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C HAPITRE 3 – M ÉMOIRE ET RECONSTRUCTION DE SOI : LA FIGURE DE L ’A UTRE

L’Autre, ce complice, ce « tu », en disparaissant, nous l’avons vu, agit comme élément déclencheur du schéma narratif et donnera naissance à la quête des protagonistes. En ce sens, Lou-Anne affirme que « la chose qu’[elle] désirait le plus au monde aurait été de [se] trouver avec [Geneviève] [dans sa tombe]1 ». Le premier réflexe des personnages est en effet de tenter de retrouver l’Autre, ce qui s’avère toutefois impossible, et ils en prennent rapidement conscience avant de sombrer dans l’inconfort d’une solitude imposée.

Ainsi, vient un moment où le protagoniste, bien que souvent inconscient du processus de deuil qu’il traverse, se sent complètement dépassé, envahi par la douleur, ce qui l’amène à tenter de mettre un terme à la déconstruction de son univers et à tendre plutôt vers un mouvement de reconstruction. En fait, il cherche d’abord, plutôt instinctivement, un certain réconfort2. Or, ce réconfort ne constitue qu’une idée relativement floue, un sentiment que le protagoniste n’a aucun moyen concret d’atteindre. Un but si peu défini est certes assez difficile à poursuivre ; c’est pourquoi, devant l’absence oppressante qu’ils subissent, la seule solution cohérente, voire possible pour les protagonistes dans l’immédiat paraît être la fuite ; on peut aisément rattacher cette fuite au schéma de plénitude dont parlait Fontanille, schéma que nous avons abordé dans le premier chapitre en le mettant en relation avec l’importante vacuité à laquelle sont confrontés les personnages. Le parcours apparaît sinueux, les protagonistes ne savent pas toujours dans quelle direction se tourner, mais leur retour à la surface se dessine peu à peu.

1 Élaine Turgeon, op.cit., p. 67.

2 Cette idée de réconfort pourrait être mise en relation avec la notion de valence de l’objet à atteindre (Denis Bertrand, « Valence » et « Valeur », dans Précis de sémiotique littéraire, op.cit., p. 267-268.), c’est-à-dire que le réconfort n’est qu’une première étape, regroupe les prémices du mouvement de reconstruction, cette reconstruction de soi et de son univers constituant le réel enjeu de la quête des personnages. La valence agit comme prémices de la valeur, étant trop floue pour être un enjeu réel. Elle correspond à la période de confusion que traverse le protagoniste. La valeur, beaucoup plus claire, mieux définie, constitue la valeur de l’objet à atteindre au terme de la quête. Le protagoniste parvient à la définir plus tard dans son processus de deuil, quand le sens redevient possible.

LE PROTAGONISTE COMME AUTRE

Devant une telle épreuve, les protagonistes voient leur monde devenir complètement incohérent et ont l’impression d’assister à une réelle déconstruction de leur univers et, par conséquent, d’eux-mêmes. En effet, la douleur est si grande que le personnage se retrouve réduit à néant, puisque le vide l’envahit et chasse tout le reste. Aux yeux du monde, ceux qui restent deviennent donc Autres en raison de la trop grande tristesse qui les habite. Lou-Anne, lorsqu’elle affirme vouloir « être un fantôme[,] ne plus être, pour tous ceux qu [’elle] croise, le souvenir d’une morte3 », illustre en fait cette solitude qu’elle doit subir en raison de la situation qui l’accable, situation dont elle n’est pourtant pas responsable et sur laquelle elle n’a aucun contrôle. La tristesse qu’elle ressent en permanence ainsi que le souvenir qu’elle évoque chez les gens l’isolent : elle devient Autre, puisqu’il semble impossible pour les membres du groupe de référence de l’inclure parmi eux désormais. Les personnages se retrouvent ainsi « en état d’errance continuelle, cherchant désespérément à assoupir leur mal incompris.4 » Car, en effet, c’est sans aucun doute cette incompréhension qui amène les membres du groupe qui constitue la norme à exclure le protagoniste.

Or, cet isolement n’est pas sans poser problème, dans la mesure où, comme nous l’ont montré les romans jeunesse des années précédentes, « l’ère du “tu” est […] arrivée. On [a compris] que, pour émerger de la solitude, il fallait retrouver le dialogue, et que le dialogue imposait un “je” et un “tu”.5 » Le protagoniste a besoin d’aide pour se sortir de l’univers oppressant dans lequel il a été plongé. Mais comment émerger de cette solitude dévorante si tous s’éloignent du protagoniste? Le bien-être apparaît maintenant comme un

3 Élaine Turgeon, op.cit., p. 73.

4 Fradette explique que cette « errance continuelle » se manifeste à travers les personnages des romans québécois des années 1990 et que, sans proposer des scénarios semblables, les romans pour les jeunes, à travers le mal que ressentent les protagonistes, témoignent d’un même besoin de sécurité, de balises. Dans les œuvres de notre corpus, vu la problématique qui touche les personnages et qui, comme nous l’avons vu, les projette rapidement dans un monde « adulte », leurs considérations suivent le même mouvement et cette idée d’errance continuelle tout comme le désespoir qu’elle implique trouvent leur place dans les récits proposés. Marie Fradette, « Chapitre II. Prise de conscience et valorisation du type adolescent : émergence d’un statut social », dans « Évolution de la figure de l’adolescent dans les romans jeunesse des années 1950 aux années 1990: étude sociocritique », op.cit., f. 65.

sentiment inconnu, un souvenir lointain aux yeux des protagonistes qui conçoivent difficilement la possibilité de le retrouver un jour.

La confusion les envahit, car la perte est trop grande et trop douloureuse. « [C]’est difficile à expliquer [, affirme Zoé]. Je ne serai probablement pas capable de tout retrouver en une fois. Il va falloir que je le fasse par petits bouts. Je n’arrive pas à tout remettre ensemble. C’est comme un casse-tête de trois mille pièces éparpillées dans une forêt vierge. Ça me fait éclater la tête quand j’essaie de rassembler les morceaux.6 » La déconstruction de leur univers est bien représentée dans l’œuvre et nous amène à prendre conscience de la difficile confrontation au non-sens causé par le suicide. La reconstruction s’annonce particulièrement éprouvante, voire complètement décourageante par moments, ce qu’illustre également le témoignage de Mathieu : « Le fil d’arrivée me paraît à la fois proche et loin. Surtout loin. Les derniers milles, les dernières minutes ne se comptent plus. Ce sont des morceaux d’éternité, des blocs de granit à traverser.7 » La situation est pénible, lourde, imposante, c’est ce que les protagonistes doivent affronter, bien que cela, rappelons- le, « requi[ère] une maturité que ne possèdent pas toujours les individus8 », d’où ce besoin d’un « tu » avec lequel établir un dialogue, sur qui prendre appui pour se relever de l’épreuve. Il va de soi que lorsque les personnages se retrouvent projetés dans une situation qu’ils ne peuvent raisonnablement pas gérer, une aide extérieure apparaît souhaitable. Toutefois, leur nouvelle altérité, imposée par l’épreuve qu’ils se voient malgré eux obligés de traverser, semble les isoler au point de rendre impossible l’apparition de cette aide.

LA RENCONTRE D’UN PERSONNAGE QUI PARTAGE L’ALTÉRITÉ LIÉE AU DEUIL

Le rejet que subissent les protagonistes rend le contact avec autrui difficile, les enfermant dans une sorte de cercle vicieux. Lorsque Lou-Anne se retourne pour confronter

6 Maryse Pelletier, op.cit., p. 16. 7 Sylvie Desrosiers, op.cit., p. 99-100.

8 Anne-Marie Roviello, « Nouvelles morales pour familles nouvelles », dans Jacques Lemaire et al. [éd.], Les

nouvelles familles, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1996, p. 147, citée dans Marie Fradette,

« Chapitre II. Prise de conscience et valorisation du type adolescent : émergence d’un statut social », dans « Évolution de la figure de l’adolescent dans les romans jeunesse des années 1950 aux années 1990: étude sociocritique », op.cit., f. 64. Roviello explique que lorsque les repères, les modèles des personnages disparaissent, il ne reste à ces derniers que leur propre personne pour redonner un sens à leur univers, bien qu’ils manquent parfois encore de maturité pour avancer de façon autonome.

cet adolescent inconnu qui semble la suivre depuis quelques jours à l’école, elle est troublée :

J’avais l’impression qu’il lisait en moi, qu’il voyait des choses dont j’ignorais l’existence. […]

— Je sais ce que tu vis, m’a-t-il lancé. […] — Je le sais parce que je l’ai vécu.

J’allais l’envoyer promener, lui dire que ce que je traversais n’avait rien à voir avec ce qu’il pouvait avoir vécu, mais quelque chose dans son œil m’a retenue.9

Les protagonistes qui subissent le rejet en viennent à se complaire dans cet isolement, qui leur permet de s’enfermer dans leur tristesse et leur donne l’impression de pouvoir vivre pleinement leur deuil. L’intervention de cet Autre inconnu est donc évidemment mal perçue, est ressentie comme intrusive par l’adolescente, mais la douleur est telle que la jeune fille ne peut résister à ce désir, à cette mince possibilité d’être comprise qu’elle entrevoit. En ce sens, Ouellet explique dans son essai que

[c]’est l’altérité propre au manque qui me pousse vers un autre, non pas pour qu’il le comble mais pour qu’il l’éprouve avec moi et fasse l’expérience conjointe de cette altération où l’on se croise, non tant dans une identité commune que dans une altérité vécue en commun. C’est ce dont je suis dépossédé qui m’unit à autrui dans un désir partagé de ce qui n’est pas et la peur commune de ce qui n’est plus, dans l’angoisse désirante ou le besoin terrifiant de ce qu’on ne possède pas mais dont le manque nous possède littéralement.10

Le protagoniste devenu Autre ne peut dorénavant trouver compréhension et réconfort qu’auprès de quelqu’un qui partage l’expérience de la perte soudaine, du manque envahissant, de la détresse du deuil lié au suicide. Dans les œuvres qui nous intéressent, jamais les personnages ne font appel à des professionnels. L’altérité du protagoniste, comme elle repose principalement sur le poids qui l’accable, crée chez le personnage le besoin de partager sa douleur avec un personnage lui aussi Autre pour que leur altérité commune parvienne à se dissiper, à perdre de son intensité. La marginalité des personnages ne diminue que quand ils se rencontrent, comme si cette mise en commun les amenait à former un nouveau groupe de référence, une nouvelle norme qui, bien qu’elle ne regroupe

9 Élaine Turgeon, op.cit., p. 105. 10 Pierre Ouellet, art.cit., p. 29.

pas un aussi grand nombre d’individus que le groupe de référence dont nous parlions plus tôt, contribue à ramener les protagonistes vers une vie normale.

Le soutien de quelqu’un qui connaît la même douleur est le seul qui vaille quelque chose puisque, à la différence de tous les individus du groupe de référence, cette personne est en mesure de comprendre réellement ce qu’éprouve le protagoniste. La mère de Geneviève le vit d’ailleurs lorsque Pauline, sa mère, vient vers elle : « Elles pleurèrent beaucoup, se dirent des tas de choses. […] La douleur de Jeanne avait pris une ampleur différente, celle de Pauline avait trouvé les mots pour se dire.11 » Le dialogue avec une autre de ces personnes éprouvées qui comptent parmi « ceux qui restent » est le seul qui soit envisageable, car aucun autre ne pourrait avoir un tel effet réconfortant sur les protagonistes, ne saurait illustrer de façon aussi concrète, aussi crédible, qu’il est possible de recommencer à vivre après une telle épreuve. De même, Lou-Anne fait l’expérience de cette douleur partagée, ce qu’elle raconte : « Simon accueillait tout sans broncher. Lui, je ne l’effrayais pas. Il savait. La douleur que chaque respiration me causait, le trou béant au creux de ma poitrine, l’écrasante solitude qui semblait ne jamais vouloir prendre fin. Il portait la même. Mais, plus que ça, je prenais conscience qu’il y avait survécu.12 » La famille de l’adolescente s’étant complètement décomposée après le suicide de sa jumelle, c’est grâce à un personnage extérieur à la cellule familiale qu’elle arrive à entrevoir la possibilité que la vie puisse continuer. Pour la première fois depuis la mort de sa sœur, Lou-Anne a le sentiment d’être comprise par quelqu’un. Plus encore, cette découverte qui lui prouve que, malgré l’éclatement de sa famille, elle peut encore trouver des points de repère et qu’elle n’est pas complètement seule ouvre un chemin à l’espoir. Auparavant, il était inconcevable pour Lou-Anne d’aspirer à un certain bien-être sans retrouver sa jumelle, ce qui, elle en était consciente, s’avérait irréalisable. Elle a besoin de voir qu’il est possible de s’en sortir pour y croire.

Ce à quoi aspire le protagoniste se voit ainsi défini à partir de ce moment : maintenant que l’adolescente comprend qu’il est possible de retrouver la paix après une telle épreuve, elle pourra enfin tenter d’y arriver, en s’aidant à coup sûr de cet Autre que

11 Élaine Turgeon, op.cit., p. 94. 12 Ibid., p. 111.

nous appellerons « phare » puisque, comme l’explique Isabelle Clerc, dans ces récits introspectifs où règne la solitude13, « [l]es “tu” ce sont les phares dans la nuit : un ami, une amie, un frère, une sœur, un prof, un parent, un inconnu. Dans cette ultramoderne solitude, il reste des ports d’ancrage auxquels s’amarrer.14 » Les points de repère qu’a perdus le protagoniste lors de la dévastation de son monde par la perte de son complice commencent à être remplacés par de nouveaux grâce à la rencontre d’un Autre-phare, dont la présence l’aide graduellement à se recréer une place dans le monde.

L’apparition de cet Autre-phare permet aux protagonistes de sortir un peu de la tristesse qui les a happés lors du départ du suicidé. Pour Lou-Anne, cette rencontre a presque l’effet d’un miracle, tellement la douleur semble avoir depuis longtemps pris le contrôle sur la moindre parcelle d’elle-même : « C’était comme si je retrouvais tout à coup le don de la parole après l’avoir perdu une éternité plus tôt. […] [L]à, soudain, et sans que je puisse l’arrêter, ma voix trouvait les mots, tous les mots, tous ceux qui faisaient mal et qui me martelaient la tête depuis des jours et des semaines.15 » La douleur incomprise et fuie de tous trouve enfin un chemin où elle a droit de passage. Cette affliction qui envahissait la protagoniste au point de donner l’impression que sa tête pouvait exploser à tout moment, voit à présent céder le barrage qui la faisait prisonnière et se précipite hors de l’adolescente : rien ne peut l’arrêter. La douleur se manifeste enfin avec des mots qui, eux, font du bien et non plus du mal à la jeune fille. La libération est immense, inattendue, donne à Lou-Anne la sensation de pouvoir respirer de nouveau.

Chez Maryse Pelletier, le parcours diffère quelque peu. Zoé a perdu son amoureux lorsqu’il s’est suicidé et prévoit l’imiter à la fin de l’année scolaire, mais un autre garçon, rencontré alors qu’elle s’entraînait à plonger à la piscine en prévision de son suicide, fait son apparition et crée une hésitation chez l’adolescente quant à la concrétisation de son projet : « Malgré moi, je pense souvent à Xavier[, admet-elle]. J’aimerais savoir comment il

13 Elle fait ici référence à des romans parus dans les années 1990. Cette tendance à l’introspection n’est donc pas nouvelle dans les récits qui nous intéressent. Or, les personnages phares jouent désormais un rôle particulièrement important puisque la situation des protagonistes, soit la dévastation de leur univers à la suite du suicide, les isole complètement malgré eux – ils sont même exclus du groupe de référence auquel ils appartenaient auparavant –, ce qui fait des personnages phares des êtres qui sortent du lot pour avoir osé venir vers les protagonistes malgré ce à quoi tout le monde les rattache, le suicide et le lourd poids du deuil. 14 Isabelle Clerc, art.cit., p. 109.

est, comment il vit, quand il rit, comment il rit, pourquoi il rit… et avec qui.16 » Contrairement à ceux qu’elle tient la plupart du temps dans son récit, ces propos n’alimentent pas un jugement négatif sur ce qui l’entoure ; au contraire, elle manifeste le désir de connaître davantage quelqu’un, de créer des liens, bien qu’elle parle constamment de son projet de mettre fin à ses jours.

Cependant, le plongeur ne partage pas l’épreuve que traverse Zoé et ne peut donc pas agir en participant à ce « discours compassionnel avec autrui17 » dont parle Ouellet. En effet, Zoé s’entraîne à plonger pour arriver à se laisser couler le jour où elle sautera en bas du pont pour se suicider, et Xavier s’impose d’abord à elle sans qu’elle le veuille. Plus encore, elle le rejette : « Je n’ai pas tourné la tête et j’ai replongé. En espérant qu’il se noie en me suivant. […] Mes oreilles devenaient rouges de rage18 », dit la protagoniste lors de sa première rencontre avec Xavier. Cependant, le rôle que prend l’adolescent aux yeux de la jeune fille lui permet de l’approcher et d’agir comme phare auprès d’elle, puisqu’elle semble le percevoir d’une manière semblable à celle dont elle voyait Ybert. Elle ne manifeste assurément pas d’indifférence lorsqu’elle raconte : « Xavier m’a trouvée jolie. Je lui plais19 » et va même jusqu’à admettre : « Je ne sais pas combien de temps ça durerait, mais c’est agréable.20 » Grâce à la présence de Xavier, elle arrive de nouveau à concevoir que la vie n’est pas que malheur et douleur, contrairement à ce que lui avaient laissé croire la vie avec Ybert ainsi que le suicide de ce dernier.

De plus, grâce au plongeon, Zoé parvient à retrouver un certain bien-être malgré l’inconfort qu’elle éprouve – elle se retrouve en quelque sorte forcée de plonger malgré elle, en raison de l’insistance de Xavier pour l’intégrer à son équipe de plongeon – et malgré la tristesse qui l’habite encore. L’adolescente affirme :

[J]’aime plonger, même dans ces conditions-là. C’est-à-dire, j’aime par-dessus tout le court moment où je suis totalement libre, dans l’air, bras étendus… Plus je monte, plus je me sens légère. / Sur le tremplin, on saute plus haut que dans la vraie vie et, dans mes rêves, je saute encore plus haut. J’essaie de retrouver sur le tremplin la sensation

16 Maryse Pelletier, op.cit., p. 74. 17 Pierre Ouellet, art.cit., p. 25. 18 Maryse Pelletier, op.cit., p. 27. 19 Ibid., p. 109.

que j’ai dans mes rêves. Décoller comme un oiseau, comme un avion, comme une fusée. Décoller.21

La rencontre de Xavier l’amène à recommencer à plonger – sans que cette activité soit liée à son projet de mourir –, ce qui lui procure un bien-être qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps. À la place de la lourdeur qu’elle charrie en permanence avec elle, on voit apparaître chez l’adolescente un sentiment de légèreté.

Il en va de même pour Colin, qui trouve cet Autre-phare non pas en la personne d’un Autre endeuillé, mais bien en son chien. Sa mère lui a proposé de parler à un psychothérapeute qui, à elle-même, sert de bouée, mais Colin se montre réticent à cette idée, à un point tel qu’il demeure silencieux lors de toutes les rencontres : « Je n’ai pas envie de raconter au docteur Ouellet ce qu’il y a dans ma tête. J’ai trop peur qu’il colle mes révélations sur son bout de papier pour les brûler ensuite dans la cheminée. J’ai trop peur de perdre mes souvenirs de Julie.22 » Colin cherche plus que jamais à garder précieusement tout ce qui se rattache à sa grande sœur car, comme nous le verrons plus loin, cette notion