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Le mécanisme d’invasion des érythrocytes par Plasmodium falciparum a été étudié par microscopie (Gilson and Crabb, 2009). Le stade sanguin de Plasmodium, appelé mérozoïte, possède les mêmes organites sécrétoires que le stade sporozoïte : micronèmes, rhoptries et granules denses. Après l’éclatement d’un schizonte, les mérozoïtes sont relâchés dans la circulation sanguine afin d’envahir de nouveaux érythrocytes. Le processus d’invasion implique un attachement initial du mérozoïte par une adhésion faible, peu caractérisée, puis une réorientation du corps du mérozoïte afin de présenter son apex vers la membrane cellulaire

(Figure 10). Ensuite, l’établissement de liaisons irréversibles grâce aux protéines adhésines déclenche la formation d’une jonction mobile avec l’érythrocyte (apparaissant dense par microscopie électronique) par sécrétion des protéines de rhoptries par le mérozoïte (Aikawa et al., 1978). La mise en place de cette jonction permet au parasite de se glisser à l’intérieur de l’érythrocyte à l’aide des connections entre les protéines de surface de l’hôte et le moteur actine-myosine parasitaire (Baum et al., 2006). De façon simultanée, une vacuole parasitophore se crée autour du mérozoïte grâce au flux de membrane érythrocytaire vers le cytoplasme cellulaire, à

travers la jonction mobile. La vacuole va ensuite se sceller et le parasite internalisé, désormais au stade d’anneau, entame sa métamorphose.

FIGURE 10 : UN MODELE D’INVASION ERYTHROCYTAIRE PAR LES MEROZOÏTES DE PLASMODIUM (SRINIVASAN ET AL., 2011)

Les protéines fonctionnellement impliquées dans l’invasion peuvent être divisées en deux groupes : les adhésines qui se lient directement aux récepteurs des érythrocytes et les invasines qui participent à l’invasion sans nécessairement établir une liaison avec la membrane de l’érythrocyte.

Les adhésines garantissent la spécificité d’adhésion des mérozoïtes aux érythrocytes. Les principales adhésines identifiées pour le moment appartiennent à deux familles protéiques : les EBL (erythrocyte binding-like) et les pfRH (reticulocyte binding-like homologue) (Figure 11) localisées respectivement dans les micronèmes et le cou des rhoptries. Des liaisons spécifiques ont déjà été caractérisées pour P. falciparum (Figure 11) (Cowman et al., 2017) :

• EBA-175, EBL1 et et EBA-140 se lient aux glycophorines A, B et C respectivement (Dolan et al., 1994; Maier et al., 2003; Mayer et al., 2009). EBA-181 serait également impliquée.

• PfRH4 se lie au récepteur 1 du complément (Tham et al., 2010).

• Le complexe de PfRH5 (peut-être associé à Pf113), PfRipr (Rh5-interacting protein) et CyRPA (cysteine-rich protective antigen) se lie à la Basigine ou CD147 (Crosnier et al., 2011).

• PfRH1, 2a et 2b n’ont pas de récepteurs connus.

• MTRAP (merozoïte TRAP) et PTRAMP (thrombospondin-related apical merozoïte protein) sont des protéines micronémales de la famille TRAP (thrombospondin-related anonymous protein) qui pourraient faire le lien entre les adhésines et les invasines en se liant avec le moteur actine-myosine du parasite (Uchime et al., 2012).

FIGURE 11 : FACTEURS MOLECULAIRES DE L’INVASION (COWMAN ET AL., 2017)

Il est intéressant de noter que les adhésines PfRH et EBL, à l’exception de RH5, sont également impliquées dans l’utilisation de voies d’entrée alternatives chez différentes souches de P. falciparum. Cette variation phénotypique permet une adaptation au polymorphisme érythrocytaire mais également un échappement vis-à-vis du système immunitaire de l’hôte (Duraisingh et al., 2003).

D’autre part, les protéines orthologues aux EBL chez P. vivax sont les protéines DBL (duffy binding like) qui se lient au récepteur aux antigènes Duffy (DARC) (Figure 11). Elles ne sont pas spécifiques des réticulocytes nécessaires à la réplication de P. vivax, au contraire du récepteur à la transferrine Tfr1 qui a été récemment découvert comme se liant à PvRBP2B (Gruszczyk et al., 2018).

Suite à la liaison aux adhésines, les invasines vont permettre la mise en place de la formation de la jonction mobile. AMA1 (apical membrane antigen 1) est une protéine de micronème, comme la famille de protéines EBL, mais n’est cependant pas présente dans les mêmes organites, suggérant ainsi l’existence de sous-populations de micronèmes (Healer et al., 2002). AMA1 interagit avec les protéines de la famille RON (rhoptry neck proteins) – RON2, RON4 et RON5 - qui s’assemblent à la jonction mobile lors de l’invasion (Alexander et al., 2006; Besteiro et al., 2011). Cet assemblage entre des protéines originaires de différents compartiments semble être typique des protéines impliquées dans l’entrée du parasite, dont les invasines (Chen et al., 2011). Malgré l’importance du complexe RON/AMA1 pour la jonction mobile, il n’existe actuellement aucune évidence de sa liaison directe ou indirecte avec le moteur d’actine-myosine (Angrisano et al., 2012). Enfin, il est intéressant de noter qu’AMA1 est actuellement considéré comme un candidat vaccinal d’intérêt qui est désormais en phase d’étude clinique (Besteiro et al., 2011; Thera et al., 2011).

Pour conclure, le processus d’invasion dépend de la sécrétion séquentielle de protéines de façon anticipée mais aussi synchrone à l’invasion. Ainsi, il y a de plus en plus d’évidences qui montrent une sous-compartimentation des protéines entre les organites et au sein même de celles-ci. Les rhoptries sont ainsi divisées en trois segments avec les protéines PfRh1, -2a, -2b, -4, and -5 situées dans le segment le plus apical et RON2-5 dans le segment suivant (« cou » des rhoptries). Enfin, des lipides et des protéines impliqués dans la formation de la vacuole parasitophore se situent dans le bulbe des rhoptries, comme RAP1-3 et RAMA. Cette organisation a pu être prédite grâce à la libération et l’utilisation précoce des protéines PfRH à la surface des mérozoïtes, en contraste avec la libération du complexe protéique RON. Cependant, ce modèle n’a pas encore été définitivement prouvé (Riglar et al., 2011).

D’autre part, le processus d’invasion implique un attachement initial du mérozoïte par une adhésion faible, peu caractérisée, puis une réorientation du corps du mérozoïte. MSPDBL1 et -2 ainsi que la famille des 6-cystéines (Pf38, Pf12, Pf92) sont présents en surface du mérozoïte (non sécrétés par des organites) (Cowman et al., 2012; Sakamoto et al., 2012; Sanders et al., 2005). Ces protéines se présentent comme des candidats potentiels à cette primo-interaction mais elles pourraient également jouer un rôle dans la protection contre les attaques du système immunitaire. Une étude récente a montré que la protéine Pf92 recrutait activement le Facteur H afin d’inhiber l’activation du système du complément et protéger le mérozoïte de la lyse (Kennedy et al., 2016).