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2. UTILISATION DES SANCTUAIRES : LES DIVINITÉS

2.1 LA GRANDE DÉESSE

Cinq grottes sacrées phéniciennes découvertes par Renan ont été retenues pour la présente recherche puisqu’elles sont clairement en lien avec un culte de la Déesse. Renan les a nommées d’après le nom de la ville voisine : Wasta, Gébeil, Adloun, Biadh et Afqa. Une dernière grotte s’ajoute à celles découvertes par cet explorateur, la grotte nabatéenne d’Allat à Ramm. Situé dans l’actuel territoire jordanien, un culte à la Déesse se déroulait aussi dans ce sanctuaire.

La divinité et son nom

Renan associe les sanctuaires rupestres phéniciens à la déesse Astarté. Toutefois, dans la majorité des grottes, aucune inscription ne peut confirmer cette identification, qu’il remet parfois lui-même en doute184. En effet, seules les grottes de Wasta et d’Aphaka

portent au moins une inscription lisible. Dans un article, Corinne Bonnet soutient l’hypothèse du culte d’Astarté pour ce qui est de la grotte de Wasta en s’appuyant sur l’étude de l’inscription principale qui s’y trouve.

Cette inscription grecque permet de croire qu’il s’agit bien d’un culte d’Astarté à Wasta d’après la référence à Aphrodite. Dans la région phécicienne, cette déesse grecque a

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été associée à la Déesse locale, Astarté. Ce sont les éléments relatifs au culte d’Aphrodite à Chypre qui ont permis à Bonnet de soutenir l’hypothèse que cette déesse est bien une adaptation d’Astarté185. De plus, l’inscription faisant référence à Aphrodite permet de faire

un lien entre la déesse et un des rois Ptolémée. Cette pratique orientale qu’est l’assimilation entre une déesse et parèdre masculin est typiquement utilisée en relation avec le culte de la Grande Déesse. Ainsi, la dénomination grecque de la déesse Aphrodite et cette traditionnelle association à un parèdre masculin est un bon exemple de la complexité du syncrétisme régional. Par ailleurs, Corinne Bonnet évoque l’absence d’inscription dans la grotte d’Adloun186. De nos jours, aucune inscription n’est apparente, mais J. de Bertou y

avait relevé une dédicace à Vénus lors de son exploration de Tyr durant la première moitié du XIXe siècle187. Cette dédicace confirme le lien entre les triangles gravés sur la paroi de

la grotte et son association à la Grande Déesse.

La Déesse se présente sous différentes appellations et en Phénicie, il existe même plusieurs panthéons selon les localités. « Dans le panthéon de Byblos, par exemple, mais aussi à Sidon et à Carthage, on observe parfois la prééminence de divinités féminines »188.

En effet, le nom d’Astarté revient fréquemment dans les inscriptions, mais aussi celui de Baalat, Tanit et plus rarement Anat. Les attributs de ces déesses sont encore mal connus, mais on peut « supposer des liens avec la fécondité, la prospérité, l’amour et la guerre »189.

Il est difficile de distinguer concrètement les déesses les unes des autres. Les données restreintes, tant archéologiques que littéraires, n’ont pas permis jusqu’à maintenant de résoudre cette ambiguïté. Toutefois, certains auteurs croient que ce flou était aussi existant à l’époque phénicienne et « faisait des caractéristiques des déesses des éléments interchangeables avec ceux des autres divinités féminines »190 .

À ces différentes appellations, s’ajoute celui d’Allat, dont la grotte se situe à Ramm. Cette dernière est l’unique grotte du corpus associée à la Déesse à l’extérieur de la Phénicie. Près de la grotte, une dédicace jointe à un bétyle confirme que le sanctuaire était destiné à 185 BONNET 1996, p. 149. 186 BONNET 2004, p. 125. 187 DE BERTOU 1843, p. 5. 188 MOSCATI 1989, p. 105. 189 Ibid. 190 Ibid., p. 106.

59 cette divinité191. Les premières traces de son culte datent du Ve siècle av. J.-C. et furent

découvertes dans les déserts d’Arabie. D’abord, lorsque le culte d’Allat se déploya vers la Nabatène et la Phénicie, cette déesse fut associée à Atargatis, Astarté et Ishtar. Cette association est remarquable dans les représentations iconographiques liées à la déesse qui, au départ, était représentée par un bétyle. Dû à l’influence des religions environnantes, cette déesse fut figurée avec les mêmes attributs que les autres divinités féminines régionales192.

À partir du Ier siècle ap. J.-C.193, suite à l’hellénisation de la région, elle est associée

à Athéna dans le Hauran194. Toutes deux liées à la guerre, les représentations d’Allat-Athéna

accoutrée en guerrière se firent plus populaires. Une preuve supplémentaire ne laissant plus de doutes sur l’association entre ces deux déesses fut découverte à Palmyre. Dans le temple d’Athéna, se trouve une dédicace claire mentionnant les deux déesses195. Athéna n’est pas

généralement considérée comme une déesse associée à la fertilité comme le sont les autres divinités mentionnée plus haut. Elle est plutôt liée à la virginité196.

Malgré cette association avec Athéna, le sanctuaire d’Allat, peut être ajouté aux autres grottes du corpus associées à la Déesse. Comparable aux déesses phéniciennes, la personnalité d’Allat est fort complexe et elle plusieurs attributs lui sont liés, dont celui de la fertilité. John F. Healey s’est penché sur la question suivante : qui pourrait être la Déesse nabatéenne ? Sa réponse est que la déesse Allat et Al-’Uzza peuvent toutes deux porter ce titre197.

Représentation iconographique : la palme et la colombe

Certains graffiti de la grotte de Wasta furent recopiés par Renan lors de son voyage en Phénicie. Aujourd’hui ces mêmes graffiti sont fort détériorés et notre connaissance

191 STARCKY 1981, p. 120.

192 Une stèle représentant la déesse Allat se trouve à Ramm, mais les interprétations sont forts incertaines. J.

Starcky (1981), dans un article un peu dépassé, mentionne que la protome d'un lion serait observable sur la stèle. Il mentionne que M.-J. Roche aurait influencé cette interprétation, mais elle-même semble n'être venue à aucune conclusion plausible sur cette stèle d'après son article de 2008.

193 Les données archéologiques n'ont pas fourni de preuve antérieure, mais il est fort probable que l'association

entre Athéna et Allat eut précédé cette date.

194 ROCHE 2007-2008, p. 119. 195 FRIEDLAND 2008, p. 321.

196 Bien que certaines divinités féminines peuvent être associées à la fois à la fertilité et à la virginité comme

Artémis, ce n’est pas le cas d’Athéna.

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repose en grande partie sur ses copies. Parmi les grottes dédiées à la Grande Déesse, c’est certainement la grotte de Wasta qui présente le répertoire iconographique le plus vaste et le plus diversifié. À Adloun, Byblos et Biadh seuls des triangles pubiens souvent superposés les uns aux autres furent relevés. Ainsi, avec les combinaisons iconographiques de la grotte de Wasta, il sera possible de mieux comprendre les triangles qui décorent l’intérieur des autres grottes de la région. Comme on retrouve les mêmes symboles à Wasta, mais avec plus d’information, le même symbolisme peut être transposé dans ces sanctuaires qui offrent moins d’indices à l’interprétation symbolique. Ainsi, les sanctuaires avec les triangles pubiens sont probablement aussi en lien avec la fertilité et la Déesse.

La grotte de Wasta présente principalement des triangles pubiens, mais d’autres éléments figuratifs s’y trouvent tels que plusieurs représentations de palmiers et de palmes. Ces dernières se trouvent souvent directement en lien avec ces triangles pubiens. « La combinaison de la " déesse nue " et de la tête de déesse avec des feuillages et des rameaux, ou selon le cas, des arbres stylisés, suggère de voir en ces derniers qu’ils apparaissent adorés ou isolés, un symbole de la " déesse aux rameaux "198. La palme ou encore le palmier

représenté sous la forme d’un arbre stylisé est un élément figuratif d’une importance particulière étant donné qu’il est attesté sur différents supports iconographiques dans la région du Levant199.

La déesse est parfois mise en lien avec des attributs représentant des animaux. À côté de l’écusson, un oiseau est représenté. Est-ce une colombe comme on en retrouve dans le Saint des saints du temple d’Ishtar à Mari ? La présence de la colombe dans ce temple aurait pour but de représenter le côté amoureux de la déesse, son côté tendre200. Au Bronze

Moyen, il n’est pas rare de retrouver des figurines de colombes dans les sanctuaires. Celles- ci étaient données en offrande à la déesse pour « conjurer ou de représenter cet amour ». Les caractéristiques de la colombe, qui se distingue par sa tête bien arrondie et son bréchet marqué, se présentant sous la forme de muscles pectoraux prédominants201, se retrouvent

dans la gravure sur la paroi de la grotte de Wasta. Ce que Renan qualifie donc de « dessins

198 KEEL et UEHLINGER 2001, p. 38. 199 Ibid.

200 KEEL 2007, p. 118.

61 puérils » semble plutôt être l’œuvre d’un pèlerin bien au fait des références iconographiques régionales.

Figure 17 : Graffiti de la grotte de Wasta. (RENAN 1864, p. 651.)

L’apparition de la colombe permet d’ailleurs de confirmer l’appartenance du sanctuaire à une déesse202. L’association entre une colombe et un palmier n’est pas une

nouveauté. Celle-ci renvoie à « l’association de la déesse et de la colombe à l’Âge du Bronze » 203. Par ailleurs, ce système symbolique reste en utilisation bien après l’Âge du

bronze tel qu’en témoigne une cuillère à onguent de l’Âge du Fer où se trouvent en association un palmier stylisé, un visage féminin et des colombes204. Quelques autres

artefacts de l’Âge du Fer205 réutilisent ces attributs de la déesse, ce qui permet de constater

une « renaissance des traditions de l’Âge du Bronze »206 . Ces éléments portent à croire que

le triangle de la grotte de Wasta associé à des palmes et une colombe pourrait être une représentation de la Déesse et, par extension, l’ensemble des triangles de la grotte, et peut- être même des grottes de la région, pourraient bien représenter celle-ci.

Dans le culte de la grande déesse remontant à la préhistoire, le triangle pubien revêt une importance particulière en tant que symbole de la fertilité, élément essentiel à la

202 Ibid., p. 166. 203 Ibid., p. 200 204 Ibid., p. 200.

205 Ces artefacts datent principalement de l'Âge du Fer II C (720-600 av. J.-C.) (KEEL et UEHLINGER 2001,

p. 314)

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prospérité207. Le triangle pubien est d’ailleurs fortement marqué sur plusieurs

représentations, datant principalement du Bronze Moyen, représentant la grande déesse nue. Ces représentations se trouvent parfois sur des scarabées et se distinguent des autres par l’association répétée de la palme et de la déesse208. Sur ces représentations, le triangle

pubien de la Déesse est généralement bien marqué et mis en évidence. Ce lien entre la palme et le triangle, que nous retrouvons aussi à Wasta, tend à représenter la fertilité plutôt qu’une scène à connotation érotique209. Beaulieu et Mouterde avaient déjà avancé cette hypothèse

selon laquelle ces symboles devaient être interprétés comme étant liés à la fertilité plutôt qu’à la sexualité210.

Ainsi, les auteurs tels que Renan qui croient automatiquement que les triangles pubiens sont une preuve tangible d’acte de prostitution sacrée sont probablement dans l’erreur211. Le culte a certes un lien avec la fécondité, mais C. Bonnet croit que la

prépondérance de la fécondité doit ici être nuancée212. En effet, il est possible que certains

« graffiti » de la grotte de Wasta remettent cette hypothèse en question. Beaulieu et Mouterde mentionnent d’ailleurs la présence d’un sexe masculin parmi les graffiti. Ils font ici probablement référence au personnage visible sur la figure 18 (p. 63). En regardant cette figure, que Bonnet interprète plutôt comme un signe de Tanit, on se rend compte que ces hypothèses sont difficilement défendables et souvent interprétées en partant du constat que la scène est assurément liée à la fertilité. Par contre, on pourrait aussi facilement y voir une scène de chasse si l’on considère que le personnage tient un arc de sa main gauche. La qualité des reproductions et des photos est tellement mauvaise qu’il est, en effet, difficile de s’avancer. Ainsi, les représentations ne doivent pas être systématiquement interprétées comme des symboles de la fertilité, car certains éléments paraissent plus complexes après analyse. Ces illustrations devraient encore moins être considérées comme des preuves de la prostitution sacrées.

207 Ibid., p. 38 ; PRZYLUSKI 1950, p. 48.

208 Une autre situation dans laquelle le triangle pubien de la déesse est particulièrement marqué est lorsqu'elle

se retrouve aux côtés d’un personnage masculin. Ces scènes sont typiques des sceaux-cylindres syriens. (KEEL et UEHLINGER 2001, p. 38)

209 KEEL et UEHLINGER 2001, p .38.

210 BEAULIEU et MOUTERDE 1947-1948 , p. 16. 211 RENAN 1864, p. 647-648.

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Figure 18 : Graffiti de la grotte de Wasta. (RENAN 1864, p. 652.)

Les eaux fertilisantes

Certaines des grottes qui peuvent être associées à la Grande Déesse abritent une source. La grotte d’Aphaka, liée à un temple de Vénus213, est située en contrebas de la

montagne214. Elle sert de sortie au Nahr Ibrahim, autrefois nommé le fleuve Adonis, qui en

jaillit en cascade. Certains habitants du Liban, accordent toujours des vertus fertilisantes à ce cours d’eau maintenant associé à la Vierge. Les pièces de vêtements fréquemment suspendues près des vestiges du temple et de la grotte témoignent de la présence du culte encore actif215. Bien que la grotte n’ait pas servi de lieu de culte en elle-même, elle fait

partie du sanctuaire. De plus, on considérait qu’une scène mythologique s’était déroulée à cet endroit, ce qui ajoutait à la sacralité du site.

Effectivement, les anciens de Byblos considéraient la grotte d’Aphaka comme le lieu où s’était déroulé le mythe étiologique d’Aphrodite et d’Adonis216. Malgré la mise en

garde d’Aphrodite, le jeune dieu s’était mortellement blessé le pied alors qu’il pourchassait

213 Le nom de Vénus est ici utilisé pour désigner la divinité tutélaire du temple étant donné que le temple en lui-

même serait d'origine romaine bien que le culte soit probablement plus ancien. C'est cette appellation qui est plus fréquemment retrouvée dans la littérature et c'est par souci de concordance que celle-ci est conservée dans ce mémoire.

214 Le temple aurait été probablement détruit sous Constantin (306-337 ap. J.-C.) suite à des rumeurs impliquant

de la prostitution sacrée en ce lieu, mais reconstruit par la suite puisque Zosime constate la présence d'un temple lors de son voyage durant le Ve siècle. Un tremblement de terre aurait finalement eu raison du temple au cours

du VIe siècle. (Voir LIPINSKI 1995, p. 106-107 et GUYS 1833, p. 9.) 215 FARRA-HADDAD 2006, p. 68.

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un sanglier217. Le sang provenant de la plaie était perçu comme la cause du rougissement

qui affecte périodiquement ce fleuve218. Cette eau voyageait dans les soubassements du

temple et avait probablement une fonction cultuelle comme le prouvent les canalisations observées par Renan219. Zosime confirme le lien particulier entre le cours d’eau et le temple

de Vénus. En effet, il rapporte que les fidèles allaient lancer des offrandes dans l’eau et si celles-ci étaient appréciées de la déesse, elles coulaient au fond du bassin220. Ce lieu de

culte, dont certains situent l’origine au IIe millénaire av. J.-C.221, est certainement un

exemple de continuité qui prouve que, en dépit de l’absence d’un temple durant certaines périodes, le culte se poursuivit. Ainsi, la fréquentation du lieu de culte ne reposait pas sur la présence du temple, mais plutôt dans l’association entre l’eau et la montagne qui offre un paysage hors du commun qui fut vraisemblablement propice à l’élaboration de mythes.

La présence de l’eau est aussi marquée dans d’autres grottes sacrées de la région telle que celle d’Adloun où des triangles pubiens ont été gravés sur les parois222. Elle se

retrouve aussi à Mgharet Hammatoura223, qui peut aussi être en lien avec un culte de la

fertilité qui est encore actif de nos jours et la grotte de Saint-Georges. Cette dernière présente un bassin qui, selon la croyance populaire, possède des vertus. Les femmes s’y baignent afin d’augmenter leur fertilité de même que les enfants atteints de nanisme afin d’améliorer leur sort224. Parfois, sans qu’il y ait une source comme telle, l’eau provient

simplement de suintements de la paroi rocheuse, et ce, même dans des grottes artificielles. Alors, même si une grotte n’est pas de formation naturelle, de l’eau peut s’en écouler.

Ainsi, il existait durant l’Antiquité des cultes de la fertilité qui, pour certains, sont encore en pratique. La thèse doctorale de Nour Farra-Haddad traite de ce sujet et celle-ci a pu relever certaines caractéristiques de ce type de sanctuaire. Elle a d’ailleurs mis en

217 OVIDE, Les métamorphoses, X, 705-724.

218 En réalité, le fleuve devient rouge lors de fortes pluies puisque celles-ci entrainent le mouvement de limon

cuivré. (LIPINSKI 1995, p. 105)

219 RENAN 1864, p. 296-301. 220 ZOSIME, I, 58.

221 LIPINSKI 1995, p. 105-106.

222 Des fouilles archéologiques y auraient été menées par la Direction Générale des Antiquités du Liban. Pour

l'instant, le rapport de fouille ne semble pas accessible.

223 Cette grotte est mentionnée étant donné son lien entre le culte de la fertilité et les eaux fertilisantes, mais

celle-ci n'a pas été retenue dans le corpus puisqu’aucun élément ne permet de soutenir concrètement son utilisation en tant que grotte sacrée durant l'Antiquité.

65 évidence un lien entre l’eau, les cavernes et la vie225. Des femmes allaient et vont toujours

dans ce type de sanctuaires afin d’augmenter leur fertilité226. Le lien entre la Grande Déesse

qui est étroitement liée à la fertilité et les sources n’a donc rien d’étonnant.

La présence d’une source explique sans doute l’emplacement de plusieurs lieux de culte de la région. C’est d’ailleurs une Grande Déesse reine des eaux et créatrice de la vie que présente Bonnet. Przyluski croit plutôt qu’« en fait l’arbre, l’eau ou la pierre ont servi de symboles pour désigner la Déesse Mère [...] Chacun de ces types présentent des variantes secondaires : tertre gazonné, monticule rocheux, caverne »227.Ginouvès précise que « Les

bains étaient associés aux déesses-mères. On le voyait comme une imprégnation des puissances de la terre »228. Ainsi, ce lien entre la Déesse et l’eau aurait traversé les siècles.

À défaut de source naturelle, des vertus furent aussi accordées aux bains.

Les grottes associées à la Grande Déesse ne sont pas systématiquement accompagnées d’une source. Toutefois, trois grottes du corpus, celle d’Aphaka, d’Adloun et du Wadi Ramm, semblent confirmer un lien particulier entre des symboles de fertilité tels que des triangles pubiens et un cours d’eau. Les trois autres grottes ne présentent pas de sources d’après ce qui est connu, mais leur description est imprécise. Bien d’autres grottes sont mentionnées dans les récits d’exploration, ce qui confirme qu’il y avait bien plus de six cavernes en lien avec un culte de la Grande Déesse dans la région, mais le manque d’information ne permet pas de les inclure à la présente recherche. Des recherches ultérieures sur le terrain pourront certainement apporter davantage à la connaissance de ces cultes ruraux.

La datation

L’élément le plus problématique est la datation de ces lieux de culte. On sait que la grotte de Wasta, qui est la mieux connue grâce à ses inscriptions, était en utilisation à l’époque hellénistique. Les quatre autres grottes phéniciennes présentent un décor semblable à la grotte de Wasta. Celles-ci ont été décrites plus brièvement par E. Renan,

225 ABDUL-NOUR et JABBOUR-GEDEON 1996, p. 73 ; GINOUVES 1963, p. 336. 226 FARRA-HADDAD 2006 (B), p. 167-169.

227 PRZYLUSKI 1950, p. 61-63. 228 GINOUVES 1962, p. 337.

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mais elles pourraient avoir une datation près de la grotte de Wasta d’après leurs ressemblances : triangles sur les parois, banquette et niche circulaire.

L’inscription qui apporte le plus d’information dans la grotte de Wasta mentionne Aphrodite et un roi dont le nom est en partie effacé. Les épigraphistes s’accordent pour y lire le nom de Ptolémée229. C. Bonnet croit qu’il pourrait s’agir soit de Ptolémée Ier ou

Ptolémée IV en se basant sur l’étude de Zucker230. Il est raisonnable de croire que cette

inscription fut gravée dans le courant du IIIe siècle av. J.-C. puisque celui-ci correspond au

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