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Au cours du cycle parasitaire de Plasmodium, l’invasion hépatique demeure une étape peu caractérisée à ce jour. Cependant, elle représente une cible vaccinale d’intérêt car elle constitue la porte d’entrée obligatoire du parasite avant la phase réplicative sanguine.

Ce travail de thèse vise à contribuer à la caractérisation fonctionnelle et structurale des facteurs cellulaires de l’hôte intervenant au cours de l'invasion des hépatocytes par les sporozoïtes de Plasmodium. En effet, cette caractérisation pourrait être décisive dans la découverte de ligands potentiels du côté parasitaire et donc de cibles vaccinales.

I. CONTRIBUTION DU RECEPTEUR EPHA2 A L’INVASION DES HEPATOCYTES PAR LES

SPOROZOITES DE PLASMODIUM

Suite à la publication de l’article de Kaushansky et al., nous nous sommes, dans un premier temps, intéressés au rôle du récepteur EphA2 présent à la surface des hépatocytes lors de l’invasion par le parasite de Plasmodium (Kaushansky et al., 2015b). Nous avons ainsi enquêté sur la contribution du récepteur aux éphrines au sein des voies CD81 ou SR-BI utilisées respectivement par les espèces P. yoelii et P. berghei. Nous avons questionné la préférence des parasites pour les cellules exprimant une forte quantité d’EphA2 à leur surface, mise en avant dans cette publication.

Nous avons utilisé pour cela plusieurs techniques d’inhibition d’EphA2 dans différents modèles cellulaires murins (Hepa1-6) et humains (HepG2 et HepG2/CD81), infectés par P. yoelii ou P. berghei, permettant d’explorer les voies d’entrée dépendante de CD81 ou de SR-BI.

II. CARACTERISATION DES DETERMINANTS STRUCTURAUX DU RECEPTEUR SR-BI

DANS L’INVASION DES HEPATOCYTES PAR LES SPOROZOÏTES DE PLASMODIUM

La résolution de la structure de LIMP-2 a permis de constater, grâce à la modélisation, que la partie apicale des protéines de la famille CD36, à laquelle appartient SR-BI, était déterminante dans l’interaction avec leurs ligands respectifs (Neculai et al., 2013). Contrairement à P. falciparum et P. yoelii, qui dépendent tous deux de CD81 pour l’infection, les sporozoïtes de P. vivax et P. berghei envahissent les hépatocytes en utilisant une voie dépendante de SR-BI (Manzoni et al., 2017). Cependant, le domaine de SR-BI fonctionnellement impliqué dans l’invasion n’a pas encore été caractérisé, contrairement à celui de CD81 (Yalaoui et al., 2008b).

Dans les cellules Hepa1-6, où seule la voie CD81 est active car SR-BI n’est pas exprimé (Manzoni et al., 2017), le blocage de CD81 empêche l’infection par P. berghei (Silvie et al., 2006b). Nous avons constaté avec surprise que cette inhibition pouvait être levée dans des cellules sur-exprimant SR-BI humain (par transfection transitoire) mais pas son homologue murin. Nous avons donc cherché à caractériser les déterminants structuraux de SR-BI impliqués dans l’invasion en assemblant des constructions chimériques où des portions du récepteur SR-BI humain ont été remplacées par les régions équivalentes de SR-BI murin. Nous avons ensuite transfecté ces constructions dans des lignées hépatocytaires non permissives à l’infection afin de pouvoir évaluer leur fonctionnalité lors de l’infection par les sporozoïtes de P. berghei.

III. ETUDE FONCTIONNELLE DES RECEPTEURS DE LA FAMILLE CD36 DANS L’INVASION

HEPATIQUE PAR LES SPOROZOÏTES

Alors que la présence du seul récepteur CD81 garantit l’invasion de P. yoelii dans les lignées hépatocytaires, l’utilisation de cette protéine est requise mais pas suffisante lors de l’invasion des sporozoïtes de P. falciparum in vitro, suggérant l’existence d’autres protéines impliquées in vivo, comme pour l’entrée du virus de l’Hépatite C (Silvie et al., 2006b). De façon similaire, on observe que le blocage des récepteurs CD81 des hépatocytes primaires de souris déficientes pour le gène SR-BI n’inhibe pas l’infection par P. berghei chez certaines souches de souris (données non publiées). Nous nous sommes donc intéressés aux protéines de la famille CD36 car bon nombre d’arguments montrent qu’elles sont de potentiels candidats à l’invasion.

a. Caractérisation du rôle de LIMP-2 dans l’invasion

Bien que majoritairement intracellulaire, le récepteur LIMP-2 est impliqué dans différents processus infectieux, autant viraux que bactériens (Vishnyakova et al., 2006; Yamayoshi and Koike, 2011). Son homologie avec les autres récepteurs de la famille CD36, et notamment la similarité de ses domaines d’interaction avec les pathogènes, nous ont amenés à tester le rôle du récepteur LIMP-2 au cours de l’invasion des hépatocytes par les sporozoïtes de Plasmodium. En effet, LIMP-2 pourrait avoir un rôle dans l’interaction initiale du parasite avec la cellule, mais également dans la formation de la vacuole parasitophore, de par ses capacités de changement conformationnel dans un contexte de pH acide comme le lysosome (Neculai et al., 2013). De plus, LIMP-2 a été identifié par spectrométrie de masse lors d’une co-immunoprécipitation avec CD81 dans des cultures primaires d’hépatocytes humains (O. Silvie, E. Rubinstein, 2004 unpublished).

Afin d’investiguer le rôle de LIMP-2, nous avons utilisé des techniques d’inhibition dans les lignées cellulaires dans le but de tester la fonctionnalité de ce récepteur lors de l’invasion par les sporozoïtes de P. yoelii et P. berghei.

b. Caractérisation du rôle de CD36 dans l’invasion

Impliqué dans l’interaction avec des protéines parasitaires au stade sanguin du paludisme, CD36 constitue un récepteur candidat intéressant au cours du stade hépatique de l’infection par Plasmodium.

En effet, la modélisation de la protéine CD36 montre son homologie structurale avec le récepteur SR-BI, connu pour être requis lors de l’invasion des hépatocytes par les sporozoïtes de P. berghei et P. vivax (Manzoni et al., 2017). De plus, la thrombospondine, un de ses ligands physiologiques chez l’homme, présente des similarités de séquence, au niveau de son domaine de liaison à CD36, avec la région II-plus de la CSP du sporozoïte et son équivalent dans TRAP (Sinnis and Febbraio, 2002). Enfin, CD36 est également connue pour se lier à deux protéines différentes chez P. falciparum au stade sanguin: les protéines PfEMP1 d’une part, mais également la protéine LISP2 qui est une protéine à domaines 6-cystéine, de la même famille que P36 et P52 (Ockenhouse et al., 1991).

Concernant la phase hépatique du paludisme, il a été montré que CD36 n’était pas requis pour l’invasion de P. yoelii chez des souris déficientes pour ce gène (Sinnis and Febbraio, 2002). Cependant, le blocage simultané des voies dépendante de SR-BI et dépendante de CD81 n’inhibe pas l’infection par P. berghei chez certaines souches de souris, suggérant la présence de plusieurs voie d’entrée alternatives in vivo (Silvie et al., 2007). Tous ces éléments nous ont donc amenés à questionner à nouveau le rôle du récepteur CD36 au cours de l’invasion par les sporozoïtes de Plasmodium. Nous avons, pour cela, utilisé différentes techniques d’inhibition dans les lignées cellulaires afin de tester la fonctionnalité de ce récepteur dans les voies dépendantes et indépendantes de CD81.

METHODOLOGIE

MODELES PARASITAIRES

Au cours de cette étude, nous avons utilisé des parasites de rongeurs, Plasmodium yoelii et Plasmodium berghei, qui reflètent respectivement le processus d'entrée des sporozoïtes humains de P. falciparum (dépendant de CD81) et P. vivax (indépendant de CD81). En effet, aucune lignée hépatocytaire connue ne permet actuellement l’étude de l’invasion et du développement extra-érythrocytaire de l’espèce P. falciparum, alors que P. vivax est capable de se développer dans des lignées mais ses sporozoïtes sont difficiles à produire en dehors d’un contexte d’endémicité (Hollingdale et al., 1983; 1985). Le parasite Plasmodium berghei fût découvert en 1948 chez un rat arboricole du nom de Grammomys surdaster. En 1965, on démontra que ces parasites étaient capables de se développer et de former des schizontes hépatiques chez les rongeurs de laboratoire (Yoeli et al., 1964; 1965). Depuis lors, P. berghei et son cousin P. yoelii, facilement modifiables génétiquement, sont utilisés couramment en laboratoire afin d’étudier de nombreux processus dont les mécanismes de l’invasion cellulaire au stade hépatique. En 2014, l’équipe a mis au point des lignées de P. berghei et P. yoelii exprimant la GFP grâce à la technique Gene Out Marker Out (GOMO) (Manzoni et al., 2014). Les sporozoïtes de ces deux souches génétiquement modifiées sont produites en routine chez les moustiques Anopheles stephensi dans notre insectarium.