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Ces espaces à caractère naturel sont donc au cœur d’ambivalences sur la définition de leur contour spatial qui agissent sur leur matérialité. Nous les observons à la fois dans la

1.1.2. Grands travaux, cités ouvrières et reconstructions d’après-

guerre : de la bataille de l’hygiène

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à la bataille de l’environnement

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Les nombreuses utopies urbaines, présentés par Françoise Choay65 dans son célèbre essai, datent d’avant la fin du XIXe siècle et sont classées en différents courants selon les caractéristiques de ces modèles formalisés par leurs initiateurs. Elles intègrent une nature qui n’est pas véritablement pensée pour ses caractéristiques écologiques, mais d’abord pour ses fonctions relevant du cadre de vie des habitants. Leurs auteurs sont de formations variées. Médecine, agriculture, art, les parcours sociaux de ces personnages et leurs époques influencent fortement leurs visions de la Cité. Relues avec une attention particulière portée à la place des espaces verts, elles montrent d’une part une forme de pluralité dans l’intégration de la nature au projet urbain par leurs auteurs, et d’autre part la redondance des objectifs visés. Les espaces non bâtis demeurent une garantie de qualité de vie avec des espaces de loisir et de promenade, des secteurs agro-naturels et une place pour l’agriculture urbaine pratiquée par l’habitant. Ces formes, intégrées au projet urbain, sont un outil défini comme garant de l’esthétique, du lien social, de la détente, d’une hygiène de vie raisonnée et de la production alimentaire. Nous avons choisi de nous tourner vers des utopies qui ont pu être réalisées parce qu’elles nous permettent un regard sur leur processus, la manière dont les espaces à caractère naturel sont considérés et de rappeler que la prise en compte de la nature dans les opérations d’aménagement n’est pas un fait nouveau.

Parmi ces projets urbains, c’est le familistère de Guise pour son histoire et son échelle spatiale qui a d’abord retenu notre attention pour la place que la nature y prend, même si elle n’est pas exprimée comme aménagement central. Ensuite, nous ne pouvions omettre de nous intéresser aux cités jardins, inspirées de la ville selon Ebenezer Howard, dans la mesure où elle a conduit à une pluralité de réalisations, avec des configurations d’acteurs variés. Nous reviendrons sur le mouvement hygiéniste qui a fortement influencé l’urbanisme et plus particulièrement son histoire récente qui montre la complexité du processus conduisant de la théorie urbaine à la pratique de l’aménagement, en particulier à travers les projets haussmaniens et les modèles de Le Corbusier.

Dans les villes imaginées du XIXe siècle, alors que l’industrie se développe, le logement des populations venues travailler dans les usines devient un enjeu majeur. Il s’agit d’organiser l’urbain autour de l’outil de production industriel. Ces projets sont décrits comme des micro-sociétés très localisées autour d’espaces propriété d’entrepreneurs (ou fortement influencés par eux). Leur leitmotiv est à la fois pragmatique, puisque l’objet est de répondre au besoin de leur activité en termes de main d’œuvre, et présente en même temps des formes de revendications philosophiques et sociales sur les conditions de vies de la classe populaire. Nous avons retenu l’exemple du Familistère de Guise66, dont le projet est lancé en 1858 par Jean Baptiste André Godin (1817-1888). Influencé directement par le Phalanstère de Charles Fourier (1772-1837), l’industriel, qui a lui-même été ouvrier, adapte cette utopie pour des raisons techniques de mise en œuvre. Il tient également compte d’une expérience similaire dans laquelle il a perdu un tiers de sa fortune au Texas (projet « La Réunion » mené par Victor Considérant en 1854). Godin décide donc de mener son propre projet autour de l’usine où sont fabriqués les fourneaux et le poêles qui ont fait sa fortune. Il y revendique la vie collective et le bien- être des ouvriers, mais plus généralement une forme de société Idyllique parvenant à une sorte de perfection morale :

63 Frioux S. (2013), Les batailles de l’hygiène, Ville et environnement de Pasteur aux Trente Glorieuses, PUF, 387p.

64 Vernier J. (1971), La bataille de l’environnement, R. Laffont, 314p.

65 Choay F. (1979), L’urbanisme, utopies et réalités, éditions du Seuil, 446p

« C’est une vérité trop peu connue que l’ordre moral est intimement lié à l’organisation matérielle ; (…) Quand l’homme souffre au physique, les fonctions du morale et de l’intelligence souffrent ; l’être est amoindri dans son existence et incapable de la plénitude de ses facultés. »67 Dans ce projet qui fait le tour de toutes les thématiques de l’organisation sociale (éducation, culture, tâches domestiques quotidiennes, etc.), les espaces à caractère naturel sont pensés principalement pour trois objectifs : la vision esthétique, de loisir et la production maraichère. On perçoit néanmoins aussi dans ces écrits, l’enjeu de s’inscrire dans le paysage environnant :

« Le front du palais fait face à la ville sur une étendue de 180 mètres ; l’aile gauche a vue sur les jardins et sur les bâtiments de la manufacture ; l’aile droite, sur les jardins et les coteaux boisés qui bordent la vallée de l’Oise. » (…) « Le Palais est situé au milieu de 6 hectares environ que l’Oise traverse et contourne sur les deux tiers de leur étendue : une partie de cette propriété est convertie en promenade, squares et jardins d’agréments ; une autre partie est consacrée à la culture des légumes et aux vergers. »68

Source : musée du Familistère de Guise -https://www.familistere.com/fr –

Image 1 : vue panoramique du Familistère de Guise

La nature n’y est pas véritablement structurante dans les discours mais elle fait partie d’un ensemble de thématiques destinées à favoriser le fonctionnement de cette micro-société, et elle se traduit spatialement dans le projet architectural et par le désir de vues paysagères depuis les bâtiments d’habitation. Le Familistère a été très critiqué par les communistes69 et ressenti, malgré ses bonnes intentions, comme une forme de communautarisation asservissante de l’ouvrier autour de l’usine, propriété d’un seul individu. A la décharge de l’utopiste, nous rappellerons que le Familistère, a débouché en 1880 sur la constitution d’une association pour gérer les bénéfices issus de l’usine au profit des ouvriers-habitants. Ainsi, Jean- Baptiste André Godin pense assurer la pérennité du Familistère après sa mort en 1888. L’association deviendra ensuite une coopérative de production. Le Familistère a ainsi fonctionné jusqu’en 1960, avant d’être progressivement démantelé dans les années 70 suite aux difficultés économiques de l’exploitation industrielle. Ce modèle, dont l’échelle est très proche de celle d’un quartier, un morceau de ville rattaché à un outil de production, est représentatif d’un contexte dans lequel l’industrialisation est un facteur déterminant dans l’aménagement urbain et où les entrepreneurs sont les porteurs d’un aménagement adapté à leurs

67 Godin J.B.A. (1874) , La Richesse au service du peuple : le familistère de Guise, 1874, BnF Gallica, 678p. page 7 et 8

68 Godin J.B.A (1871)., Solutions Sociales, 1871, BnF Gallica, 678p. page 440

besoins, éventuellement représentatif d’un idéal social lorsqu’ils en revendiquent un. La nature y est avant tout un cadre de vie esthétique et une ressource maraichère destinée à un cercle restreint (les ouvriers de l’usine). Au-delà de la place de la nature, c’est aussi, dans les recherches historiques, les caractéristiques processuelles qui ont attiré notre attention. Dans les cas du Familistère, c’est une utopie (le Phalanstère) qui se trouve mise en œuvre, testée, améliorée, à l’initiative d’un porteur privé, individuel, qui s’est impliqué dans un réseau intellectuel porteur d’une doctrine universelle (l’école sociétaire). Pour parvenir à cette utopie, le porteur (J.B.A. Godin) investit sa fortune personnelle, et met en place des règles et des systèmes collectifs internes pour assurer la pérennité de son œuvre (association, coopérative, etc.).

A une échelle plus large de territoire et de population, nous avons retenu la Cité- Jardin. Ebenezer Howard (1850-1928) imagine un urbanisme social70 décrit dans un ouvrage en 1898 : To-morrow : A Peaceful Path to the Real Reform. Avant d’être un projet d’aménagement, c’est une critique du système politique, économique et sociale de son pays qui produit selon lui trop d’inégalités et ne saurait être durable. Il pointe en particulier la ville et le capitalisme. Sa proposition passe par un projet urbain conçu pour faire prévaloir l’organisation sociale et spatiale sur les ambitions économiques, et ainsi trouver un équilibre. L’idée se matérialise par des unités de villes moyennes et la maîtrise collective du foncier. Très aboutie comme vision d’ensemble et d’organisation, la place des espaces à caractère naturel y est consciencieusement décrite et participe objectivement de la forme urbaine. Il revendique clairement une vocation sociale et un repositionnement de l’Homme dans un environnement entre Ville et Campagne :

« Ni l’aimant Ville, ni l’aimant Campagne ne réalisent complètement le but d’une vie vraiment conforme à la nature. L’Homme doit jouir à la fois de la société et des beautés de la nature. Il faut que les deux aimants ne fassent qu’un. »71.

Marqué par les difficultés de l’exode rural au XIXe siècle et inspiré par Frédérick Law Olmsted (1822-1903)72, concepteur du Central Park de New York, Howard décrit un territoire urbain limité et qui répondrait à l’accroissement démographique par sa reproductibilité une fois le seuil des 32 000 habitants atteint.

Image 2 : schéma de principe d'une Cité- Jardin par Ebenezer Howard73

Un parc central, entouré de l’unique galerie commerciale et de son jardin d’hiver dans chaque ville sert de lieu de détente. L’équilibre du territoire entre ville et campagne doit surmonter les

70 Baty-Tornikian G. (2001), « Cité-jardins : génèse et actualité d’une utopie », Volume n°2 des cahiers de l’IPRAUS, éditions Recherches,

157p.

71 Howard E. (1898), Tomorrow- A paeceful path to real reform, 1898, The library of Alexandria, 133p

72 Wishinsky F. (2009), The man who made parks : the story of a parkbuilder Fréderick Law Olmsted, Tundra Books, 32p

contraintes de l’une et de l’autre pour n’en garder que les bienfaits. Il considère alors que la vie en ville est devenue néfaste : « Cette vie des grandes villes n’est pas la vie naturelle de l’homme. Dans de telles conditions, il ne peut que se détériorer physiquement, mentalement, moralement. »74 ; les activités de plein air ou l’agriculture urbaine pratiquée par les habitants (chaque habitation est dotée d’un jardin), sont un outil de prévention contre les comportements jugés déviants des classes populaires avec « tellement d’activité et d’amusement que l’alcool ne trouvera plus de client même en étant autorisée. »75 Dans cette organisation spatiale urbaine cohérente avec la campagne, la gestion du foncier en est une des conditions premières de réalisation : il propose de mettre en place des sociétés privées d’aménagement qui seraient concessionnaires de « 2428 hectares mais n’en construiraient que le sixième, afin de constituer une ceinture agricole permanente qui fournirait la nourriture, les matériaux de construction et les espaces libres pour les équipement publics ».76 De plus, cette société profitera de 5% des bénéfices, le reste devant revenir à la collectivité. Maîtrise foncière, régulation économique, ceinture verte agricole, densité et constructibilité limitée, sont autant de principes qui se traduisent spatialement par la cité-jardin.

Ainsi, la Cité-jardin inspire par ses propriétés organisationnelles précises et son objectif de société idéale, dont les fruits reviennent au collectif habitant. « Pourtant, sans le passage à la pratique, l’épreuve la plus difficile, elle restait simplement une idée. »77 L’auteur de cette conception urbaine, contrairement aux réalisations plus patronales, envisage son projet comme une conception théorique qu’il entend diffuser par l’association créée en 1899 (Town and Country Planning Association). La première concrétisation urbaine a lieu en 1904 à Letchworth (à 50km de Londres) et le projet devient un exemple international. Les principes posés par Ebenezer Howard sont débattus lors de l’exposition universelle de Paris dès 1900 et intéressent vivement les pays industrialisés (Russie, Japon, Mexique…). En France, les projets de cité-jardin sont un support au développement du logement social et minier. D’abord réalisée par des coopératives de militants et habitants, l’un d’entre eux, Henri Sellier (1883-1943), maire de Suresnes puis ministre de la santé et du logement dans le gouvernement du Front Populaire, va créer l’Office Public des Habitations Bon Marché. Il va donc « définitivement inscrire les pouvoirs publics dans le champ de l’urbanisme social »78, un urbanisme qui s’inspire de la cité-jardin pour aménager des quartiers d’habitations populaires à travers tout le territoire. Ainsi, cette utopie sera matérialisée par des acteurs privés (les patrons continuent de construire des logements) et publics, sous des formes variées mais issues des mêmes ambitions de départ. La nature y est vue comme participant d’un maillage équilibré entre une nature nourricière agricole dans la ceinture verte et une nature d’ornement, propice aux loisirs et à l’esthétique, espace de socialisation favorisant le bien-être. Le modèle est repris dans de nombreux pays et prend de multiples formes avec des acteurs différents. Nous pouvons citer les projets menés par l’Office de l’Habitat à Bon Marché de la Seine dans les communes d’Arcueil,

74 Choay F. (1979), L’urbanisme, utopies et réalités, éditions du Seuil, 446p – page 277

75 Baty-Tornikian G. (2001), « Cité-jardins : génèse et actualité d’une utopie », Volume n°2 des cahiers de l’IPRAUS, éditions Recherches, 157p.page 284

76 Baty-Tornikian G. (2001), « Cité-jardins : génèse et actualité d’une utopie », Volume n°2 des cahiers de l’IPRAUS, éditions Recherches, 157p.– Miller M. « De Letchorth aux cités- jardins anglaises, 1904-1946 », page 37

77 Baty-Tornikian G. (2001), « Cité-jardins : génèse et actualité d’une utopie », Volume n°2 des cahiers de l’IPRAUS, éditions Recherches, 157p. – Miller M. « De Letchorth aux cités- jardins anglaises, 1904-1946 », -page 49, E. Howard, The Garden City, octobre 1902 p.

15-16, cité par F. Jackson.

Photo 1 : Quartier des Buttes Rouges - Chatenay Malabry (92) (Pierre Bazin 2016)

Sur la partie paysage de ce projet urbain, plusieurs éléments marquent les praticiens urbanistes. C’est d’abord la diversité des aménagements et la richesse du vocabulaire employé pour les décrire et préciser les matériaux, le végétal ou encore le mobilier pertinent. Pour Ann-Caroll Werquin et Alain Demangeon, architectes, « cette manipulation des matériaux et cette variété des mises en œuvre (…) crée un statut : une ville où la nature a accès ».79 Les projets de cités- jardins parviennent à structurer l’espace sans user de plans orthogonaux, mais en s’appuyant sur le végétal, dont les arbres, symboles de la grandeur de la nature.

Le végétal doit y créer un équilibre entre intimité du logement et espaces collectifs, les plantes grimpantes sur les édifices adoucissent les traits du bâti et enveloppe l’espace public de végétal. L’esthétique est associée au pittoresque, représenté par l’irrégularité de la nature, en opposition à la rigueur des formes géométriques. Par ailleurs, les potagers, s’ils ne participent pas de l’image de l’ensemble parce qu’ils sont habilement placés en cœur d’îlot, sont indissociables de la cité-jardin pour assurer la paix sociale. La pratique du jardin, introduite dans ce quotidien ouvrier par Frédéric Le Play80, est portée en France à cette époque par le créateur de la Ligue Française du coin de terre et du Foyer (L’abbé Lemire) depuis 189681, comme garante d’une forme d’humanité des ouvriers, dont les conditions de travail sont alors difficiles. La fédération qu’il a crée est aujourd’hui toujours d’actualité ; les potagers ouvriers sont peu à peu devenus « jardins familiaux », c’est-à-dire une parcelle louée par la collectivité à une famille, soit à proximité de son habitation, soit à une faible distance. Puis, la demande de jardinage urbain s’est accrue ces 10 dernières années et le territoire urbain accueille aujourd’hui de plus en plus de jardins collectifs au cœur des quartiers. Ces parcelles uniques permettent aux participants de cultiver la terre mais surtout de développer des liens sociaux et de s’inscrire en opposition à la minéralité urbaine, ce que confirment Lise Bourdeau-Lepage et Roland Vidal lors du colloque « Nature urbaine en projet » :

« L’incitation des ouvriers au jardinage (19e et jusque 50's) était une composante ordinaire d'un système politico économique paternaliste… " (…) " La Green Guerrilla s'inscrit dans une mouvance totalement différente. Née à New York dans les années 70, elle se veut surtout mouvement de reconquête de l'espace urbain considéré comme déshumanisé par l'envahissement du béton »82

79 Baty-Tornikian G. (2001), « Cité-jardins : génèse et actualité d’une utopie », Volume n°2 des cahiers de l’IPRAUS, éditions Recherches,

157p. page 153, « Architecture végétale et solidarité sociale »

80 Le Play F. (1870), L’organisation du travail selon la coutume des ateliers et de la loi du décalogue, Tours, Mame et fils

81 Fédération des jardins familiaux et collectifs, La fédération et son histoire, repéré à http://www.jardins-familiaux.asso.fr/histoire.html

82 Sous la direction de Chomarat-Ruiz C. (2014), Nature urbaine en projet, Archibooks -Sautereau, 137p, page 47 – Bourdeau-Lepage L., Vidal R, « Comprendre la demande sociale de nature », p 37-50.

Ces villes nouvelles ou quartiers, presque considérées comme des parcs paysagés, fournisseurs de bien- être social, restent encore un idéal très prégnant dans les projets d’aujourd’hui, nous le verrons dans les cas choisis pour les travaux du chapitre 3. Cependant, certaines fonctions attribuées à la nature ont changé de contexte. Dans la cité ouvrière et la cité-jardin, avant d’être écologiques, au sens de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique, les espaces verts présentent un intérêt pour la santé des habitants, pour la paix sociale et la production alimentaire ou sylvicole. Nous verrons que les fonctions productives, ainsi que le versant coopératif se sont estompés au fil du temps pour laisser davantage de place à l’esthétique, au bien- être habitant puis à l’écologie. C’est au fil de cette même période où la cité- jardin est pensée (XIXe Siècle), que les remparts seront percés, que la ville s’ouvrira davantage sur la campagne et élargira ses boulevards, ses cours, avant de donner finalement accès à ses jardins au public ( « Partout en France, le passage du domaine privé au jardin public se fait en deux périodes, de la confiscation des biens du clergé à la recomposition du territoire. »83. ) La nature, avec la cité jardin et son contexte historique, devient définitivement une composante de la programmation urbaine, à des degrés variés, selon les volontés politiques. Cependant, il convient aussi de rappeler l‘influence des mouvements hygiénistes sur la fabrication urbaine qui intègre la composante nature.

Parmi les porteurs de la Cité-jardin nous retrouvons des personnages inscrits dans ces mouvements. C’est par exemple le cas d’Henri Sellier ; dès 1913 il s’adresse aux responsables de l’administration pour qu’ils prennent conscience de l’enjeu sanitaire. Il soutient l’association de infirmières-visiteuses dans sa ville et leur donne les moyens de devenir un service clef de la collectivité. De 1914 à 1932 (lorsque le diplôme d’assistant social est officialisé), leurs compétences s’élargissent depuis le soin médical, vers l’éducation des familles sur la tenue de leur foyer et la gestion des demandes d’aides sociales, en tant que déléguées par la mairie de Suresnes. La cité-jardin porte bien en elle les idées hygiénistes. « L’école de Plein Air », en 1932, confirmera l’attribution du rôle bienfaiteur de la nature sur la santé. « Au milieu des arbres, des massifs de fleurs et des pelouses où ils pouvaient librement s’ébattre, (…) ces écoliers porteurs d’avenir recouvraient rapidement la santé. »84 . A la source de ce mouvement, on retrouve la mobilisation de médecins, face aux épidémies croissantes, qui voient dans la densification de la ville industrielle la cause de tous ses maux. Dès la fin du XIXe siècle, une nouvelle discipline se développe : la technologie sanitaire. « Mêlant scientifiques, ingénieurs et architectes se donnaient pour ambition de combattre la ville pathogène »85 Ses professionnels, « lanceurs d’alerte avant l’heure »86, vont progressivement convaincre les pouvoirs publics et bénéficier d’un changement de vision sur la santé dû aux découvertes sur la bactériologie de Pasteur.

Par l’entrée hygiéniste, la nature tient une place importante. Ainsi, l’exemple d’Hygéia, imaginée par le médecin Benjamin Ridchardson (1828-1896), dessine une ville dans laquelle « tous