• Aucun résultat trouvé

Soigner Thérapeutique de l’anorexie mentale à la Belle Epoque

Chapitre 5 Guérir de l’anorexie entre 1873 et

« Peut-être parce qu’elle touche à l’essentiel, la santé n’occupe pas dans les livres d’histoire la place qu’elle tient dans les préoccupations des gens », écrit l’historien de la médecine Jacques Léonard256. Cette remarque s’applique de manière pertinente à l’histoire de l’anorexie mentale : les historien.ne.s se sont surtout intéressés à ce qui caractérise le mal, mais peu à ce qui fait sa rémission. La définition d’une maladie est inhérente aux normes de la santé telles qu’elles sont spécifiées à un moment donné : celles-ci évoluent, révèlent les changements d’une culture, d’une société, et on comprend l’intérêt que représente l’étude des maladies en histoire. Cependant, il ne faut pas oublier que l’état de maladie est un état transitoire, une parenthèse entre deux états de santé. Historiciser une pathologie nécessite de se pencher, aussi, sur son éloignement : ce qui fait la guérison est aussi révélateur des valeurs sociales, culturelles et scientifiques d’une époque que ce qui provoque la maladie257.

La santé est une notion qui a une double dimension : à la fois organique -le fonctionnement optimal du corps biologique permettant sa survie- mais aussi sociale : le corps sain correspond à ce que la société attend qu’il soit258. L’anorexie mentale a la

particularité d’affecter à la fois le psychique et le physique, d’affaiblir le corps, mais aussi l’état mental. Ses critères de guérison sont donc complexes puisqu’ils doivent prendre en compte ces deux dimensions, l’une étant visible et l’autre non. Mohamed Samy Kamal soulève, en 1911, cette difficulté à définir les signes objectifs différenciant pathologique et rémission : « Nous ne connaissons aucun signe qui puisse nous permettre de reconnaîre une malade qui doit guérir de celle qui relève encore de la thérapeutique259. »

Face à cette apparence d’incertitude, il est nécessaire de dégager, parmi les publications médicales constituant notre corpus, les critères qui permettent aux médecins de déterminer l’état de guérison de l’anorexie entre 1873 et 1914 et d’en proposer une synthèse. Au-delà d’une simple liste, nous verrons que ces critères sont révélateurs des normes de la santé physique mais aussi psychique sur cette période. Parce que la plupart

256 LEONARD, Jacques, Archives du corps, Rennes : : Ouest France, 1986, p. 7.

257 Les réflexions sur l’état de santé et de maladie qui seront exposées dans ce chapitre ont été construites,

sauf si cela est indiqué, après la lecture de l’ouvrage philosophique CANGUILHEM, Georges, Le normal et le

pathologique, Paris : : Presses universitaires de France, 2013, 1 vol. (290 p.) p.) et de l’article METHOT, « Les concepts de santé et de maladie en histoire et en philosophie de la médecine », art. cit.)

258 RONGIERES, Leçons d’histoire et d’épistémologie médicales, op. cit., p. 97. 259 SAMY KAMAL, L’anorexie mentale, op. cit., p. 39‑41.

des malades sont de sexe féminin, les critères de guérison des patientes montrent, sinon l’idéal féminin, l’image de « la » femme « normale » dans la société de la Belle Epoque.

« Sa santé est excellente ; elle a de l’embonpoint » : La reprise de poids comme facteur premier de la guérison260

L’extrême maigreur est le marqueur initial de l’anorexie : la maladie se lit, dès le premier regard, à travers les traits décharnés du corps anorexique. La cachexie provoque l’affaiblissement de la malade, qui « peut à peine se soutenir », « tombe dans une sorte d’état cataleptoïde dès qu’on la remue », est incapable de marcher261. Les médecins

constatent les conséquences morbides de la consomption : pâleur, syncopes, ralentissement du pouls, anémie, souffle cardiaque sont autant de signes annonçant le danger d’une mort imminente262. Ramener la « force de résistance vitale263 » est donc la priorité des praticiens : la fin de l’état d’anorexie correspond en tout premier lieu à une conception organique de la santé. Les patient.e.s sont considérées comme guéri.e.s lorsqu’i.e.l.le.s ont retrouvé des fonctions physiques optimales. Les médecins considèrent que l’amélioration physique est permise grâce à la reprise d’un poids suffisant : « avec le retour de l’embonpoint reparaît l’appétit, reviennent les forces et s’améliore l’état psychique », nous dit Paul Sollier264. Guérir rime donc avant tout avec grossir pour ceux qui prennent en charge des cas d’anorexie mentale entre 1873 et 1914. La reprise d’un certain poids est le critère déterminant la sortie du milieu médical, et la pesée des patient.e.s apparaît comme un élément rythmant la convalescence dans la description qu’en donne Paul Sollier :

Les malades doivent être pesés régulièrement et, pour éviter toute fraude ou toute erreur venant du costume, il est bon de les peser en peignoir de douche au moment où elles vont en prendre […] Cette pesée, faite tous les cinq ou huit jours, tient les malades en haleine, et le médecin a un argument décisif à leur opposer quand elles prétendent qu’elles mangent trop et cherchent à diminuer leur quantité d’aliments : c’est leur poids, chiffre brutal contre lequel viennent se heurter tous les raisonnements265.

260 FERE, La pathologie des émotions: études physiologiques et cliniques, op. cit., p. 86.

261 SOLLIER, Paul, « Anorexie hystérique (sitiergie hystérique) Formes pathogéniques, traitement moral », Revue de Médecine, 1891, p. 637.

262 « l'amaigrissement devient rapide, la faiblesse excessive. Bientôt les parois abdominales se rétractent, et le

palper indique une diminution progressive de l'élasticité de ces parois, symptôme habituel des inanitions prolongées. La malade est pâle, sujette aux syncopes. L'auscultation fait entendre des souffles cardio- vasculaires, des névralgies surviennent. Quelquefois la faiblesse est telle que la malade est obligée de rester dans le décubitus. Alors le pouls se ralentit, la peau devient froide et gluante et la malade présente […] l'aspect d'une phthisique arrivée à la dernière période de la cachexie. » DENIAU, Lucien, De l’hystérie

gastrique, Paris : Octave Doin, 1883, p. 29‑30.

263 LASEGUE, De l’anorexie hystérique et Les exhibitionnistes, op. cit., p. 59. 264 SOLLIER, « L’anorexie mentale », art. cit., p. 367.

On trouve dans les publications médicales composant notre corpus de sources des relevés détaillés du poids des patient.e.s au cours de leur séjour en établissement spécialisé. Celui réalisé par Paul Sollier, ci-dessous, est particulièrement représentatif. Il concerne une patiente de dix-sept ans, Mlle X ., qu’il soigne en 1890266 :

Le 10 juin (à l’entrée), elle pesait. 58 livres.

15 - 61 livres 350 grammes. 19 - 63 livres.

22 - 64 livres.

1er juillet. 65 livres 430 grammes.

6 - 67 livres. 15- 71 livres. 29- 73 livres. 25 octobre (à la sortie). 89 livres.

En moins de quatre mois elle gagna donc 31 livres.

Un seuil à partir duquel la reprise de poids est jugée suffisante pour permettre la sortie des patient.e.s est établi. Il correspond généralement au poids d’avant l’anorexie : Paul Sollier affirme qu’« il faut, d’ailleurs, se baser sur la reprise de l’ancien embonpoint pour mettre un terme au traitement267. » De la même manière, Léon Bouveret considère,

pour affirmer la guérison d’une patiente, qu’ « il est désirable qu’elle ait reconquis le poids qu’elle avait avant le début de la période anorexique268 ». Cependant, aucun des textes

composant notre corpus ne font part du poids que faisaient les malades avant l’anorexie. La pratique de la pesée ne se normalise que sur la toute fin du XIXe siècle, d’abord dans le cadre de la visite médicale, et le pèse-personne ou « bascule d’appartement » entre dans le domicile privé au tout début du XXe siècle269. « L’ancien embonpoint » désigne donc la corpulence générale plutôt qu’une masse précise. La volonté d’un retour au poids d’avant la maladie montre néanmoins que les médecins n’attendent pas le retour à un indice de

266 SOLLIER, « Anorexie hystérique (sitiergie hystérique) Formes pathogéniques, traitement moral », art. cit.,

p. 634.

267 SOLLIER, « L’anorexie mentale », art. cit., p. 367.

268 BOUVERET, Traité des maladies de l’estomac, op. cit., p. 661.

269 VIGARELLO, Les métamorphoses du gras : histoire de l’obésité du Moyen Âge au XXe siècle, op. cit.,

masse corporelle arbitrairement déterminé, mais qu’ils se basent sur la norme de santé propre à chaque individu.

Il serait néanmoins approximatif de dire que la reprise de poids est le facteur totalement déterminant dans la conception de la guérison de l’anorexie. Si c’est l’indice privilégié par les médecins, certains d’entre eux prennent aussi en compte le rapport de leurs patient.e.s à la nourriture.

Quand est-elle définitivement guérie ? Quand peut-elle être, sans crainte de rechute, rendue à sa famille ? […] En général, la guérison ne peut être tenue pour solide que lorsque la patiente a repris depuis plusieurs semaines l’habitude d’une alimentation régulière270.

Charles Lasègue, dès 1873, évoque des patientes qui ne guérissent jamais totalement de leur anorexie mentale : « je connais des patientes qui depuis dix ans », nous dit-il, « n’ont pas récupéré l’aptitude à se nourrir comme tout le monde ; elles vivent, leur santé n’est pas profondément affectée, mais il s’en faut que cet amendement représente la guérison271. »

La guérison n’est donc pas seulement le retour à un poids assurant la survie. Lasègue pointe l’importance de l’attitude des malades par rapport à la nourriture. Tant que celle-ci n’est pas apaisée et même si elles paraissent en pleine santé, i.el.l.es ne peuvent être considéré.e.s comme totalement guéris. L’auteur comprend donc, dès sa première étude du trouble anorexique, l’importance du mental dans la survenue et donc dans la guérison de la pathologie. La volonté est un critère permettant aux médecins de qualifier une relation à la nourriture de normale : Lucien Deniau considère ainsi que « Le fond du traitement d’une anorexique mentale, le traitement rationnel et durable, est d’arriver à la faire vouloir manger272. » Paul Sollier fait de la volonté un critère majeur de guérison : : « Or, tant qu’une anorexique ne veut pas manger elle n’est pas guérie273 » Jules Déjerine et E.

Gauckler vont plus loin et donnent un caractère moral à la relation de leurs patient.e.s avec la nourriture, notant que « tant qu'ils auront envie de « tricher » sur leur alimentation ils ne seront pas guéris ». Par « tricher », ils entendent ne pas manger : « le triomphe pour eux ce n'est pas, en se trouvant en présence d'un plat de viande de réussir à prendre le plus petit morceau, mais bien d'arriver à choisir volontairement d'abord, spontanément ensuite, sinon le plus gros au moins un qui soit de dimensions raisonnables »274.

270 BOUVERET, Traité des maladies de l’estomac, op. cit., p. 661.

271 LASEGUE, De l’anorexie hystérique et Les exhibitionnistes, op. cit., p. 60‑61. 272 DENIAU, De l’hystérie gastrique, op. cit., p. 220‑221.

273 SOLLIER, L’hystérie et son traitement, op. cit., p. 268.

274 GAUCKLER,E.,DEJERINE,J., Les manifestations fonctionnelles des psychonévroses, leur traitement par la psychothérapie, op. cit., p. 461‑462.

Auguste Raimbault rencontre une patiente sept mois après la fin de sa médicalisation et peine à nommer son état qui, « sans qu’elle soit malade, […] n’est pas encore parfait ». Celle-ci a repris un poids suffisant pour sa taille et « accepte qu’on pèse ses aliments et mange toute la quantité prescrite », mais son comportement est encore marqué par les manifestations d’une anorexie sous-jacente : « on n’a jamais pu, depuis qu’elle est rentrée dans sa famille, la laisser se servir elle-même » sans que son poids diminue, et, si elle suit le régime qui lui est prescrit, elle n’accepte « pas un gramme de plus275. » Le poids est retrouvé, la santé n’est plus en danger, la patiente mange de nouveau en quantité suffisante, mais sa relation à la nourriture est toujours perturbée et Raimbault ne peut la qualifier de totalement guérie. La reprise de poids est donc un critère physique de guérison mais n’est pas le seul : les médecins comprennent que l’anorexie mentale ne peut être comprise sans une relation apaisée à la nourriture et que celle-ci est le critère permettant la durabilité de la rémission.

Le retour des règles : l’accomplissement de la « mission spéciale » des femmes

Parce que l’aménorrhée est l’un des principaux signes observés par les médecins dans le diagnostic de l’anorexie, le retour des règles fait partie des critères de guérison majeurs entre 1873 et 1914. Mohamed Samy Kamal voit d’ailleurs un lien de cause à effet entre la suspension du sang menstruel et celle de l’appétit : les deux seraient provoquées par « un défaut de sécrétion » du « corps jaune », cette partie de l’ovaire produisant la progestérone, dont la fluctuation provoque l’épaississement de la muqueuse utérine et sa destruction en l’absence d’ovulation276. Aujourd’hui, les médecins savent que, dans

l’anorexie, l’aménorrhée est une conséquence de l’amaigrissement puisque la perte d’un tiers des réserves de masse grasse perturbe la production hormonale. Jusqu’à très récemment, le retour des règles et de la santé étaient synonymes, mais cette conception est actuellement critiquée par la recherche médicale, car il arrive que les troubles hormonaux perdurent malgré la reprise pondérale, et l’impact de l’état psychologique dans l’anorexie a

275 RAIMBAULT, Le syndrome « anorexie mentale », étude sémiologique et prognostique, op. cit., p. 34. 276 SAMY KAMAL, L’anorexie mentale, op. cit., p. 23.

aussi une incidence sur l’aménorrhée277. Au XIXe siècle cependant, règles et rémission

vont de pair pour la grande majorité des médecins. « La guérison ne devrai être considérée comme définitive que […] lorsque les règles seront revenues », nous dit Bérillon ; « chez les femmes la réapparition des règles constitue un signe important de guérison » selon Gauckler et Déjerine278. Tant que le sang menstruel ne s’écoule pas de nouveau, et « quel que soit l'état général de l'anorexique, tant psychique que physique, on ne peut pas la considérer comme définitivement guérie », estime Georges Noguès279. Ce critère est si important qu’il est pris comme indice par Victor-Henri Hutinel lorsqu’il se demande comment savoir qu’une patiente est prête à sortir de la maison de santé : « leur réapparition est un bon signe pour donner l’exeat280 ».

Cependant, à part Mohamed Samy Kamal, aucun médecin dont les publications sont ici étudiées ne pense que la dénutrition peut modifier la production hormonale et entraver la régularité du cycle menstruel. Il faut dire que bien peu de praticiens sont à même d’expliquer clairement, au XIXe siècle, le fonctionnement du processus menstruel en

général. Les règles sont, à la Belle-Epoque, l’objet de croyances et de stéréotypes aussi infondés que contradictoires, dans l’imaginaire collectif et médical. Les femmes « indisposées » sont considérées comme impures, souillées d’un sang que les hommes ne sauraient voir, et doivent par conséquent être isolées jusque dans les années 1930. Les « périodes » sont un moment dangereux, durant lequel elles sont plus vulnérables aux crises d’hystérie et de nervosité, susceptibles d’attaquer leur fragile nature féminine. Mais, paradoxalement, l’absence de règles chez les femmes adultes est aussi considérée comme contre-nature. Encore marquée par l’influence de la vieille théorie des humeurs, la médecine de la Belle-Epoque considère que le sang menstruel est un liquide vicié, évacué et renouvelé une fois par mois. La disparition de cette saignée naturelle menace donc l’équilibre féminin : le sang impur risque d’intoxiquer le corps et l’esprit, d’entraîner des maladies et d’aggraver les tares psychologiques déjà présentes281.

277 CORCOS, Maurice, « D’un corps à l’autre: l’aménorrhée dans les troubles des conduites alimentaires », L’Esprit du temps, vol. 4, no 40, 2005, p. 137.

278 BERILLON, « L’anorexie des adolescents. Particularités mentales et traitement psychologique. », art. cit.,

p. 49 ; GAUCKLER,E.,DEJERINE,J., Les manifestations fonctionnelles des psychonévroses, leur traitement

par la psychothérapie, op. cit., p. 13.

279 NOGUES, L’anorexie mentale: ses rapports avec la psychophysiologie de la faim, op. cit., p. 203. 280 HUTINEL, « Anorexie Mentale », art. cit., p. 360.

281 LE NAOUR, Jean-Yves et VALENTI, Catherine, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la

En outre, l’aménorrhée empêche les femmes d’assurer leur « mission spéciale », celle de donner des enfants, d’assurer à la société son renouvellement. Celles qui ne peuvent accomplir cette fonction sont considérées comme malades, anormales. Au XIXe siècle, le mot « ménopause » désigne une véritable pathologie des femmes vieillissantes qui, ayant fini d’accomplir leur devoir maternel, doivent se retirer du monde282. Trop âgées

pour être des filles, trop maigres pour être des mères, les patientes en situation d’anorexie sont réduites, de la même manière, au statut de malade pour seule identité. En retrouvant leurs formes, en se mariant et en enfantant, les patientes retrouvent donc une place dans la norme féminine. Les médecins ne remettent alors pas en doute la guérison, et ce même si des comportements anorexiques sont toujours tangibles. Mme A., patiente de Georges Noguès, quitte la clinique dans laquelle elle était traitée un mois après la survenue de ses règles. Les docteurs la considèrent d’abord comme « presque sûrement guérie », mais l’incertitude du « presque » s’efface lorsqu’ils apprennent que « Mme A. a eu depuis 1909 deux enfants qui jouissent d’une bonne santé ». Même lorsque leur ancienne patiente manifeste toujours une certaine crainte à l’idée de prendre du poids, s’exclamant « Cela jamais, c’est suffisant ! » lorsqu’on lui demande si elle a grossi depuis sa sortie, les médecins ne doutent pas de sa guérison283. La maternité est une garantie de bon

fonctionnement infaillible à la Belle-Epoque… au moins pour la société, et donc, naturellement, pour celles qui en font partie.

L’absence de guérison

« Si fondées que soient les inquiétudes, je n’ai pas encore vu directement l’anorexie se terminer directement par la mort », écrit Charles Lasègue en 1873, tout en reconnaissant qu’il ne s’agit ici que de son expérience personnelle et qu’elle ne peut faire office de généralité284. Les médecins, entre 1873 et 1914, sont en effet formels à propos de la maladie : « on meurt d’anorexie hystérique », écrit Georges Gasne285. Devant ce risque

282 TILLIER, Annick, « Un âge critique. La ménopause sous le regard des médecins des XVIIIe et XIXe

siècles », Clio, no 21, 2005, p. 7.

283 NOGUES, L’anorexie mentale: ses rapports avec la psychophysiologie de la faim, op. cit., p. 172. 284 LASEGUE, De l’anorexie hystérique et Les exhibitionnistes, op. cit., p. 61.

285 GASNE, Georges, « Un cas d’anorexie hystérique », Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, vol. XIII,

mortel, ceux qui s’intéressent à la maladie mettent en garde l’ensemble de la profession sur les dangers de la méconnaissance de celle-ci. Edouard Brissaud et Alexandre Souques établissent un point de non-retour, quantifiable, à partir duquel la guérison n’est plus possible et la mort, inévitable :

Lorsque chez l'animal l'émaciation progressive dépasse les 6/10 du poids initial, la mort paraît immanquable. Il en est vraisemblablement de même chez l'homme. Quelque vive que soit alors l'idée de guérir et d'engraisser de nouveau, il est trop tard ; les limites sont dépassées. Et la mort s'ensuit inévitablement286.

Cette idée de seuil de gravité à ne pas dépasser se retrouve chez Mohamed Samy Kamal, avec des chiffres légèrement différents : pour celui-ci, la limite d’amaigrissement à ne pas dépasser correspond à la perte de la moitié du poids initial287. Il y a donc une urgence à soigner ce.ux.lles qui souffrent d’anorexie lorsque la maladie est diagnostiquée. La prise en charge des patient.e.s n’exclut en outre pas le risque mortel. Mohamed Samy Kamal est le premier, parmi les auteurs étudiés dans notre corpus, à procéder à une étude statistique de la fatalité de l’anorexie mentale288. Il recense les observations d’anorexie publiées par ses

contemporains en un tableau, ci-dessous, et note pour chacune si elle s’est terminée par la mort ou la guérison des patient.e.s :

286 BRISSAUD,SOUQUES, « “Délire de maigreur” chez une hystérique », art. cit., p. 337. 287 SAMY KAMAL, L’anorexie mentale, op. cit., p. 39‑41.

288 La biographie de cet auteur, dont la thèse est une des sources principales du corpus, se trouve dans l’index

Recensement des cas de décès et de guérison d’anorexie mentale chez plusieurs auteurs, par Mohamed