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I Les Calédonides de Norvège

II.3. a Les granulites

Dans les zones épargnées par la déformation, les granulites présentent une texture métamorphique de type granoblastique équante avec des jonctions triples à 120° entre les différents minéraux. L’assemblage granulitique varie en fonction de la nature du protolithe. Les protolithes plus felsiques de type anorthosite ne permettent la cristallisation que d’un seul pyroxène, du clinopyroxène de type diopside, alors que les protolithes plus mafiques de type gabbro permettent la formation de diopside et d’un orthopyroxène de type hypersthène. De plus les plagioclases des roches gabbroïques sont souvent perthitiques.

L’assemblage granulitique (Austrheim & Griffin, 1985 ; Austrheim, 1990 ; Boundy et al., 1992) est composé de:

Plagioclase (An35-60) + Diopside Al-riche (à exsolution d’ hypersthène et spinelle)+ Oxydes de Fe et Ti (ilménite, magnétite) + Grenat (non zoné, Prp35Alm45Grs20 méta-gabbro - Prp53Alm29Grs19 méta-anorthosite) ± Hypersthène

± Scapolite ± Hornblende ± Spinelle.

Cet assemblage reflète un protolithe de type magmatique, riche en olivine et plagioclase (Griffin, 1972). L’étude des coronites a permis d’accéder à la composition des protolithes et de définir les réactions de granulitisation (Griffin, 1972 ; Griffin & Heier, 1973 ; Cohen et al., 1988). Les coronites ont des structures annulaires résultant de réactions incomplètes s’étant produites lors d’un refroidissement entre minéraux adjacents (Figure II-4f). Le cœur des coronites est formé d’olivine et plagioclases (minéraux ignés). Ces minéraux ont réagi pour former une première couronne à Cpx I, Opx I et spinelle. Les minéraux de cette première couronne ont eux-mêmes réagi pour former une deuxième couronne à Cpx II, Opx II, Grt. Les Cpx I sont plus alumineux que les Cpx II. Les coronites préservent divers stades de ces réactions, la succession complète est rarement observée.

II.3.b Les éclogites

De même que pour l’assemblage granulitique, l’assemblage éclogitique présent au sein des échantillons observés est fonction de la nature du protolithe. Les protolithes plutôt anorthositiques produisant des éclogites riches en épidote, paragonite, disthène en plus des grenats et de l’omphacite, ils ne forment généralement que peu de quartz. Les protolithes plutôt gabbroïques donnent des éclogites dont la composition minéralogique est dominée par les grenats et l’omphacite. Quand le protolithe contenait des feldspaths potassiques (principalement antiperthite dans les plagioclases), beaucoup de phengites ont cristallisé (Austrheim, 1990).

L’assemblage éclogitique (Austrheim & Griffin, 1985 ; Austrheim, 1990 ; Erambert & Austrheim, 1993 ; Boundy et al., 1992) est composé de :

Omphacite (Jd40 méta-gabbro - Jd50 méta-anorthosite) + Grenat (Prp26Alm48Grs26

méta-gabbro - Prp38Alm40Grs21 méta-anorthosite) + Disthène +

Clinozoïsite/Zoïsite ± Phengite ± Amphibole ± Quartz ± Plagioclase ± Paragonite ± Carbonates.

Premier stade d’éclogitisation : altération partielle des granulites

Dans les granulites les plus fraîches, les seules traces de réaction se situent entre les grains de plagioclase où des aiguilles de minéraux éclogitiques apparaissent. Localement des couronnes de minéraux néoformés apparaissent autour des spinelles. Les premières réactions d’éclogitisation peuvent être résumées par les réactions suivantes (Kühn, 2002) :

(1) Spl/Crn + Pl = Grt + Omp + Ky

(2) Pl + H2O = F(Na-K) + Grt + Czo + Ky + Ab

(3) Spl/Crn + Pl + H2O = Amp + Omp + Ky

(4) Pl + H2O = Czo + Ph + Ab

Le type d’assemblage (à phengite ou à feldspath sodi-potassique) qui sera présent est contrôlé par la quantité d’eau (H2O) présente dans le système au moment de l’éclogitisation (Kühn,

2002). Plus il y a d’eau disponible, plus les micas sont stables aux conditions de pression de l’éclogitisation (réaction 4). Si le système est déficitaire en eau, c’est du feldspath sodi-

potassique qui cristallise (réaction 2). Comme tous les types d’assemblages sont observés, la quantité d’eau disponible lors de l’éclogitisation variait localement ou alors la composition du fluide éclogitisant a varié au cours du temps (déshydratation du fluide ; Kühn, 2002).

Deuxième stade d’éclogitisation, formation des zones de cisaillement

La description de ce stade est basée sur les observations d’Austrheim & Griffin (1985), Mattey et al. (1994) et Kühn (2002).

Les premiers signes d’altération éclogitique à proximité des zones de cisaillement sont perçues par la décoloration des plagioclases de couleur lilas. Les diopsides perdent graduellement leur pigmentation dans les surcroissances et expulsent des aiguilles de rutile. Dans le même temps, le taux de jadéite (Na) du diopside augmente, en accord avec une augmentation de pression. Dans un stade d’éclogitisation plus avancé, les surcroissances ont un taux en jadéite encore plus élevé, et de nouveaux cristaux de clinopyroxène de type omphacite sont formés. Cette étape est également associée à la formation d’aiguilles d’épidote en exsolution dans les diopsides et à la formation de grenats secondaires. Les grenats secondaires (éclogitiques) apparaissent sous forme de néoblastes à l’intérieur des plagioclases. Ils se présentent sous forme de couronne autour des oxydes et des plagioclases ou bien en excroissance autour des grenats granulitiques. Les grenats éclogitiques sont souvent poecilitiques, et contiennent des inclusions de minéraux typiquement éclogitiques tels que l’omphacite, l’épidote et le quartz. Le passage entre le cœur granulitique et la bordure éclogitique est abrupt (forte augmentation en Fe et Mn et diminution en Mg). Cette observation implique que les grenats granulitiques ne participent pas dans la majorité des cas, aux réactions formant la paragénèse éclogitique. La préservation des cœurs granulitiques ainsi que l’apparition de grenat secondaire exclusivement localisée le long de fractures internes et en bordure de grains, montrent que la diffusion volumique (dépendante de la température) n’a pas été effective dans les conditions éclogitiques, et que la recristallisation est contrôlée par la déformation et l’infiltration de fluides (Erambert & Austrheim, 1993).

Durant la phase de recristallisation, les plagioclases deviennent brumeux en raison de la formation d’aiguilles de disthène, épidote et phengite ou feldspath sodi-potassique à l’intérieur de leur réseau. La zone du cristal de plagioclase non envahie par ces inclusions possède une composition qui se rapproche du pôle albite au fur et à mesure de la progression de ce processus.

Les oxydes (ilménite et magnétite) sont remplacés par du rutile associé à du grenat secondaire et de l’omphacite.

Troisième stade d’éclogitisation : au cœur des zones de cisaillement

Dans la partie centrale des zones de cisaillement, la paragénèse granulitique subsiste sous la forme de porphyroclastes, principalement des grenats. Les grenats forment des blocs rigides autour desquels la nouvelle foliation éclogitique vient se mouler. Ces grenats ont subi une forte déformation cassante et les fentes de tension sont remplies localement par de l’omphacite, de l’amphibole bleu-vert, et de la phengite. Du quartz et des phengites se forment de façon typique dans les ombres de pression des grenats. Plus rarement des yeux de diopside primaire sont retrouvés et entourés d’omphacite polygonale et d’amphibole. En s’éloignant des reliques de diopside, l’omphacite présente une forme nettement plus orientée dans la foliation et son taux de jadéite augmente (Austrheim & Griffin, 1985). Les zones à plagioclase sont maintenant remplacées par l’assemblage disthène + omphacite + phengite + epidote ± quartz qui définit la nouvelle foliation éclogitique.

Les minéraux éclogitiques ne présentent généralement pas de zonation (Boundy et al., 1992).