• Aucun résultat trouvé

Pendant longtemps seules les éruptions volcaniques qui atteignaient la stratosphère étaient supposées influencer le climat. Elles sont très fortes et injectent dans l’atmosphère de grandes quantités de soufre et de cendres. C’est l’exemple des éruptions de El Chichon (1982) et du Mont Pinatubo (1991) qui ont émis des gaz et des cendres jusqu’à la stratosphère avec 7 000

kT et 20 000 kT de SO2 émis, respectivement (Bluth et al., 1992). Dans les deux cas, les aéro-

sols sulfatés émis directement par l’éruption et ceux produit par la suite par le SO2 ont eu un

impact global (Robock et Matson, 1983; Bluth et al., 1992). Les aérosols sulfatés et les cendres, émis dans la stratosphère, ont un impact plus fort sur le bilan radiatif de l’atmosphère que lorsqu’ils sont émis dans la troposphère, car ils augmentent l’albédo et réduisent plus forte- ment l’énergie solaire qui atteint la surface. En effet, leur temps de vie est plus long dans la stratosphère que dans la troposphère à cause des conditions météorologiques troposphériques qui facilitent la dispersion et la perte des particules et réduisent ainsi leur influence sur le climat. Les halogènes injectés dans l’atmosphère par les volcans lors d’une éruption ou d’une émis- sion passive sont présents en faibles quantités (Cadle, 1980) par rapport aux principales es-

pèces d’un panache volcanique, qui sont H2O, CO2 et SO2. La forme majoritaire de ces espèces

halogénées dans une émission volcanique est celles des hydracides (HX, où X est un atome d’halogène). Ces espèces sont très solubles. HCl est la principale forme d’hydracide dans un panache volcanique. Le second composé halogéné est l’hydracide HF, qui est une espèce stable. HBr est le troisième plus important des composés halogénés émis par un volcan. Généralement, les halogènes émis par de faibles éruptions sous la forme d’hydracides participent très peu di- rectement à la chimie de la troposphère à cause de leur lessivage (généralement quelques heures à quelques jours). Mais l’impact des halogènes sur la composition chimique de l’atmosphère n’est pas négligeable. Précédemment, on a vu que les halogènes participent efficacement à la destruction d’ozone dans la troposphère et la stratosphère. Des travaux ont étudié le transport des espèces halogénées émises par les volcans vers la stratosphère où le temps de résidence de ces espèces chimiques devient plus long et peuvent ainsi avoir une influence plus forte sur l’ozone. Tabazadeh et Turco (1993) ont étudié le devenir des molécules de HCl lors de fortes éruptions volcaniques. Seulement 1% du HCl gazeux émis par les volcans peut atteindre la stratosphère selon cette étude à cause de la forte solubilité de ce composé chimique. Halmer et al. (2002) proposent la même conclusion pour HCl, HF et HBr. Ces trois composés ha- logénés présents dans les panaches volcaniques, sont à 99% lessivés dans la troposphère, le reste atteint la stratosphère. Une autre étude (Textor et al., 2003) estime toutefois que 25% des molécules de HCl volcanique atteignent la stratosphère grâce aux particules de glace dans lesquelles elles sont contenues, lors de fortes éruptions qui émettent jusque dans la stratosphère.

Les halogènes étudiés lors d’éruptions volcaniques, n’ont été, pendant un certain temps, que des espèces solubles, qui sont les espèces majoritaires lors du dégazage magmatique. Cependant, les halogènes sont émis en faible quantité rendant difficile leur détection par des instruments de mesures. La solubilité des hydracides et les faibles quantités émises par les volcans ont laissé supposer que seules les fortes éruptions pouvaient avoir un impact sur la chimie de l’atmosphère car elles permettent le transport direct de fortes concentrations d’halogènes dans la stratosphère.

Ce point de vue a changé en 2002, car une autre espèce halogénée bromée, le monoxyde de brome (BrO), a été observée dans le panache volcanique du volcan de la Soufrière Hills à Montserrat (Bobrowski et al., 2003). Les mesures ont été faites à partir de plusieurs spec- tromètres DOAS dans une zone comprise entre 4 et 6 kilomètres du cratère. Les mesures du

panache intégrées sur une colonne (SCD = slant column density) ont donné pour BrO 2×1015

molécules/cm2 et pour SO2 1.75×1018 molécules/cm2. À partir de ces mesures, ils ont obtenu

une estimation du rapport de mélange dans le panache, de 1 ppb pour BrO et de 1 ppm pour

SO2. BrO est une espèce peu soluble en comparaison avec les hydracides. D’autres observations

de BrO ont suivi sur différents volcans, au Mont Etna en Sicile (Oppenheimer et al., 2006), à Villarica au Chili (Bobrowski et al., 2007b), à Kasatochi en Alaska (Theys et al., 2009), et à l’Erebus en Antarctique (Boichu et al., 2011). Ces observations de BrO ont développé l’intérêt pour les émissions volcaniques troposphériques d’halogènes.

La présence de BrO est importante dans un panache volcanique car elle peut avoir localement une influence sur l’ozone. Elle permet aussi de stoker les atomes de brome dans un réservoir non soluble donc non lessivable et ainsi de pouvoir les transporter sur de plus longues distances que les hydracides et ainsi de participer à la destruction de l’ozone dans des régions autres que celle de l’émission. L’origine de BrO dans le panache volcanique est due à sa formation lors du mélange entre l’air magmatique et l’air atmosphérique à de fortes températures (typiquement supérieures à 500˚C), (Gerlach, 2004). A la suite de ce phénomène très rapide se produisant juste à la sortie du cratère, la chimie qui est mise en place dans le panache volcanique a lieu

à des températures plus faibles. Bobrowski et al. (2007b) étudient le rapport BrO/SO2 dans

un panache volcanique après trois émissions, une pour le volcan Villarica en 2004 et deux pour le Mont Etna en 2004 et 2005, à température ambiante. Ce rapport est souvent utilisé dans les études de BrO durant les émissions volcaniques car il traduit l’évolution chimique

de BrO, SO2 étant supposé faiblement réactif sur les échelles de temps d’une émission, seule

la dilution cause sa variabilité. Ce rapport augmente lorsque la distance au cratère augmente, attestant de la production de BrO par des réactions chimiques dans le panache après l’émission. Un autre résultat montre que durant les premiers instants de l’émission, BrO est produit aux bords du panache à l’intersection avec l’air atmosphérique, grâce à l’apport de nouvelles espèces chimiques de l’air ambiant, à la différence du centre du panache où les gaz volcaniques sont confinés sans interaction avec l’extérieur et BrO est proche de zéro. La figure 2.4 schématise les différents processus en lien avec les espèces bromées, dans les panaches volcaniques.

Figure 2.4 – Schéma des différents processus, liés aux espèces bromées, se produisant dans les panaches volcaniques. Les principales espèces chimiques émises sont notées en bleu. Le cycle de bromine-explosion consiste en un enchaînement de réactions chimiques à l’origine d’une production rapide et importante de BrO.