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C HAPITRE 2 – L’ ABSENCE DE L ’A UTRE COMME DÉCLENCHEUR DE LA QUÊTE Comme nous venons de le voir, le suicide de l’être cher bouleverse assurément les

protagonistes. En fait, non seulement cet événement a un impact majeur sur leur vie, mais il agira également comme déclencheur de leur quête. Cependant, et pour en revenir à ce que nous avons retenu des propositions de Fontanille, le suicide instaure le vide à l’origine de l’errance dans le récit de vacuité, ou encore ce trop-plein devant lequel le protagoniste ne peut que fuir dans le cas du récit de plénitude. Rappelons ici que, dans les œuvres qui nous intéressent, l’absence est à l’origine de la quête dans les deux cas, mais que cette absence, au début des récits, inhibe toute action parce qu’elle devient oppressante ou encore qu’elle crée un vide complet. Les deux schémas peuvent donc parfois se confondre ou du moins se chevaucher, comme si la paroi qui les séparait devenait poreuse. En effet, non seulement la confusion envahit les personnages, mais le parcours des protagonistes laisse place à certaines transformations, à une évolution qui ne se déroule pas toujours de façon semblable d’une œuvre à l’autre, permettant parfois le passage d’un schéma à l’autre.

La notion d’altérité semble se manifester de plusieurs façons à travers le mouvement de déconstruction qui survient au sein des récits. En effet, si la personne suicidée devient autre aux yeux de ceux qui restent, ce n’est pas tout ; l’altérité prend aussi forme à travers la situation nouvelle que vivent les protagonistes ; ces derniers, chamboulés par un tel événement et transformés par la douleur qu’ils éprouvent, se voient également devenir autres.

L’AUTRE, UN NOUVEAU STATUT POUR LE PERSONNAGE DÉFUNT

Nous avons vu dans le chapitre précédent qu’un déplacement s’opère dans les œuvres de notre corpus. D’un personnage centré sur lui-même, les romans passent à un protagoniste tourné vers l’Autre. Ainsi, « là où il n’y avait précédemment qu’un “il”, sujet d’ordre générique, simple témoin de la commune appartenance du “moi” et de son autre à une même classe, est tout à coup apparu quelqu’un : non plus la figure d’un sujet en lui- même quelconque parce qu’interchangeable, mais bel et bien un “tu”, unique et singulier,

ne représentant rien d’autre que lui-même : en un mot, une personne.1 » En effet, l’Autre n’existe plus uniquement pour légitimer les actions et les choix du protagoniste en le situant par rapport à une certaine norme ; il est lui aussi une personne à part entière et revêt des caractéristiques qui lui sont propres.

En général, le protagoniste s’inscrit dans la norme, c’est-à-dire dans un groupe social, généralement le groupe dominant, qui partage des caractéristiques communes, et c’est ce qui lui permet de juger l’Autre comme tel, puisque ce dernier déroge des règles qui déterminent l’appartenance à la majorité, à la norme. C’est le cas dans nos romans, où le personnage suicidé sort de la norme, ce qui suscite un jugement du protagoniste. S’il arrive dans certains récits que cet Autre soit le protagoniste, témoignant ainsi d’un point de vue nouveau2 par rapport à la norme dans laquelle s’inscrit le personnage du groupe dominant3, dans les œuvres de notre corpus, ce point de vue est généralement absent. Il y a plutôt « mise à distance de l’Autre [, c’est-à-dire qu’] une voix narrative le perçoit, le définit et le raconte […].4 » En effet, le « tu », dans les œuvres qui nous intéressent, est désormais absent, marquant une transformation majeure par rapport à la plupart des « textes des années 1990 [, qui] proposent une narration au “je” s’adressant à un “tu”.5 » En effet, le rapport tel qu’il était vécu entre le protagoniste et l’Autre se modifie au fil du deuil, bien que le protagoniste qui se retrouve face au vide ait plutôt l’impression que le rapport entretenu auparavant est complètement disparu avec la mort de l’Autre. Lou-Anne, dans le roman d’Élaine Turgeon, explique : « Moi, je serai le rappel constant de ce qu’aurait pu être ma sœur. Mais […] [c]e qu’on verra en moi, ce ne sera plus la copie de ce qu’aurait été ma sœur, mais bien ce trou béant qu’elle aura laissé en moi.6 » L’adolescente subit une transformation lors du suicide de sa sœur jumelle, et devant elle se trouve non plus sa

1 Éric Landowski, « Saveur de l’autre », dans Texte, revue de critique et de théorie littéraire (dossier « L’altérité »), n° 23-24 (1998), p. 14.

2 Dans ces textes, le fait que le point de vue proposé soit celui de l’Autre entraîne souvent l’« interven[tion], comme le souligne Harel, [d’]une “instance jugeante” par rapport au groupe dominant » (Janet M. Paterson, art.cit., n° 23-24 (1998), p. 108.) Ce type de point de vue, bien que moins fréquent, tend à créer une certaine empathie envers l’Autre malgré sa différence et la relative infériorité sociale de son opinion. 3 La distinction entre les récits proposant le point de vue de l’Autre et ceux présentant le point de vue d’un membre du groupe dominant est présentée dans Janet M. Paterson, art.cit., p. 108.

4 Janet M. Paterson, art.cit., p. 108.

5 Marie Fradette, « Chapitre III. Le récit : élément révélateur de l’évolution de la figure adolescente », dans « Évolution de la figure de l’adolescent dans les romans jeunesse des années 1950 aux années 1990 : étude sociocritique », op.cit., f. 67.

complice, mais un « trou béant », une lourde absence qui fait naître en elle un désir confus de combler ce manque, de le fuir, de comprendre comment, mais surtout pourquoi ce vide a pris la place de sa sœur. En un mot, le néant qui a remplacé la jumelle agit comme point de départ du schéma lié à la vacuité que nous avons décrit plus tôt.

D’ailleurs, le vide cause une altération importante chez la protagoniste : « Comment faire pour respirer quand le cœur qui battait à l’unisson avec le vôtre a cessé de battre?7 » Le manque vécu est lié à quelque chose de fondamental dans la vie du personnage, presque une partie d’elle-même dans le cas de la jumelle qui reste, d’où ces éléments vitaux, et donc tout à fait primaires, que représentent la respiration et les battements du cœur. Un manque d’une si grande importance n’est pas sans impact majeur, et c’est ce qui explique le bouleversement des rôles engendré par l’apparition d’un tel vide.

En ce sens, ce qui est particulièrement intéressant ici, c’est que le personnage que nous qualifions d’Autre ne le devient généralement qu’à partir du moment où son suicide survient. Rappelons-nous que, dans la littérature pour adolescents des années 1980 et suivantes, l’Autre se manifestait principalement à travers des personnages d’opposant ou d’adjuvant, soit respectivement la rivale, à qui se comparait la protagoniste complexée, et l’amoureux, qui amenait l’adolescente à s’aimer à travers ses yeux. Or, ici, son rôle change : avant son départ, le personnage que nous appelons Autre ne s’inscrit pas dans ces rôles typés. Il est parfois un ami, un membre de la famille, un être cher, mais jamais il n’a ce rôle de faire-valoir comme les personnages typés de l’amoureux ou de la rivale. Il est l’égal du protagoniste ; de plus, tous deux partagent des ressemblances ou des points communs qui les rapprochent : « Malgré nos différences, une grande complicité nous unissait ; une sorte de complémentarité. Moi le côté jour et elle, le côté nuit,8 » confie celle qui vient de perdre sa jumelle. L’une ne va pas sans l’autre, chacune dépend de l’autre, et c’est cette grande proximité qui rend si difficile la perte. Il en va de même dans les autres œuvres de notre corpus ; pensons aux amoureux dans Une vie en éclats – qui ne font qu’un ici, à la différence de l’amoureux dans les romans des années précédentes, qui a plutôt un rôle de

7 Ibid., p. 59.

faire-valoir –, au petit frère et à sa grande sœur dans Le parfum des filles, aux amis de toujours dans Le long silence.

Dans cet ordre d’idées, Mathieu se remémore une anecdote et conclut en disant à sa meilleure amie, étendue dans son cercueil: « Tu as sauvé ton petit frère. Parce que c’est ce que j’étais, non? Tu ne m’as jamais dit : “Tu es comme mon petit frère”, mais c’est ce que j’ai toujours été pour toi. Ça ne me dérangeait pas, puisque ça me rapprochait de toi.9 » La proximité des personnages, dans cette œuvre comme dans les autres, empêche de les dissocier, de les considérer différemment. Ils se complètent de façon si étroite que la moindre distinction se révèlerait difficile à établir, d’autant plus que tous deux s’inscrivent dans un même groupe. Pourtant, vient un moment où la rupture se produit et où l’un des personnages, en commettant son suicide, bascule hors du groupe de référence et acquiert une identité distincte.

C’est donc seulement à partir du moment où le suicide survient que ce personnage s’éloigne du protagoniste et devient pleinement différent, voire étranger, se distanciant du groupe de référence, de ceux qui restent, qui vivent, étant devenu LA personne qui a choisi de partir. En effet,

[a]fin d’identifier le personnage de l’Autre, il est […] nécessaire de dépasser la relation binaire entre deux unités analogues pour passer à la notion, proposée par Landowski, de groupe de référence, groupe qui peut être social, religieux, politique, etc. […] Il faut donc souligner que l’aspect relationnel de l’altérité d’une personne ou d’un personnage romanesque est gouverné par une structure plus englobante qu’une opposition entre a et b. Il s’agit plutôt d’une structure qui surdétermine la nature de la relation binaire en multipliant l’un des termes pour former un groupe de référence10 »,

ce que Paterson illustre ainsi :

Groupe de référence

Altérité

9 Sylvie Desrosiers, op.cit., p. 21.

10 Janet M. Paterson, art.cit., p. 104-105. b a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a b

Ainsi, bien que cet Autre soit mis en relation avec le protagoniste, il ne serait pas Autre si la comparaison se limitait au protagoniste. Son altérité vient en effet de l’écart entre lui- même et le groupe de référence dans lequel s’inscrit le protagoniste, c’est-à-dire, dans le cas des œuvres qui nous intéressent, le groupe de ceux qui restent, qui vivent encore, composé plus précisément des gens qui entourent le protagoniste et lui ressemblent, vu le suicide qui affecte chacun d’entre d’eux et le deuil auquel ils doivent procéder.

Les rôles de l’altérité, celui de l’Autre comme celui du groupe de référence, sont donc créés lors du suicide et se voient définis par leur rapport à la vie et à la mort. Le groupe de référence est constitué de gens que nous pourrions qualifier de réels, qui s’opposent au défunt qui n’existe plus que sous la forme du souvenir. Chez Colin, le narrateur du Parfum des filles, on remarque ainsi que « [les cadres] ont été placés là, pas pour que ça fasse nécessairement joli, mais pour que Julie soit avec [eux].11 » À défaut de l’avoir près d’elle, encore en vie, la famille place des photos de la jeune fille dans les pièces communes, pour simuler sa présence de la seule façon encore possible, se la rappeler. L’existence de Julie subit donc une transformation majeure pour le groupe de référence, sa famille, puisqu’elle perd sa réalité et son existence matérielle, devenant du même coup

Autre.

LE SUICIDE, DÉCLENCHEUR D’UNE ALTÉRITÉ SITUATIONNELLE

La notion d’altérité évoque la différence individuelle, c’est-à-dire une personne ou un personnage qui ne parvient pas à s’inscrire dans les caractéristiques, empruntées au groupe de référence, qui constituent la norme. Que l’altérité soit avant tout associée à ce personnage qu’est l’Autre n’est pas incorrect en soi. L’Autre en tant qu’individu constitue assurément une représentation importante de l’altérité et, comme nous avons pu le voir plus haut, cette incarnation de la notion d’altérité permet de situer les personnages les uns par rapport aux autres, de définir les rôles qu’ils jouent, ce qui contribue à la création d’un sens dans ce qui est raconté.

Toutefois, la notion d’altérité va plus loin. En effet, l’altérité n’est pas uniquement liée à l’intrusion d’un personnage Autre dans le monde dans lequel s’inscrivent les héros.

En effet, dans les romans qui nous intéressent, la notion d’altérité ne se manifeste pas exclusivement à travers les rapports entre les individus. Elle peut se manifester de façon situationnelle, ce que confirme Landowski lorsqu’il parle de « la plénitude de sens que nous pourrions vivre s’il nous était donné de passer à un “autre monde”, presque inaccessible, entrevu de temps à autre, mais dont on postule que lui, du moins, il ferait sens […], justement parce qu’à la différence de notre environnement usé par la routine et devenu trop familier, il serait, lui, l’univers de la pure altérité.12 » Dans cette perspective, l’altérité ne se cantonne plus aux individus et s’étend désormais, par exemple, à la situation engendrée par une intrusion, à un bouleversement qui amène une situation habituelle à s’éloigner de la norme qu’on pourrait y associer. En un mot, l’altérité constitue une altération par rapport à ce qui relève du connu, de l’habituel, de la norme. Ainsi, cette altérité situationnelle peut s’infiltrer au sein même du groupe de référence et ne se manifeste plus seulement de façon extérieure ou individuelle.

Ce qui nous intéresse dans cet élargissement de la notion d’altérité, c’est que le suicide d’un proche confronte forcément les personnages à une situation inattendue et nouvelle. En raison de l’épreuve à laquelle ces derniers sont confrontés, « [l]a transition entre le monde de l’adolescence et celui de l’adulte est trop rapide et provoque un déséquilibre.13 » Le vide créé relève de l’inconnu pour le protagoniste et c’est ce qui déclenche sa quête de sens ou son désir de fuir. Le monde construit qui l’entourait se voit soudainement déconstruit et cette rupture plonge le personnage dans un malaise constant. Cette situation s’inscrit précisément dans cette idée d’altérité situationnelle, ce qui explique la détresse ressentie : le personnage se retrouve projeté hors de sa « zone de confort », c’est-à-dire entouré exclusivement d’inconnu.

Nos protagonistes, après le suicide de l’Autre, se retrouvent ainsi projetés hors de cette zone où le bien-être était possible. Ce nouvel espace devient littéralement saturé d’inconnu, saturation qui enclenche le type de parcours rattaché au schéma de plénitude. Zoé, par exemple, pense à Ybert et lui avoue : « Mon poème, je l’ai écrit en pensant à

12 Éric Landowski, art.cit., p. 80.

13 Marie Fradette, « Chapitre II. Prise de conscience et valorisation du type adolescent : émergence d’un statut social », dans « Évolution de la figure de l’adolescent dans les romans jeunesse des années 1950 aux années 1990 : étude sociocritique », op.cit., f. 63.

toi.14 » ; « Je l’ai écrit un soir où un grand oiseau noir m’avait poussée au fond de mon lit. […] Je ne veux plus jamais me retrouver dans cet état-là. Jamais. Voilà une autre des raisons pour lesquelles je veux partir. / Si c’est ça la vie, c’est trop pénible.15 » Zoé, après le suicide de son amoureux, planifie de l’imiter ; il lui semble qu’aucune autre réaction n’est possible puisqu’elle est envahie par le malaise qui a mené Ybert à cet acte désespéré. « Cet univers narratif, [nous explique Fontanille,] est celui de la vacuité, en ce sens que rien ne vaut la peine d’être visé, et que rien ne peut être un tant soit peu saisi.16 » Le vide ressenti retire tout intérêt à ce qui entoure les protagonistes, leur retirant par le fait même toute forme de plaisir, puisque toute la place est désormais accaparée par ce trou béant laissé par celui qui est parti. Ainsi, pour Zoé, la vie après la mort d’Ybert ne lui offre plus aucun point de repère et ce « grand oiseau noir » qui la pousse violemment illustre bien cette situation dans laquelle elle se voit plongée malgré elle, ce désordre complet et oppressant qu’elle n’a pas choisi, mais qui s’impose à elle sans qu’elle ne puisse s’en défaire d’aucune façon.

Le deuil, les interrogations envahissantes, tout est trop imposant et relève de l’inconnu, n’appelant aucune réaction reconnaissable. Les protagonistes sont plongés dans un long « moment d’errance des sentiments et des idées17 », ne savent plus dans quelle direction aller, ne savent plus comment réussir à avancer. Leurs points de repère disparus, ils semblent vagabonder sans trop savoir ce qu’ils cherchent ; ils passent de la tristesse à la rage, ne parviennent plus à s’éclaircir les idées, tentent, sans y arriver, de comprendre ce vide qui les hante. Tout devient plus complexe, voire incompréhensible, rien ne semble logique ou n’a de sens. Devant la destruction de son univers, Zoé est rongée par un sentiment de mal-être qui s’infiltre dans chaque parcelle de sa vie et de son être : « La nuit, je fais des cauchemars et je veux me réveiller. Le jour, je suis mal et je voudrais dormir. Je n’en peux plus de vivre.18 » La confusion règne sur la jeune fille qui ne sait plus dans quelle direction se tourner, puisque le mal-être s’infiltre partout en elle, pénètre dans son esprit de jour comme de nuit. Elle erre à la recherche d’un espace ou d’un moment de réconfort, d’un

14 Maryse Pelletier, op.cit., p. 30. 15 Ibid., p. 49.

16 Jacques Fontanille, op.cit., p. 119. 17 Françoise Lepage, art.cit., p. 243-244. 18 Maryse Pelletier, op.cit., p. 51.

instant où l’angoisse pourrait se dissiper. Elle voudrait s’échapper de cet univers où elle n’a plus de repères et qui n’est que malaise.

Mathieu, quant à cette situation nouvelle dans laquelle il se retrouve, qu’il ne connaît pas et où il ne peut que se sentir désemparé, admet : « [J]e suis incapable d’arrêter. / Je parle pour parler, parce que cette fois le silence est terrible, le silence est froid, long et lugubre. […] / Il faut que ça sorte pour faire moins mal. Il n’y a que toi au monde qui peut me rendre malheureux à ce point-là.19 » « Cette fois » est différente de toutes les autres. Le silence auquel l’adolescent est confronté n’a rien de paisible ou de réconfortant, c’est un silence qui traduit l’absence, la solitude. Alice, qui ne laissait habituellement pas Mathieu placer un seul mot, ne dit plus rien ; le monde de Mathieu est complètement effondré et n’a plus aucun sens. C’est pourquoi il tente à tout prix de combler ce vide qui le trouble, en parlant sans cesse, encore et encore, même si ses propos ne tiennent pas toujours la route.

Dans cet ordre d’idées, nous voyons que l’épreuve entraîne une « perte des repères et [cause une] altération du rapport au monde.20 » Plus rien ne rappellera cet « avant » qui relevait du domaine du connu ; dorénavant, tout est à réapprendre, à découvrir une nouvelle fois, puisque le partage n’est plus possible. Or, les yeux de ceux qui doivent redécouvrir leur univers et réapprendre à vivre sont à présent envahis par le désarroi, la tristesse, la colère de la perte. Ainsi, en disant tout ce qui lui vient en tête, Mathieu cherche simplement à fuir l’absence. Il demande à sa défunte amie : « Dis donc, est-ce que je suis quelque chose sans toi?21 », illustrant à quel point il se sent désormais vulnérable. Sans son amie de toujours, son univers perd toute sa cohérence et Mathieu ne sait pas où retrouver des points de repère dans ce monde complètement désordonné dont il voudrait s’échapper.