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E. Modulation de l’activité des transporteurs du GABA par les neuromodulateurs

IV. Gliotransmission

1. Généralités

Les cellules gliales dans le système neurveux central sont de différents types. Elles comprennent les oligodendrocytes, la microglie et les astrocytes. Les oligodendrocytes et les cellules microgliales sont connus depuis longtemps pour assurer des fonctions particulières telles que la myélinisation et la réponse immunitaire, respectivement.

Les astrocytes assurent quant à eux de nombreuses fonctions centrées sur le support et la protection des neurones. Ces cellules participent au maintien de la barrière hémato-encéphalique, régulent le flux sanguin, assurent l'approvisionnement en nutriments et le métabolisme énergétique du système nerveux, participent à la neurotransmission et au maintien de la balance ionique du milieu extracellulaire (Broux et al, 2015 ; Otsu et al, 2015 ; Walz, 2002). Les astrocytes jouent également un rôle dans la défense immunitaire, la réparation et la cicatrisation du cerveau ou de la moelle épinière après une lésion. Il a également été montré que certaines sous-populations d'astrocytes ont des propriétés de cellules souches neurales et sont à la source du mécanisme de neurogénèse adulte (Nolte

71 et al, 2001). La morphologie caractéristique des astrocytes que l’on peut comparer à une forme d’étoile a été mise en évidence avec un marquage immunohistologique de la « glial fibrillary acidic protein » (GFAP), une protéine des filaments intermédiaires astrocytaires, classiquement utilisée pour leur identification. Cependant, le remplissage des astrocytes de l’hippocampe par un composé fluorescent révèle que les astrocytes forment des prolongements très fins dépourvus de GFAP qui s’étendent bien plus loin que les faisceaux de GFAP (qui ne représentent que 15% du volume total de l'astrocyte (Bushong et al, 2002)) entourant l’entière surface des vaisseaux sanguins cérébraux. Les astrocytes sont aussi en contact avec les synapses qu’ils entourent de leurs prolongements (Spacek, 1985). C’est de cette proximité avec les synapses qu’est venu le concept de synapse tripartite (neurone pré-synaptique - neurone post-pré-synaptique - astrocyte). Même si des études réalisées sur des souris exprimant la GFP sous le contrôle du promoteur de la GFAP ont confirmé que la population astrocytaire est hétérogène, (Nolte et al, 2001 ; Wallraff et al, 2004), des caractéristiques typiques de ces cellules peuvent être dégagées: une forte expression en GFAP, un corps cellulaire irrégulier avec des prolongements étendus, une faible résistance entrée, un potentiel de membrane très négatif, l’absence de canaux potentiel-dépendants ainsi que la présence sur leur membrane plasmique de systèmes de recapture de neurotransmetteurs. Une caractéristique intéressante des astrocytes est qu’ils sont couplés entre eux par des jonctions GAP et forment un réseau étendu. Les jonctions GAP sont principalement composées de connexines 43 (Dermietzel et al, 1991). Ces jonctions laissent passer des petites molécules comme des ions (Ca2+, K+, Na+,…), des seconds messagers (ATP, IP3, …) et même des métabolites comme le glucose ou le glutamate. Le niveau d’expression et la perméabilité des jonctions GAP sont variables (Wallraff et al, 2004) et peuvent être modulés par différents agents (neurotransmetteurs, Ca2+…) entraînant des changements de propriétés du réseau astrocytaire (Giaume & McCarthy, 1996). L’ensemble de ces données laisse à penser que les astrocytes ne sont pas de simples éléments de soutien pour les neurones mais des cellules cérébrales qui participent activement à la communication et au transfert de l’information au sein des réseaux neuronaux. De nombreuses études sur les astrocytes ont permis de mettre en évidence des interactions fonctionnelles entre les neurones et les astrocytes et de clarifier leur rôle dans le fonctionnement cérébral et notamment dans la modulation des systèmes de neurotransmetteurs.

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2. Excitabilité astrocytaire

Les astrocytes sont capables d'assurer une forme de communication, reposant sur des vagues intracellulaires de Ca2+, et peuvent également libérer certains neurotransmetteurs (appelés gliotransmetteurs). En effet, les astrocytes sont maintenant considérés comme des cellules activables, puisque activés par des messagers intracellulaires ou extracellulaires, ils sont capables de libérer des substances permettant une communication avec les cellules voisines (Bezzi & Volterra, 2001). Cependant les astrocytes ne sont pas capables de générer des potentiels d’actions. L’activation des astrocytes peut provenir des signaux neuronaux et est donc dépendante de neurotransmetteurs ou peut être spontanée et par conséquent indépendante des impulsions neuronales. Observée en premier lieu dans l’hippocampe et le cervelet (Bezzi & Volterra, 2001), il est bien connu maintenant que les astrocytes possèdent sur leur membrane un large nombre de récepteurs et en particulier ceux au glutamate qui ont largement été étudiés (Steinhauser & Gallo, 1996). Les astrocytes peuvent donc être activés par plusieurs neurotransmetteurs tels que le glutamate, le GABA, la dopamine, l’acétylcholine, l’ATP et l’adénosine en autres (Araque et al, 2002 ; Brambilla et al, 2003; Cristovao-Ferreira et al, 2013 ; Khan et al, 2001 ; Zhang et al, 2003 ). Une étude a montré que le glutamate pouvait évoquer une augmentation des concentrations de calcium intracellulaires dans des astrocytes en culture qui se propagent à l’intérieur de la cellule et même dans le réseau d’astrocytes interconnectés (Cornell-Bell et al, 1990). Il a également été montré que l’ATP libéré par les astrocytes eux-mêmes pouvait activer des récepteurs P2Y1 et déclencher des vagues calciques se propageant dans le sincytium astrocytaire jusqu’à environ 100-200 µm en environ 15s en partant du point d’initiation de la vague calcique (Bowser & Khakh, 2007). De plus, d’autres études ont montré qu’une augmentation de calcium intracellulaire dans les astrocytes en culture pouvait également entraîner des augmentations de la concentration en calcium dans les neurones voisins (Nedergaard, 1994; Parpura & Zorec, 2010 ) suggérant une influence bidirectionnelle entre ces deux types cellulaires. Le transfert d’information entre les neurones et les astrocytes est principalement dû à une communication directe par le débordement des neurotransmetteurs de la fente synaptique qui vont aller activer les astrocytes à proximité. L’excitation spontanée des astrocytes, c’est-à-dire leur capacité à générer des vagues calciques indépendamment de l’activité neuronale, est une de leurs propriétés qui a été observée à la fois dans des tranches aigues de cerveau (Parri & Crunelli, 2001) ; (Nett et al, 2002) et in vivo (Hirase et al, 2004). Cette excitation qui provient de la libération du calcium des stocks intracellulaires, est très courante pendant le développement cérébral et semble diminuer quand la formation des circuits neuronaux apparait (Aguado et al, 2002; Nett et al, 2002 ; Parri & Crunelli, 2001 ). De manière importante, il a été montré que l’augmentation de calcium intracellulaire astrocytaire

73 est responsable de la libération de gliotransmetteurs comme le glutamate qui produit une excitation neuronale (Parri & Crunelli, 2001). Ces données changent l'idée commune selon laquelle l'information est générée par les neurones et se propage à travers les circuits neuronaux avant d'atteindre la glie. Les influx calciques à la fois dans les neurones et les astrocytes seraient des sources d’excitation et d’inhibition qui pourraient opérer ensemble pour coordonner les réseaux neuronaux (Aguado et al, 2002). Malgré tout, les évènements biochimiques associés à l’excitation astrocytaire et à la propagation du signal sont probablement plus complexe. Dans des astrocytes en culture, il a été montré que l’ATP pouvait déclencher des vagues calciques qui sont accompagnées de vagues métaboliques, c’est-à-dire de vagues sodiques intracellulaires dues à la recapture de glutamate et qui entraîne une augmentation accrue de l’utilisation du glucose (Bernardinelli et al, 2004). Ceci pourrait suggérer une coordination spatiale et temporelle de l’apport de substrats énergétiques aux neurones en réponse à une activité synaptique localisée ce qui complexifie encore le fonctionnement des astrocytes. D’autre part, peu de choses sont connues concernant l’influence de facteurs environnementaux sur l’activation des astrocytes hormis en culture où il est connu que l’ajout de facteurs de croissance ou de cytokines peuvent induire d’importants changements dans la nature et la propagation des signaux calciques intracellulaires (John et al, 1999; Morita et al, 2003 ). La connaissance de l’impact environnemental sur l’activité astrocytaire pourrait avoir de nombreuses conséquences sur notre vision du rôle probablement très complexe des astrocytes dans le cerveau.

3. Gliotransmission :

Supportant l’idée que les astrocytes participent au traitement de l’information, des études ont montré que ces cellules possèdent des molécules requises pour l’exocytose de neurotransmetteurs (Hepp et al, 1999; Parpura et al, 1995 ). En effet, les astrocytes sont capables de percevoir et surtout d’intervenir directement dans la transmission synaptique en libérant de nombreuses molécules en réponse à une stimulation physiologique. Ces gliotransmetteurs synthétisés et/ou stockés par les astrocytes, induisent des réponses rapides (de l’ordre de la milliseconde à la seconde) chez les cellules voisines et participent à des processus physiologiques (Volterra et Meldolesi, 2005). Parmi les différents types de gliotransmetteurs libérés, beaucoup sont excitateurs comme le glutamate, l’ATP et la D-serine (Bowser & Khakh, 2007; Kozlov et al, 2006; Oliet & Mothet, 2009), pour revue: (Fiacco & McCarthy, 2006). Cependant les molécules inhibitrices classiques sont aussi libérées par les astrocytes et peuvent moduler l’excitabilité neuronale. Certaines études ont suggéré que la glycine et la taurine sont libérées par la glie et agissent comme des molécules

74 neuroactives (Barakat et al, 2002). D’autres expériences ont également révélé une accumulation de GABA et la présence de la GAD67 dans le soma et les prolongements des astrocytes entourant les neurones et les vaisseaux sanguins dans des conditions physiologiques (Blomqvist & Broman, 1988 ; Lee et al, 2011a; Martinez-Rodriguez et al, 1993 ) suggérant la possible libération de ces molécules inhibitrices par les astrocytes. De manière intéressante, des données montrent que les quantités de GABA et de GAD astrocytaires sont régulées dynamiquement et évoluent au cours du développement (Barres et al, 1990; Ochi et al, 1993 ). De manière générale, ces résultats suggèrent qu’il existe un lien étroit entre le système GABAergique astrocytaire et le développement cérébral.

Plus récemment, des études sur des cultures astrocytaires et sur des tranches aïgues de cerveaux ont démontré une libération de GABA par les cellules gliales dans plusieurs régions cérébrales incluant le cervelet, le thalamus, le striatum et l’hippocampe (Jimenez-Gonzalez et al, 2011; Lee et al, 2010 ; Yoon & Lee, 2014 ). Il a été montré que cette libération de GABA d’origine gliale était responsable d’un courant GABAergique tonique dans les neurones (Jimenez-Gonzalez et al, 2011; Lee et al, 2010 ). Dans le thalamus, ce courant tonique semble être dû à une action sur les récepteurs GABAA contenant la sous-unité δ (Jimenez-Gonzalez et al, 2011). Il a aussi été montré que les quantités de GABA astrocytaires sont variables en fonction des régions cérébrales et sont potentiellement corrélées avec l’amplitude du courant tonique enregistrée dans les neurones. Par exemple, les fortes quantités de GABA astrocytaires dans le cervelet sont corrélées avec un fort courant tonique alors que dans l’hippocampe où les quantités sont plus faibles, les neurones pyramidaux affichent un courant tonique moins important (Yoon et al, 2011). Alors que classiquement le GABA est connu pour être synthétisé à partir du glutamate par l’enzyme décarboxylase de l’acide glutamique (GAD), il a récemment été identifié une nouvelle voie de biosynthèse de GABA dans les astrocytes liée à la dégradation des putrescines par l’activité enzymatique de la Monoamine oxidase B (MAOB) (Figure 30). Cette étude a montré que l’inhibition de cette enzyme élimine le courant tonique enregistré dans les neurones du cervelet et les MSNs du striatum. La récupération de l’activité de la MAOB s’accompagne d’une restitution totale du courant tonique (Yoon et al, 2014).

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Figure 30: Voie de synthèse de GABA à partir des putrescines. Les astrocytes peuvent synthétiser du

GABA à partir des putrescines via la monoamine oxydase dans le striatum et le cervelet. PAT: putrescine acetyltransferase; MAOB: monoamine oxidase B; ALDH2: aldehyde deshydrogénase 2. (Yoon & Lee, 2014)

L’ensemble de ces données suggèrent un rôle majeur du GABA d’origine gliale dans l’établissement d’un courant tonique. De manière intéressante, une altération de l’IT est retrouvée dans un certain nombre de pathologies incluant l’épilepsie de type absence, le traumatisme crânien et la maladie de Huntington (Clarkson et al, 2010 ; Pirttimaki et al, 2013 ; Wojtowicz et al, 2013). Il serait capital d’établir un lien entre des changements de courant tonique et des modifications de libération du GABA d’origine gliale dans différentes pathologies où le système GABAergique est dérégulé. Dans cette optique, il est important de noter qu’il se produit une augmentation de GABA libéré par des astrocytes réactifs dans l’hippocampe dans des modèles animaux de la maladie d’Alzheimer ce qui a été mis en lien avec des déficits mnésiques (Wu et al, 2014). D’après ces données, nous pouvons aisément en conclure que le GABA d’origine gliale module l'activité neuronale et a une fonction physiologique très importante.

4. Systèmes de libération de gliotransmetteurs