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6.4 Tests de sensibilité à fine résolution

6.4.2 Date de l’éruption modifiée : Ref3D_Nuit

L’heure de l’éruption du 10 mai 2008, 14h15 UTC et sa durée, 4h, situent la fin de l’érup- tion juste à la limite du début de la nuit. On change alors de régime chimique. Les simulations "Ref3D" et "Ref3D_05um" montrent que la nuit, la majorité des atomes de brome sont stockés dans BrCl. Les autres espèces diminuent au cours de la nuit puis lorsque le jour revient, la photolyse de BrCl fournit à nouveau des atomes de brome au cycle de bromine-explosion. En changeant la période de l’éruption, nous voulons connaître le comportement des espèces bro- mées et plus précisément la formation de BrO, si l’éruption se produit de nuit au lieu du jour.

La simulation présentée ici est appelée "Ref3D_Nuit". Les espèces chimiques émises et leurs flux restent identiques à la simulation "Ref3D". Seule l’heure de départ de l’émission est modi- fiée. Elle a lieu 12h après celle du 10 mai, à 02h15 UTC, pour finir à 06h15 UTC. Au début de l’éruption il fait totalement nuit. À la fin de cette éruption, les espèces chimiques sont dans des conditions de début de journée (avec 2h d’ensoleillement environ), avec les photolyses qui se réactivent. Le rayon des aérosols sulfatés est de nouveau égal à 1µm comme dans "Ref3D".

Au cours de l’éruption

Le rapport BrO/SO2 a des valeurs faibles au début de l’éruption comparées aux mêmes

instants de l’éruption pour "Ref3D". Après 1h45 d’éruption, le rapport BrO/SO2 de "Ref3D"

est de 1.71× 10−4 alors que pour "Ref3D_Nuit", le rapport est de 4.22× 10−5. À cet instant,

04h UTC, la photolyse n’est pas encore présente, rendant la réactivité des espèces chimiques plus faible que la journée. Une éruption qui a lieu la nuit influe sur la réaction hétérogène

qui implique HOBr et HBr (R46a) pour produire BrOx. Cette réaction est moins efficace la

nuit que le jour car la réaction à l’origine de la formation de HOBr repose sur la présence de

HO2 qui est faible la nuit. Comme HOBr ne fait pas partie des espèces émises par le volcan,

il reste en plus faible quantité que lors d’une éruption en journée. BrO, pendant la nuit, pro- vient donc principalement des émissions. HBr, pendant cette période, reste très fort puisqu’il est émis en forte quantité et il est peu impacté par la bromine-explosion. À 05h UTC, les

photolyses agissent à nouveau. Le rapport BrO/SO2 de la simulation "Ref3D_Nuit, à la fin de

l’éruption est de 1.91× 10−4, il est plus fort que le rapport de la dernière heure d’éruption de

"Ref3D" qui est de 1.53× 10−4. Ainsi, on peut conclure que la nuit agit sur le cyle de bromine-

explosion pour le réduire. Dans le cas de "Ref3D", la nuit réduit le rapport BrO/SO2 à la fin de

l’éruption, en début de nuit et pour la simulation "Ref3D_Nuit", avant le retour du jour le rap-

port de BrO/SO2 reste faible car BrO est peu produit par rapport aux quantités émises de SO2.

La journée suivant l’éruption

Comme dans la simulation "Ref3D", la simulation "Ref3D_Nuit" produit une forte aug- mentation de BrO après la fin de l’éruption dans la matinée du 11 mai (cf. figure 6.45). Les conditions météorologiques du début de l’éruption n’étant pas les mêmes entre les simulations "Ref3D_Nuit" et "Ref3D", le transport, et par conséquence, la dispersion du panache sont dif- férents. Le 11/05 à 09h UTC, la trace de la colonne troposphérique du panache de BrO est

Date Rapport moyen BrO/SO2 Minimum Maximum

03h 11/05 2.42× 10−5 1.54× 10−5 4.16× 10−5

04h 11/05 4.22× 10−5 1.68× 10−5 5.99× 10−5

05h 11/05 1.51× 10−4 8.14× 10−5 2.04× 10−4

06h 11/05 1.91× 10−4 1.34× 10−4 2.31× 10−4

Tableau 6.4 – Rapports BrO/SO2 moyennés d’après les colonnes troposphériques en

molécules.cm−2. Rapports calculés pour la simulation "Ref3D_Nuit" dans la région contenant

le panache volcanique, avec la même méthode que pour "Ref3D".

rassemblée entre les longitudes 15˚E et 22˚E pour la simulation "Ref3D_Nuit" (cf. figure 6.45b), alors que le transport dans "Ref3D" a étalé le panache sur les longitudes 15˚E à 30˚E (cf. figure 6.45a). Pour savoir si la production de BrO est aussi efficace dans la simulation "Ref3D_Nuit" par rapport à la simulation "Ref3D", le nombre de molécules de BrO a été cal-

culé pour chacune de ces zones contenant le panache, avec le même seuil fixé aux valeurs de SO2

supérieures à 10% du maximum sur la zone contenant le panache qui permet de ne prendre en compte que les mailles influencées par le panache volcanique. Le 11/05 à 09h UTC, pour la si-

mulation "Ref3D_Nuit", le nombre de molécules de BrO est de 1.47×1028et pour la simulation

"Ref3D" on obtient 1.66×1028. La simulation "Ref3D_Nuit" est donc un peu moins efficace à

produire du BrO le 11/05 en début de journée. Néanmoins, les deux simulations ont un nombre de molécules du même ordre de grandeur. Ceci montre qu’il y a peu de différences entre une émission de jour et de nuit sur la formation de BrO par la bromine-explosion lors de la première matinée suivant l’éruption. Il est important de souligner que le nombre de mailles contribuant à ce calcul n’est cependant pas le même. La simulation "Ref3D" a impacté 95 mailles à cette date, alors que la simulation "Ref3D_Nuit" reste concentrée sur 35 mailles. La simulation "Ref3D", dont l’éruption est située juste avant la nuit, a eu le temps d’avoir une influence plus large sur l’atmosphère causée par le transport qui a dispersé le panache. La simulation "Ref3D_Nuit", présente des maxima plus importants sur une zone plus petite. C’est un résultat attendu compte tenu du fait que le panache a été transporté moins longtemps dans la simulation "Ref3D_Nuit".

Les jours suivant l’éruption

Le transport, dans la simulation "Ref3D_Nuit", conserve le panache en une seule partie, mais l’évolution chimique des espèces bromées de la simulation "Ref3D_Nuit" est similaire à celle de "Ref3D" avec la production importante de BrO par bromine-explosion le jour et le stockage des atomes de brome la nuit en majorité dans BrCl.

En conclusion, ce test montre que le moment de l’éruption ne joue que peu sur la production de BrO par bromine-explosion lorsque les flux des émissions gazeuses et des aérosols sulfatés sont identiques pour les deux instants considérés.

(a) (b)

Figure 6.45 – Colonnes troposphériques de BrO pour le 11 mai à 09h UTC. La figure 6.45a est issue de la

simulation "Ref3D" et la figure 6.45b représente la simulation "Ref3D_Nuit".

6.4.3

Conclusion

La réduction du rayon des aérosols sulfatés agit sur les réactions hétérogènes qui deviennent plus efficaces. Ainsi la production de BrO est plus importante. Ce phénomène est principale- ment observé durant l’éruption, lorsque les quantités d’aérosols sulfatés sont importantes. Les différences sont alors de l’ordre de 9% en moyenne entre les quantités de BrO de la simulation "Ref3D_05um" et "Ref3D". Ce résultat était attendu car l’étude en 1D a montré l’influence du rayon sur la formation de BrO. Cependant, en 3D, le transport réduit l’effet du rayon des aérosols sulfatés en dispersant le panache. Ainsi, les jours suivant l’éruption les différences sur les colonnes troposphériques de BrO sont négligeables et le panache volcanique agit de la même manière pour des aérosols sulfatés avec un rayon de 1 µm ou de 0.5 µm.

Au moment de l’éruption, c’est là aussi que les différences sont apparues dans la comparaison entre une éruption de jour et une éruption de nuit. La faible réactivité des espèces chimiques qui a lieu la nuit a agi sur le cycle de bromine-explosion en ralentissant la formation de BrO. Mais dès que les photolyses reviennent, le même constat est établi dans les deux cas : des molécules de BrO sont formées au cœur du panache volcanique, provenant des atomes de brome fournis par HBr et les réactions hétérogènes. De plus, les quantités de BrO produits sont similaires le jour.

En ce qui concerne l’ozone et son rôle dans la bromine-explosion, la simulation "Ref3D_05um" a montré qu’il est faiblement détruit. Pourtant les réactions du cycle de bromine-explosion sug- gèrent que l’ozone est réduit par sa réaction avec Br.

Dans les conditions du modèle MOCAGE en 3D avec l’éruption du Mont Etna émettant dans la troposphère, la forte réduction observée dans les simulations en 1D n’a pas lieu. Cependant

la formation de BrO se fait par l’intermédiaire de O3 et Br, ainsi la présence de BrO est

l’indicateur d’une réduction de O3. Mais l’apport extérieur et les valeurs de fond importantes

de O3 participent à réapprovisionner et à diminuer les pertes de O3 dans les mailles contenant

le panache.

D’autres simulations en 1D ont montré cette relation entre la formation de BrO et la perte

de O3. Par exemple, von Glasow (2010) présente des résultats de panache volcanique en 1D,

dont la colonne verticale subit de la diffusion turbulente ainsi qu’une dilution horizontale. Dans

ces résultats, au cœur du panache volcanique, O3 est réduit fortement (valeurs proche de 0 ppv)

et ce comportement continue 3 jours après l’éruption.

Dans Oppenheimer et al. (2010), une réduction de l’ozone de 35% a été observé dans un panache du Mont Erebus en décembre 2005 formé 4h à 6h avant la mesure, pour une altitude d’environ 3 800 m au-dessus du niveau de la mer. Cette réduction très forte est associée à un

rapport de BrO/SO2 égal à 2.5×10−4 (Boichu et al., 2011), pour un panache d’environ 3 à 7

minutes d’âge. Le rapport HBr/SO2 est de 6 ± 2 .10−4 (Boichu et al., 2011), qui est estimé

d’après le rapport Br/S mesuré pour ce volcan à différentes dates. La forte présence d’atomes de brome a eu pour conséquence la réduction de molécules d’ozone. De plus, les conditions de vent sont favorables pour entretenir une réduction de l’ozone sur plusieurs kilomètres avec une

faible vitesse du vent de 1.8 m.s−1 et ainsi une faible dispersion du panache. Pour notre cas

d’étude, le rapport BrO/SO2 estimé 45 minutes après l’éruption est de 1.51×10−4 et celui de

HBr/SO2 durant l’éruption est de 2.49×10−4 (rapport de l’émission). L’apport en atome de Br

est plus faible (d’après HBr/SO2) et entraîne une plus faible production de BrO, car le rapport

BrO/SO2 mesuré pour le Mont Erebus est supposé augmenter au cours des minutes qui suivent

et atteindre une plus forte valeur 45 minutes après (moment de notre résultat). L’altitude maxi- male de l’éruption du Mont Etna est 8 500 m. La majorité du flux des émissions est proche de

cette altitude. Ainsi les gaz subissent un vent plus fort, très supérieurs à 1.8 m.s−1 (cf. figures

6.9 et 6.10). La dispersion du panache est plus importante que lors des mesures pour le Mont Erebus en décembre 2005 et influe sur les pertes de l’ozone.

L’effet attendu sur la réduction d’ozone n’est donc pas visible pour les simulations du cas du 10 mai 2008 avec MOCAGE. Mais il faut cependant noter qu’il existe peu d’observations d’ozone dans les panaches volcaniques émis dans la troposphère et lorsque des mesures d’ozone sont faites, le lien entre la réduction d’ozone et la production de BrO est difficile à mettre en évidence (Vance et al., 2010; Oppenheimer et al., 2010; Carn et al., 2011).