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Si la quête que poursuivent les protagonistes s’est à présent clarifiée, il n’en demeure pas moins que la forme que prend cette quête revêt également une importance primordiale. En effet, tous les auteurs qui composent notre corpus proposent des récits où le travail de la forme est manifeste. Traiter une thématique telle que le suicide, nous l’avons vu, relève du défi puisque cette dernière se distingue nettement des sujets qui se sont imposés au fil des ans et des œuvres. Comme l’explique Josée Lartet-Geffard, « [p]arce qu’il s’adresse non pas à un égal mais à un adulte en formation, l’auteur ou l’éditeur ne peut laisser de côté les dimensions de la transmission, de l’apprentissage, de l’éducation ou de l’accompagnement… tout en restant dans le domaine de la littérature.1 » Cela constitue donc un défi pour les auteurs : en abordant un sujet si délicat, ces derniers effectuent déjà un premier pas qui les éloigne de la production pour adolescents, plutôt axée sur la découverte de soi, de la sexualité… Mais les auteurs qui nous intéressent ont une autre particularité : ils tentent en outre de s’inscrire de façon plus marquée dans le champ de la littérature grâce à une conscience esthétique de plus en plus poussée, esthétique dont ils usent pour accentuer le poids de leurs propos.

Le bouleversement résulte donc non seulement du thème du suicide, mais s’incarne également dans la forme des récits proposés ; un sujet aussi difficile n’est certes pas sans rendre l’écriture délicate : il faut rendre compte de la complexité que revêt la thématique taboue du suicide. En ce sens, nous observons dans les romans récents, dans notre cas ceux de Desrosiers, Pelletier, Bouchard et Turgeon, un éloignement graduel, une évolution par rapport aux romans pour adolescents publiés précédemment. En fait, cette conscience de la forme chez les auteurs se manifeste par un récit qui privilégie la narration autodiégétique fort présente depuis les années 1980 mais qui, surtout, remet en question la linéarité des romans pour la jeunesse et s’autorise parfois à déborder de la frontière du genre littéraire du roman.

1 Josée Lartet-Geffard, op.cit., p. 28.

Si la déconstruction s’avère notable dans Ma vie ne sait pas nager, l’œuvre la plus récente de notre corpus, les autres romans retenus illustrent cette fragmentation en proposant graduellement des récits de plus en plus complexes, ce que confirme Routisseau lorsqu’elle explique que les lectures des jeunes correspondent désormais à « des romans qui répondent à des genres différents, des textes qui offrent des points de vue insolites, des récits qui entretiennent des liens intertextuels avec d’autres récits, [tout en abordant] des sujets qui traitent du monde réel des [adolescents] et fassent écho à leurs préoccupations.2 » Chacun de nos romans, comme la plupart des œuvres québécoises des dernières années, s’inscrit dans une visée réaliste, en ce sens que le récit doit être au plus proche du quotidien du personnage adolescent : l’histoire se déroule à la polyvalente ou à la maison, les relations tournent autour des amitiés et des amours, voire parfois des conflits avec les parents, afin que l’adolescent lecteur s’y reconnaisse. Isabelle Clerc explique à ce titre que « les récits sont introspectifs, la plupart du temps écrits au “je” sous forme de monologue intérieur, de journal, de confession. Cette tendance facilite l’identification du lecteur au personnage principal.3 » On peut supposer qu’un roman qui traite du suicide – thématique assez méconnue et peu abordée en général – rejoindra beaucoup plus facilement son lecteur s’il lui donne des points de repère connus : un environnement proche du sien, un narrateur qui lui ressemble et qui s’adresse à lui sur un ton proche de la confidence, ce qui permet de susciter une certaine proximité.

UN NARRATEUR PROCHE DE SON LECTEUR

Tous les romans de notre corpus présentent un narrateur premier de type homodiégétique, c’est-à-dire un narrateur présent dans l’histoire qu’il raconte et qui, dans notre corpus, correspond dans tous les cas au personnage principal de l’histoire racontée. En effet, vu la thématique du suicide qu’ils abordent et le public relativement jeune auquel ils se destinent, les récits qui nous intéressent sont plutôt centrés sur les personnages confrontés au suicide que sur ceux qui mettent fin à leurs jours. Il va sans dire que mettre en scène un personnage qui se suicide, et à plus forte raison dans une œuvre pour la jeunesse, serait mal vu socialement, alors que ce que vivent les personnages qui restent

2 Marie-Hélène Routisseau, Des romans pour la jeunesse ?: Décryptage, Paris, Belin, 2008, p. 106. 3 Isabelle Clerc, art.cit., p. 109.

relève du dicible. Les lecteurs adolescents étant en quête de modèles, des questionnements légitimes apparaissent dès qu’il s’agit de sujets difficiles : en traitant de tels sujets, les auteurs « prennent-ils le risque de désespérer leur lectorat ou, au contraire, lui offrent-ils l’occasion de nouveaux questionnements?4 » En choisissant de s’attacher à ceux qui restent plutôt qu’à la personne qui a choisi de mourir, les auteurs tendent manifestement vers le second point de vue.

En ce sens, la narration à la première personne, que l’on retrouve dans chacun de nos romans, contribue à instaurer avec le lecteur une relation de proximité apte à susciter sa réflexion. D’emblée, un personnage qui parle au « je » ne prétend à aucune objectivité. Il parle avec sa sensibilité et toute la subjectivité que cela implique. Le lecteur a ainsi un accès direct à l’intériorité du personnage adolescent. Zoé, dans Une vie en éclats, narre d’ailleurs son récit sur le ton de la confidence. En effet, ce n’est que lorsqu’elle est seule avec elle-même et qu’elle écrit dans son cahier qu’elle s’autorise à parler de son défunt amoureux, ses parents réagissant très mal dès qu’il est question de ce dernier : « Ce soir, c’est dimanche. […] Je suis toute seule et je ne fais rien. Rien d’autre qu’écrire. Ça me prend tout mon courage parce que je pense à Ybert. On dirait que, depuis quelques jours, il est revenu. Il est revenu en moi. […] À présent, je rêve à lui et il y a des souvenirs qui commencent à monter […].5 » L’adolescente n’a plus à s’expliquer ou à se justifier ; elle donne libre cours, dans son discours, à ses pensées et à ses émotions, même les plus intimes, ce qui est autorisé par la forme proche du journal. En effet, une narratrice autodiégétique6 « invite le lecteur à épouser son regard sur les choses7 », puisque son récit n’est alimenté que par son point de vue personnel ; à travers la mise en récit, les commentaires de la narratrice sur les faits viennent naturellement se mêler à la relation des événements. Jouve note d’ailleurs que « la distance (autrement dit, le rappel de la présence du narrateur et, donc, de la dimension textuelle de l’histoire) se signal[e] à travers la pratique du résumé et une tendance à substituer aux faits le commentaire sur les faits.8 » Le caractère

4 Josée Lartet-Geffard, op.cit., p. 141. 5 Maryse Pelletier, op.cit., p. 33.

6 Un narrateur homodiégétique qui non seulement est un personnage du récit, mais qui est également le héros du récit, est dit autodiégétique. Gérard Genette, Figures III, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 253.

7 Vincent Jouve, Poétique du roman, Paris, Armand Colin Éditeur, 2007, (édition mise à jour et augmentée ; 1ère édition : SEDES, 1997), p. 29.

autodiégétique des narrateurs fait en sorte que le récit est toujours subjectivé par le point de vue des personnages, qui interfère entre les événements et ce qui en est relaté au lecteur.

C’est ce qui se produit également dans Le parfum des filles. Colin, lui aussi narrateur autodiégétique, tend moins vers le commentaire que les narrateurs des autres romans qui nous intéressent, sans doute parce que le roman de Bouchard cible un public quelque peu plus jeune, ce qui exige un récit plus dynamique, davantage centré sur l’action. Néanmoins, quelques commentaires font leur chemin à travers les événements narrés par le jeune garçon. Lorsque Colin essaie d’envoyer une note à sa grande sœur par le biais de son cerf-volant, sa narration confond les actions et les réflexions :

On dirait que Julie n’est pas au ciel… ou qu’elle ne veut pas de ma note.

Je prends donc un nouveau bout de papier sur lequel j’écris simplement : « Julie, je t’aime. Tu me manques. Tu manques aussi à papa et maman. » Dès le premier essai, le message disparaît. Je reste plusieurs secondes, le cerf-volant fixé contre moi, à fixer le ciel et ses nuages. Antoine [son ami] paraît aussi ému que moi. Je sais maintenant que Julie n’accepte pas que je lui fasse des reproches. Elle veut seulement que je lui exprime mon amour et ma peine.9

Colin ne s’étend pas dans de longues réflexions comme d’autres narrateurs de notre corpus, mais il propose en quelque sorte un écho personnel aux événements : il complète le récit de ses actes par les déductions ou les commentaires qui en découlent.

Si Colin émet surtout des réflexions par rapport aux actions qui se produisent, d’autres narrateurs semblent plutôt tirer parti de cette subjectivité autorisée par la narration autodiégétique. Mathieu, à travers son long monologue à Alice, réfléchit sur lui-même : « J’en viens à ne plus trop savoir qui je suis. Souvent, je ne sais pas trop comment agir, si je dois être doux ou baveux. Tu m’as toujours dit que j’étais un doux. C’est un compliment, mais en même temps, ça me fait peur, tu comprends?10 » La forme particulière que prend la narration dans ce roman, soit la parole de l’adolescent – par opposition aux autres romans du corpus, où le discours écrit prime sur le discours oral – et, surtout, le fait qu’il soit adressé à un destinataire présent dans l’histoire, en l’occurrence Alice, ne permet pas une proximité comme celle inhérente, par exemple, à la forme du journal intime. Néanmoins,

9 Camille Bouchard, op.cit., p. 54-55. 10 Sylvie Desrosiers, op.cit., p. 41.

comme Mathieu s’adresse à sa meilleure amie – qui, de toute façon, ne lui offre aucun écho –, le ton demeure celui de la confidence, et le lecteur peut s’identifier au personnage, puisque les craintes que manifeste ce dernier sont susceptibles d’être partagées par le lecteur. D’ailleurs, le discours que Mathieu tient à Alice semble être autant un discours d’adieu qu’un prétexte à une réflexion sur soi.

Lou-Anne, après le départ de sa sœur, livre quant à elle ses émotions par le biais de l’écriture. On peut lire : « 21 janvier, plus tard […] Toute cette eau qui m’oppresse et m’étouffe. Tant d’eau. Toute cette eau. Et Geneviève en dessous. Je n’en peux plus.11 » Les réflexions personnelles de la jeune fille dans son cahier, l’écriture au « je » de même que la datation des entrées suggèrent la tenue d’un journal intime, le besoin d’écrire s’étant fait sentir chez Lou-Anne après la mort de sa jumelle. L’adolescente confirme cette nécessité lorsqu’elle écrit : « J’ai pris la seule bouée qu’il me restait et qui m’unissait à ma sœur : écrire. Écrire comme on saute à bord d’un radeau pour fuir un bateau qui fait naufrage. »12 La solitude prend toute la place et Lou-Anne étouffe ; l’urgence se fait sentir. Ses points de repère disparus, elle tente de s’accrocher au peu qu’il lui reste. L’adolescente tente de fuir cette trop grande douleur par le biais de l’écriture, dernière ficelle qui la rattache à sa défunte jumelle.

Il faut dire que l’effacement du narrateur omniscient au profit d’un narrateur autodiégétique marque la disparition de « la parole d’un adulte, d’un guide13 ». Comme le point de vue est limité à celui de l’adolescent ou de l’enfant, aucun jugement extérieur n’a sa place, et les conseils ou les recommandations ne trouvent plus leur chemin. Le discours parental ne représentant plus un point de repère, autant en raison du nouveau rapport égalitaire entre le jeune et ses parents14 que du deuil qui les habite eux aussi, le narrateur

11 Élaine Turgeon, op.cit., p. 25. 12 Élaine Turgeon, op.cit., p. 59.

13 Marie-Hélène Routisseau, op.cit., p. 97.

14 Marie Fradette explique que « l’altération continue de l’autorité parentale depuis 1950 jusqu’aux années 1990 favorise l’indépendance du type adolescent ainsi que son détachement d’avec la famille traditionnelle […] Ainsi, la relation entre le parent et le jeune, traditionnellement basée sur un mode de filiation hiérarchique, se transforme en une relation d’amitié. […] [Or, ce nouveau] rapport d’égalité entre l’adulte et l’adolescent des années 1990 contribue à former […] l’adolescent-adulte, c’est-à-dire un personnage qui s’introduit de façon prématurée dans le monde des adultes. » (Marie Fradette, « Introduction », dans « Évolution de la figure de l’adolescent dans les romans jeunesse des années 1950 aux années 1990 : étude

adolescent laissé à lui-même et à ses pensées confuses se livre au lecteur sans aucune censure, de façon spontanée, d’où cette ressemblance avec le journal intime, particulièrement marquée chez Lou-Anne, mais tout de même présente chez les autres narrateurs autodiégétiques du corpus.

Par ailleurs, les récits qui nous intéressent sont plutôt centrés autour de l’émotion et non de l’action, ce qui a généralement pour résultat de donner au lecteur l’impression de plonger dans la tête du personnage, et non d’être un simple observateur. À ce propos, Marie-Hélène Routisseau explique que

l’écriture romanesque contemporaine [tend à] privilégier l’identification du lecteur au héros, au moyen d’une écriture intimiste. Il s’agit, pour le narrateur, d’être au plus près de la parole […] de l’adolescent en l’imitant, mais aussi de mettre en place une stratégie apte à capter ou à séduire en limitant la distance énonciative.15

Cette écriture intimiste, déjà présente depuis le renouvellement de la littérature québécoise pour la jeunesse dans les années 1980, prend dans les œuvres qui nous préoccupent un sens quelque peu différent, dans la mesure où ce « je » narrateur assume un récit qui semble épouser les mouvements incohérents de la pensée.

CONFUSION ET INCOHÉRENCES DANS LES RÉCITS DES PERSONNAGES

Cette déconstruction formelle s’apparente dans les œuvres qui nous intéressent à un phénomène observé dans le roman postmoderne. Paterson constate au sujet de ce dernier qu’il « se caractérise par la rupture. Tout s[’y] passe comme si [l]’écriture était secrètement motivée par une pulsion de déchirement. Comme si, sur le plan esthétique, elle était informée par le principe que l’invention se fait dans le dissentiment.16 » Ce n’est effectivement pas sans raison que tous les narrateurs ressentent le besoin de raconter leur histoire, de relater leurs pensées, de partager leurs interrogations… Le mal-être qui résulte du suicide auquel ils sont confrontés suscite la nécessité d’être exprimé, de prendre forme à travers les mots. Non seulement leurs propos ne peuvent faire abstraction du bouleversement dont sont victimes les protagonistes, mais la forme même de leur discours

sociocritique », op.cit., f. 4-5.) Ainsi, l’adolescent ayant perdu ses repères ne peut plus se raccrocher à la figure parentale, puisqu’elle est ramenée au même niveau que lui.

15 Marie-Hélène Routisseau, op.cit., p. 96. 16 Janet M. Paterson, op.cit., p. 20.

semble bouleversée. En effet, tous les personnages affectés par le suicide sentent qu’ils ont perdu leurs repères, ce qui se répercute sur leur récit. Dans le roman de Turgeon, Lou-Anne écrit, à propos de sa sœur :

Je ressentais sa perte dans mon corps, comme une moitié de moi qu’on m’aurait arrachée. […] Je me savais reliée à elle, mais j’ignorais où elle se trouvait, et c’était comme si je m’étais perdue moi-même. / C’est la même chose aujourd’hui. Je la devine qui erre, décousue, arrachée à moi, et je ne sais pas où elle se trouve.17

Le malaise de l’adolescente se reflète dans le souvenir qu’elle raconte ; les mots qu’elle emploie et qui renvoient à la perte, l’arrachement, l’ignorance, l’errance, etc. illustrent le désarroi, la perte de repères ; en un mot, la déconstruction qui l’habite, ce qui a pour effet de mettre en évidence la confusion qu’elle éprouve, qui l’envahit, prend le contrôle d’elle- même.

Cette déconstruction va toutefois plus loin ; elle se manifeste, à des échelles différentes, dans l’ensemble des romans du corpus. Jouve explique que, dans tout roman que l’on ouvre au hasard, on tombe toujours « sur l’évocation d’une situation, d’un discours ou d’une réflexion.18 » Or, dans les œuvres de notre corpus, ces évocations non seulement se côtoient, mais se confondent, se contredisent, se dispersent, ne se font plus toujours écho entre elles. Les propos des narrateurs se suivent de façon désordonnée, sans cohérence entre les événements et les pensées relatés. Les narrateurs semblent perdre littéralement le contrôle de leur discours. La rupture est parfois nette, d’autres fois plus subtile. C’est ce qui explique, par exemple, que le discours de Mathieu perde de sa cohérence lorsque ce dernier s’imagine un éventuel voyage :

J’irai en Australie et je t’achèterai un koala. Tu les trouves si jolis. Tu t’endormirais en le serrant contre toi, petite fille qui n’a pas encore grandi dans son cœur.

[…]

Je reviendrais par l’Afrique, pour voir les girafes, les lions, les éléphants. Après avoir réussi à créer des liens d’amitié avec des Pygmées et des Massaïs.

Je ferais un saut en Amérique du Sud et peut-être découvrirais-je, dans la forêt amazonienne, des peuplades encore inconnues. Je serais leur premier homme blanc,

17 Élaine Turgeon, op.cit., p. 74. 18 Vincent Jouve, op.cit., p. 33.

mais je ne parlerais d’eux à personne pour qu’on les laisse tranquilles. Sauf à toi, bien entendu.19

L’adolescent en deuil semble avoir besoin de s’évader, de s’éloigner de cette situation inimaginable dans laquelle il se trouve, sa meilleure amie morte à ses côtés. Son esprit s’emballe comme celui d’un enfant, allant jusqu’à rendre farfelue cette situation imaginaire. Cette autre vie qu’il s’invente lui permet en effet de s’éloigner de la douloureuse réalité et de ramener à la vie son amie Alice. Trop bouleversé, l’adolescent ne peut s’empêcher de chercher à se dissocier du monde réel, ce dont résultent ses divagations.

Les propos des personnages semblent ainsi à l’image de la déconstruction qui les habite. Leurs points de repère disparus, leurs pensées vont dans un sens et dans l’autre, se présentent sous une forme erratique. Dans ce qui semble être son journal intime, Lou-Anne passe elle aussi d’une idée à l’autre sans les lier :

J’évite le plus souvent de faire du bruit quand je passe devant [l]a chambre [de Geneviève]. Je voudrais être un fantôme. Ne plus être, pour tous ceux que je croise, le souvenir d’une morte.

Mon père s’est transformé en madame « Blancheville ». Il chasse la poussière et la saleté où qu’elle se terre, brossant et astiquant la moindre parcelle de ce qui peut être frotté.

J’imagine qu’il faudra reprendre les cours. Mais personne ici ne semble se soucier du fait que je retourne ou non à l’école.20

Si l’enchaînement entre les événements, les observations et les réflexions se fait naturellement, les propos de l’adolescente ne donnent pas pour autant l’impression, dans l’ensemble, de s’articuler de façon logique ou même cohérente. Le désir de Lou-Anne de disparaître, de fuir la réalité, en fait, ne trouve aucun écho direct lorsqu’elle met sur papier