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Ajout de 2-furanemethanethiol et de vanilline dans des vins non boisés. Effet sur la perception de la sucrosité

Les expériences précédentes n’excluent pas la participation des composés volatils du bois à la représentation sucrée du vin par le dégustateur.

Plusieurs études ont en effet mis en évidence des interactions entre le goût sucré et la vanilline. Par ailleurs, le 2-furanemethanethiol n’a pas été étudié dans l’expérimentation précédente. Aussi, afin d’évaluer leur impact sur la saveur sucrée des vins secs, ces deux

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molécules ont été séparément ajoutées à diverses concentrations dans des vins non boisés et les modalités ainsi obtenues ont été soumises à un test d’analyse sensorielle.

1) Matériel et méthodes

Les deux vins utilisés pour cette étude ont été décrits au chapitre 1: un Bordeaux blanc 2008 et un Bordeaux rouge 2007. Ces deux vins, élevés en cuve inox, n’ont jamais été au contact du bois de chêne.

Le 2-furanemethanethiol et la vanilline sont additionnés dans les vins à partir de solutions éthanoliques à 100 µ g/L et 1 g/L respectivement. Les quantités introduites suivent une loi géométrique de raison 3.

Pour le 2-furanemethanethiol, les quatre modalités préparées sont les suivantes : - Modalité 1 : vin de base (témoin)

- Modalité 2 : vin de base + 5 ng/L - Modalité 3 : vin de base + 15 ng/L - Modalité 4 : vin de base + 45 ng/L

Pour la vanilline, les quatre modalités préparées sont les suivantes : - Modalité 1 : vin de base (témoin)

- Modalité 2 : vin de base + 100 µg/L - Modalité 3 : vin de base + 300 µg/L - Modalité 4 : vin de base + 900 µg/L

Le panel utilisé est constitué de 38 dégustateurs du Diplôme Universitaire d’Aptitude à la Dégustation (DUAD). Les vins sont servis dans des verres noirs de type AFNOR, à 12°C pour les vins blancs et à 16°C pour les vins rouges.

Deux sessions sont organisées en mai 2009 :

- Une session portant sur l’étude du 2-furanemethanethiol, dans les vins blancs et rouges

- Une session portant sur l’étude de la vanilline, dans les vins blancs et rouges La dégustation se présente sous forme d’un test de classement : il est demandé aux dégustateurs de classer les vins selon l’intensité de la sucrosité, et non de la perception aromatique.

Les modalités contiennent des concentrations croissantes et connues de 2-furanemethanethiol et de vanilline : il existe une hiérarchie supposée entre eux. Par conséquent, le test de Page est utilisé pour le traitement des résultats.

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2) Résultats

a) Participation du 2-furanemethanethiol à la représentation sucrée des vins

Tableau 15 - Résultats du test de Page pour les vins additionnés de 2-furanemethanethiol.

Vin

R

1

R

2

R

3

R

4

L L'

Résultat

Bordeaux blanc 93 90 97 100 964 0.79 Non significatif Bordeaux rouge 91 97 99 93 954 0.22 Non significatif

Les résultats montrent que le test de Page n’est pas significatif au seuil de 5 % : aucun ordre entre les échantillons n’a été établi par les dégustateurs en relation avec la saveur sucrée, tant pour les vins blancs que pour les vins rouges.

b) Participation de la vanilline à la représentation sucrée des vins

Tableau 16 - Résultats du test de Page pour les vins additionnés de vanilline.

Vin

R

1

R

2

R

3

R

4

L L'

Résultat

Bordeaux blanc 89 93 96 102 971 1.18 Non significatif Bordeaux rouge 90 96 96 98 962 0.67 Non significatif

Les résultats obtenus pour la vanilline indiquent également que les dégustateurs n’ont pas pu classer les vins en fonction de l’intensité de leur sucrosité. Les valeurs de

L'

obtenues sont inférieures au seuil critique à 5 % pour les deux types de vin.

3) Discussion

Les teneurs en 2-furanemethanethiol et en vanilline rencontrées usuellement dans les vins élevés sous bois de chêne se situent dans la gamme des concentrations testées dans cette étude. Les modalités préparées permettent donc d’étudier l’impact éventuel de ces deux molécules sur la perception de la saveur sucrée.

Les résultats du test de classement montrent que ni le 2-furanemethanethiol ni la vanilline n’engendrent une augmentation significative de sucrosité perçue par les dégustateurs dans les vins blancs comme dans les vins rouges.

Les résultats concernant le 2-furanemethanethiol complètent les données obtenues précédemment pour les autres composés clés de l’arôme caractéristique de l’élevage en bois

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de chêne. L’ajout de cette molécule, à l’arôme de café torréfié très intense, n’a pas d’effet significatif sur la saveur sucrée des vins présentés aux dégustateurs.

Les données relatives à la vanilline confirment les conclusions du paragraphe précédent : ce composé volatil ne semble pas augmenter la perception de la saveur sucrée dans les vins. Même les échantillons possédant des concentrations supérieures aux valeurs rencontrées usuellement dans les vins ne sont pas jugés comme plus sucrés que le témoin par les dégustateurs.

Ces conclusions s’appliquent à des vins secs au sens analytique du terme et présentant une acidité élevée. L’effet de la matrice sur les éventuelles interactions entre la vanilline et le goût n’a pas été déterminé. Il est dès lors possible que les résultats de ce test diffèrent en fonction du type de vin utilisé, notamment en présence de quelques g/L de glucose+fructose, comme peuvent le suggérer les interactions décrites dans l’eau entre vanilline et hydrates de carbone.

Conclusion

Diverses molécules volatiles et non-volatiles sont libérées au cours de l’élaboration sous bois de chêne des vins et des eaux-de-vie. Certains de ces composés sont à l’origine de modifications organoleptiques majeures.

Au cours de ce chapitre, nous avons étudié en particulier l’impact de la nature du contenant d’élaboration sur la sucrosité des vins secs. Il apparaît ainsi que l’élevage au contact du bois de chêne augmente de façon significative la saveur sucrée.

Or, de nombreux exemples d’effets synergiques entre arômes et goûts ont été rapportés dans la littérature. Nous avons donc évalué le rôle des principaux composés volatils extraits du bois sur la sucrosité selon deux stratégies : par ajout direct dans des vins non boisés et en corrigeant les concentrations de ces molécules dans des vins issus de divers contenants afin d’obtenir des teneurs identiques.

L’addition de vanilline et de 2-furanemethanethiol dans les vins n’a pas d’influence sur la perception de la sucrosité. La correction des concentrations en vanilline, whisky-lactone et eugénol dans les vins provenant de différents contenants ne modifie pas le classement établi par les dégustateurs.

Ces résultats montrent que les principales molécules volatiles libérées par le bois de chêne n’ont pas d’effet direct sur la saveur sucrée des vins secs.

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Par conséquent, le gain de sucrosité conféré par l’élevage en barrique ne résulte pas d’interactions cognitives à l’origine de la construction d’une représentation sucrée mais bien de la perception d’une saveur sucrée.

Ainsi, de même que l’autolyse des levures engendre la libération de peptides augmentant la saveur sucrée (chapitre 2), il apparaît, au terme de cette partie, que l’élaboration sous bois participe à une édulcoration des vins, qui ne peut être attribuée aux composés volatils clés issus du bois de chêne.

Dès lors, nous pouvons conjecturer l’existence de molécules non-volatiles, libérées par le bois de chêne et participant à la saveur sucrée des vins secs.

L’étude de la validité de cette hypothèse, par l’intermédiaire de l’identification de composés du chêne modifiant la perception gustative, constitue l’objectif majeur de notre travail.

En raison de la grande diversité chimique des molécules possédant des propriétés édulcorantes (chapitre 1, paragraphe I.A), la stratégie développée dans cette thèse repose essentiellement sur une démarche inductive, basée sur la purification d’extraits de bois.

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Deuxième partie :

Extraction et identification de molécules non

volatiles du bois de chêne possédant des

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Chapitre 4 - Développement d’une technique d’extraction solide/liquide

Introduction

Afin d’étudier les composés non-volatils du bois de chêne possédant des propriétés édulcorantes, un protocole de fractionnement et de purification guidé par la dégustation est développé. L’étape préliminaire à la mise en place de ce protocole consiste à extraire des molécules par macération du bois de chêne dans un milieu liquide.

La nature du bois (espèce, origine, traitement), ainsi que la forme sous laquelle il est extrait (copeaux, poudre) doivent être déterminées. En outre, il est nécessaire de choisir un solvant d’extraction adapté.

Les composés d’intérêt sont recherchés sur la base de leurs propriétés gustatives, dont la nature moléculaire est a priori inconnue. Par conséquent, le choix des divers paramètres de la macération ne peut être fait au vu d’analyses chimiques des extraits. A titre d’exemple, la mesure de l’extrait sec, généralement utilisée, tient compte de l’ensemble des composés non-volatils extractibles ; aucune corrélation n’existe a priori entre cette valeur et la quantité de composés édulcorants extraits. Dans notre étude, cet indice n’apparaît pas pertinent pour la détermination des conditions d’extraction. Il apparaît préférable d’adopter une approche sensorielle, basée sur la dégustation des extraits, comparable à l’olfaction des extraits odorants pour optimiser les méthodes d’extraction en parfumerie.

I) Choix du matériel d’étude solide utilisé

Dans le cadre de cette extraction, la phase solide est constituée par du bois de chêne, plus précisément du bois de cœur, qui est la partie de l’arbre utilisée pour la fabrication des barriques, des cuves, et des produits alternatifs autorisés en œnologie depuis quelques années (copeaux, staves, douelles…) afin de boiser les vins à moindre coût.