163
a. »
Cette équipe est basée au C.I.R.A.D de Montpellier. Elle est composée des acteurs qui ont
travaillé au sein du projet C.I.R.O.P., projet qui contribue aux réflexions théoriques autour de la
méthodologie R.A.P. Le chercheur C. est l’acteur principal de ce groupe puisqu’il tient les
principales responsabilités scientifiques du projet C.I.R.O.P. de par sa disponibilité et son
expérience récente de la Recherche-Action et de la Recherche Intervention. Voici son parcours
depuis ses premiers pas dans la Recherche Intervention, à son implication dans le projet R.A.P.
au Cameroun.
Le chercheur C. débute par une thèse à la faculté de sciences économiques de l’université de
Bourgogne. Le titre de sa thèse est : « La gestion en quête d’une théorie. Les pratiques de
trésorerie des agriculteurs » :
« […] mes premiers travaux ont été sur l’étude du fonctionnement de l’économie des exploitations agricoles à
travers un outil qui s’appelle la programmation linéaire (des outils très mathématiques). »
80(Chercheur
C.)
Mais ce chercheur ne s’est pas arrêté à cet aspect. Au cours de son travail, il décide de prendre ce
qu’il appelle une « posture anthropologique »
81pour comprendre la rationalité des agriculteurs et
identifier quelles étaient leurs pratiques et leurs besoins en matière de gestion de la trésorerie. Il
définit, entre autre, cette posture comme passer du temps avec les agriculteurs (collectivement ou
individuellement).
En cherchant des références bibliographiques sur l’anthropologie, le chercheur C. rencontre un
professeur en gestion des organisations à l’École des Mines. Au cours de leurs nombreuses
discussions, ce professeur oriente la posture anthropologique
82du chercheur C. vers les notions de
Recherche Intervention et la démarche clinique
83:
80 Entretien formel enregistré à Montpellier (France) en juin 2011. 81 Même source.
82 Même source. 83 Même source.
164
« […] dans le sens où il y avait une relation privilégiée qui s’établissait entre les chercheurs et les
agriculteurs. C’est un peu la relation qui s’établit entre patient et médecin. »
84(Chercheur C.)
De 1982 à 1987, le chercheur C. fréquente successivement des collègues de l’École des Mines
travaillant sur la Recherche Intervention et d’autres du Centre de Sociologie des Organisations, de
l’université de Lille et Aix en Provence travaillant sur le Recherche-Action.
En 2001, des agronomes du C.I.R.A.D proposent une A.T.P. pour comprendre l’adoption des
technologies. Le conseil scientifique du C.I.R.A.D ne trouve pas la proposition assez satisfaisante
et débloque des fonds pour que les chercheurs améliorent la proposition. Par conséquent, les
chercheurs mobilisent ces fonds pour organiser un séminaire de réflexion autour de la question,
séminaire dans lequel le chercheur C. est invité. Par la suite, un collègue du C.I.R.A.D. fait appel
au chercheur C. pour animer l’A.T.P., et la même année, ce chercheur est mis à disposition du
C.I.R.A.D. pour trois ans.
Par la suite, le chercheur C. décide de travailler avec les chercheurs G. et F., suivant les critères
d’idées partagées, de disponibilité et de volonté, pour formaliser l’A.T.P. C.I.R.O.P. telle que nous
la connaissons aujourd’hui.
En 2002, date à laquelle l’A.T.P. C.I.R.O.P. est présentée au comité scientifique du C.I.R.A.D, le
chercheur H. fait appel au chercheur C. pour participer à une réunion d’équipe. C’est à ce
moment là que le chercheur H. expose au chercheur C. son souhait de voir le Cameroun
constituer l’un des terrains de l’A.T.P. En même temps, le chercheur H. est en train de mener un
diagnostic sur les exploitations familiales agricoles dans le département de la Menoua au
Cameroun. La restitution de ce diagnostic s’est faite lors d’un séminaire au Cameroun, organisé
par le Pôle de Compétence en Partenariat (P.C.P.), une plateforme d’échange
franco-camerounaise. Le chercheur C. est invité à ce séminaire en 2004 pour présenter la démarche de
R.A., le projet R.E.P.A.R.A.C. étant également un des sujets abordés.
Le chercheur C. représente donc la cheville ouvrière du groupe, au regard de son implication dans
le projet R.A.P. Cameroun. Il a une vision globale du projet, une distance avec le Cameroun
nécessaire à la réflexion et détient les clés méthodologiques de la R.A. Il se rend une fois par an
dans les villages pour former les différents acteurs de terrain à la R.A.P. et participe à la
conception organisationnelle du projet.
84
165
Les autres chercheurs de l’équipe de recherche « théorique » participent aux réflexions autour de
la démarche de R.A.P., mais sont moins impliqués que l’équipe de recherche de terrain présente
sur place. Ceci s’explique par une présence moindre sur le terrain et se conclut par une moindre
réactivité face aux événements du terrain qui exige une prise de décision et une intervention
rapides.
Le chercheur C. représente l’équipe de recherche « théorique », puisque c’est, entre autre, cet
acteur qui s’engage au sein du projet à maintenir une réflexion autour de la méthodologie choisie
pour le projet. Il tiendra ce rôle jusqu’au désengagement effectif. Il faut relever qu’il est à la fois
mobilisé au Cameroun et au Burkina Faso. Ses courtes missions sur les deux terrains et un suivi à
distance des événements locaux à travers les rapports d’expériences des chercheurs de l’équipe de
terrain, font de lui un acteur du projet aux réflexions davantage théoriques que pratiques. Ses
priorités ne sont pas forcément les mêmes que celles des acteurs de terrain.
b.
L’équipe de recherche de terrain se constitue de trois acteurs principaux : le chercheur H.
appartenant au C.I.R.A.D à Montpellier, le chercheur V. de l’I.R.A.D. de Foumban (Cameroun),
et la chercheuse M. de l’université de Dschang (Cameroun).
Le chercheur H. obtient en 1977 une thèse d’hydrobiologie sur la gestion des cours d’eau
Cévenoles. Dans la continuité de cette thèse, il participe à la réalisation du plan de gestion
piscicole des cours d’eau du Parc National des Cévennes. Par la suite, il est associé aux premiers
enseignements sur la pisciculture mis en place par le Ministère de l’Agriculture. En 1987, il est
chargé par la Food and Agriculture Organization (F.A.O.) d’organiser la formation supérieure des
ingénieurs halieutes malgaches. Durant cette période, il crée avec deux associés un bureau d’étude
pour accompagner le développement local de la pisciculture. Ce bureau d’étude qui associe des
pisciculteurs sera à l’origine de la mise en place d’un système d’élevage innovant en cages
flottantes dans un barrage hydroélectrique géré par Électricité de France (E.D.F.) dans le cadre
d’une concertation élargie avec les collectivités territoriales, les autorités administratives et des
associations de protection de l’environnement.
166
Le chercheur H. est embauché au C.I.R.A.D. en 1992 pour prendre en charge la troisième phase
du Projet de Développement de l’Aquaculture au Niger. Cette phase avait pour principaux
objectifs de transférer les compétences du projet en matière de production à une O.N.G., de
mettre en place des recherches d’accompagnement au sein de l’Institution Nationale de la
Recherche Agronomique du Niger. D’après ce chercheur, le projet de développement était « mal
conçu », c’est pour cette raison qu’il commence à s’intéresser aux diagnostics de projets effectués
par les anthropologues du développement comme Jean-Pierre Olivier de Sardan. Le chercheur H.
reste au Niger jusqu’en 2000 en menant des travaux de recherche développement participatifs,
portant sur la cogestion des plans d’eau à vocation piscicole.
Par la suite, il coordonne l’Action Thématique Programmée du C.I.R.A.D. intitulée Adoption des
Systèmes Piscicoles Comparés (A.S.P.I.C.) présentée et obtenue par l’Unité de Recherche
Aquaculture. Cette A.T.P. associe aux aquaculteurs un anthropologue de l’I.N.R.A. et des
économistes du C.I.R.A.D. et de l’Université de Reading (Grande-Bretagne). Dans cette
dynamique, il obtient aussi un Diplôme d’Études Approfondies à l’Institut National d’Agronomie
Paris-Grignon (I.N.A.-P.G.) intitulé Environnement, Milieux, Techniques et Sociétés (E.M.T.S.).
C’est au Brésil qu’il va effectuer le terrain de son mémoire de D.E.A. Sur place, il participe à
l’encadrement d’une thèse d’un chercheur Brésilien qui analyse l’impact des politiques publiques
sur le développement de la pisciculture. En cherchant des références bibliographiques sur ce
travail, son attention se porte sur les écrits du chercheur C. qu’il convie à une réunion de travail
autour de cette thèse et de l’A.T.P. A.S.P.I.C.
Le chercheur H. avait pour motivation de développer la pisciculture en Afrique. Il décide de
rechercher un pays où la pisciculture serait propice à se développer. Avec un collègue de
C.I.R.A.D, ils se départagent la tâche de partir en mission exploratoire dans plusieurs pays
d’Afrique afin de trouver celui qui serait le plus apte à se développer au niveau piscicole. Il
constate que le pays adéquat était le Nigéria, mais lors de cette mission exploratoire, il déplore
que le pays soit trop difficile
85. Peu après, le chercheur H. est sollicité par les coordinateurs du
projet R.E.P.A.R.A.C. porté par l’équipe du C.I.R.A.D. des cultures pérennes (cacao etc.) au
Cameroun. Ce projet comporte également un volet sur la diversification, c’est alors pour lui
l’occasion de défendre la pisciculture comme une activité appartenant à ce volet, de participer à la
conception du projet et par la suite, de trouver des financements pour travailler au Cameroun. Le
contenu du projet sera révisé de manière approfondie dans le cadre de la mise en place d’un Pôle
85
167
de Compétence en Partenariat (P.C.P.), nouveau mode de coopération proposé par le C.I.R.A.D.
à ses partenaires nationaux.
La première mission exploratoire au Cameroun en 2003 du chercheur H. est organisée
conjointement avec le chercheur V. qui avait fait sa thèse de doctorat avec l’appui de l’U.R.
Aquaculture du C.I.R.A.D. Le chercheur V. lui fait visiter la région Ouest, la station de Recherche
de Foumban (I.R.A.D.), et lui présente la chercheuse M. fraichement chargée d’enseignement à
l’université de Dschang. Ils participent également à différents ateliers de travail portant sur la mise
en place du P.C.P. et la conception des thématiques de recherche. Ces deux nouvelles rencontres
seront fructueuses puisque ces trois acteurs seront par la suite les acteurs principaux de l’équipe
de recherche de terrain.
Un an plus tard, inscrit dans la dynamique du P.C.P. du Grand Sud Cameroun (P.C.P.-G.S.C.),
ces trois chercheurs bénéficient d’une Opération de Recherche Participative (O.R.P.) pour mener
un diagnostic sur l’insertion de la pisciculture dans les agro-systèmes de la zone de la Menoua
(Ouest-Cameroun).
Par la suite, l’A.T.P. C.I.R.O.P. cofinancera l’étude anthropologique effectuée sur
l’arrondissement de Santchou où les pratiques piscicoles sont empreintes de pratiques
traditionnelles. Les restitutions du diagnostic aux producteurs enquêtés se déroulent dans trois
arrondissements (Foréké, Santchou et Fokoué), et le choix des deux arrondissements sur lesquels
le projet R.A.P. a pris corps, s’est déroulé de la manière suivante :
« Suite à ces restitutions on leur [les producteurs] a dit « maintenant vous vous organisez en G.I.C. ».
On peut dire de toute façon que le délégué de Fokoué/Penka-Michel était déjà organisé. Ensuite, c’est la
venue de l’étudiante en anthropologie qui a permis la formation du G.I.C. P.E.P.I.S.A. parce qu’ils
attendaient. Ils avaient commencé, mais ils ne voyaient rien venir, donc ils ont laissé tomber. Par contre, à
Foréké ils n’ont pas réussi à s’entendre, il a manqué un leader, donc on n’a pas travaillé avec Foréké. »
86(Chercheur H.)
Le deuxième acteur important appartenant à l’équipe de recherche de terrain est le
chercheur V. de l’I.R.A.D. Il a réalisé en 1994 une thèse de doctorat dans le domaine des
sciences halieutiques à l’École Nationale Supérieure Agronomique (E.N.S.A.) de Rennes intitulée
« L'alimentation du Tilapia Oreochromis niloticus en étang : évaluation du potentiel de quelques sous-produits de
l'industrie agro-alimentaire et modalités d'apport des aliments ». Le travail d’analyse a été conduit avec
168
l’appui du Laboratoire de Nutrition des Poissons, à I.N.R.A. de Saint-Pée-sur-Nivelle. Les
expérimentations se sont déroulées dans les étangs de Koupa de la Station de Recherches de
l’I.R.A.D. à Foumban.
Face au désengagement de l’État camerounais dans l’agriculture, il souhaite apporter sa pierre à
l’édifice en mettant ses compétences scientifiques directement au service des producteurs. Son
objectif principal est de contribuer à améliorer et développer la production piscicole pour qu’elle
ait un réel impact positif sur la société. Cet objectif l’a motivé à répondre positivement à la
demande du chercheur H. et à initier une collaboration avec l’équipe Aquaculture du C.I.R.A.D.
en travaillant sur le projet R.A.P. Cameroun :
« Je me suis rendu compte que les apports scientifiques que je me mettais à produire allaient rester dans les
tiroirs s’il n’y avait pas d’autre stratégie à mettre en œuvre. Sinon, j’ai le sentiment de rester au niveau
universitaire. »
87(Chercheur V.)
La chercheuse M. est la troisième personne à se greffer dans l’équipe de recherche de
terrain. Elle a connu le chercheur V. à l’université de Dschang où chacun enseigne la pisciculture.
En 1999, elle soutient sa thèse en Russie dans la ville d’Astrakhan, réputée pour ses pratiques de
pêche. Tout comme le chercheur V. elle avait pour fonction principale dans le groupe d’encadrer
les mémoires des étudiants pour qu’ils correspondent aux exigences de l’université de Dschang.
La motivation de ces trois acteurs à travailler dans le projet était principalement celle de
développer la pisciculture au Cameroun, tout cela dans le but d’améliorer le niveau de vie
des paysans. Par la suite, un autre acteur est coopté, il s’agit du professeur T. (chercheur en
production animale) de l’université de Dschang. Son rôle était également d’encadrer les étudiants,
notamment dans le cadre du master Biotechnologies et Productions Animales, option
Pisciculture, de l’université. Il devient alors un partenaire important du projet.
Le reste du groupe se compose des étudiants et des professeurs qui les encadrent. Ces acteurs
Dans le document
Engagement de la recherche agronomique dans l'action. Le cas d'une Recherche-Action en Partenariat au Cameroun
(Page 163-169)