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2.a La gestion de l’hétérogénéité grâce au plan de travail

Les enseignants interrogés utilisent tous un plan de travail identique sur la forme pour leurs élèves et qui est différencié en fonction de ce qui est inscrit à l’intérieur pour chacun d’entre eux. Ce dispositif permet aux élèves de gagner progressivement en autonomie puisque plusieurs enseignants le font remplir à leurs élèves mais également parce que ces derniers sont la plupart du temps autonomes dans la réalisation de son contenu. Cela rejoint d’ailleurs le point de vue de Meirieu selon lequel la différenciation pédagogique doit accompagner les élèves dans l’ascension vers leur autonomie. Le plan de travail est donc rempli de différentes manières selon les enseignants. Pour certains (E1, E2), cela dépend du degré d’autonomie des enfants qui sont alors plus ou moins accompagnés pour construire leur plan de travail et E1 ajoute d’ailleurs un contrat minimum à respecter pour les élèves qui sont totalement autonomes ; l’enseignante E3 quant à elle utilise le même système de contrat mais il sert à différencier la quantité de travail à réaliser en fonction des capacités des élèves tandis qu’elle les accompagne pour établir le contenu du plan de travail. Certains enseignants (E5, E6) laissent les élèves différencier leur plan de travail de manière totalement autonome tout en mettant en avant différentes pratiques coopératives pour faciliter cette construction (groupes de travail, tuteur pour remplir le plan de travail) ; à l’inverse, E4 construit elle-même les plans de travail de tous ses élèves mais elle nous confie que c’est très énergivore (cela peut s’expliquer par le fait qu’elle débute dans les pratiques coopératives de classe et qu’elle souhaite contrôler la mise en place de chaque dispositif pédagogique spécifique). Quelle que soit la manière de construire le plan de travail, il s’agit pour tous les enseignants de différencier les apprentissages afin de répondre à leur désir de gérer l’hétérogénéité des classes de la meilleure façon possible. Le plan de travail est un dispositif pédagogique qui permet donc de mettre en place ce que les chercheurs appellent une forme de différenciation simultanée sans risquer de provoquer de dispersion car chacun des élèves sait exactement ce qu’il a à faire. Le plan de travail est un dispositif qui différencie la forme sans différencier le fond puisque les élèves choisissent les outils qui sont les plus appropriés pour eux dans un panel d’outils mis à leur disposition mais tous les élèves suivent le même programme d’objectifs (même si certains élèves avancent plus vite que d’autres dans ce programme). Il faut tout de même noter qu’E4 utilise le plan de travail uniquement pour les mathématiques et le français (pour faciliter la mise en place de celui-ci) ; il n’y a en réalité que deux enseignants qui intègrent (ou essayent d’intégrer) toutes les disciplines (E3 et E6) dans le plan de travail. Il faut donc nuancer l’idée que le plan de travail permet de gérer l’hétérogénéité

dans la mesure où celle-ci touche tous les domaines enseignés à l’école élémentaire et pas seulement celles qui sont ciblées par certains plans de travail. La différenciation résulte du fait que les élèves ont une part de choix dans la construction du plan de travail (sauf ceux d’E4) mais également d’avoir la possibilité d’effectuer les différents items dans l’ordre qu’ils souhaitent sur les temps dédiés (tous les enseignants interrogés sauf pour les élèves avec un faible degré d’autonomie chez E1 et E2) tandis que certains enseignants vont jusqu’à laisser la possibilité aux élèves de proposer un projet personnel (E1, E3 et E6). La différenciation pédagogique mise en place lors des plans de travail intervient en grande partie dans la mesure où ce dispositif pédagogique permet aux enfants de ne pas travailler la même chose au même moment ce qui leur permet d’avancer à leur rythme (avantage cité par quatre enseignants sur les six interrogés). Les enseignants interrogés semblent penser en majorité qu’il suffit de laisser aux élèves le temps qui leur est nécessaire pour acquérir les compétences ce qui montre qu’ils croient au postulat d’éducabilité de Philippe Meirieu. Les temps de bilan mis en place par certains enseignants (E1, E3, E4 et E6) accentuent quant à eux l’aspect de différenciation dans la mesure où ces temps permettent aux élèves d’avoir un retour sur individuel sur leur travail. Le but est alors qu’ils puissent progresser en tenant compte des indications de l’enseignant sur ce qui reste à améliorer et la manière dont ils peuvent progresser. Ces temps de bilans permettent d’aller dans le sens de la recherche en intégrant à la différenciation deux aspects majeurs : permettre aux élèves de savoir où ils en sont dans leurs apprentissages mais c’est également l’occasion pour les enseignants de valoriser ce qui est acquis et de montrer aux élèves qu’ils croient en eux pour que ces derniers puissent croire en eux-mêmes.

Le plan de travail a tendance à comporter un aspect très individualisé dans le sens où il permet à chacun de travailler en fonction de ses besoins et à première vue cela se fait totalement indépendamment de ses camarades ; en réalité, il y a de nombreux moyens mis en place qui permettent de garder une part importante de commun au sein de ce dispositif pédagogique, notamment grâce à la coopération qui intervient sous différentes formes. Cela correspond donc à une forme de travail individualisé qui intègre les interactions coopératives afin de mettre en place une véritable personnalisation des apprentissages, cet aspect correspond d’ailleurs au point de vue de S. Connac. Ces deux items (travail individualisé et interactions coopératives) correspondent en effet à deux aspects de la personnalisation. L’outil pédagogique en lui-même est en effet identique pour tous les élèves et, même s’ils ne font pas tous la même chose en même temps, les outils mis à leur disposition sont les mêmes (mêmes disciplines, mêmes ceintures, mêmes manuels, mêmes logiciels…) ce n’est que leur utilisation qui varie d’un élève à l’autre (pas au même niveau de ceinture par exemple). La coopération est l’outil principal qui

permet de conserver un vrai lien entre les élèves pendant les temps de plan de travail, tous les enseignants ont en effet tendance à encourager ces pratiques. La pratique coopérative la plus utilisée par les enseignants interrogés est asymétrique (aide et tutorat), elle est en effet évoquée par tous les enseignants lorsque nous les interrogeons sur la forme de coopération mise en place pendant le plan de travail. Quatre enseignants sur six (E2, E3, E5 et E6) expliquent également que les enfants peuvent s’entraider en effectuant un exercice à plusieurs tandis que deux enseignants (E1 et E6) ont instauré la possibilité pour les élèves de faire des projets en commun pendant les temps de plan de travail. Cela montre que les enseignants sont en accord avec les chercheurs sur le fait que les interactions entre élèves sont fécondes et sources de progression. E1 est un enseignant qui insiste sur l’importance de la personnalisation des apprentissages pour ne pas tomber dans l’individualisation, en soulignant la nécessité de socialisation des savoirs, des difficultés des élèves et du résultat de leur travail. Cet enseignant met donc en place des temps collectifs après les temps de plan de travail afin de faire une mise en commun de ce qui a été fait tandis que E3 et E5 mettent en place ces temps collectifs en amont afin de permettre la découverte des nouvelles notions avant que celles-ci n’apparaissent dans le plan de travail. Cela permet de respecter les indications des chercheurs, et notamment de P. Perrenoud, qui affirment que la différenciation pédagogique ne doit pas occuper la totalité du temps scolaire afin d’apprendre à manier de nouvelles méthodes de travail et ainsi ne pas restreindre leurs possibilités d’actions : cela est d’autant plus vrai que les temps de plan de travail n’occupent que certaines parties de l’emploi du temps. De manière générale, nous pouvons voir que le plan de travail garde au moins un minimum de ‘‘commun’’ grâce aux outils utilisés et au tutorat, qui sont les deux aspects cités par tous les enseignants. Cinq professeurs des écoles sur les six interrogés évoquent également le fait de travailler en groupe pour s’entraider et/ou pour construire des projets à plusieurs et enfin trois enseignants expliquent l’importance des temps collectifs en lien avec les temps de plan de travail (que ceux-ci permettent une découverte de notion ou une mise en commun).