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l'humanité , aurait couvert le Parlement d'un opprobre

Dans le document [Oeuvres de Mr. de Voltaire]. T. [20] (Page 106-112)

éternel.

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P e r t e s d a n s l In d e. 103

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Cette cataftrophe qui m’a ferablé digne d’être tranf- mife à la poftérité dans toutes fes circonftances, r.e m’a pas permis de détailler tous les malheurs que les Franqais éprouvèrent dans l’Inde dans l ’Amérique. En voici un trille réfumé.

C H A P I T R E T R E N T E - C I N Q U I È M E .

Pertes des Français.

TT A première perte des Français dans l’Inde fut

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,<.celle de Chandernagor, polie important dont la compagnie Françaife ,était. en poffeflion vers les em­ bouchures du Gange* C’ était de - là qu?elle tirait fes plus belles marchandifes.

Depuis la prife de la ville & du fort de Chander­ nagor , les Anglais ne ceffèrent de ruiner le commerce des Français dans l’Inde. Le Gouvernement de l’ Em­ pereur était fi faible & fi m auvais, qu’il ne pouvait empêcher des marchands d’Europe de faire des ligues & des guerres dans fes propres Etats. Les Anglais eurent meme la hardiefl'e de venir attaquer Surate une des plus belles villes de l’In d e , & la plus marchan­ de , appartenante à l’Empereur. Ils la prirent , ils la pillèrent, ils y décruifirent les comptoirs de France, & en remportèrent des ri ch elfes immenfes , fans que la Cour auflî imbécille que pompeufe du Grand-Mogol parût fe reffentir de cet outrage qui eût fait extermi­ ner dans l’Inde tous les Anglais fous l ’Empire d’un

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Enfin il n’ eft relié aux Français dans cette partie du monde, que le regret d’avoir dépenie pendant plus de quarante ans des fouîmes immenfes pour entretenir une compagnie qui n’a jamais fait le moindre profit,

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1 0 4 P e r t e s

qui n’a jamais rien payé aux actionnaires & à fes créan­ ciers du profit de fon com merce, qui dans fon admi- hiftration Indienne n’a fubfifté que d’un feçret bri­ gandage, & qui n’a été foutenue que par une partie de la ferme du tabac que le Roi lui accordait ; exem­ ple mémorable & p eu t-ê tre inutile du peu d’intelli­ gence que la nation Françaife a eue jufqu’ici du grand & ruineux commerce de l’Inde.

Tandis que les flottes & les armées Anglaifes ont ainfi ruiné les Français en Afie , ils les ont auiïi chaf- fés de l’Afrique. Les Français étaient maîtres du fleuve du Sénégal , qui eft une branche du Niger ; ils y avaient des fo rts, ils y faifaient un grands commerce de dents d’éléphans , de poudre d’or , de gomme arabique , d’ambre gris , & furtout de ces nègres que tantôt leurs Princes vendent comme des animaux , & qui tantôt vendent leurs propres enfans, ou fe ven­ dent eux-m êm es pour aller fervir des Européans en •Amérique.' Les Anglais ont pris tous les forts bâtis par les Français dans ces contrées, & plus de trois mil­ lions tournois en marchandifes précieufes.

Le dernier établiflement que les Français avaient dans ces parages de l’Afrique, était la Gorée ; elle s’eft rendue à difcrétion , & il ne leur eft rien refté alors dans l’Afrique.

Us ont fait de bien plus grandes pertes en Améri­ que. Sans entrer ici dans le détail de cent petits com bats, & de la perte de tous les forts l’ un après l’autre , il fuffit de dire que les Anglais ont pris Louis- bourg pour la fécondé fo is, auffi mal fortifiée, aulii mal approvifionnée que la première. Enfin , tandis que les Anglais entraient dans Surate à l’embouchure du fleuve Indus, ils prenaient Quebec & tout le Canada au fond de l’Amérique feptentrionale ; les troupes qui ont hazardé un combat pour fauver Quebec ont été battues & prefque détruites , malgré les efforts du

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Général Montcalm tué dans cette journée & très re­ gretté en France. On a perdu ainfi en un feul jour quinze cent lieues de pays.

Ces quinze cent lieues dont les trois quarts font des déferts glacés , n’étaient pas p eu t-être une perte réelle. Le Canada coûtait beaucoup & rapportait très peu. Si la dixiéme partie de l ’argent englouti dans cette colonie avait été employé à défricher nos terres incultes en F ran ce, on aurait fait un gain confidéra- ble ; mais on avait voulu foutenir le Canada , & on a perdu cent années de peines avec tout l ’argent pro­ digué fans retour.

Pour comble de malheur on accufait des plus horri­ bles brigandages prefque tous' ceux qui étaient em­ ployés au nom du Roi dans cette malheureufe colo­ nie. Ils ont été jugés au Châtelet de Paris tandis que le Parlement informait contre Lally. Celui - ci après avoir cent fois expofé fa vie l’a perdue par la main d’ un bourreau , tandis que les concufftormaires du Canada n’ont été condamnés qu’à des reftitutions & des amendes, tant il eft de différence entre les affaires qui femblent les mêmes.

Dans le tëms que les Anglais attaquaient àinff les Français dans le continent de l’Amérique , ils fe font tournés du côté des ifles. La Guadeloupe , p etite , mais floriffante , où fe fabriquait le meilleur lu c r e , eft tombée entre leurs mains fans coup férir.

Enfin ils ont pris la M artinique, qui était la meil­ leure & la plus riche colonie qu’eût la France. |

Ce Royaume n’a pu effuyer de fi grands défaftres, fans perdre encor tous les vaiffeaux qu’il envoyait pour les prévenir ; à peine une flotte était - elle en mer qu’elle était ou prife ou détruite, : on conftrui- ] » fa it, on armait des vaiffeaux à la hâte , c ’était tra- ip

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106 D u c d’ Ai g d i u o n .

vailler pour l ’Angleterre dont ils devenaient bientôt la proie.

Quand on a voulu fe venger de tant de p ertes, & faire une defcente en Irlande , il en a coûté des fom- mes immenfes pour cette entreprife infructueufe ; & dès que la flotte deftinée pour cette defcente eft fortie de Breffc, elle a été difperfée en partie , ou prife , ou perdue dans la vafe d’une rivière nommée la Vilaine , fur laquelle elle a cherché un vain refuge. Enfin les Anglais .ont pris Belle-Ifie à la vue des côtes de France qui ne pouvait la fecourir.

Le feui' Duc S Aiguillon vengea les côtes de la France de: tant d’affronts & de tant de pertes. Une flotte Ang.laife avait fait encor une defcente à St. Caft près de St.. M alo , tout le pays était expofé. Le Duc à'Aiguillon qui commandait dans le p a ys, marche fur le champ à la tête de la nobleffe Bretonne , & quel­ ques bataillons & des milices qu’il rencontre en che­ min. Il forcée les Anglais de fe rembarquer; une par­ tie de leur arrière-garde eft tu é e , l’autre faite pri- fonnière de guerre ; mais les Franqais ont été mal­ heureux partout ailleurs.

Jamais les Anglais n’ont eu tant de fupériorité fur mer ; mais il s en eurent fur les Franqais dans tous les tems. Us avaient détruit la marine de la France dans la guerr e de 1741 ; ils avaient anéanti celle de Louis X I V dans la guerre de la fuccelfion d’ Efpa- gne ; ils étaiei ît les maîtres des mers du tems de Louis X I I I , de H eitri I V , & encor plus dans les tems in­ fortunés de la Ligue. Le Roi d’Angleterre Henri V I II eut le même \ avantage fur François I.

Si vous ren montez aux tems antérieurs, vous trou­ verez que les flottes de Charles V I & de Philippe de V a lois,n e tiemnent pas contre celles des Rois d’An­ gleterre Hem i V & Edouard

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A N G L A I S . 107 Ë

Quelle eft la raifon de cette fupériorité continuelle ? n’eft-ce pas que les Anglais ont un béfoin effentiel de la m e r, dont les Français peuvent à toute force fe paffer, & que les nations réuffiffent toujours, com­ me on l’a déjà d i t , dans les choies qui leur font ab- folument néceffaires ? n’eft-ce pas aufïi parce que la capitale d’Angleterre eft un port de m e r, & que Paris ne connaît que les bateaux de la Seine? fer ai t-ce enfin que le climat & le fol Anglais produifent des hom­ mes d’un corps plus Yigoureux, & d’un efprit plus confiant que celui de F ra n ce , comme il produit, de meilleurs ch evau x, & de meilleurs chiens de chaffe ? mais depuis Bayonne jufqu’aux côtes de Picardie & de Flandre, la France a des hommes d’ un travail in­ fatigable , & la Normandie feule a fubjugué autrefois l’Angleterre.

Les affaires étaient dans cet état déplorable fur terre & fur n ier, lorfqu’un homme d’un génie actif & hardi , mais fàge , ayant d’auffi grandes vues que le Maréchal de Belle-Is/e, avec plus d’efprit , fentit que la France feule pouvait à peine fuftire à réparer des pertes fi énormes. Il a fu engager l’Efpagne à foute- nir la querelle; il a fait une caufe commune de tou­ tes les branches de la Maifon de Bourbon. Ainfi l’Ef- pagne & l’Autriche ont été jointes avec, la .France par le même intérêt. L e Portugal était en effet une pro­ vince de l ’Angleterre, dont elle tirait cinquante mil­ lions par an ; il a falu la frapper par cet en d ro it, & c'eft ce qui a déterminé Don Carlos Roi d’ Efpagne , par la mort de fon frère Ferdinand , à entrer dans le Portugal. Cette manœuvre eft peut-être le plus grand trait de politique dont l’hiftoire moderne fàffe men­ tion. Elle a encor été inutile. Les Anglais ont réfifté à l’E fpagne, & ont fauve le Portugal.

Autrefois l’Efpagne feule était redoutée de toute l’Europe fous Philippe I I , & maintenant réunie avec la France , elle ne peut rien contre les Anglais. Le

io8 E s p a g. n e. C u b a . î

Comte de la Lippe - Schomboitrg , l’un des Seigneurs

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