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TOXICODEPENDANTE SUR LES ENFANTS

D. L IMITES OU OPPORTUNITES DUES AU CADRE INSTITUTIONNEL

5. V ERIFICATION DES HYPOTHESES ET SYNTHESE

5.3. H YPOTHESE III

Le travail des professionnels autour des besoins des mères toxicodépendantes en terme de parentalité, leur permet de développer leurs compétences parentales.

Afin qu’un travail autour des compétences parentales se réalise, nous constatons, selon la majorité des travailleurs sociaux interrogés, la nécessité que la mère soit preneuse de l’accompagnement et de se fixer l’objectif de travailler sur la parentalité. Si tel n’est pas le cas, ils expliquent que l’intervention sera peu bénéfique concernant le développement des compétences parentales.

Les professionnels affirment que l’accompagnement sera différent si la mère est dans une consommation active ou si elle est en traitement de substitution. Les huit travailleurs sociaux interviewés se rejoignent à dire que le développement de l’enfant ayant des parents toxicomanes n’est pas sans conséquence et que ses besoins passeront au second plan, après la recherche du produit. Ils s’engagent donc à accompagner la mère et son enfant uniquement si elle se trouve dans processus d’arrêt de sa consommation. À partir du moment où la mère toxicodépendante admet sa problématique de dépendance, les professionnels expliquent qu’un travail peut s’effectuer avec elle. Une fois que la mère prend conscience de sa grossesse, les professionnels expliquent qu’un déclic peut se faire et de ce fait, cela peut amener la mère à soigner sa problématique de consommation afin de s’engager dans un projet de traitement.

La plupart des éducateurs sociaux soulignent le fait de mobiliser les mères toxicodépendantes afin de les amener à travailler sur leurs objectifs fixés pour leur permettre de voir leur progression. A contrario, les assistants sociaux intervenant dans la protection de l’enfant défendent le fait de préserver le développement de l’enfant en mettant en place les mesures de protection nécessaires. Nous constatons donc un enjeu important pour les professionnels qui serait de laisser une marge de manœuvre aux mères toxicodépendantes afin qu’elles puissent intervenir avec leur·s enfant·s tout en préservant leurs intérêts et leur protection. Malgré les difficultés présentes chez la mère, les professionnels soulignent leur intérêt quant à l’importance de maintenir le lien mère-enfant, même dans un cas de placement. Dans cette perspective, d’autres auteurs tels que Tereno S., Soares I. et

Sampaio D. expliquent dans leur article : « La théorie de l’attachement : son importance dans un contexte pédiatrique » (2007) que l’attachement de l’enfant à sa figure maternelle et les liens entre eux se construisent au fil des années et à travers de multiples interactions :

5.4. HYPOTHESE IV

La consommation des substances psychotropes des mères souffrant d’addiction ne leur permet pas d’exercer leur rôle parental de manière efficiente.

Dans le discours de la majorité des professionnels, la toxicomanie n’est pas compatible avec l’exercice d’une parentalité. Il y a beaucoup de méfiance et d’appréhension de la part des professionnels lorsqu’il y a consommation chez les parents. Cependant, une partie s’accorde à dire qu’avec un réseau de professionnels autour de ces mères, il est possible d’effectuer un travail d’accompagnement de la parentalité.

Les professionnels interrogés évoquent que chaque situation est singulière et qu’il n’est pas possible d’en faire une généralité. L’addiction peut certes fortement fragiliser le rôle parental, mais différents facteurs sont à prendre en compte comme le degré d’addiction, le rapport que la mère a avec le produit ou l’âge de son enfant. Il arrive que la consommation passe avant les besoins de son ou ses enfant·s. Dans ce cas-là, la mère se trouvera dans l’incapacité d’assumer sa parentalité.

Une première vision montre que l’entourage familial et social de la mère représente une sécurité pour les professionnels. A contrario, Angel P. et Angel S. (2003) expliquent que les relations entre la personne dépendante, les membres de la famille et le produit sont liées. Ils soulignent le fait que la drogue a pour effet de manifester un dysfonctionnement des relations au sein de la famille et la place de la drogue est tellement importante qu’elle vient organiser tout le système familial.

Les réseaux interdisciplinaires semblent être indispensables afin de travailler au plus proche des besoins de la mère toxicodépendante, en prenant en compte ses difficultés, ses vulnérabilités, ses besoins et les besoins de son ou ses enfant·s.

Les principaux outils d’intervention utilisés par les professionnels sont les entretiens motivationnels, l’approche systémique, le concept d’empowerment et la transparence dans les échanges avec les mères toxicodépendantes. Dans cette perspective, Carl Rogers explique l’importance de « porter l’attention sur la personne et non sur le problème. » 19 De plus, les auteurs Angel S. et Angel P. (2003) rejoignent les propos des professionnels interrogés en expliquant la difficulté de sortir d’une dépendance par une simple approche

19 ACP Pratique et recherche. Revue francophone internationale de l’Approche Centrée sur la Personne : http://acp-pr.org/caracteristiques.html

individuelle. Selon eux, l’approche systémique est nécessaire afin de comprendre la complexité des facteurs comportementaux et psychiques de la toxicomanie qui est ancrée dans l’histoire familiale.

Une deuxième vision est avancée par les professionnels interrogés qui mettent en évidence différents aspects où le suivi des mères toxicodépendantes n’est pas réalisable.

En effet, les professionnels interrogés relèvent que si la mère est dans une consommation active ou si elle n’a pas conscience de sa problématique de dépendance, le suivi ne sera pas réalisable. Dans ce cas-là, ils rajoutent que la mère essaie avant tout d’effacer sa propre souffrance à travers le produit et n’est en aucun cas présente pour son ou ses enfant·s. Les travailleurs sociaux soulignent l’isolement de ces mères dans ce cas là, étant donné leur fragilité psychique.

Certains travailleurs sociaux questionnés disent que la problématique de la toxicomanie ne permet pas aux mères d’offrir un cadre sécure, d’organiser un quotidien avec des règles fixes et des limites qui permettraient à l’enfant de se développer sereinement psychiquement et physiquement. Reprenons la théorie de Bolwby qui définit le développement favorable de l’attachement comme étant important pour la santé mentale et impératif pour un développement favorable.

D’après les études d’Ainsworth et al. de 1978, l’attachement sécure est lié aux comportements maternels suivants :

« a) contact physique fréquent et soutenu entre le bébé et sa mère, spécialement pendant les six premiers mois, capacité maternelle à calmer son bébé, en le prenant dans ses bras ; b) sensibilité maternelle aux signaux du bébé, et, en particulier, capacité à gérer ses interventions en harmonie avec les rythmes du bébé ; c) une ambiance contrôlée et prévisible, qui permet au bébé d’inférer les conséquences de ses propres actions; d) plaisir mutuel ressenti par la mère et le bébé. » (Tereno, Soares & Sampaio, 2007, p. 161, tiré de Ainsworth, et al. 1978) Aisnworth et al. expliquent la sécurité de base comme étant essentielle pour la construction de confiance entre l’enfant et le monde :

« La notion de base de sécurité désigne le fait pour la figure d’attachement de représenter un support à partir duquel le bébé peut explorer le monde avec confiance. La perception intérieure d’une relation sécure avec la figure d’attachement fonctionne comme un ancrage qui permet au bébé d’activer son système d’exploration. Dans cette ligne d’idée, la sécurité dans l’attachement est définie comme un état de confiance quant à la disponibilité de la figure d’attachement. » (Tereno, Soares & Sampaio, 2007, p. 157, tiré de Ainsworth, et al., 1978).

La principale tâche de l’enfant est de former des relations d’attachement avec ses figures significatives qui lui apportent des soins. À travers notre recherche empirique, les travailleurs sociaux interrogés soulignent le fait que la figure d’attachement, soit la mère toxicodépendante, ne représente généralement pas un modèle de sécurité dans le contexte relationnel avec son ou ses enfant·s. Ils soulignent le manque de disponibilité pour répondre à ses propres besoins et donc la difficulté à répondre aux besoins de son ou ses enfant·s. En ce sens, la qualité des soins qu’offre une mère toxicodépendante va être déterminante pour le développement émotionnel, affectif et cognitif de l’enfant sur du long terme :

« Les perturbations significatives dans la qualité des soins sont importantes au niveau biologique, comportemental et représentationnel, même pour les petits bébés. Le moment, la qualité du soin, le nombre d’expériences préalables et les relations de soutien sont des variables critiques pour la détermination des effets de ces perturbations. Cependant, l’intervention ou le soutien ne se montrent jamais inutiles et ne sont jamais trop tardifs. » (Tereno, Soares & Sampaio, 2007, p. 175)