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Le caractère suffisant et nécessaire de l'annulation

LE FONDEMENT DU POUVOIR DE DÉCISION

A. Le caractère suffisant et nécessaire de l'annulation

Selon la conception actuellement dominante, le Tribunal fédéral doit prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir une situation conforme aux exigences du droit constitutionnel qui a été violé par les autorités cantonales. Comme l'annulation de l'acte attaqué est ordinai-rement nécessaire et suffisante, le recours de droit public constitue une voie de droit principalement cassatoire. A l'inverse, un jugement obliga-tionnel, constatatoire ou formateur peut être rendu dès que l'annulation ne suffit pas à rétablir une situation conforme à la norme constitutive de grief. Ou, selon une autre formulation, un jugement non annulatoire est légitime s'il est nécessaire au rétablissement d'une situation conforme.

Cette conception a été élaborée par GIACOMETTJ282 en 1933 et reprise par BONNARD283 en 1962 avant d'être adoptée à partir de 1965 par la jurisprudence284. Depuis, elle a été approuvée par l'ensemble des

auteurs285.

Le défaut majeur de cette approche est l'imprécision liée aux critères de suffisance et de nécessité. La doctrine n'a jamais énoncé les facteurs qui déterminent le caractère suffisant et nécessaire d'un jugement

281 Cf. supra chapitre III, sections 2.B. et 3, pp. 48 ss.

282 GIACOMETTI 1933, pp. 245 ss.

283 BONNARD Claude 1962, n. 105 SS.

284 ATF 91 I 409, 411 Kolter. Voir aussi supra chapitre III, section 3.B et 3.C, pp. 53 SS.

285 MARTI 1979, n. 312; AUER 1983, n. 510; MôHR 1984, p. 13; AUER 1989, n. 5;

HAEFLIGER 1989, p. 360; H!LLER 1990, p. 406; CAVIEZEL 1990, p. 228; AUER 1992, n. 24; TEYGELER 1993, p. 33; KÂLIN 1994, p. 400; SPÜHLER 1994, p. 26;

FORSTER 1996, n. 2.53; DILL 1996, p. 138.

spécifique286. Dire que l'annulation est insuffisante dès qu'elle ne permet pas de mettre fin au litige constitutionnel287 ne fait que déplacer le problème, car les notions d'ouverture et de clôture du litige constitutionnel sont tout aussi floues. Pour le reste, la doctrine s'est contentée de présenter de manière casuistique la pratique du Tribunal fédéral. Or, vu l'argumentation minimaliste de ce dernier en matière de recevabilité de conclusions non annulatoires288, une simple référence à la pratique ne peut se substituer à une analyse approfondie.

Selon la doctrine actuelle, les critères de suffisance et de nécessité sont censés fournir une explication cohérente aux jugements non annulatoires. Ils ont pourtant été développés par GIACOMETTI pour légitimer les injonctions et s'appliquent mal aux jugements constatatoires ou formateurs. Prenons l'exemple des jugements qui, sur la base des articles 46 al. 2 ou 59 Cst., déclarent une collectivité incompétente pour statuer289. Dans la mesure où ces dispositions constitutionnelles imposent une abstention, on voit mal en quoi l'annulation ne suffit pas, et ce qui rend nécessaire une constatation. Il en va de même pour les jugements formateurs qui refusent l'octroi de la mainlevée définitive290 ou de l' exequatur29I. Cela n'empêche pourtant pas la doctrine récente de faire apparaître ce genre de jugements parmi les exceptions couvertes par le critère de la nécessité292.

Les critères de suffisance et de nécessité n'expliquent pas non plus pourquoi le Tribunal fédéral use assez régulièrement d'injonctions, mais n'accorde pas lui-même les prestations requises. Si l'annulation d'un refus d'assistance judiciaire ne suffit pas à rétablir une situation conforme à l'art. 4 Cst., on peut se demander pour quelle raison seule une injonction

286 287 288 289

290 291 292

TEYGELER 1993, p. 34.

Ainsi: GIACOMETTI 1933, p. 245; STREHLE 1980, p. 128; TEYGELER 1993, p. 34.

Cf. supra chapitre III, section 3.C, pp. 54 ss.

Constatation d'incompétence fondée sur l'art. 59 Cst.: ATF 101 la 141, 147 Schwery; 93 1 323, 330 Hoirie Morel; 91111, 16 X.; 53 151, 55 Franzoni, 124, 136 Schweizerischer Bankverein; 52 1 131, 138 Meister; etc. Constatation d'incompétence fondée sur l'art. 46 al. 2 Cst.: ATF 88 1 240, 247 Scintilla AG; 79 1 23, 28 Demarmels; 67 1 97, 105 André; 63 1 235, 238 Matthys; 52 1 372, 383 Honegger-Schellenberg; 51I296, 299 Dame Courvoisier-Bemoulli; etc.

ATF 118 lb 468 Ch. (dispositif non publié); 98 la 314, 323 Wehrli; 68 I 160, 164 Stevens, etc.

ATF 58 1302, 306 Schuler.

MARTI 1979, n. 312; AUER 1983, n. 510; KÂLIN 1994, pp. 401 s.; SPÜHLER 1994, n. 12.

LA «NATURE CASSATO!RE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

est nécessaire293, alors qu'on s'attendrait à ce que les juges franchissent le pas et prononcent directement la conséquence inéluctable, à savoir l'octroi de l'assistance d'un avocat. Affirmer, comme GIACOMETTI, qu'un tel jugement au fond est impossible en raison de la fonction cassatoire du recours de droit public294 nous ramène simplement au point de départ.

Telle qu'elle a été développée jusqu'à présent, la théorie dominante me paraît offrir un outil insuffisant pour analyser la pratique.

B. La cassation comme caractéristique de la juridiction constitutionnelle

La violation d'un droit constitutionnel est le principal grief permettant la saisine du Tribunal fédéral en recours de droit public. Cette voie de droit permet le contrôle de la constitutionnalité des actes étatiques cantonaux et représente de nos jours la «colonne vertébrale» de la juridiction constitutionnelle suisse295. GIACOMETTJ296, AUER297 et TEYGELER298 ont déduit de cette caractéristique la fonction cassatoire du recours de droit public:

«L'admission du recours entraîne l'annulation de l'acte attaqué et cette annulation rétablit la situation juridique antérieure à l'adoption de celui-ci. Elle ne peut pas en principe avoir d'autres conséquences que l'annulation totale ou partielle de l'acte jugé inconstitutionnel. C'est là en effet l'une des caractéristiques de la juridiction constitutionnelle que de conduire à l'invalidation de la norme jugée contraire à la constitution.»299

L'existence d'une sanction en cas de constatation d'une violation du droit est un élément propre à tout système juridictionnel intra-étatique, qu'il soit constitutionnel300 ou administratif301. La nature de cette sanction n'est en revanche pas prédéterminée. Dans un système diffus - comme celui que nous connaissons en Suisse - où toute autorité judiciaire et toute autorité administrative suprême est habilitée et obligée à contrôler la constitutionnalité des normes qu'elles appliquent302, l'invalidation ne 293

saurait être la conséquence unique de toute violation de la constitution.

Quand un tribunal administratif doté du pouvoir de réforme constate qu'une prestation a été refusée en violation du principe de la confiance établi par l'art. 4 Cst., on voit mal pourquoi il devrait nécessairement se borner à annuler la décision de l'administration.

GIACOMETTI et AUER ne visent certainement pas, dans leur propos, toute autorité exerçant le contrôle de constitutionnalité, mais, comme le montre leur référence à KELSEN303, les organes judiciaires dont c'est la tâche unique. On reconnaît en filigrane l'opposition propre aux systèmes concentrés304 entre un juge constitutionnel et des juridictions

«ordinaires», telles que les tribunaux civils, pénaux et administratifs. Le recours de droit public a en commun avec les systèmes concentrés que sa saisine est limitée à des griefs déterminés. Ceux-ci ne concernent toutefois pas uniquement la violation de la constitution. Au cours du temps, le recours de droit public a été ouvert à l'invocation d'autres griefs, tels que la violation de droits conférés par la législation fédérale3os, la violation de traités ou de concordats, la violation de règles de for fédérales ou la violation des droits politiques. Le premier arrêt à énoncer la règle de l'absence de pouvoir de réforme dans le cadre du recours de droit public, l'arrêt Delune306, ne porte d'ailleurs pas sur une inconstitutionnalité, mais sur le non-respect d'un traité international. Affirmer que la fonction cassatoire résulte du rôle de juridiction constitutionnelle rend inexplicable une partie de la pratique. Il ne suffit pas que le Tribunal fédéral contrôle la conformité d'un acte à une disposition légale (telle que par exemple l'art. 190 LDIP307) pour que son pouvoir de décision devienne parfaitement libre.

Même en matière normative, qui représente le centre de l'analyse kelsenienne de la juridiction constitutionnelle3os, la limitation à l'annulation ne correspond pas nécessairement à la pratique du juge constitutionnel. En Allemagne, bien que la loi prévoie uniquement la déclaration de nullité en cas d'inconstitutionnalité d'une norme309, le 303

304 305 306 307 308 309

KELSEN 1929.

Le système concentré confie le contrôle de constitutionnalité des actes étatiques à un tribunal unique, spécialisé dans la juridiction constitutionnelle (AUER 1983, n. 30).

Art. 59 lit. a OJ-1874.

ATF I p. 398, 405.

Cf. art. 85 lit. c OJ.

Voir notamment à propos du pouvoir de décision KELSEN 1929, pp. 70 ss.

Bundesverfassungsgerichtsgesetz (BVerfGG) §§ 78, 82, 95 al. 3. Les opinions sont divisées sur la question de savoir si le législateur a sanctionné en 1970 la simple déclaration d'inconstitutionnalité en traitant de ses conséquences au § 31

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LA «NATURE CASSATOIRE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

Bundesve1fassungsgericht a considérablement diversifié son pouvoir de décision (simple déclaration d'inconstitutionnalité, constatation que la norme est encore constitutionnelle, édiction d'une réglementation transi-toire, injonction au législateur, détermination de la durée d'applicabilité de la norme incriminée3!0).

La référence au rôle de juge constitutionnel a cependant pour défaut majeur de ne pas parvenir à expliquer l'existence de jugements non annulatoires. Le Tribunal fédéral devient-il soudainement juge pénal lorsqu'il enjoint de nommer un nouvel avocat d'office au recourant conformément à la garantie de l'art. 4 Cst.3117 N'est-il plus juge constitutionnel mais juge civil quand il inscrit au dispositif l'incompétence d'un tribunal cantonal pour statuer sur une action civile dans le respect de l'art. 59 Cst.3127 Se transforme-t-il en législateur dès qu'il invite un parlement cantonal à prendre position sur une initiative populaire313 ou à édicter un texte concrétisant celle-ci314, comme l'exige la constitution cantonale? GIACOMETTI et AUER n'ont d'ailleurs pas essayé d'appliquer aux «exceptions» leur justification du pouvoir cassatoire. Tous deux ont utilisé une autre ligne d'argumentation, à savoir celle de la nécessité pour rétablir une situation conforme à la constitution31s. La perspective est toutefois complètement différente. L'annulation n'est plus le moyen unique à disposition du juge constitutionnel, mais un instrument parmi d'autres pour obtenir le rétablissement d'une situation conforme.

L'injonction ou le jugement constatatoire, voire le jugement formateur, sont dans cette optique - autant que la cassation - caractéristiques du rôle du juge constitutionnel et donc du recours de droit public. Prenons

ATF 108 la 165, 171 Progressive Organisationen Base/land.

ATF 25 I 64, 65 et 81 Kündig.

AUER 1992, p. 564; GIACOMETTI 1933, pp. 244 ss.

Environ 36% des recours admis publiés au recueil officiel.

Environ 10% des recours admis publiés au recueil officiel.

L'assimilation de la juridiction constitutionnelle à la cassation est, à mon avis, une approche trop réductrice.

C. Le caractère autonome du recours de droit public

AUER a également lié la «nature purement cassatoire» du recours de droit public au caractère autonome de cette procédure par rapport à celle qui a conduit à l'adoption de l'acte attaqué:

«Telle est à la fois la finalité et la fonction particulière de cette voie de droit extraordinaire que constitue Je recours de droit public: Je rétablissement d'une situation conforme à la constitution passe par et s'épuise dans la destruction de l'acte qui y porte atteinte. Doctrine et jurisprudence parlent à ce sujet de la nature cassatoire du recours de droit public[ ... ].»318

A UER part implicitement de l'idée que seul un moyen de droit poursuivant la procédure antérieure est susceptible de conduire à un autre jugement qu'à l'annulation del' acte entrepris.

Doctrine319 et jurisprudence320 considèrent que le recours de droit public ouvre une procédure nouvelle, indépendante de la procédure cantonale antérieure. Elles justifient cette caractéristique par la nature extraordinaire de ce moyen de droit. La doctrine de droit public distingue les recours ordinaires et extraordinaires en fonction de l'effet qu'exerce leur dépôt sur la force de chose jugée du jugement attaqué321: tandis que les recours ordinaires empêchent l'entrée en force de chose jugée de l'arrêt attaqué, les recours extraordinaires ont pour objet des jugements qui sont déjà entrés en force. A y regarder de plus près, cette définition 318

319 320 321

AUER 1989, n. I; AUER 1992, n. 6.

FORSTER 1996, n. 2.1; HALLER, in: Commentaire de la Constitution fédérale, art. 113, n. 117; KÂLIN 1994, p. 8; AUER 1983, n. 473; MARTI 1979, p. 37;

GIACOMETTI 1933, p. 205.

ATF 109 la 19, 26 Commune de Travers; 106 IV 144, 145 P.; 83 I 271, 272 Harder.

KôLZ & HÂNER 1993, n. 175; GADOLA 1991, pp. 107 s.; BEERLI 1985, p. 30;

GRISEL 1984, p. 884; GYGI 1983, pp. 229 s.; SALADIN 1979, p. 167;

AESCHLIMANN 1979, pp. 33 s.; KôLZ 1978, § 20 n. 4.

KÂLIN qualifie le recours de droit public d'extraordinaire aussi parce qu'il est subsidiaire aux autres recours fédéraux (KÂLIN 1994, p. 282). Cette définition ne me paraît pas pertinente. Elle fait du terme extraordinaire un synonyme de

«subsidiaire» sans qu'il en découle le moindre pouvoir descriptif supplémentaire.

On ne saurait d'ailleurs tirer de la subsidiarité absolue un effet quelconque sur la décision attaquée. Quant à la subsidiarité relative, c'est une règle qui s'applique tout autant à des recours qualifiés d'ordinaires, tels que le recours en réforme (art. 48 OJ) ou le recours de droit administratif (art. 98 et 98a OJ). Il est cependant possible que KÂLIN doive être compris dans un autre sens: Je recours de droit public est subsidiaire parce qu'il est extraordinaire (cf. ibidem, pp. 8 s.). On reviendrait alors à la définition classique.

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LA «NATURE CASSATO!RE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

est entachée de circularité322, car un jugement est réputé entré en force lorsqu'il ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire323.

L'art. 48 OJ prescrit dans le cadre du recours en réforme l'épuisement des recours cantonaux ordinaires. Le Tribunal fédéral avait défini en 1937 dans un arrêt de principe le recours ordinaire comme un moyen de droit à la fois suspensif et dévolutif324.

La notion d'effet suspensif n'est pas univoque. Le caractère suspensif d'un recours est déterminé selon certains auteurs par l'entrée en force de admise traditionnellement, car certains recours actuellement reconnus comme ordinaires n'empêchent en principe pas l'exécution de la décision attaquée. L'exemple type est le recours de droit administratif: à moins que la décision entreprise ne porte «condamnation à une prestation en argent»

ou que le président de la Cour saisie n'accorde l'effet suspensif, le dépôt de ce recours ne rend pas inexécutoire l'acte attaqué328. GYGI a bien essayé de détourner le problème en considérant que la décision entreprise par un recours de droit administratif n'est que «provisoirement exécutoire»329. Rien ne justifie toutefois la catégorie de l' exécutabilité provisoire, si ce n'est la volonté de considérer le recours de droit administratif comme ordinaire en dépit de l'absence d'effet suspensif.

Quand une décision cantonale est annulée pour vice de forme, on voit mal 322

Art. 111 OJ. Une réglementation plus ou moins similaire existe aussi dans quelques cantons (cf. KUHN 1981, p. 34). Pour des exemples en matière de juridiction civile, voir aussi POUDRET, COJ, art. 48, n. 1.3.2.

GYGI 1983, p. 229.

pourquoi elle aurait été «définitivement exécutoire» si le Tribunal fédéral a statué dans le cadre du recours de droit public et seulement

«provisoirement exécutoire» si la voie de droit est le recours de droit administratif. D'autant plus qu'il existe bien des cas où l'on ignore jusqu'à la notification du dispositif si le recours ouvert est le recours de droit public ou celui de droit administratif33o. Vu qu'une dénomination erronée du recours ne nuit pas33I, faut-il croire que l'acte attaqué à tort au travers du recours de droit administratif était «provisoirement exécutoire»

malgré que les juges fédéraux aient traité le recours comme fondé sur l'art. 84 OJ? Autrement dit, l'appellation erronée d'un recours modifie-t-elle la nature du recours en faisant soudainement du recours de droit public un moyen ordinaire ou du recours de droit administratif une voie extraordinaire? Si l'on veut éviter une telle «dénaturation», il ne reste qu'à considérer le jugement cantonal comme devenu «définitivement exécutoire» le jour de son annulation suite à l'admission du recours de droit public ... Un tel raisonnement, qui confine à l'absurde, montre l'impossibilité de fonder le caractère ordinaire du recours de droit administratif sur la base du critère de l'effet suspensif. La pratique actuelle n'accorde pas l'effet suspensif aux recours de droit administratif avec plus de générosité qu'aux recours de droit public. Il serait donc vain d'essayer de reconstruire tant bien que mal une règle générale qui rende équivalents recours ordinaire et recours à effet suspensif pour les voies de droit fédérales. Mieux vaut renoncer au critère de l'effet suspensif.

Le second critère développé par le Tribunal fédéral est celui du caractère dévolutif. Pour certains auteurs332, il fait référence à la position hiérarchique de l'autorité de recours: si celle-ci est supérieure à l'instance qui a rendu la décision, le recours est dévolutif; il est en revanche non dévolutif si l'autorité qui se prononce sur le moyen de droit est la même que celle qui a adopté l'acte attaqué. Vu sous cet angle, le recours de droit public est dévolutif, donc ordinaire. D'autres auteurs lient la dévolution aux compétences de l'instance de recours, sans s'accorder toutefois sur celles requises. Tantôt est exigé le contrôle aussi bien du droit que des faits333. Cette condition est remplie par le recours de droit public si l'on 330 KÀLIN 1994, p. 303.

331 KÀLIN 1994, pp. 285 s.; AUER 1983, n. 398.

332 KôLZ & HANER 1993, n. 177; TRIPPEL 1988, p. 97; BEERLI 1985, p. 31;

GADOLA 1993, p. 109; HENSLER 1980, p. 145; AESCHLIMANN 1979, p. 34;

KôLZ 1978, § 20 n. 7. Voir aussi la doctrine civiliste citée par SCHWEIZER ( 1985, p. 68) et PIGUET ( 1994, p. 98 note 379).

333 GIACOMETTI 1960, p. 481.

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LA «NATURE CASSATO!RE» DU RECOURS DE DROIT PUBLIC

considère suffisant un contrôle des faits sous l'angle de l'arbitraire; elle pose en revanche des problèmes pour des recours qualifiés habituellement d'ordinaires tels que le recours en réforme334. Tantôt est requis le pouvoir de substitution et non seulement celui d'annulation335. Une telle condition est inutilisable ici, car elle présuppose comme acquis l'élément précis qu'il faudrait démontrer, à savoir la nature cassatoire du recours de droit public. La doctrine civiliste récente a d'ailleurs abandonné cette exigence au motif qu'il n'est souvent pas possible de savoir à l'avance si le bien-fondé d'un moyen de droit aboutira à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée336. Tantôt, enfin, l'accent est mis sur le pouvoir d'examen: un recours est extraordinaire s'il est limité à l'arbitraire, et ordinaire si l'autorité peut examiner librement le grief invoqué337. Cette condition conduit à une relativisation de la distinction.

Un recours n'est plus nécessairement soit ordinaire, soit extraordinaire; il peut être l'un ou l'autre selon le grief invoqué. C'est précisément le cas du recours de droit public, puisque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est parfois libre, parfois réduit à l' arbitraire338. MOOR 339 est allé encore plus loin dans la relativisation. Il a montré que la notion de dévolution est, en matière de droit administratif, essentiellement descriptive. En fonction de différents facteurs qui tiennent tant aux compétences de l'instance de recours qu'à celles laissées à l'autorité intimée, un moyen de droit est plus ou moins dévolutif. Est-ce à dire qu'un recours est plus ou moins ordinaire? Il me paraît préférable de renoncer purement et simplement à cette terminologie dans le cadre du droit public34o, car, contrairement à la notion de dévolution, elle n'est pas apte à être utilisée de manière 334 En vertu de l'art. 63 al. 2 OJ le Tribunal fédéral ne peut en principe pas contrôler les faits constatés par la dernière instance cantonale. Si les faits ont été établis de manière arbitraire ou en violation du droit d'être entendu, c'est le recours de droit public seul qui est ouvert (KÂLIN 1994, p. 318).

335 B!RCHMEIER 1950, pp. 169 s. ATF 71II183, 1841185 Barbier; 78 II 184, 189 336

337 338 339 340

70

Dürsteler; 85 II 284, 285 Petitpierre. Voir aussi EGGENSCHWILER 1936, p. 13 note 1.

WURZBURGER 1964, p. 208; GIRARDET 1986, p. 86; POUDRET, COJ, art. 48 n. 1.3.2. La même constatation vaut pour le recours de droit administratif.

GIRARDET 1986, p. 86; POUDRET, COJ, art. 48 n. 1.3.2.; P!GUET 1994, p. 98 note 379. Voir aussi WURZBURGER 1964, pp. 207 S.

Cf. infra chapitre V, section 3.B et C, pp. 77 ss.

MOOR, Droit administratif, II, pp. 441 s.

La notion de recours ordinaire reste prescrite par la loi pour déterminer les jugements cantonaux qui ouvrent le recours en réforme (art. 48 OJ). La critique que je lui ai apportée n'empêche sans doute pas de lui trouver un sens cohérent, notamment en mettant l'accent sur le pouvoir d'examen des autorités cantonales dans le cas concret (cf. GIRARDET 1986, p. 86).

progressive. Le binôme «ordinaire - extraordinaire» a été conçu pour séparer deux catégories de recours et non pour décrire une palette de moyens de droit.

Vu l'impossibilité d'utiliser la distinction entre recours ordinaire et extraordinaire pour justifier le caractère autonome du recours de droit public, il faut chercher ailleurs.

Pour EGGENSCHWILER, le recours de droit public forme une procédure nouvelle parce que le recourant n'est pas obligé de soulever le grief de l'inconstitutionnalité devant les instances cantonales34I. Cette caractéristique ne correspond plus entièrement à la pratique actuelle, car, suivant le grief en cause ou les compétences de l'autorité cantonale, la

Pour EGGENSCHWILER, le recours de droit public forme une procédure nouvelle parce que le recourant n'est pas obligé de soulever le grief de l'inconstitutionnalité devant les instances cantonales34I. Cette caractéristique ne correspond plus entièrement à la pratique actuelle, car, suivant le grief en cause ou les compétences de l'autorité cantonale, la