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Chapitre Premier

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L

A SANCTION DE LA POLITIQUE PRÉFÉRENTIELLE DE L

’U

NION EUROPÉENNE

180. Pour assurer la mise en œuvre du droit de l’OMC, les États membres ont allié au renforcement de ses dispositions et de ses procédures de contrôle, celui de son pouvoir de sanction503. Cette dernière n’est pas toujours nécessaire à l’effectivité de la règle de droit international. Elle est toutefois apparue dans le contexte du système commercial multilatéral comme un complément utile (si ce n’est indispensable) à l’encadrement. La juridictionnalisation504 a pris le relai de la juridicisation pour limiter, autant que nécessaire, le recours au politique.

C’est donc bien la combinaison de l’encadrement et de la sanction qui a annihilé la possibilité pour l’UE505 de déroger aux disciplines multilatérales, et par voie de conséquence, a permis l’application du principe hiérarchique.

181. Comme certains observateurs l’ont relevé, l’utilisation du terme « sanction » concernant le système de règlement des différends (SRD)506de l’OMC est discutable. Cette qualification n’apparaît en effet jamais dans le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends (MARD). Pour autant, il est communément utilisé par la doctrine et les politiques. Nous suivrons leur exemple, car le SRD semble, en dépit de la timidité des négociateurs à employer un vocabulaire adapté, bel et bien adopter des sanctions507.

La sanction se définit comme « tout moyen adopté par une autorité destinée à assurer le

respect et l’exécution effective d’un droit ou d’une obligation »508. Les éléments de cette définition sont applicables au SRD. Une autorité, l’Organe de règlement des différends

503 CHAISSE (J.), CHAKRABORTY (D.), « Implementing WTO rules through negotiations and sanctions : the role of trade policy review mechanism and dispute settlement system », University of Pennsylvania Journal of International Economic law, 2007, Vol. 28, n°1-2, p. 155.

504 Sur les améliorations apportées au SRD au cours de l’Uruguay Round, voir : CASTEL (J.G), « The Uruguay Round and the improvements to the GATT Dispute Settlements Rules and Procedures », ICLQ, 1989, vol.38, n°4, pp. 834-849.

505 Dans le cadre de ce chapitre qui brasse plus de 30 ans d’histoire, les dénominations de CEE, CE et UE vont se succéder. Nous essaierons de nous montrer les plus exacts possibles en prenant en compte la période discutée, tout en essayant de maintenir la cohérence de notre propos.

506 FRISON ROCHE (M-A), « Le système de sanctions », Les notes bleues de Bercy, n°186, 1ier au 15 juillet 2000, pp. 1-4. BLIN (O.), « Les sanctions dans l’Organisation mondiale du commerce », JDI, 2008, Vol. 135, n°2, pp. 441-466.

507 Étant donné la profusion et la complexité des différends portant sur la politique préférentielle de l’Union européenne, l’auteur a réalisé un tableau récapitulatif présenté en annexe.

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(ORD), a relevé des inobservations aux dispositions des accords. Dans la cas de la politique préférentielle européenne, il s’agissait de contradictions constantes entre les instruments européens et le droit de l’OMC. Cette constatation a conduit à l’adoption de mesures répressives sous la forme d’injonctions à faire cesser la situation illicite, et parfois même, une autorisation accordée à certains adversaires de la CE d’adopter des mesures de rétorsion. 182. Entré en vigueur en 1989 suite à une décision de mi-mandat de l’Uruguay Round et intégré à l’annexe II des accords OMC509, le SRD est un cadre complet pour la résolution des conflits. Il propose une vaste variété de procédures510 et une structure institutionnelle basique. De manière incidente, il peut permettre de clarifier les dispositions des accords selon les règles d’interprétation du droit international et particulièrement de la Convention de Vienne sur le droit des Traités511. Son objectif n’en reste pas moins principalement de préserver les droits et les obligations des États membres en assurant une résolution consensuelle du litige512 et, si cela n’est pas possible, en adoptant une décision juridictionnelle. La sanction n’est donc en rien une fin en soi dans le système OMC, mais elle sera adoptée sans hésitation en cas de besoin, comme cela a été le cas au sujet de la politique préférentielle européenne.

La rupture avec le système antérieur est donc ici réelle. Le MARD contient un certain nombre d’éléments visant à assurer la prééminence du droit513. Le jugement par panel rendu dans le cadre d’une procédure strictement encadrée514 est, en conséquence, la solution la plus utilisée

509 Décisions des PARTIES CONTRACTANTES du 12 avril 1989, sur « les améliorations et le fonctionnement du système de règlement des différends », L/6489 et L/6490.

510 Plusieurs modes de règlement des différends sont disponibles, tels que les procédures de consultation (article 4 du MARD), les bons offices (article 5 du MARD), la conciliation (article 5 du MARD), les procédures de consultation (article 5 du MARD), la médiation (article 5 du MARD), l’arbitrage (articles 21, 22, 25 et 26 du MARD), le jugement par panel (articles 6 à 16 du MARD) et une structure d’appel (articles 17 à 19 du MARD). Pour une présentation doctrinale de ces différents mécanismes voir : QURESHI (A.M.), The world trade organization, Manchester et New-York, Manchester University Press, 1996, p. 78.

511 Convention de Vienne sur le droit des Traités, 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331. 512 MATSUSHITA (M.),SCHOENBAUM (T.J.),MAVROIDIS (P.C), Op. Cit. (n°329), pp. 113.

513 QURESHI (A.M.), Op. Cit. (n°227), p. 79.

514 Les étapes de la procédure de panel sont décrites par les Professeurs MATSUSHITA, SCHOENBAUM ET MAVROIDIS de la manière suivante : Si les consultations n’aboutissent pas dans les 60 jours, la partie plaignante peut demander la mise en place d’un panel, qui sera mis en place de façon automatique (sauf consensus de ne pas mettre en place). Les parties ont 20 jours pour se mettre d’accord sur les panelistes, sinon c’est le directeur général qui décide. La fonction du panel est d’assister l’ORD dans la résolution du conflit. Son travail ne doit pas excéder 6 mois. Le travail du panel est fondé sur des rapports écrits et des réunions avec les parties (et le cas échéant les tierces parties). Le panel peut rechercher des informations auprès de n’importe quelle source (État ou experts). Après un draft report, un rapport intermédiaire est proposé aux parties qui peuvent les commenter. Ensuite le panel écrit un rapport final qui est transmis à l’ORD. L’ORD doit étudier le rapport dans les 20 j de sa transmission. En cas d’objections, les parties doivent le faire savoir au moins 10 j avant la réunion de l’ORD. Il doit l’adopter dans les 60 jours suivants son transfert, sauf consensus pour ne pas l’adopter. En cas d’appel, l’ORD n’étudie pas le rapport. L’OA a le pouvoir d’accepter, de modifier ou de renverser les interprétations légales adoptées par le panel (ce qu’il fait le plus souvent c’est modifier). Le processus d’appel devrait être achevé en 60 j (30 en cas d’urgence). Le rapport de l’OA est adopté sauf consensus contraire. MATSUSHITA (M.), SCHOENBAUM (T.J.),MAVROIDIS (P.C), op. cit. (n°329), pp. 115-116.

Chapitre second – La sanction de la politique préférentielle de l’UE 115 de nos jours. Le rôle renforcé joué par le droit dans le cadre du SRD a été souligné par la doctrine, dont MM. ESSERMAN et HOWSE qui remarquaient ; « en faisant référence à la

fameuse phrase de Clausewitz selon laquelle la guerre est la politique par d’autres moyens, on peut estimer qu’aujourd’hui […] la même chose peut-être dite du droit »515. Cette évolution, en mettant le droit au centre du SRD, a permis de remplir l’une des volontés principales des négociateurs de l’Uruguay Round qui était de lui apporter prédictibilité et sécurité516. Elle est la conséquence d’un rapprochement sans précédent des conceptions américaine et européenne sur les rapports de panel517. Celles-ci étaient autrefois marquées par d’importantes divergences de vues. Pour les EUA, ces rapports constituaient de véritables interprétations à caractère juridictionnel qui, une fois adoptées, étaient obligatoires pour les Parties Contractantes. En revanche, pour la CE, le GATT était une institution destinée à la négociation et les litiges devaient être prioritairement résolus par la voie diplomatique. Cette position était dictée entre autres par la crainte d’une remise en cause profonde et globale de la politique préférentielle.

Ces divergences d’approches et l’attitude particulièrement irrespectueuse de la CE dans le cadre de certaines affaires ont conduit à la marginalisation du SRD. Elle a en effet opté pour cette stratégie défensive 518 en particulier dans le cadre des contentieux Agrumes519, Bananes I520 et II521, donc ceux concernant la politique préférentielle522.

515La traduction est de l’auteur. La citation originale : « Clausewitz famously wrote that war is politic conducted by other means : today, […] the same could be said for the law » peut-être retrouvé dans l’article suivant. ESSERMAN (S.) et HOWSE (R.), « The WTO on trial », Foreign Affairs, Vol. 82, n°1, Janvier-Février 2003, p. 130.

516 BHALA (R.) ET KENNEDY (K.), World trade law : the GATT-WTO system, regional arrangements, and U.S. law, Charlottesville, Lexis law Publishing, 1998, p. 26.

517 Les panels sont les organes qui réglaient auparavant les différends.

518 LEBULLENGER (J.), « Avant propos », pp. 7-9, in BERTHELOT (E.), La Communauté Européenne et le système de règlement des différends de l’OMC, Éditions Apogée, Rennes, 2001, p. 7.

519 RAPPORT DE PANEL, CE – traitement tarifaire des importations d’agrumes depuis certains pays méditerranéens, L/5776, 7 février 1985. Dans ce contentieux, les États-Unis d’Amérique reprochaient à la CEE d’accorder un régime plus favorable à ses partenaires méditerranéens dans le cadre de la politique globale (formée d’accords commerciaux bilatéraux) vis à vis de certains fruits, dont les agrumes. Il en découlait un manque à gagner pour les producteurs d’agrumes américains. Se référer à l’article suivant : GAINES (D.B.), SAWYER (W.C.), SPRINKLE (R.), « EEC Mediterranean policy and US trade in Citrus », JWTL, 1981, pp. 432- 439.

520 RAPPORT DE PANEL, CEE – Régimes d’importation des bananes des Etats-Membres, DS32/R, 3 juin 1993. Dans le cadre des différends contentieux bananes, l’instrument en cause était un protocole annexé à la Convention de Lomé qui octroyait aux bananes des pays ACP un traitement que celui octroyé aux parties contractantes du GATT (puis aux membres de l’OMC). Les pays d’Amérique Latine qui pâtissait des taux réduits octroyés à leurs concurrents ainsi que d’un système de quota se sont battus pendant 18 années pour obtenir un traitement équitable. Pour davantage de précisions sur le rapport de panel dit « Banane I » ou ceux qui l’ont suivi, voir le tableau récapitulatif réalisé par l’auteur.

521 RAPPORT DE PANEL, CEE – Régime d’importation communautaire de bananes, DS38/R, 11 Février 1994. L’article de M. VINCENT porte sur Banane I et II : VINCENT (P.), « Le contentieux États-Unis – Communauté européenne sur les bananes », RBDI, 2000, n°2, pp. 551-590. Voir aussi ; CASSIA (P.), SAULNIER (E.), « L’imbroglio de la banane », RMCUE, 1997, n°411, pp. 527-544.

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183. Dès lors, les négociations du cycle de l’Uruguay ont marqué un réel revirement de la position communautaire en la matière, puisque que la CE a accepté la mise en place d’un système de règlement des différends contraignant523. Ce bouleversement n’était pourtant pas conforme à ses intérêts immédiats. En effet, la juridictionnalisation du système a entièrement modifié les contentieux nés après cette date, à savoir les contentieux SPG524 et Bananes III525. La CE y a été poussée dans ces derniers retranchements, justifiant d’autant plus sa stratégie défensive.

184. Le SRD s’est avéré d’une part efficace (Section 1), puisqu’il a rempli la mission qui lui était affectée en adoptant des décisions et en condamnant la politique préférentielle. Il est également apparu comme effectif (Section 2) puisqu’il va aboutir à leur mise en œuvre concrète et donc à la réforme des instruments de la CE.

522Se référer à l’Annexe III pour une vue générale sur ces différends.

523 CHRISTOFOROU (T.), « The World Trade Organization, its dispute Settlement system and the European Union : A preliminary Assessment of nearly ten years of application », p. 258, in L’intégration Européenne au XXIe siècle : Hommage à Jacques Bourrinet, Paris, CERIC – La documentation française (Monde européen et international), 2004, 368 p., JANSEN (B.), « WTO dispute settlement procedures and the European Union », pp. 305-308, in HEERE (W.P) (eds), International law and the Hague’s 75th anniversary, TMC press, The Hague, 1999, 466 p.

524 RAPPORT DU GROUPE SPÉCIAL, CE – Conditions d’octroi des préférences généralisées, WT/DS246/R du 1ier décembre 2003, RAPPORT DE L’ORGANE D’APPEL, CE – Conditions d’octroi des préférences généralisées, WT/DS246/AB/R, du 7 avril 2004. L’origine de ce contentieux est fondamentalement politique, en effet l’Inde reprochait à la CE de faire bénéficier le Pakistan de préférences supplémentaires dans le cadre d’un régime particulier de son SPG dit « SPG drogues ». Elle estimait en effet, que ce régime particulier n’était pas justifié et visait seulement à sur-préférer son voisin de manière injustifiée. Elle a donc mis en œuvre un recours pour obtenir que le régime SPG drogues soit retiré. Pour plus de précisions sur ce contentieux, voire le tableau récapitulatif en annexe réalisé par l’auteur. Pour une présentation générale de ce différend, voir : QUENTEL (V.), « Le schéma communautaire de préférences généralisées face aux règles de l’OMC : l’affaire du régime spécial « drogues » ». RBDI, N°1/2, 2005, pp. 501-525. RUIZ FABRI (H.), « Commentaire de jurisprudence : Organe d’appel (7/04/04), condition d’octroi de préférences tarifaires aux PED », JDI, 3, 2004, pp. 1036-1042.

525 RAPPORT DU GROUPE SPÉCIAL, CE – régime d’importation, de vente et de distribution des bananes, WT/DS27/R/ECU, WT/DS27/R/GUA-HON, WT/DS27/R/MEX, WT/DS27/R/USA du 22 mai 1997. Ce rapport est le premier d’une série de 10 décisions provenant de panels, de l’Organe d’appel ou d’arbitres dont RAPPORT DE L’ORGANE D’APPEL, CE – Régime d’importation, de vente et de distribution des bananes, WT/DS27/AB/R, du 9 septembre 1997. Pour un aperçu de ce différend, voir : MCMAHON (J.A.), « EC Banana Regime, The WTO Rulings and the ACP : fighting for Economic Survival ? », JWT, 1998, vol. 32, n°4, pp. 101-114., PEERS (S.), “Banana Split : WTO Law and Preferential Agreements in the EC Legal Order”, European Foreign Affairs Review, 1999, pp. 195-214.

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Section 1 : Une sanction efficace

185. La première rupture réalisée par le SRD 1995 réside dans l’apparition même de la sanction. Son efficacité a été assurée par deux moyens complémentaires : d’une part, il a approfondi et élargi sa sphère de contrôle et de condamnation (§1), et d’autre part, les rapports de panels et de l’Organe d’appel ont été adoptés de façon quasi automatique, contrairement à la pratique du GATT 47 (§2). Ces deux éléments se sont combinés en vue de la sanction de la politique préférentielle de l’UE.

§1 : L’efficacité matérielle du système de règlement des différends

186. Les problématiques soumises au SRD en ce qui concerne la politique préférentielle sont restées globalement identiques depuis les années 80. Elles soulèvent inlassablement, quoique vis-à-vis d’instruments différents, le non-respect du principe fondamental de non- discrimination.

187. Si le problème reste le même, son traitement a fortement évolué au cours du temps. Ainsi, les panels ont procédé à la fois à une extension et à un approfondissement de leur contrôle (A). Cette sanction est toutefois proportionnelle aux objectifs recherchés par l’OMC et dès lors les préférences spéciales octroyées par la CE ont été davantage sanctionnées que les préférences générales (B).

A- L’efficacité matérielle du contrôle

188. Il ne sera pas question526 de certains débats sur la pratique des organes juridictionnels, comme celui portant sur l’opposition entre le principe de l’économie jurisprudentielle et l’activisme judiciaire527 ou celui du potentiel conflit entre les organes législatifs et judiciaires, notamment en ce qui concerne l’article XXIV528. Il s’agit simplement de démontrer que, tout restant dans le cadre des nouvelles compétences qui leurs ont été reconnues, les panels et l’Organe d’appel ont construit une jurisprudence marquée par l’extension du contrôle de la politique préférentielle à la lumière de nouvelles dispositions (1) et par son approfondissement quant au degré de remise en cause des instruments préférentiels (2).

526 Ces débats, bien que difficile à démêler seront étudiés dans la deuxième partie de ce travail. Voir Infra, paragraphes (n°637 et s).

527 ELHERMANN (C-D.), « Tensions between the dispute Settlement process and the diplomatic and treaty- making activities of the WTO », World Trade Review, 2002, n°1, p 305.

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1- L’extension du contrôle de la politique préférentielle

189. Le nœud gordien du contrôle de la politique préférentielle résidait et réside encore dans le principe de non-discrimination. Ainsi, le premier contentieux portant sur la politique préférentielle soumis aux instances du GATT 47 en 1985, à savoir le contentieux Agrumes529, est né des reproches faits par les EUA à la CEE concernant l’introduction, dans le cadre des seuls accords de libre-échange conclus avec les pays méditerranéens, de préférences non réciproques en matière d’importation de fruits frais. Ces instruments auraient en conséquence été non conformes à l’article I.1, portant principe de non-discrimination en matière de tarifs douaniers. Cette critique se retrouve dans tous les autres contentieux portant sur la politique préférentielle, sachant que l’ensemble des instruments qui la compose sera soumis « à la Question ». En effet, les contentieux Bananes I, II et III opposant principalement les États d’Amérique latine (soutenus de manière plus ou moins claire par les États-Unis), portaient sur des règlements adoptés en application de la Convention de Lomé. Le contentieux SPG, quant à lui, a opposé l’Inde et la CE sur le schéma communautaire prévoyant les préférences généralisées. Prenant toujours pour origine l’article I.1 du GATT, l’argumentation des parties et les conclusions des organes juridictionnels se sont enrichies de ramifications de plus en plus complexes, permettant de parler d’une réelle extension du contrôle de la politique préférentielle.

190. Sous l’égide du GATT 47, il ne fut pas toujours aisé pour les différents panels amenés à se prononcer d’adopter une sanction claire vis-à-vis des agissements de la CE. En effet, leur compétence n’était pas précisément établie quant aux instruments des parties contractantes qu’ils pouvaient contrôler, ni même parfois quant aux dispositions de l’AG qu’ils pouvaient utiliser530.

Aujourd’hui, cette question n’a plus lieu d’être, car la compétence des panels est à la fois nettement établie et largement entendue. En effet, les précisions textuelles et jurisprudentielles se sont combinées pour affirmer un pouvoir de contrôle très large en faveur du SRD. Ainsi, il est désormais admis que le SRD a qualité pour se prononcer sur l’ensemble des dispositions des accords OMC en rapport avec la politique préférentielle (a), mais également sur les accords commerciaux internationaux passés par ses membres et leur mise en œuvre (b).

529 op. cit. (n°519).

530 L’existence d’un mécanisme de surveillance des ACR a longtemps véhiculé un doute sur la compétence du SRD à en vérifier le contenu.

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a. L’extension du contrôle à l’ensemble des dispositions de l’OMC

191. Le contrôle opéré par le SRD sur la politique préférentielle de la CE est véritablement marqué par une extension progressive. En effet, si au départ, la compétence même du SRD était discutable, elle a peu à peu intégré un nombre de dispositions de plus en plus important. 192. Dans le cadre des contentieux Agrumes531, Bananes I532 et Bananes II533 qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur du SRD rénové, les arguments des plaignants et des défendeurs étaient répétitifs d’un rapport à l’autre et se résumaient comme suit. Les demandeurs ont ainsi constamment reproché aux différents régimes nationaux communautaires contestés534 d’être contraires à l’article I.1 du GATT. En retour, la CE n’affirmait pas être en conformité avec l’article I .1, mais elle estimait que cette contrariété pouvait être couverte par le fait que ces préférences étaient accordées dans le cadre d’ACPr conformes à l’article XXIV. Dans le cadre des contentieux bananes I et II, elle précisera que si les préférences ne sont pas réciproques, c’est en vertu de la Partie IV du GATT qui pose le principe de non-réciprocité en faveur des PED. Selon elle, la lecture conjointe de l’article XXIV et de la Partie IV lui permettait d’octroyer des préférences non réciproques aux PED dans le cadre des ACPr qu’elle avait conclus avec eux. Force est de constater que les panels seront constants dans leurs conclusions : les préférences accordées par la CE à ses partenaires en développement sont bien contraires à l’article I.1535. Cette contrariété ne peut être couverte par l’exception de l’article XXIV536, en conjonction ou non avec la Partie IV. À trois reprises,

531 op. cit. (n°519).

532 RAPPORT DE PANEL, CEE – Régimes d’importation des bananes des Etats-Membres, DS32/R, 3 juin 1993. 533 RAPPORT DE PANEL, CEE – Régime d’importation communautaire de bananes, DS38/R, 11 Février 1994. 534 Dans le cadre du contentieux agrumes, les règlements communautaires contestés étaient notamment : Règlement (CEE) n° 1467/69 du Conseil, du 23 juillet 1969, relatif aux importations des agrumes originaires du

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