• Aucun résultat trouvé

échantillon i on peut écrire :

III.3. c Interprétation géochimique des excès d’argon

L’argon étant un gaz inerte présent à l‘état de trace dans les objets géologiques, il est donc intéressant en première approximation, de discuter de sa distribution entre les phases en terme de solubilité (Kelley, 2002).

La solubilité de l’argon dans les fluides

La concentration de l’argon dans les eaux de surface est contrôlée par l’équilibre entre ces eaux et l’atmosphère. En profondeur, les fluides sont autant, voire plus concentrés en argon (e.g. Kelley et al., 1986 ; Turner & Bannon, 1992 ; Kendrick et al., 2001a,b). La solubilité de l’argon peut s’exprimer en ppm d’argon dans une phase à l’équilibre avec une pression de 1 bar d’argon. La solubilité de l’argon dans l’eau est fonction de la température (Figure I-21 ; Weiss, 1970 ; Crovetto et al., 1982), mais il ne s’agit pas d’une relation linéaire. Il existe une température critique en dessous et au dessus de laquelle la solubilité de l’argon dans l’eau augmente. De plus la solubilité de l’argon diminue avec la salinité de l’eau (concentration en NaCl ; Figure I-21 ; Smith & Kennedy, 1983). En profondeur, les fluides sont de plus en plus enrichis en 40Ar, enrichissement dû à l’incorporation de l’Ar* produit par le K contenu dans les roches.

Figure I-21: Variation de la solubilité de l’argon dans l’eau en équilibre avec une pression de 1 bar d’argon (en ppm) en fonction de la température et de la salinité. Données pour l’eau pure de Crovetto et al. (1982), pour l’eau salée de Smith & Kennedy (1983).

La solubilité de l’argon dans les minéraux

La solubilité de l’argon dans les minéraux hydratés n’est pas connue. Les expériences qui ont tenté de la mesurer ont été confrontées à de nombreux artefacts : absorption de l’argon en surface des grains ou dans les cracks, ou problèmes spécifiques aux expériences hydrothermales (Harrison & McDougall, 1981 ; Onstott et al., 1991 ; Roselieb et al., 1999 ). Elle a été mesurée pour certains silicates (Roselieb et al., 1999 ; Brooker et al., 1998 ; Watson & Cherniak, 2003) et est beaucoup plus faible que dans les fluides (Figure I-22). Cependant elle doit être fortement contrôlée par la composition chimique comme c’est le cas de la diffusion (Dahl, 1996), car la composition chimique contrôle la porosité ionique. Plus un minéral aura une porosité ionique grande, plus il aura la capacité d’incorporer de l’argon radiogénique en excès. Ce principe revient à raisonner en terme de coefficient de partage entre les différentes phases. Dans un système roche, si de l’argon en excès est introduit, l’excès d’argon sera réparti entre les différentes phases du système en fonction du coefficient de partage de l’argon entre les différentes phases. Ainsi, par exemple, dans une roche contenant des biotites et des muscovites, l’excès d’argon sera localisé préférentiellement dans les biotites qui ont une porosité ionique plus grande (Dahl, 1996). Sherlock & Kelley (2002) ont estimé de façon qualitative la solubilité relative de l’argon dans les différentes phases composant un schiste bleu. D’après leurs observations, ils proposent la séquence suivante : solubilité dans la phengite > solubilité dans le quartz > solubilité dans le glaucophane > solubilité dans le grenat. Cette séquence permet de prévoir quelle phase minérale va concentrer majoritairement les excès d’argon.

Fluides aqueux Liquides silicatés silicates Leucite HT Leucite BT 1000 100 10 1 0.1 0.01 0.001 0.0001 0.00001 So lub ilité d e l’argon en p pm ba r -1

Figure I-22: solubilité de l’argon dans les fluides aqueux, les liquides silicatés et les minéraux silicatés. Le champ des fluides aqueux regroupe les valeurs de solubilité à HT et BT et pour des salinités variables (Crovetto et al, 1982; Smith & Kennedy, 1983). La solubilité de l’argon dans la leucite est donnée à part car elle présente une très forte solubilité pour l’argon en raison de sa structure particulière (Wartho & Kelley, non publié). Le champ « silicates » regroupe des valeurs de solubilité obtenues pour des plagioclases (Wartho & Kelley, non publié), des feldspaths potassiques (Wartho et al., 1999); des fluorophlogopites (Roselieb et al., 1999); des olivines et

clinopyroxènes (Brooker et al., 1998); du quartz (Watson & Cherniak., 2003).

Le rôle des fluides

Il semble donc, étant donné la plus forte solubilité de l’argon dans les fluides aqueux que dans les minéraux, que la présence ou non d’une phase fluide dans un système va être critique vis à vis du mécanisme de rajeunissement des âges argon, et de l’incorporation d’excès d’argon. Par exemple, la circulation de fluide lors d’un événement métamorphique va être favorable à l’expulsion de l’argon radiogénique accumulé dans les phases du protolithe, et donc au rajeunissement du système argon. Ainsi une phase fluide représente un bon réservoir infini pour le système argon suivant la théorie de Dodson (1973). Cependant, dans le cas de shear zone par exemple, où des fluides provenant d’un socle très ancien circulent, ces fluides seront chargés en 40Ar* qui pourra éventuellement être incorporé dans les minéraux (Allen & Stubbs, 1982 ; Cumbest et al., 1994 ; Boundy et al., 1997a). Le coefficient de partage de l’argon dans le fluide varie avec la température et la salinité. Mais ce n’est pas le cas dans les minéraux où celui-ci est contrôlé par la composition chimique. Par conséquent le coefficient de partage entre minéraux et fluide varie en fonction de la température et de la salinité. Dans la plupart des cas, si le coefficient de partage est beaucoup plus favorable au fluide, les minéraux n’incorporeront qu’une faible quantité d’excès d’argon dont l’effet sera négligeable (Kelley, 2002), et qui sera surtout localisé dans des inclusions fluides.

Comportement en système fermé

Dans le cas d’un système pauvre en fluide aqueux, l’expulsion d’argon radiogénique lors de la réouverture du système argon, requiert l’existence de phases pouvant jouer le rôle de réservoir infini, un piège à argon. Si les fluides de pore sont saturés rapidement en argon radiogénique, l’Ar* sera redistribué entres les différentes phases minérales en fonction de leur coefficient de partage. Un métamorphisme de haute pression sera défavorable à la mobilité de l’argon. Dans ce cas, l’Ar* libéré lors des réactions métamorphiques ne sera pas évacué du système car la diffusion de l’argon en condition de haute pression et anhydre sera très limitée (Monié, 1985 ; Scaillet, 1996, 1998). Par conséquent, l’argon radiogénique va s’accumuler dans l’espace intergranulaire jusqu’à saturation puis sera piégé par les différentes phases minérales et particulièrement par les phengites (Sherlock & Kelley, 2002).

Foland (1979) décrit un bel exemple d’excès d’argon lié à l’impossibilité d’extraire l’argon radiogénique précédemment accumulé dans le système (excès d’argon hérité du système). Dans ce cas, l’excès d’argon est concentré dans les biotites néoformées qui présentent la plus

grande solubilité pour l’argon. Il est intéressant de noter que l’âge enregistré sera plus jeune que le protolithe car tout l’excès d’argon ne sera pas uniquement piégé par les biotites, une partie sera également absorbée par les autres phases du système ou évacuée par une petite quantité de fluides. Ce modèle est en très bon accord avec le fait que les excès d’argon sont d’autant plus importants que le protolithe est ancien (Li et al., 1994 ; Arnaud & Kelley, 1995 ; Inger et al., 1996 ; Scaillet, 1996 ; Sherlock et al., 1999 ; Giorgis et al., 2000), mais aussi d’autant plus importants que celui-ci était riche en K (Scaillet, 1996, 1998 ; Kelley, 2002 ; Sherlock & Kelley, 2002).

Baxter et al. (2002) illustrent l’importance de l’existence de piège à Ar* en montrant que la quantité d’excès d’argon assimilée par des biotites est fortement dépendante du type de lithologie. Quand les biotites analysées proviennent de pélites riches en quartz la quantité d’excès d’argon est faible, alors que les biotites provenant de métabasites ont incorporé de grandes quantités d’excès d’argon (Baxter et al., 2002). Ils proposent ainsi le quartz comme piège potentiel pour l’excès d’argon. Cette proposition est confortée par les données expérimentales qui montrent que le quartz à une forte solubilité pour l’argon (Watson & Cherniak, 2003).