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A. Perspective musulmane arabe de l’enfant et de l’adoption

1.3. L’adoption dans l’Islam

1.3.2. Historique de l’interdiction de l’adoption dans l’Islam et extraits invoqués à

158 Voir section 1.3.2.

159 Ella Landau Tasseron, “Adoption, acknowledgement of paternity and false genealogical claims in Arabian and Islamic societies” (2003) 2 Bulletin of the School of Oriental and African Studies 66, à la p. 171.

160 Notamment Louis Milliot, François Paul Blanc, Introduction à l’étude du droit musulman, 2e édition, Paris, Sirey, 1987, à la p. 415, Keith Hodkinson, Muslim Family Law: a Source book, Londres, Croom Helm, 1984, à la p. 309 et Reynald Herbaut, L’adoption et la filiation dans les droits musulmans de rite sunnite, Thèse de doctorat en droit, Université de Perpignan, 2004, à la p. 23.

161 Jamila Bargach, Orphans of Islam: family, abandonment, and secret adoption in Morocco, Lanham, Md., Rowman & Littlefield Publishers, 2002, à la p. 47.

Outre plusieurs éléments propres à l’Islam dont nous avons discutés (explications sociologiques162), il existe un consensus assez important parmi les musulmans et les non musulmans sur un événement de la vie du Prophète qui aurait contribué à l’interdiction de l’adoption163. Les divergences d’opinion touchent la question de savoir si l’événement est réellement un commandement d’Allah ou s’il aurait servi les intérêts personnels de son Prophète. Selon une des multiples versions de l’événement, le Prophète Mahomet, se rendant un jour au domicile de son fils adoptif nommé Zeid, de dix ans son cadet, surprit sa belle-fille (et cousine) Zeineb en tenue détendue. Cela suffit pour provoquer en lui le coup de foudre pour elle. L’intéressée rapporta l’événement à son époux Zeid, qui, froissé, se rendit alors chez son père, le prophète Mahomet, pour l’entretenir à ce sujet. Celui-ci lui ordonna de retourner auprès de son épouse, sachant très bien qu’une relation avec sa belle- fille serait jugée incestueuse. Zeid revint quelques jours plus tard chez son père et lui annonça son intention définitive de répudier sa femme. Le Prophète fut alors de plus en plus tourmenté, à la fois par son amour pour Zeineb et par la réaction publique que provoquerait ce mariage, jugé incestueux. Allah serait à ce moment venu en aide à son messager et aurait béni ce mariage en ordonnant à son Prophète de marier Zeineb. L’histoire veut que « l’opinion mecquoise » ne se laissa pas convaincre de la « légalité » de ce mariage. Afin de mettre un terme à la polémique, le Prophète répudia alors son fils adoptif en 627, attendit la période prescrite pour le remariage, puis maria Zeineb. Pour éviter toute ambigüité, c’est alors qu’Allah décida d’une mesure radicale : Il interdit purement et simplement l’adoption. Selon une autre version moins romantique de l’histoire, lorsque ces versets ont été révélés, Zeid qui avait été auparavant appelé fils de Mahomet, a été appelé selon le nom de son vrai père, Zeid fils d’Ibn Haritha. Ce serait conséquemment pour confirmer cette annulation d'adoption et pour mettre Mahomet à l’épreuve qu’Allah lui aurait commandé de se marier avec Zeineb, et ce, pour que les musulmans comprennent

162 La force des liens du sang, immuables.

163 David Stephen Powers, Muhammad is not the father of any of your men: the making of the last prophet, coll. «Divinations: rereading late ancient religion», Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2009, à la p. 30.

de façon pratique qu'un fils adopté n'est pas du tout un « vrai » fils164. Cette histoire est évidemment à prendre avec un grain de sel et sa contribution véritable à l’interdiction reste assez floue.

Le résultat est tangible : les hadîth ainsi que les versets 4 et 5 de la sourate 33 interdisent l’adoption telle qu’on la connaissait et consacrent l’obligation du port du nom patronymique d’origine:

4. Dieu ne loge pas deux cœurs dans la poitrine de l’homme, non plus qu’il ne fait vos mères des épouses que vous répudiez par assimilation de vos rapports à l’inceste; non plus qu’il ne fait vos fils de ceux que vous adoptez. Ce sont des propos qui sortent de votre bouche. Mais Allah dit la vérité et c'est Lui qui met l'homme dans la bonne direction.

5. Appelez les enfants adoptifs par le nom de leur père; considérez-les alors comme vos frères et sœurs en religion ou vos protégés. Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés pour) ce que vos cœurs font délibérément.

Cet événement et la prescription coranique qui en découla furent à l’époque très fortement décriés par les chrétiens de la région, qui accusèrent le Prophète de se servir de Dieu pour répondre à ses penchants personnels165. Un auteur note que la prescription coranique selon laquelle Allah n’est le père de personne166 se veut une réponse directe aux préceptes juif et chrétien selon lesquels, à l’opposé, Abraham est le père spirituel des juifs

164 L’extrait pertinent du Coran relativement à cette histoire se lit ainsi : "Lorsque Zeïd eut dissous son mariage avec elle, Nous te la donnâmes comme épouse, afin qu'aucun grief ne soit fait aux croyants qui épousent les femmes de leurs fils adoptifs, quand ceux-ci mettent fin à tout commerce avec elles. L'ordre d'Allah devait être exécuté. Nul grief n'est à faire au Prophète en ce qu'Allah lui a imposé." (Sourate 33, versets 36-38).

165 David Stephen Powers, Muhammad is not the father of any of your men: the making of the last prophet, coll. «Divinations : rereading late ancient religion», Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2009, aux p. 29-31.

et Dieu, le père spirituel des chrétiens167. Selon lui, la prohibition coranique ne découlerait pas de l’événement rapporté dans la vie du Prophète, mais plutôt d’un ensemble de facteurs historiques étalés sur une longue période de temps, dont principalement le besoin d’implanter la famille nucléaire en Arabie, au détriment du système tribal qui y prévalait168.