Les dégustateurs ont donc été capables de classer les modalités selon l’intensité de leur saveur sucrée, après ajout des composés volatils.

En outre, deux groupes se distinguent de façon statistique (

δ

= 20.24) : d’une part les modalités 1 et 2 (cuves inox et bois) ; d’autre part les modalités 3 et 4 (barriques usagées et neuves).

Pour les vins rouges :

Le test est significatif au seuil de 5 %. L’échantillon provenant de la cuve en bois est différencié (

δ

= 18.94) des échantillons issus des barriques neuves et d’un an.

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3) Discussion

Le dosage de la vanilline, de la whisky-lactone et de l’eugénol dans les vins issus de différentes modalités a permis de quantifier les différences de leurs concentrations.

Celles-ci ont été ajustées par ajout aux valeurs les plus élevées (modalité « barriques neuves »).

Les conditions de la dégustation et le panel utilisé pour chaque série (vins blancs et vins rouges) sont identiques. Par conséquent, les résultats de cette expérimentation peuvent être comparés à ceux rapportés au paragraphe II.B. afin d’étudier l’impact des composés volatils sur la sucrosité.

L’analyse sensorielle des échantillons indique que, pour les vins blancs comme pour les vins rouges, les dégustateurs ont hiérarchisé de façon significative les différentes modalités en fonction de leur sucrosité. Les échantillons perçus comme les plus sucrés proviennent des barriques neuves dans les deux séries.

Même si les valeurs du test de Friedman diffèrent légèrement par rapport aux résultats obtenus avant l’ajout de vanilline, whisky-lactone et eugénol, le seuil de significativité est conservé pour chaque série.

Ainsi, le classement de la sucrosité des échantillons apparaît invariant après ajout des composés volatils. Par conséquent, ces résultats montrent que les écarts de saveur sucrée perçus entre des vins provenant de différents types de contenants (paragraphe II) ne sont pas imputables aux seules molécules volatiles étudiées (vanilline, whisky-lactone et l’eugénol). Ces conclusions s’appliquent à la fois aux vins blancs et aux vins rouges étudiés.

L’ajout de volatils dans un vin non boisé constitue une approche complémentaire pour l’étude de leur impact sur la sucrosité. Elle pourrait être mise en œuvre avec le 2-furanemethanethiol, autre composé clé associé à l’arôme « boisé » des vins, qui n’a pas été quantifié dans cette expérimentation.

C) Ajout de 2-furanemethanethiol et de vanilline dans des