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L A CRÉATION D ’ UNE RÉGION

Carte 24 : Kazas/Provinces par langue majoritaire vers 1920 170

I. L ES TRANSFERTS DE POPULATIONS , 1919-1928

2/ Le grand choc : 1923-1924

Les migrations qui suivirОnt lО НésastrО НО l’arméО grОМquО Оn χsiО εinОurО Оt

surtout la convention d'échange obligatoire de Lausanne, ont sensiblement modifié la population de la Grèce, et plus particulièrement de sa province de Macédoine où elles portent sur des nombres nettement plus importants.

Selon Meropi Anastassiadou177 « Le traité de Lausanne ne fait que réglementer ces mouvements. Il prend acte d'un processus déjà largement entamé. Cela dit, si l'Anatolie apparaît, en janvier 1923, vidée de ses Grecs, ceux-ci se maintiennent encore en Thrace orientale, sur le littoral pontique et à Istanbul, l'ancienne capitale de l'Empire ottoman. Malgré les guerres, les pillages et les persécutions, il y a eu des optimistes qui, par centaines de milliers, n'ont pas jugé nécessaire de quitter la terre de leurs ancêtres. C'est pour contraindre ces irréductibles à partir que les experts de Lausanne ont opté pour la formule de l'échange obligatoire des populationsέ δ’objОМtif poursuivi par les négociateurs du traité de

176 MICHAILIDIS, I. (2007), op.cit., p. 358-369.

177

ANASTASSIADOU, M. (1995-1996). " L'échange des populations, entre la Grèce et la Turquie, au lendemain de la Première Guerre mondiale ". Confluences Méditerranée, n° 16, p. 151-159.

Province d'origine Population

Florina 1 290 Kastoria 4 090 Ptolemaïda 600 Edessa 1 800 Notia 106 Yannitsa 6 670 Veroia 30 Goumenissa 7 500 Kilkis 5 000 Thessaloniki 2 590 Siderokastro 9 640 Serres 10 400 Zichna 175 Eleftheroupoli 20 Drama 16 050 Kavala-Nestos 165 Total 66 126

paix est clair : il s'agit d'assurer, en Grèce comme en Turquie, l'homogénéité ethnique à

l’intériОur des frontières nationales. Aux yeux des diplomates présents à Lausanne, seule

cette "homogénéité ethnique" peut permettre d'éviter à l'avenir l'explosion de nouveaux conflits. ».

Jacques Ancel178 résume ces événements en 1925 avec une simplicité remarquable : « δ’originО Оst la ωonvОntion МonМОrnant l’éМhangО НОs populations grОМquОs Оt turquОs signéО р δausannО lО γί janviОr 1λβγ siб mois avant la signaturО Нu traitéέ δ’artiМlО prОmiОr

édictait : II sera procédé dès le 1er mai 1λβγ р l’éМhangО obligatoirО НОs rОssortissants turМs

de religion grecque orthodoxe établis sur les territoires turcs et des ressortissants grecs de religion musulmane établis sur les territoires grecsέ δ’article exceptait les habitants grecs de

Constantinople et les habitants musulmans de la Thrace occidentale ». Une Commission mixte était chargée de veiller à l'application des 19 articles de la Convention dans les deux pays.

Nous devons rОmarquОr quО, МontrairОmОnt au Мas НО l’éМhangО gréМo-bulgare, il s’Оst agi Н’un éМhangО obligatoirО, bОauМoup plus traumatisant, fonНé sur lО sОul МritчrО

religieux, sont Grecs les orthodoxes et Turcs les musulmans, sans considération de langue

ou НО volonté pОrsonnОllОέ Vu l’amplОur НО la НéfaitО, tout МО quО VОnizélos put obtОnir, fut l’ОбОmption НОs éМhangОs НОs ύrОМs « établis » р ωonstantinoplО, Imbros Оt TénéНos Оn

1918 en échange du maintien des Turcs en Thrace occidentale, la notion « Н’établis »

provoquant dans son application beaucoup de difficultés par la suite, chacun des deux États faisant ses efforts pour en réduire le nombre.

Même si des départs volontaires (ou contraints) avaient eu lieu bien avant janvier 1923, l'obligation a souvent été mal acceptée dans les deux pays. De nombreux récits attestent du fait que de part et d'autre, bien des personnes auraient préféré attendre la fin des troubles et rester « chez elles » ou y revenir, mais les deux gouvernements, à la recherche d'une homogénéité ethnique rêvée, firent appliquer aussi strictement que possible cette obligation.

Selon I. Michailidis179 323 207 Musulmans ont quitté la Macédoine en 1923-1924. Son tableau, reproduit ci-dessous est élaboré à partir des statistiques effectuées par les sous-commissions mises en place. Ces chiffres confirment l'importance de la présence

178

ANCEL, J. (1925), op.cit., p. 277-280.

musulmane dans la région, plus de 300 000 départs en 1923-24 alors que d'autres avaient déjà eu lieu depuis les Guerres balkaniques, chiffre que l'on peut rapprocher des estimations de la population musulmane avant les Guerres balkaniques : entre 337 et 367 000 personnes. Ils confirment également qu'il s'agit bien d'une décision liée à l'échange obligatoire, puisque la quasi totalité des départs (302/322 000) ont lieu en 1924 quand il n'y a plus aucun conflit.

Dans certaines régions où les Musulmans étaient très nombreux, comme les régions de Kozani-Kaïlar ou de Kavala-Drama, les départs créent des vides exceptionnels. Les chiffres indiquent près de 76 000 départs de Musulmans du département de Drama (et il faudrait y ajouter les départs de populations slavophones) alors que sa population totale en 1920 était de 75 000 habitants, dans les Kaïlar, 40 000 habitants en 1920, il y a 30 000 départs de Musulmans, les proportions sont à peu près identiques pour la région proche de Kozani.

Tableau 25 : Départs de Musulmans vers la Turquie en 1923-1924

Du côté grec, une émigration volontaire, une « fuite » peut-on dire, avait devancé, dès les désastres de septembre 1922, cet échange obligatoire. On ne peut guère l'évaluer précisément mais, depuis ce moment jusqu'en janvier 1925, passèrent en Grèce 1 480 000 réfugiés dont environ un tiers venait de Thrace orientale et les autres, d'Anatolie. Dans ce flot, 10 % à 15 % étaient Arméniens, les autres, Grecs de religion (comme le définit l'accord de Lausanne) et souvent de langue, la plupart agriculteurs (60 %).

Malgré l'article 4 de la convention d'échange, les hommes valides, soit exilés durant la guerre au fond de l'Anatolie, soit expédiés dans des camps de travail après l'armistice de Moudania, soit arrêtés au moment de l'embarquement comme prisonniers de guerre, ont été retenus en Turquie. L'exode de 1922 porta donc surtout sur les femmes, les enfants, les vieillards. Certains ont pu emporter quelques ressources (200 000 à 300 000), mais la plupart, n'ayant pas encore récolté ou vendu les olives ou les raisins, se sont retrouvés

Sous-com m ission 1923 1924 1925 Total

Thessaloniki 18 044 91 533 0 109 577 Drama 69 75 978 0 76 047 Kavala 2 184 43 343 0 45 527 Kozani 13 26 610 0 26 623 Kaïlaria 10 30 770 0 30 780 Kozani-Kalaria 0 34 653 0 34 653 Total 20 320 302 887 0 323 207

indigents (au moins un million). Beaucoup avaient quitté leurs foyers en plein été, en toute hâte, et n'avaient sur eux que leurs vêtements légers. Ils subirent une quarantaine, logés dans des baraquements provisoires, ou sous des tentes à proximité des ports ou dans les îles. Le problème pour la Grèce a été dans un premier temps d'assurer la survie et l'hébergement sommaire d'un million de personnes arrivant à la mauvaise saison et décimées par les épidémies (choléra) et les maladies pulmonaires ; il a fallu ensuite faire vivre, installer à demeure plus d'un million de nouveaux hôtes dans un pays, que sa pauvreté et la nature, tant par ses marais que par ses montagnes, rendait peu hospitalier.

δО plan Н'établissОmОnt fut l'נuvrО НО la SoМiété НОs σationsέ Par lО ProtoМolО Нu

29 septembre 1923, amendé le 19 septembre 1924, ratifié par le Parlement hellénique les 7 juin et 24 octobre 1924, elle créa l’τffiМО autonomО pour l'établissОmОnt НОs réfugiés, qui

fonctionna, sous la présidence de Mr Morgenthau, ancien ambassadeur des États-Unis à Constantinople, dès le 1er novembre 1923. Un emprunt de 12 300 000 livres sterling fut émis en Angleterre, aux États-Unis et en Grèce, gagé sur les revenus des nouvelles provinces (monopoles, douanes, tabacs, timbres, etc.) gérés par la Commission financière internationale. L'emprunt fut couvert 5 fois à Athènes, 23,5 fois à Londres. Muni de ces ressources, aidé enМorО par НОs נuvrОs privéОs, МommО lО σОar East RОliОf, lО SavО thО

Children's Fund, qui distribuaient, l'une des draps, couvertures, linge, chaussures, vêtements provenant de dons volontaires d'Amérique, l'autre du pain et de la soupe. La survie dans le provisoire fut la préoccupation principale des années 1923 et 1924, les procédures officielles d'établissement étant fort longues, les conditions pour une installation « en règle » étaient encore rarement remplies en 1924.