• Aucun résultat trouvé

1.3. Harmonium

1.3.1. Harmonium – 1974

En peu de temps, la majorité des pièces du premier album éponyme d’Harmonium sont composées, il ne reste qu’à l’enregistrer. Le groupe accepte l’offre d’enregistrement et de gérance de Ladouceur. Harmonium participe notamment à une émission de une heure et demie à la radio CKVL où il présente ses compositions en direct. Le groupe s’engage ensuite dans une série de spectacles avec l’ajout d’une équipe technique peu nombreuse : scénographie, éclairage, ingénieur de son, etc. À l’été 1973, il est déjà fort populaire et participe à son premier spectacle de la Saint-Jean-Baptiste sur la place Jacques-Cartier dans le Vieux-Montréal aux côtés de Gilles Valiquette82. Entre temps, Yves Ladouceur a fondé Concept-Québec, une société de gestion artistique, ainsi que les Éditions/Productions Harmonium. Ladouceur enregistre quelques démos du groupe et le son d’Harmonium se définit de plus en plus en s’éloignant du yéyé et de la tradition chansonnière avec l’affirmation d’un son folk planant qui lui est propre. À partir de 1974, le public québécois est déjà séduit par Harmonium qui vole la vedette en première partie de José Feliciano à la Place des Nations83. Bien qu’il se produit encore surtout sur de petites

scènes, déjà, le milieu pressent que ces jeunes artistes « seront bientôt les vedettes84 ». Pendant

ce temps, Ladouceur tente de négocier un contrat, ce qui ne sera pas chose facile85. Capitol, une

compagnie londonienne hésite à investir et n’accepte de produire qu’un 45 tours86 (plutôt qu’un

album complet). La musique d’Harmonium leur paraît atypique, car elle sort des standards

81 Michel Poitras, « Harmonium », p. 36-37. 82 Louise Thériault, Serge Fiori…, p. 121-123.

83 « Harmonium et José Feliciano; un concert ''cool'' », Mainmise, no. 38, août 1974, p. 60.

84 D. Tremblay, « L’étonnant et beau succès que connaît Harmonium », Le Compositeur canadien, no. 102, (Juin

1975), p. 21.

85 Yves Ladouceur, Harmonium…, p. 108-125.

86 Un 45 tours est l’équivalent d’un disque « single », il ne comporte généralement que deux compositions, une sur

chaque face du disque. Le 45 tours représente un investissement moindre et permet aux compagnies de tester le public avant d’investir davantage ou, à l’inverse de populariser davantage un album déjà produit. Au Québec, les compagnies étrangères hésitent alors grandement en raison de multiples raisons : petitesse du marché, difficulté d’exportation des œuvres, etc. Aussi, le 45 tours est la norme au début des années 1970.

45

radiophoniques avec ses pièces trop longues et son style encore peu reconnu de folk québécois pour lequel les compagnies ne peuvent confirmer qu’il existe un marché87.

Puisqu’Harmonium ne veut produire qu’un album complet, le contrat pour le premier enregistrement est difficile à négocier. Ladouceur essuie plusieurs refus de la part de Capitol, Barclay, London Records, Colombia et Warner. C’est finalement Quality Records, une compagnie ontarienne qui produit surtout du disco qui voit dans Harmonium l’occasion de percer le marché québécois par sa filiale québécoise Célébration88. L’album est enregistré avec des moyens minimaux « tout juste de quoi faire [du premier] album de promotion un coup de départ89 ». Entre le quatre et le dix janvier 1974, en six jours et avec 6000 $ de budget est né un album culte du Québec. Lancé en février 1974 Harmonium connaîtra un succès fracassant avec ses chansons empreintes d’une « poésie joyeuse, imagée, colorée des utopies réchappées de l’ère granola90 ». Un single qui comprend 100,000 raisons, une pièce qui ne se retrouve pas sur l’album, sera aussi produit au cours de cette période. Déjà, les critiques considèrent qu’Harmonium s’éloigne de la tradition de la chanson française avec sa musique recherchée et ses paroles qui contribuent plutôt à créer une ambiance qu’à raconter une histoire91.

Du jour au lendemain, Harmonium est allègrement diffusé par toutes les chaînes radio du Québec et invité à tenir des supplémentaires dans les salles qui l’accueillent maintenant à bras ouverts. C’est lors de cette période que la presse écrite commence réellement à s’intéresser au groupe alors que s’enchaînent les entrevues avec La Presse, Pop-Rock, le Dimanche Matin, le Montréal Matin et le Montreal Star. Le groupe participe aussi à quelques émissions de télévision de la chaîne TVA, notamment à Jeunesse et Pop-Jeunesse en mars 1974. Toutefois, la télévision fut, au final, peu utilisée pour diffuser Harmonium92. Douze mois après sa sortie,

87 Louise Thériault, Serge Fiori…, p. 125; Michel Poitras, « Harmonium », p. 37; Yves Ladouceur, Harmonium…,

p. 108-109.

88 L’album est enregistré en janvier 1974 au Studio Tempo inc. à Montréal avec la participation de l’ingénieur de

son Michel Lachance et Fred Torak comme préposé aux arrangements et à la direction musicale. L’album est produit par Bob Morten et fabriqué et distribué par Quality Records Limited; Michel Poitras, « Harmonium », p. 37.

89 Serge Fiori, en entrevue avec D. Tremblay, « L’étonnant et beau succès que connaît Harmonium », cité par

Michel Poitras, « Harmonium », p. 37.

90 Mario Roy, Gerry Boulet..., p. 221.

91 Yves Taschereau, « Harmonium : à suivre… », Le Devoir, 10 juin 1974, p. 10; Guy Millière, Québec : chant des possibles, Paris, Albin Michel / Rock & Folk, 1978, p. 137.

46

le groupe a déjà vendu plus de cent-mille copies de son premier album, qui devient, pour un temps, introuvable en raison de l’écoulement des stocks. D’ailleurs, dès ce premier album, le groupe remporte un certain succès en Ontario où il se produit au Centre National des Arts d’Ottawa ainsi qu’à Toronto93.