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L'HÉRITAGE DU RECOURS AU CONSEIL FÉDÉRAL

LE FONDEMENT DU POUVOIR DE DÉCISION

1. L'HÉRITAGE DU RECOURS AU CONSEIL FÉDÉRAL

A partir de 1874, le recours de droit public au Tribunal fédéral a pris progressivement la succession de la plainte au Conseil fédéral. Les compétences juridictionnelles de ce dernier ont été peu à peu transférées au Tribunal fédéral. Un survol de la pratique entre 1848 et 187 4 permettra de vérifier si le recours de droit public a hérité sa «nature cassatoire» de la jurisprudence du Conseil fédéral.

1. Généralités

Le recours au Conseil fédéral n'était réglé que par l'art. 90 ch. 2 de la Constitution fédérale de 1848, qui stipulait que le gouvernement

«Veille à l'observation de la constitution, des lois, des décrets et des arrêtés de la Confédération, ainsi que des prescriptions des concordats fédéraux; il prend de son chef ou sur plainte, les mesures nécessaires pour les faire observer».

C'est là une réglementation pour le moins succincte2s. Le seul élément important que l'on puisse en tirer est que le Conseil fédéral n'était pas uniquement une autorité de recours agissant sur «plainte», mais aussi une autorité de surveillance habilitée à intervenir de son propre chef, en l'absence de tout recours.

L'art. 90 ch. 2 Cst. chargeait le Conseil fédéral de veiller au respect du droit supérieur. Contrairement à la lettre de cette disposition, le gouvernement ne se limita pas à contrôler les actes attaqués à l'aune du droit fédéral ou intercantonal, mais il examina aussi leur conformité au droit international29 ou aux droits garantis par les constitutions cantonales3o.

28 L'art. 25 de l'aiTêté fédéral du 16 mai 1849 concernant l'organisation et le mode de procéder du Conseil fédéral stipulait simplement qu'il revenait au département de justice et police de préparer les «mesures concernant le maintien des droits constitutionnels du peuple et des citoyens».

29 P. ex.: ULLMER n. 618, 1853.

30 P. ex.: ULLMER n. 1122, 13 septembre 1860. Le Conseil fédéral semble toutefois n'avoir pris en considération les droits constitutionnels cantonaux que s'ils n'avaient pas d'équivalent au niveau fédéral, même si le champ de la liberté cantonale était potentiellement plus large que celui de la liberté fédérale: dans une

LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

Le Conseil fédéral déduisit de l'absence de réglementation expresse à l'art. 90 ch. 2 Cst. que n'importe quel acte, qu'il s'agisse d'une décision ou d'une norme3I, était attaquable dans n'importe quel délai32. La seule mais importante limite qu'il posa fut d'exclure le recours contre des actes d'autorités fédérales33.

Je me suis efforcé d'examiner et de classer les dispositifs de toutes les décisions du Conseil fédéral entre 1848 et 1874. Dans cette tâche, je me suis néanmoins heurté à certaines difficultés. Rares sont les arrêts du Conseil fédéral qui ont été publiés intégralement. Un certain nombre sont résumés dans les rapports annuels de gestion. Les deux recueils semi-officiels d'ULLMER reprennent une grande partie des arrêts rendus entre 1850 et 1864, toujours de manière résumée. Les états de faits sont très succincts. Quant au dispositif, il est le plus souvent rapporté sous la forme du discours indirect sans que l'on puisse vérifier s'il s'agit d'une référence fidèle à l'original ou s'il est incomplet. En raison de ces imprécisions, l'analyse de la pratique du Conseil fédéral demeure donc quelque peu sujette à caution.

2. Les recours contre des actes administratifs ou judiciaires Lorsque l'objet du recours était une décision d'un organe administratif ou judiciaire, le Conseil fédéral rendait un jugement annulatoire, obligationnel ou constatatoire. On ne trouve en revanche aucun jugement formateur non annulatoire.

affaire portant sur l'expulsion du territoire d'une commune, le Conseil fédéral rejeta le recours en arguant que l'art. 41 Cst. féd. de 1848 ne garantissait pas la liberté d'établissement à l'intérieur d'un canton, mais il n'examina pas si la liberté d'établissement intracantonale était garantie par l'art. 11 de la Constitution fribourgeoise bien que ce grief ait été soulevé par le recourant (Archives fédérales: E 22/1110); ULLMER (n. 789, 1863) ne mentionne d'ailleurs même pas le grief d'une violation de la constitution fribourgeoise. Voir cependant ULLMER n. 137.

31 Exemple de recours direct contre une norme communale; ULLMER n. 736, 15 avril 1861.

32 VOGT 1867, p. 3. Voir par exemple un arrêt de 1871 annulant une ordonnance cantonale datant de 1859 (FF 1872 II 504 ss). Cf. aussi FF 1874 I 1005.

33 JONCHEERE 1958, p. 143.

A. Les jugements annulatoires

i. Le développement de la pratique annulatoire

L'annulation était signalée dans le dispositif par la mention que la décision cantonale est «annulée», «mise à néant» ou «révoquée».

BLUMER affirmait en 1863 que le Conseil fédéral avait commencé très tôt à annuler des jugements cantonaux. Il se fondait notamment sur un rapport de la commission de gestion du Conseil des États, qui déclara en 1854

«que c'est pour le Conseil fédéral un devoir sérieux de combattre les abus signalés, c'est-à-dire les cas où les tribunaux cantonaux appliquent les lois cantonales tout en sachant qu'elles sont contraires à la Constitution fédérale, avec énergie et dans l'intérêt bien entendu de la nouvelle Confédération; à cet effet il aurait, dans chaque cas qui viendrait à sa connaissance, à interdire et empêcher l'exécution de jugements cantonaux dans lesquels les lois cantonales sont mises en avant, et la Constitution fédérale méconnue et il aurait à sommer tous les Cantons de mettre en harmonie avec la Constitution fédérale leurs lois qui n'y seraient pas conformes, cela par les voies ordinaires et dans un délai fixe.»34

BLUMER déduisit de cette déclaration que le parlement avait approuvé la pratique du Conseil fédéral consistant à annuler les jugements cantonaux contraires au droit fédéral35. Certes, le Conseil fédéral affirmait lui-même en 1856 dans les motifs d'une décision que son pouvoir d'annuler des jugements reposait sur une pratique constante36. A ma connaissance, pourtant, il n'existe aucun arrêt publié antérieur à 1855 qui, suite à un recours37, annule formellement un jugement d'un tribunal cantonal. Le premier cas d'annulation expresse date du 7 novembre 185538.

Auparavant, le Conseil fédéral déclarait le tribunal compétent ou

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FF 1854 II 530.

BLUMER 1863, p. 203.

BBI. 1857 1 224 cité par BLUMER 1863, p. 204.

Pour une décision antérieure prise dans le cadre du pouvoir de surveillance, cf. ULLMER n. 295.

Arrêt non daté de l'année 1855 (ULLMER n. 548: «Le C. F. annula la saisie»; le rapport du Conseil fédéral dans la Feuille fédérale [ 1856 1 530] ne mentionne toutefois pas l'annulation, mais décrète que la saisie est «illicite et non avenue») et un arrêt du 7 novembre 1855 (ULLMER n. 253: «Le C. F. déclara le recours bien fondé et annula le jugement du 17 avril 1855» ). La première mention du terme d'annulation dans les rapports du Conseil fédéral concerne un arrêt de 1856 (FF 1857 1 217: «Les décisions de l'assemblée communale[ ... ], du Conseil d'Etat [ ... ] et du Grand Conseil [ ... ], concernant le renouvellement intégral du conseil communal de Corglio, sont annulées»).

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LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

incompétent39, prononçait une injonction4o ou, dans une affaire datant de 1855, constatait la nullité du jugement4t. Si pratique constante il y eut avant 1855, alors elle ne fut publiée ni dans les rapports annuels42, ni dans ULLMER. Une explication plus plausible me paraît cependant être que le Conseil fédéral envisageait l'annulation, en 1856, non pas dans un sens strict et formel, mais comme un jugement implicitement inclus dans d'autres types d'arrêts. La commission de gestion ne partageait pas une telle optique en 1854, car elle se prononça comme suit à propos des mesures à prendre par le Conseil fédéral:

«Nous nous abstiendrons de formuler une proposition positive à cet égard; mais nous le faisons dans la ferme conviction que le Conseil fédéral saura trouver et appliquer de son chef et en temps utile les voies et moyens pour faire respecter la Constitution fédérale par les tribunaux cantonaux.»43

Si le Conseil fédéral avait déjà annulé régulièrement des jugements cantonaux, la commission de gestion n'aurait pas eu à lui demander de

«trouver [ ... ] les voies et moyens pour faire appliquer la Constitution fédérale». Il faut au contraire comprendre la position de la commission de gestion comme une incitation adressée au Conseil fédéral afin qu'il soit plus incisif. La commission semblait trouver insuffisantes les décisions constatatoires et les simples injonctions. Elle attendait du Conseil fédéral qu'il interdise et empêche l'exécution de décisions inconstitutionnelles, donc qu'il agisse directement sur les jugements cantonaux.

Entre 1855 et 1874, le Conseil fédéral annula au moins44 une cinquantaine de décisions de tribunaux cantonaux. Il annula aussi douze

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ULLMER n. 556, 3 novembre 1849; n. 871, 16 avril 1851; n. 257, 26 janvier 1852;

n. 547 (non daté); n. 627, 8 octobre 1855.

Injonction au gouvernement de révoquer une saisie (ULLMER n. 126, 1850); remise d'argent ou de biens (ULLMER n. 202, 15 novembre 1850; n. 546, 1851; n. 303, 1854; n. 890, 8 février 1854), octroi de l'exequatur (ULLMER n. 225, 15 mars 1854).

Décision non datée mentionnée dans le rapport de gestion pour l'année 1855 (FF 1856 1 532): «L'autorisation et la confirmation de la saisie accordée le 21 août et le 12 octobre 1854 par le juge de Buren en faveur de Rüfli est déclarée illicite et non avenue.» Le seul cas antérieur à 1855 où une décision ait été déclarée nulle concernait des élections (FF 1851 Il 332 s.).

BLUMER mentionne quelques arrêts, mais ils sont tous postérieurs à 1855.

FF 1854 II 530.

Il est probable que des annulations se cachent derrière quelques arrêts dont le dispositif est rapporté comme limité à la constatation du bien-fondé.

fois des décisions d'autorités exécutives cantonales45, quatre fois des arrêtés de parlements cantonaux46, mais quasiment jamais des mesures prises par des autorités communales47. Dans l'ensemble, la forme de l'annulation est présente dans environ un tiers des plaintes acceptées avant

1874.

ii. L'étendue de l'annulation

Ordinairement, le Conseil fédéral annulait entièrement l'acte attaqué.

Quand celui-ci regroupait plusieurs décisions différentes dont une seule était inconstitutionnelle, l'annulation concernait seulement cette dernière4s. De même, une décision unique n'était annulée que partiellement si le grief d'incompétence en raison du lieu ne valait pas pour la totalité de son champ49. La délimitation de l'annulation partielle au sein du dispositif manquait souvent de précision, le Conseil fédéral se contentant d'indiquer que la décision était annulée en tant qu'elle était en contradiction avec son arrêt5o.

L'annulation ne s'étendait en principe qu'à l'acte attaqué. Si celui-ci faisait partie d'un ensemble de décisions de la même autorité dans la même affaire et que toutes ces décisions étaient inconstitutionnelles, le Conseil fédéral incluait parfois dans l'annulation tous les actes 45

Ordinairement, le Conseil fédéral invitait le gouvernement cantonal à annuler la décision communale (cf. infra B, p. 16). La seule exception qui m'est connue porte sur une affaire de droits politiques au Tessin: «Les décisions de l'assemblée communale [ ... ], du Conseil d'Etat [ ... ] et du Grand Conseil [ ... ], concernant le renouvellement intégral du conseil communal de Corglio, sont annulées» (FF 1857 I 217). Cette exception est vraisemblablement due au climat politique très tendu au Tessin à cette époque. Vu la position du Conseil d'Etat, une annulation directe de la décision communale de révocation augmentait les chances de rétablissement de la situation constitutionnelle. Cette affaire ne s'acheva d'ailleurs pas par l'exécution de la décision du Conseil fédéral, mais par un compromis entre les parties (FF ibidem).

ULLMER n. 554, 28 mars 1859; n. 1123, 14 février 1862; n. 855, 24 juillet 1863;

Rapport de gestion 1874, pp. 465 s., 16 octobre 1874.

FF 1867 I 592 s., 29 octobre 1866: un juge avait accordé la saisie d'un tas de bois alors que le point de rattachement pour sa compétence ratione loci (le charriage par les demandeurs) ne s'appliquait qu'à une partie de ce bois.

P. ex. FF 1872 II 523 s., 21 août 1871: «Les décisions des autorités cantonales qui seraient contraires au présent an-êté sont annulées.»

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LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

incriminés5I, voire même une procédure entière qui était en cours devant un tribunal incompétent52.

Comme le Conseil fédéral n'exigeait pas l'épuisement des instances cantonales avant de recourir devant lui pour violation du droit fédéraJ53, il se prononçait le plus souvent sur une décision unique, celle de l'autorité de première instance. Quand une affaire déférée devant plusieurs instances cantonales lui était soumise, il annulait ordinairement les déci-sions de toutes les autorités54. La décision de dernière instance était par contre la seule à être annulée si l'inconstitutionnalité résidait uniquement en elle, notamment parce qu'elle modifiait à tort la décision initiale55.

A l'inverse, l'annulation ne portait que sur la décision de première instance si l'autorité cantonale de recours n'était pas entrée en matière sur le fond56.

B. Les jugements obligationnels57

Le Conseil fédéral utilisait fréquemment la forme du jugement obligation-nel, car on trouve une injonction dans plus d'un tiers des arrêts qui admettaient une plainte. La catégorie principale était l'injonction de

51 ULLMER n. 256, 1860; n. 307, 7 juin 1860; n. 276, 29 octobre 1860; n. 904, 22 février 1861; n. 797, 26 juin 1863; FF 1868 II 432 ss, 23 août 1867.

52 ULLMER n. 305, 1858; n. 260, 28 mai 1860.

53 P. ex.: ULLMER n. 210, 11 février 1856. JONCHEERE 1958, pp. 153 S.

54 ULLMER n. 582, 1856; n. 1122, 13 septembre 1860; n. 276, 29 octobre 1860;

n. 842, 20 novembre 1861; n. 888, 12 août 1863; FF 1868 II 468 ss, 14 août 1867; FF 1869 II 396 ss, 6 novembre 1868; FF 1869 I 984 ss, 31 décembre 1868;

FF 1872 II 526 ss, 7 août 1871; FF 1873 II 29 ss, 22 avril 1872. Dans trois cas, il y a contradiction entre la formulation chez Ullmer (qui mentionne l'annulation des jugements cantonaux) et celle dans la feuille fédérale (selon laquelle seul un jugement est annulé): ULLMER n. 205 (FF 1858 l 257); ULLMER n. 262 (FF 1860 II 16-20); ULLMER n. 1100 (FF 1864 I 361).

55 ULLMER n. 887, 11 mai 1863; FF 1870 II 715 SS, 11décembre1865.

56 ULLMER n. 1109, 4 juillet 1862; n. 870, 26 octobre 1863. Dans une affaire, le Conseil fédéral n'a annulé que le jugement de première instance bien que cet arrêt ait été confirmé encore par deux instances cantonales: ULLMER n. 832, 18 novembre

1862.

57 Seules sont prises en considération les injonctions qui sont mentionnées dans le dispositif (tel que rapporté par ULLMER ou le Conseil fédéral) ou qui se trouvent dans un considérant auquel renvoie expressément le dispositif (ULLMER n. 126, 1850; FF 1866 I 469 ss; FF 1871 II 386 ss). J'exclus en revanche de mon analyse la vingtaine d'arrêts dont le dispositif semble se ramener à une déclaration d'admission avec renvoi aux motifs, car il est impossible de dire si le renvoi est vraiment tiré du dispositif original ou - ce qui est plus vraisemblable - s'il constitue une figure de style permettant le passage à l'exposé de la motivation.

prendre une décision. Les injonctions positives comprenaient notamment58 les espèces suivantes:

a) Injonction de statuer,. si une autorité cantonale renâclait à se prononcer sur une demande59.

b) Injonction de restituer, si une somme avait été prélevée à tort6o, si des biens avaient été saisis sans droit6I ou si une autorité se refusait à rendre des documents qui lui avaient été remis62.

c) Injonction de délivrer un document officiel, si une autorité rejetait à tort une demande de pièces officielles, telles que des papiers de légitimation63 ou des documents nécessaires à la célébration d'un mariage64.

d) Injonction d'autoriser, si une autorité écartait une demande d' autorisation65.

58 Injonctions atypiques: auditionner des témoins (ULLMER n. 845, 2 mai 1855), réintégrer dans ses fonctions un exécutif communal révoqué (ULLMER n. 582, 1856), désigner un tribunal neutre (ULLMER n. 836, 12 avril 1861, jugement annulé par l'Assemblée fédérale; n. 1109, 4 juillet 1862), appliquer in casu une certaine réglementation (ULLMER n. 842, 20 novembre 1861; l'injonction n'apparaît que dans le texte original conservé aux archives fédérales au numéro E 22/1128: «Le recours est fondé, les jugements attaqués[ ... ] sont annulés et les tribunaux fribourgeois requis d'appliquer à l'action en paternité de Marie Elisabeth Thomas le droit régissant les citoyennes du canton de Fribourg»), reconnaître le statut d'un individu (ULLMER n. 816, 28 novembre 1862), assermenter un élu (FF 1868 II 491 s.).

59 ULLMER n. 705, 5 février 1851. Voir aussi ULLMER n. 706, 24 décembre 1852:

obligation imposée à deux cantons d'aboutir à un accord sur leurs compétences respectives ou de prendre chacun une décision formelle. Rapport de gestion 1874, pp. 479 s.: injonction à un tribunal d'entrer en matière sur une action civile alors qu'il s'était déclaré incompétent.

60 ULLMER n. 202, 15 novembre 1850 (caution et finance de mariage); n. 753, 24 août 1860 (droits de douane); n. 735, 19 octobre 1860 (amende); n. 732, 24 décembre 1860 (amende).

61 ULLMER n. 303, 1854; n. 554, 28 mars 1859.

62 ULLMER n. 804, 12 décembre 1862; n. 776, 11 mars 1863; Rapport de gestion 1874, pp. 474 s., 4 mai 1874.

63 ULLMER n. 122, 29 juillet 1861; n. 776, 11mars1863; FF 1867 I 580 s.; FF 1867 I 579.

64 ULLMER n. 1007, 27 septembre 1861; FF 1867 I 610 s., 29 janvier 1866; FF 1868 II 484 s.

65 ULLMER n. 142, 17 juin 1857 (permis de séjour); n. 107, 1860 (autorisation de vendre un immeuble); n. 785, 18 juin 1860 (permis de séjour); n. 1012, Ier septembre 1862 (autorisation de mariage); n. 797, 26 juin 1863 (permis d'établissement). Dans deux affaires (ULLMER n. 1018, 15 juillet 1863; n. 1016, 19 juin 1863), l'injonction d'autoriser le mariage est formulée négativement et s'approche de l'injonction de tolérer: ne pas mettre d'obstacle à la célébration du mariage du recourant.

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LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

e) Injonction d'exequatur, si les autorités d'un canton se refusaient à exécuter un jugement civil d'un autre canton66.

Les injonctions ne concernaient pas seulement des comportements positifs.

Il arrivait que le Conseil fédéral ordonnât à un canton de s'abstenir de prendre certaines mesures, telles que donner suite à une ouverture de faillite et à une citation en justice67, intervenir dans les compétences de tribunaux68 ou d'un autre canton69, prélever à l'égard du recourant des émoluments70 ou des impôts71 (injonction d'abstention).

Au lieu d'annuler l'acte attaqué, le Conseil fédéral prescrivait parfois au gouvernement cantonal de révoquer sa propre décisionn ou d'annuler celle d'une autorité communale73 (injonction de révocation).

Les jugements obligationnels étaient en principe formulés exclusive-ment à l'attention des gouverneexclusive-ments cantonaux. Une injonction adressée à un tribunal était extrêmement rare74.

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«!.Es sei der Rekurs begründet und die Behêirden von Zürich eingeladen, zu der anbegehrten Vollziehung des fraglichen Urtheils Hand zu bieten.» Voir aussi:

ULLMER n. 556, 3 novembre 1849. intercantonal sur la compétence de prélever des impôts sur un certain territoire).

ULLMER n. 180, 18 octobre 1854; n. 1012, Ier septembre 1862; n. 1016, 19 juin 1863; FF 1866 I 451 (ici le gouvernement n'avait fait que confirmer sur recours la décision d'une autorité administrative); FF 1871II855. Cas particulier: FF 1872 II 530 ss (la décision initiale ayant été prise par le gouvernement dans une d'exequatur n'est pas adressée directement aux tribunaux, mais il ressort des faits que ce sont eux qui sont visés.

Les injonctions à un tribunal semblent avoir paru tellement étranges qu'on ne les publiait pas. Dans une affaire de 1861, le Conseil fédéral rendit le jugement suivant:

«Le recours est fondé, les jugements attaqués [ ... ] sont annulés et les tribunaux fribourgeois requis d'appliquer à l'action en paternité de Marie Elisabeth Thomas le droit régissant les citoyennes du canton de Fribourg.» (Archives fédérales E 22/1128). Aussi bien dans la Feuille fédérale (1862 II 270) que chez ULLMER (n. 842), ce jugement est rapporté comme limité à l'annulation.

C. Les jugements constatatoires

Un jugement constatatoire apparaissait dans environ un cinquième des plaintes admises. Il était utilisé soit pour déclarer formellement l'incompétence d'une autorité ou d'une collectivité7S, soit pour affirmer formellement que le recourant bénéficiait d'un droit spécifique76, soit pour proclamer la nullité d'une décision77.

3 . Les recours contre des normes

Le Conseil fédéral ne se prononçait pas seulement sur des décisions, mais aussi sur des normes cantonales ou communales.

A . Les différents types de jugements

On retrouve les mêmes types de jugements que ceux prononcés à l'encontre d'actes administratifs ou judiciaires. Le Conseil fédéral annulait des normes cantonales78 (jugements annulatoires) ou les déclarait nulles79

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Déclaration d'incompétence: ULLMER n. 257, 26 janvier 1852; n. 547, 1853;

n. 627, 8 octobre 1855; n. 297, 1857; FF 1866 II 456, 6 décembre 1865.

Constatation de compétence d'une autorité tierce: ULLMER n. 282, 17 mars 1858;

n. 260, 28 mai 1859; n. 888, FF 1864 I 350; FF 1866 I 457 ss, 11 décembre 1865; FF 1867 I 624 ss, 29 octobre 1866; FF 1872 II 523 s., 21 aoOt 1871;

FF 1872 III 893 ss, 6 novembre 1872; Rapport de gestion 1873, p. 368, 21 avril 1873; FF 1873 III 500 ss, 24 juillet 1873. Voir aussi en matière de conflits intercantonaux: ULLMER n. 871, 16 avril 1851; n. 557, 1851; n. 303, 1854;

n. 890, 8 février 1854; n. 696, 9 février 1863; FF 1869 1 1007 ss; FF 1872 II 523 s. Voir aussi en matière d'imposition intercantonale: FF 1866 1 441; Rapport de gestion 1874, pp. 472 s., 5 juin 1874.

Droit de décliner le for en ne donnant pas suite à l'assignation: ULLMER n. 257, 26 janvier 1852; FF 1867 1 597 ss, 6 août 1866; FF 1873 II 18 s.

Droit de ne pas se soumettre à une imposition: Rapport de gestion 1873, p. 362.

Droit de retirer des objets séquestrés: ULLMER n. 909, 11 septembre 1863.

Droit de recevoir en retour un impôt prélevé à tort: FF 1869 I 976 ss, 24 juillet 1868.

FF 1851 II 332 s.; FF 1856 1 530: «illicite et non avenue» (ULLMER, n. 548, emploie cependant le terme d'annulation); ULLMER n. 616, 12 septembre 1860 (dans cette affaire, la formulation originale, telle qu'elle apparaît dans le projet du Département de Justice et police figurant aux archives fédérales sous le numéro E 22/1088, n'utilise pas le terme de nullité, mais déclare la décision et la norme

«sans effet obligatoire en droit»); FF 1869 I 993 ss.

ULLMER n. 583, Ier octobre 1858 (disposition constitutionnelle cantonale);

n. 1129, 30 juin 1862 (loi cantonale); n. 844, 8 mars 1863 (loi cantonale; recours d'un autre canton); FF 1872 II 504 s. (ordonnance cantonale datant de 1859!). Voir aussi un arrêt du 13 mai 1849 (FF 1850 II 40) qui semble toutefois avoir été pris indépendamment d'un recours spécifique.

FF 1851II332 s.; ULLMER n. 616, 12 septembre 1860. L'emploi de la déclaration de nullité n'est pas motivé spécifiquement de sorte qu'on peut se demander si le Conseil fédéral lui donnait vraiment une portée autonome par rapport à l'annulation.

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LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

(jugements constatatoires). Il usait aussi de différentes sortes d'injonctions

(jugements constatatoires). Il usait aussi de différentes sortes d'injonctions