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Dans la troposphère, les espèces halogénées influencent la composition chimique via la pro- duction de radicaux. Cette influence a été observée dans différentes régions. Les régions les plus étudiées sont les régions polaires. Des observations montrent des phénomènes de forte destruction d’ozone dans la couche limite en lien avec la présence de composés halogénés. Ce phénomène a lieu en Arctique (Oltmans, 1981; Bottenheim et al., 1986) et en Antarctique (Kreher et al., 1997). Les régions polaires subissent la pollution anthropique. Elle sera plus

Tableau 2.3 – Flux des composés halogénés, HCl, HF, HBr et HI présents dans les panaches volcaniques. [a] Pour la période de 1972-2000. [b] Seulement pour des volcans faisant partie d’arcs. Extrait de Oppenheimer et al. (2014).

forte en Arctique qu’en Antarctique car cette région est plus proche des continents. Même si le transport entre les zones polaires et l’extérieur est limité car la basse troposphère polaire est fortement stratifiée, l’environnement polaire va permettre de conserver la pollution émise par des sources extérieures ayant réussi à pénétrer à l’intérieur. Les conditions polaires entraînent une plus longue durée de vie des espèces chimiques à cause des faibles précipitations et de la stabilité de la couche limite. Ce temps de vie des espèces chimiques est plus long pendant les mois d’hiver car il n’y a pas de photolyse. Ainsi les molécules s’accumulent pendant les 6 mois d’hiver. C’est à la limite entre l’hiver et le début du printemps que de fortes diminutions d’ozone apparaissent, ces phénomènes sont appelés "ozone depletion event" (ODE). Ils sont expliqués par le retour du rayonnement solaire. En effet, dans ce contexte la réaction de photolyse est à nouveau efficace et provoque la formation de nouvelles espèces chimiques tels que les composés halogénés inorganiques. La réactivité chimique redevient très importante. Les espèces réactives bromées (BrO et Br) sont formées sur des surfaces de neige, de glace ou des sels marins, à partir de réactions hétérogènes. Les cycles catalytiques impliquant ces espèces entraînent une diminution très forte de l’ozone localement (Barrie et al., 1988; Le Bras et Platt, 1995).

Les raisons des ODEs sont expliquées par la forte concentration d’espèces réactives bromées, plus particulièrement du monoxyde de brome (BrO). Lors de campagnes de mesures en 1995 et 1996 en Arctique sur l’île de Spitzberg (Tuckermann et al., 1997), des instruments de mesures DOAS (Differential Optical Absorption Spectroscopy) ont détecté des rapports de mélange de BrO atteignant 30 ppt lorsque les valeurs de l’ozone passaient en-dessous des valeurs de détec-

tion. Ces anti-corrélations entre O3 et BrO sont observées sur plusieurs périodes entre avril et

mai de ces deux années. À l’inverse, lorsque l’ozone était à des niveaux normaux, BrO était en faible quantité. La durée moyenne des ODEs observés est de 1 à 3 jours. Un cas au Canada à Alert en 2000 a duré 9 jours (Strong et al., 2002). La répartition verticale moyenne des ODEs, s’étend entre 100 et 400 m. Mais à la fin du printemps, certains peuvent aller jusqu’à 1-2 km d’altitude (Ridley et al., 2003).

Dans la couche limite marine, tout comme dans les régions polaires, les aérosols ont leur importance dans les réactions chimiques avec des halogènes. C’est à leur surface que des ré- actions hétérogènes se produisent et forment des composés inorganiques halogénés. Les océans

fournissent des aérosols sous la forme de sels marins qui contiennent des atomes de chlore et de brome. Les sels marins sont la principale source d’espèces inorganiques bromées dans les régions marines (Sander et al., 2003).

Le chlore est présent en grande quantité dans les sels marins mais le temps de vie des composés inorganiques chlorés est plus faible que celui des bromes dans les zones marines (Kritz et Rancher, 1980). Les atomes de chlore sont stockés principalement sous la forme HCl qui est une forme peu réactive (Sommariva et von Glasow, 2012). Sommariva et von Glasow (2012) ont présenté des résultats de modélisation de masses d’air dans l’océan Atlantique aux Tropiques. Leur étude s’intéresse plus précisément à la chimie des halogènes. Les résultats montrent une plus grande efficacité de la destruction d’ozone par le brome que par le chlore. S’ajoute à ces deux halogènes, les composés iodés qui ont aussi de l’importance dans les zones marines avec un impact direct, comme le brome et le chlore, sur l’ozone par des cycles catalytiques. Certains composés iodés participent aussi indirectement car ils contiennent des atomes de brome et de chlore qu’ils libèrent via des réactions hétérogènes sur des sels marins (McFiggans et al., 2002). Les espèces halogénées organiques font partie des espèces émises par les océans et vont aussi participer à la production d’halogènes inorganiques. Les bromocarbones à courte durée

de vie, CHBr3 et CH2Br2 émis par les océans, sont les principaux composés bromés qui sont

à l’origine des composés inorganiques par leur photolyse et leur réaction avec OH (Parrella

et al., 2012). CH3Br est une espèce qui a une durée de vie un peu plus longue que les deux

bromocarbones présentés auparavant, environ 1 an pour CH3Br, 20 et 90 jours pour CHBr3 et

CH2Br2 respectivement (Parrella et al., 2012). Comme décrit dans la partie 2.2, les CFC et les

halons ont une durée de vie plus longue, mais la source des bromocarbones, les océans, émet constamment sur de grandes superficies, ce qui la rend non négligeable.

Des observations dans des régions marines ont montré de fortes augmentations de BrO où, en même temps, des diminutions d’ozone sont détectées, comme pour le cas des ODE. Saiz- Lopez et al. (2004) présentent des mesures de BrO dans la couche limite marine sur la côte ouest Irlandaise en août 2002. Lors des 6 jours d’observations, BrO a atteint un pic de 6.5 ppt. Dans une autre étude, Read et al. (2008) ont mesuré BrO et IO, avec un spectromètre DOAS, pendant un an entre octobre 2006 et octobre 2007 au Cap Vert. Ces mesures ont été comparées avec le modèle global de chimie transport GEOS-CHEM. Deux simulations ont été réalisées pour la période des observations, une avec la chimie des halogènes et une autre sans. Les résultats montrent une évolution identique de l’ozone mesurée et modélisée dans le cas où la chimie des halogènes est prise en compte. Les réactions chimiques impliquant à la fois BrO et IO sont responsables d’environ 30% de la perte d’ozone, localement, par rapport aux autres processus chimiques dans cette étude.

À l’identique, comme la couche limite marine, les lacs salés présentent des phénomènes de diminution d’ozone. Dans ces régions, des observations de composés bromés montrent de très fortes concentrations. Ces valeurs sont attribuées aux solutions salées avec une forte molalité (unité de la molalité : moles/kg) et aux sels cristallins présents dans les lacs salés qui permettent la production de réactions hétérogènes (Stutz et al., 2002). L’exemple le plus évident est celui du lac de la mer Morte. Plusieurs mesures dans cette région ont montré de très fortes valeurs

de BrO comparées à celles de la couche limite marine : 86 ppt (Hebestreit et al., 1999) et plus

de 150 ppt (Tas et al., 2005). Dans les deux cas, les rapports de mélange de O3 associées à

celles de BrO sont faibles, proches de 0 et inférieurs à 5 ppb respectivement.

Les émissions volcaniques sont des sources directes importantes de composés halogénés dans la troposphère par les émissions passives et les éruptions. Cet aspect des halogènes lors d’émissions volcaniques est discuté plus en détails dans la partie 2.5.