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Tous les acteurs rencontrés sur le terrain portent le poids de leurs institutions et des directives relatives à ces dernières. Le poids institutionnel est difficile à mesurer tant il est à la fois muet et

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abstrait au niveau de l’échelle étudiée dans cette thèse. Cette relation qu’entretient l’acteur avec

son institution est en même temps primordiale et « secondaire ». Primordiale au regard de la

façon dont cet acteur est perçu grâce à l’institution à laquelle il appartient et, « secondaire » dans

le sens où chaque acteur agit suivant ses propres motivations, quelle que soit l’institution à

laquelle il appartient. Il semble que dans l’étude qui nous intéresse, l’influence de l’institution à

laquelle appartient l’acteur est plus importante au niveau du « moi » que du « je ».

Les trois acteurs principaux que l’on peut mettre au même niveau décisionnel dans le projet sont

le chercheur C. de l’équipe « théorique », le chercheur H. de l’équipe de terrain et le chercheur N.

de l’administration et de l’État. Le chercheur V. est également très important au sein du projet

mais est moins visible et sollicité par les producteurs, les étudiants et tout individu interagissant

avec l’équipe. Finalement, sans la rencontre et la mise en place d’un partenariat entre les trois

acteurs principaux nommés ci-dessus, le projet R.A.P. ne serait pas effectif. Les institutions

auxquelles ils appartiennent leur fixent essentiellement un budget et un temps à ne pas dépasser

pour le projet, ceci se résume donc à des moyens matériels. Mais pour tout ce qui attrait au

domaine de l’éthique, de la méthode de travail, de l’orientation scientifique du projet, finalement,

les trois acteurs ont disposé d’une marge de manœuvre assez grande pour développer et mettre

leurs compétences personnelles au service du projet.

La longue expérience scientifique du chercheur C. l’a emmené peu à peu vers la

Recherche-Action. Cette approche scientifique est devenue sa « spécialité », avec comme principale

motivation, celle de produire des connaissances et des apprentissages chez les acteurs avec

lesquels il travaille. Alors qu’initialement, les premières propositions d’A.T.P. (2002) pour le

C.I.R.A.D. s’orientaient sous un angle diffusionniste

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, le chercheur C., également chercheur à

l’I.N.R.A., réussit à faire entendre sa démarche de recherche lors d’un séminaire prévu pour

améliorer la proposition d’A.T.P. pour le C.I.R.A.D. L’orientation scientifique de cette A.T.P. a

donc pris un tout autre tournant grâce à l’intervention de ce chercheur et à sa capacité à mobiliser

d’autres chercheurs. L’association des trois chercheurs principaux de cette équipe de recherche

« théorique », encore une fois, n’a pas été imposée par l’institution :

95 Le modèle diffusionniste étant précisément celui qui est critiqué par ceux soutenant la démarche de Recherche-Action.

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« Au sein de [l’A.T.P. C.I.R.O.P.] je me suis appuyé sur les chercheurs G. et F. pour formaliser les

choses. C’était ceux qui avaient les idées les plus proches de celles que j’avais, ceux qui étaient le plus

volontaires - dans le sens où ils voulaient travailler - et ils étaient les plus disponibles, à chaque fois que

j’envoyais quelque chose, ils réagissaient dans les dix minutes qui suivaient. »

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(Chercheur C.)

Mais aussi vite que cette équipe s’est formée, elle a éclaté pour des raisons personnelles pour l’un

des deux chercheurs, pour l’autre à cause d’une trop grande surcharge de travail et d’un

éloignement géographique trop important. Cette surcharge de travail se traduit souvent au

C.I.R.A.D. par la difficulté de certains chercheurs à se focaliser sur un seul projet. Les tâches d’un

chercheur, au C.I.R.A.D. et ailleurs, sont diverses : participer à la vie de l’équipe, monter et diriger

des projets, produire des publications, rendre des comptes à l’institution, gérer les aspects

administratifs de la recherche et pour les chercheurs faisant du terrain, organiser et suivre des

séminaires, organiser les départs en mission etc. Les difficultés sont d’autant plus grandes

lorsqu’un chercheur travaille sur plusieurs projets à la fois.

Finalement, le chercheur C. devient le principal décideur de l’équipe de recherche « théorique ».

Pour tester et valider la démarche de R.A.P., il s’associe au chercheur H. D’un côté, le terrain

Cameroun était trouvé pour tester la démarche de R.A.P. développée par l’A.T.P. C.I.R.O.P., et

de l’autre, le chercheur H. a trouvé un appui théorique au projet de développement sur lequel il

travaille au Cameroun. L’objectif principal du chercheur H. de développer la pisciculture au

Cameroun a été possible à la fois par l’élaboration d’un partenariat avec le chercheur C. pour ce

qui est du volet théorique, mais aussi en répondant à l’appel à projet lancé par le coordinateur du

R.E.P.A.R.A.C. (le chercheur N.), pour ce qui est du terrain et du financement :

« Pour moi, l’idée c’était que l’A.T.P. C.I.R.O.P. travaille sur la partie dispositifs de la R.A.P., et que le

F.S.P. R.E.P.A.R.A.C. permette de travailler sur la co-construction. L’idée c’était que les deux

financements arrivent ensemble, que l’A.T.P. C.I.R.O.P. soit la partie R.A.P. proprement dite, et que la

partie R.E.P.A.R.A.C. finance le travail d’expérimentation de manière à co-construire la pisciculture. »

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(Chercheur H.)

En même temps, le chercheur H. a su s’entourer d’acteurs locaux lui permettant une meilleure

insertion et un appui technique et scientifique sur le terrain.

96 Entretien formel enregistré à Montpellier (France) en juin 2011. 97 Entretien formel enregistré à Montpellier (France) en janvier 2011.

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Des différences de perceptions évidentes et primordiales sont à retenir, en particulier

entre l’équipe des chercheurs et celles des producteurs. La seule venue du projet dans les

arrondissements de Santchou et de Fokoué/Penka-Michel a suffi aux producteurs pour prendre

la décision d’y participer, malgré la condition posée par les chercheurs, celle de former des

groupes pour bénéficier du projet :

« Les chercheurs sont venus nous faire savoir qu’il fallait qu’on forme un groupe de pisciculteurs pour qu’on

nous indique comment conduire des gros poissons.C’est en arrivant à Fokoué un jour de marché qu’on m’a

fait savoir qu’un blanc est venu et qu’il voulait rencontrer les producteurs de poisson. On s’est retrouvé ici, à

un carrefour. Ils ont dit que si quelqu’un veut être un vrai pisciculteur, il ne suffit pas de faire un petit trou

et de mettre les poissons, et qu’avec un étang de 400 m2, on peut gagner facilement sa vie. »

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(Producteur

F.)

« On a signé la convention avec les chercheurs parce qu’on en avait besoin. On voulait faire grandir l’activité.

On était content de voir des gens venir pour nous apporter un support pour faire grandir cela. »

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(Producteur S.)

« Les chercheurs sont venus et ont fait appel à tous les pisciculteurs et nous étions les premiers à répondre à

cet appel. Donc on est venu et ils nous ont bien sensibilisés sur ce qu’ils voulaient qu’on fasse. On nous a dit

que pour que les choses aillent, il fallait créer directement un G.I.C. de pisciculteurs. On était d’accord sur

l’idée puisqu’on a compris qu’avec eux on devrait avoir beaucoup d’idées et qu’on pourrait obtenir beaucoup

de résultats dans l’exploitation, c’est pour ça qu’on a été d’accord. »

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(Producteur T.)

Au premier abord, il est important de souligner que lorsqu’une équipe de chercheurs (dont l’un

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