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I. LE QUARTIER DE L’ARIANE A NICE : UN CAS D’ESPECE DU

I.1. Caractéristiques générales du quartier de l’Ariane

I.1.2. Histoire et développement du quartier

On ne trouve que très peu de traces de l’histoire de ce quartier rural qui ne fait pas parler beaucoup de lui. Jusqu’au début du siècle, il était essentiellement agricole, comportant des terrains maraîchers et des vergers dont la prospérité était due aux alluvions du Paillon et aux trois vallons de l’Ariane, de la Lovetta, et de la Faïssa. Ces vallons, outre l’irrigation des terres, procuraient la force motrice à de nombreux moulins à huile, à grains, et même à des fabriques de papier. Les habitants, paysans pour la plupart, se nommaient les Arianencs et les Niçois les surnommaient « les bétous », du fait de l’abondance des boues que charriaient et déposaient les quatre cours d’eau.

La position excentrée de l’Ariane par rapport au centre-ville le plus ancien — Vieux-Nice, Château, rue Saint François de Paule — ou le plus moderne — quartiers compris entre la place Masséna, la gare S.N.C.F. et la rive droite du Paillon — n’a bien sûr jamais favorisé un rôle actif du quartier dans les affaires de la Cité. Il vaut mieux voir l’Ariane comme une « porte » du territoire communal, puis comme l’un des quartiers restés le plus longtemps à vocation maraîchère, au même titre que l’Arénas et les quartiers de la Plaine du Var, tous fournisseurs des produits maraîchers frais de la ville de Nice.

Malgré ses humeurs et son irrégularité, le Paillon a depuis toujours constitué un axe de circulation important, notamment celui que l’on appelle « la Route du sel » qui rejoignait le Piémont italien par l’Escarène, Sospel, la Haute Vallée de la Roya et le Col de Tende. Aussi la situation de l’Ariane, carrefour de routes et de voies naturelles incitait-elle à l’installation humaine. Cependant, l’insécurité régnante et le petit nombre d’hommes ne permettaient pas de forts groupements en dehors des agglomérations traditionnelles.

Au delà des murs de Nice, le territoire de la commune s’étendait au milieu du XIVe siècle sur une superficie d’environ 70 km2. Délimité par des croix fichées en

terre, il était soumis à la juridiction des autorités urbaines de Nice244 mais devait

rester, jusqu’au XVIe siècle, assez peu habité. Les paysans niçois préféraient vivre dans la ville pour des raisons de sécurité et de commodité. Cependant au XVIIe siècle, la sécurité devint plus grande. Les chemins furent améliorés, la campagne fut mieux cultivée et les olivaies s’implantèrent en nombre sur les flancs des collines niçoises245. Ces diverses améliorations poussèrent les paysans à se fixer sur les terres qu’ils cultivaient, même s’ils n’en étaient que les métayers ou les fermiers. De nombreuses maisons rurales se construisirent ainsi que des moulins à farine et à huile grâce à l’utilisation de la force motrice des torrents. Ainsi, à la fin du XVIIe, puis dans le courant du XVIIIe siècle, fut mis en place à l’Ariane le canal destiné à capter et à conduire une eau au débit relativement régulier affectée à l’arrosage et surtout à la force motrice. Dans ces conditions, la population rurale niçoise augmenta rapidement, tant et si bien qu’au XVIIIe siècle, elle composait près de la moitié de la population totale de la commune. A l’Ariane, l’augmentation de la population au cours du XVIIIe siècle fut très nette. Elle entraîna la construction en 1735 à l’Abadie de la Chapelle Saint-Pierre.

Trois facteurs constituaient toujours un frein à une augmentation plus importante de la population de l’Ariane : l’activité agricole des habitants nécessitait

la construction d’un habitat surtout dispersé ; la position géographiquement

excentrée du quartier par rapport au centre-ville n’était pas attractive ; mais aussi, et peut être surtout, les problèmes de l’endiguement du Paillon n’étaient pas réglés.

244 M. Bordes, Histoire de Nice et du pays niçois, 1976.

245 C. E. Fighiera, « La desserte de la campagne niçoise aux XVIIe et XVIIIe siècles », Nice

Celui-ci ne fut réalisé qu’après 1860 — sans doute vers 1864 —, c’est-à-dire lorsque Nice fut devenue française. Les moyens financiers de l’État français, même s’ils étaient mal répartis vers l’extrême Sud-Est, étaient quand même plus importants que ceux de l’État Sarde. La digue, qui permit la construction du « Chemin de l’Ariane », rendit possible l’assèchement de zones marécageuses le long du Paillon et entraîna un regain de terres non négligeable. Elle constitue incontestablement, après la construction du canal, le deuxième tournant dans le développement et la croissance du quartier. C’est aussi le point de départ d’une deuxième période qui va se terminer dans les années suivant la seconde guerre mondiale. Il favorisa une redistribution foncière et l’apparition dans le quartier de nouveaux propriétaires venant du centre- ville, et dont les noms diffèrent de ceux des familles traditionnellement installées à l’Ariane. Ces nouveaux propriétaires fonciers, bien que résidant toujours dans le centre de Nice, firent appel à des métayers originaires des collines niçoises ou même de régions limitrophes de l’Italie. Ainsi les conditions étaient réunies pour permettre l’accroissement progressif du nombre des habitants du quartier, d’où les nouvelles exigences d’aménagement : construction de la passerelle de l’Ariane (entre rive droite et rive gauche du Paillon), de l’école, du cimetière.

Avant d’être le quartier d’habitation que l’on connaît aujourd’hui, l’Ariane était donc un terroir agricole tenu à l’écart du rapide développement de la ville de Nice qui, à partir du XIXe siècle, a orienté son économie vers l’activité du tourisme. Au début du XXe siècle, l’urbanisation gagne les rives du Paillon à la hauteur de l’Ariane. En 1912, un lotissement de pavillons est construit sur la rive droite pour loger les travailleurs des quelques entreprises installées à l’Ariane en raison du manque de place disponible dans la ville même. En 1954, une cité de transit servant à reloger provisoirement les habitants du Vieux-Nice en cours de rénovation est construite le long du Paillon. Vers 1955, des Gitans sédentarisés chassés de la vieille ville en cours de réhabilitation s’installent au lieu-dit des « Chênes Blancs » à

l’entrée Sud du quartier (carte 3). Ceux-ci ont trouvé dans ce site localisé aux abords de la décharge (ensuite déplacée à la Lauvette) un lieu propice à leurs activités de récupération. Le terrain des Chênes-Blancs avait alors l’aspect d’un bidonville et était souvent l’objet de plaintes de la part de la population environnante qui accusait les pouvoirs publics de laisser se développer un espace insalubre qui ternissait l’image de l’Ariane.

Les premiers immeubles collectifs sont construits en 1958. Mais c’est surtout entre 1967 et 1977 sous l’impulsion des promoteurs de logements sociaux qu’a lieu l’explosion urbaine du quartier avec la construction des premiers H.L.M. destinés à abriter les rapatriés d’Algérie et les habitants des cités d’urgence détruites à cette occasion (plus de 2000 logements locatifs construits dans cette période par les organismes H.L.M. ou collecteurs du 1 % sur les 4700 logements que compte aujourd’hui le quartier).

En fait, l’urbanisation de l’Ariane répond moins à une volonté délibérée des pouvoirs publics qu’à une opportunité saisie par les organismes H.L.M. d’utilisation de terrains bon marché ouverts à l’urbanisation après l’endiguement du Paillon. Le registre du commerce recense alors un total de 1580 emplois pour à peine 232 entreprises (essentiellement des petits commerces), ce qui montre bien que le quartier prend de plus en plus le caractère d’une cité dortoir destinée à loger tous ceux qui ne peuvent l’être dans le centre-ville en raison du manque de place.